Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/640/2025 du 12.06.2025 ( LCI ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 12 juin 2025
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dans la cause
A______
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC
B______
1. L’association A______ (anciennement C______ ; ci-après : A______), sise à Genève, a été créée en 1980 et est dotée de la personnalité juridique.
À teneur de l’art. 3 de ses statuts, elle a pour but la promotion de l’utilisation quotidienne du vélo comme moyen de transport respectueux de l’environnement en ville et dans le canton Genève, ainsi que plus largement dans la région genevoise. Elle favorise également un usage sûr, rapide et confortable du vélo en revendiquant des itinéraires cyclables sécurisés, directs et continus, des réseaux cyclables coordonnés avec les offres de transports publics, ainsi que des infrastructures et des services encourageant la pratique du vélo.
2. Le 23 novembre 2023, la B______ (ci-après : B______), soit pour elle son mandataire, D______ SA, a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT) une requête en autorisation de construire pour procéder à des travaux d’« aménagements routiers, végétalisation de la berme centrale, suppression de places de stationnement » sur les parcelles no 1______ et J______ du domaine public de la commune de ______[GE].
Ces parcelles sont sises sur le boulevard E______, entre le pont F______ et le G______.
3. La demande susmentionnée, enregistrée sous la référence DD 2______, a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du ______ 2023.
4. Les travaux projetés consistaient à végétaliser la berme centrale du boulevard E______ – actuellement goudronnée – entre le pont F______ et le G______, en augmentant la surface perméable, en rendant leur espace vital aux racines des arbres existants et en plantant de nouveaux spécimens. Ils impliquaient la suppression de 76 places de parcage pour voitures (zone blanche payante et zone bleue macaron) situées sur cette berme centrale et leur remplacement par des cases de stationnement pour deux-roues.
À teneur des plans versés au dossier, les travaux ne concernaient que la berme centrale. Ils n’engendraient aucune modification des voies de circulation, des pistes cyclables ou des trottoirs situés sur le boulevard E______.
5. Dans le cadre de l’instruction de cette requête, l’ensemble des instances consultées, notamment l’office cantonal des transports (OCT), se sont prononcés favorablement au projet, avec ou sans conditions.
6. Par décision du ______ 2024, parue le même jour dans la Feuille d’avis officielle, le DT a accordé l’autorisation de construire sollicitée.
7. Par acte expédié le 17 mai 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause au DT pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais et dépens.
Elle était une association active depuis plus de quarante ans dans le canton de Genève qui se consacrait par pur idéal, soit d’une manière générale et non ciblée sur ses seuls membres, à la protection de l’environnement et à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, notamment en revendiquant des itinéraires cyclables sécurisés, directs et continus. Ces questions relevaient de l’affectation du domaine public et donc de l’aménagement du territoire. Elle disposait par conséquent de la qualité pour recourir contre l’autorisation querellée, ce qui avait déjà été reconnu par les instances judiciaires genevoises (cf. ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020).
L’aménagement du boulevard E______ était soumis à la loi fédérale sur les voies cyclables du 18 mars 2022 (LVC - RS 705) et à la loi sur la mobilité douce du 15 mai 2011 (LMD - H 1 80). Alors que la configuration des lieux aurait permis la réalisation de pistes cyclables conformément à l’art. 2 LMD et à l’art. 6 lit. c LVC, le projet autorisé – qui libérait une partie importante de l’espace dédié aux véhicules motorisés – maintenait les bandes cyclables existantes. À supposer que des pistes cyclables conformes ne puissent être réalisées, ce qui était contesté, le projet aurait dû à tout le moins comporter des aménagements sécurisant la mobilité douce. Rien de tel n’était toutefois prévu, alors que les bandes cyclables existantes n’étaient pas conformes aux normes édictées en la matière.
8. Dans ses observations du 22 août 2024, le DT, soit pour lui l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC), a conclu, à la forme, à l’irrecevabilité du recours et, au fond, à son rejet, avec suite de frais. Il a préalablement sollicité la jonction de la procédure avec la cause A/1826/2024 qui concernait le même complexe de faits et avait pour objet la même décision.
A______ ne disposait pas de la qualité pour recourir, faute d’intérêt digne de protection au sens de l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Elle critiquait en effet les bandes cyclables existantes alors que celles-ci ne faisaient pas l’objet de l’autorisation de construire querellée, laquelle avait pour objet la végétalisation de la berme centrale du boulevard E______, la suppression de places de stationnement et la création de places deux-roues. Il s’ensuivait que la modification ou l’annulation de cette autorisation ne permettrait aucunement de supprimer ou de modifier ces aménagements cyclables ni, par conséquent, d’améliorer la cause de l’association. Celle-ci n’en tirerait donc absolument aucun avantage pratique, de sorte que sa qualité pour recourir devait être niée. Sur le fond, les griefs de A______ concernaient des points qui n’avaient pas fait l’objet de l’instruction du département. Ils excédaient par conséquent le cadre matériel de la cause et étaient irrecevables.
En tout état de cause, les critiques de A______ étaient infondées. Les bandes cyclables existantes étaient conformes à la norme VSS 40 201 qui imposait une largeur minimale de 1.20 mètre. L’art. 2 LMD fixait en outre des objectifs à l’Etat sans pour autant que les administrés puissent en tirer un droit individuel.
9. Dans ses déterminations du même jour, B______ a conclu, principalement, à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais.
Les travaux s’inscrivaient dans le cadre du plan stratégique H______ (ci-après : H______), lequel visait à mettre en œuvre le plan directeur communal « I______ » adopté en 2009 et qui postulait le renforcement de la nature en ville ainsi que la création de nouveaux espaces verts. Le H______ prévoyait notamment la transformation de deux hectares d’espaces imperméables en surfaces végétalisées dans des quartiers densément peuplés ne comportant que peu d’espaces végétalisés. C’était dans ce contexte que le Conseil administratif avait déposé devant le Conseil municipal, en date du ______ 2024, une proposition d’ouverture de crédit de CHF 7'638'500.- destiné, notamment, à la reconversion d’espaces de stationnement en conflit avec des arbres existants sur plusieurs axes, dont le boulevard E______ (3______).
A______ n’avait pas la qualité pour recourir à titre corporatif contre un projet qui ne visait que la transformation de la berme centrale d’une partie du boulevard E______, sans aucune intervention sur les voies de circulation pour véhicules et les pistes cyclables. Elle ne démontrait en effet pas que la majorité de ses membres étaient touchés à titre personnel par la mesure d’aménagement querellée.
Ses griefs relatifs à l’absence de réalisation de pistes cyclables étaient en outre irrecevables dès lors qu’ils concernaient l’opportunité de la décision querellée, à savoir le choix de B______ de limiter le projet au réaménagement de la berme centrale afin de végétaliser l’espace public. Or, le tribunal n’était pas compétent pour examiner cette question. Il en allait de même de l’argument d’une prétendue violation des normes de sécurité. L’autorisation de construire querellée ne concernait en effet pas les voies de circulation du boulevard E______.
Sur le fond, A______ ne démontrait aucune violation de la LVC, de la loi sur la mobilité (LMob - H 1 20) et de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE - H 1 21). Les bandes cyclables existantes répondaient aux exigences du droit fédéral et les lois cantonales susmentionnées ne prescrivaient ni d’obligation ni de délai de réalisation par les autorités. Les normes de sécurité invoquées étaient soit inapplicables, soit respectées.
10. A______ a répliqué le 18 octobre 2024 et persisté dans ses conclusions. Elle ne s’opposait pas à la jonction de la présente procédure avec la cause A/1826/2024. Elle a par ailleurs sollicité « qu’une étude sérieuse soit menée sur l’opportunité que représentait la suppression des places de stationnement à la faveur d’un aménagement sécurisé pour les cyclistes sur cet axe ».
La qualité pour recourir, qui lui était reconnue en vertu de l’art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (L 5 05 - LCI) compte tenu de ses buts statutaires, devait lui permettre de contester des autorisations de construire qui ne prenaient pas en considération les aménagements cyclables devant être effectués dans le cadre de réaménagements urbains conséquents, comme c’était en l’espèce le cas. La chambre administrative avait certes retenu que l’art. 2 LMD ne fixait que des objectifs à l’Etat et que les administrés ne pouvaient en tirer aucun droit individuel. L’arrêt en cause avait toutefois été rendu à l’encontre d’une administrée qui se plaignait de l’absence d’aménagement sécurisé pour les cyclistes sur son parcours quotidien. Or, le présent recours n’était pas dirigé contre une loi ou l’absence d’aménagement conforme à la LMD mais contre une autorisation de construire sujette à recours.
Ses griefs n’étaient pas non plus irrecevables au motif qu’ils relevaient de l’opportunité. La ville avait fait le choix de déposer une requête pour le réaménagement du boulevard E______ ce qui relevait de l’opportunité. Dans ce cadre, elle s’était toutefois bornée à supprimer des places de stationnement afin de préserver la végétation sans étudier toutes les autres possibilités qu’offrait la libération de cet espace, notamment pour la sécurisation des voies de mobilité douce, en violation des objectifs qui lui incombaient en vertu de la LVC et de la LMD. Ce constat valait également pour le DT. Ce faisant, ces autorités avaient commis un excès négatif de leur pouvoir d’appréciation.
La ville et le DT ne pouvaient en outre arguer de l’absence de caractère contraignant des normes VSS dès lors qu’ils se soumettaient à celles-ci pour réaliser leurs aménagements.
11. La ville a dupliqué le 29 octobre 2024 et persisté dans ses conclusions. A______ n’avait pas la qualité pour recourir. La LMD ne lui permettait en outre pas de dicter le contenu du projet querellé. Celui-ci relevait d’un choix en opportunité effectué par le Conseil municipal, dont la proposition de résolution (3______) ne prévoyait que la reconversion des places de stationnement en conflit avec des arbres existants.
12. Le DT a dupliqué le 11 novembre 2024 et persisté dans ses conclusions. Le fait que A______ se soit déjà vu reconnaître la qualité pour recourir dans un précédent arrêt de la chambre administrative n’était pas pertinent dès lors que la qualité pour agir d’une association ne pouvait être appréciée une fois pour toutes. L’association ne pouvait en outre tirer aucun droit individuel des objectifs fixés par la LMD à l’État.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 LPA, ce qu’aucune des parties intimées ne conteste.
3. La recevabilité du recours suppose également que son auteur dispose de la qualité pour recourir (art. 60 LPA) et que les conclusions formulées par celui-ci soient comprises dans le champ matériel de l’objet du litige (cf. arrêts cités ci-après).
4. En l’occurrence, la question de la qualité pour recourir de A______ peut rester indécise compte tenu de ce qui sera exposé ci-après.
5. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/504/2023 2022 précité, ibidem).
Il s’ensuit que l’autorité de recours ne saurait examiner les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/1299/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3b et les arrêts cités).
6. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).
Constitue un excès négatif du pouvoir d’appréciation le fait que l’autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou encore qu’elle renonce d’emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d’appréciation ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/77/2024 du 23 janvier 2024 consid. 3.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 514).
7. À teneur de l’art. 1 al. 1 LMD, les aménagements cyclables et les cheminements piétonniers, regroupés sous le terme mobilité douce, sont développés par l’État et les communes de manière à offrir un réseau complet et sécurisé au service des déplacements des personnes à l’intérieur du canton et avec les régions voisines. L’alinéa 2 de cette même disposition prévoit que le Conseil d’État établit un plan d’actions de la mobilité douce (ci-après : PAMD).
Selon l’art. 2 LMD, au plus tard huit ans après l’adoption du PAMD, l’offre répondant au moins aux objectifs suivants est réalisée par étapes dans tout le canton : des pistes cyclables structurées, continues, directes et sécurisées sont aménagées sur le réseau de routes primaires et secondaires. Pour les sections de routes où une piste ne pourrait être installée, celle-ci est remplacée par une bande cyclable accompagnée d’aménagements sécurisant la mobilité douce (let. a).
L’art. 2 let. a LMD ne confère cependant pas un droit à ce que des aménagements cyclables soient réalisés par l’État. Cette disposition se limite à fixer un objectif à l’administration, lequel ne se transforme pas, par l’écoulement du temps, en un droit individuel justiciable devant les tribunaux (ATA/141/2020 du 11 février 2020 consid. 4, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020).
8. En l’espèce, il n’est pas contesté que les aménagements autorisés en vertu de la décision querellée portent uniquement sur la berme centrale du boulevard E______, plus précisément sur la végétalisation et l’arborisation de cette zone, moyennant la suppression des places de parking pour voitures s’y trouvant, destinées à être en partie remplacées par des cases de stationnement pour deux-roues. Ces aménagements n’impliquent ni de modification du gabarit de la chaussée adjacente, ni de remaniement des voies de circulation s’y trouvant, notamment de celles dévolues aux cyclistes. Ces derniers aspects n’étaient pas inclus dans la demande d’autorisation de construire déposée par B______ et n’ont par conséquent pas fait l’objet de l’instruction diligentée par l’OAC.
Il s’ensuit qu’en tant qu’ils portent sur l’absence de réalisation de voies cyclables adéquates sur la chaussée existante, respectivement sur l’absence de conformité des aménagements cyclables équipant actuellement cette chaussée, les griefs de la recourante sortent du champ matériel et spatial de la décision querellée. Partant, ils ne peuvent, conformément à la jurisprudence susmentionnée, être examinés dans le cadre de la présente procédure, sous peine de violation de la compétence fonctionnelle de l’autorité intimée.
Le raisonnement qui précède ne peut en revanche être transposé au grief de la recourante selon lequel B______, respectivement l’OAC, auraient dû examiner la possibilité de réaliser des pistes cyclables conformes à la loi sur la berme centrale du boulevard E______, une fois celle-ci libérée des places de stationnement pour véhicules existantes. Cette critique reste en effet dans le cadre de la décision attaquée, à savoir le réaménagement de la partie centrale du boulevard précité. Elle est dès lors recevable d’un point de vue matériel.
Ceci étant, l’affirmation de la recourante selon laquelle B______ et l’OAC auraient dû examiner, conformément à leur pouvoir d’appréciation, la possibilité d’améliorer les voies cyclables actuelles dans le cadre de l’élaboration, respectivement le traitement de la demande d’autorisation de construire querellée, revient à revendiquer la réalisation d’aménagements cyclables conformes sur un axe routier n’en disposant prétendument pas. Or, la chambre administrative a statué, dans l’arrêt du 11 février 2020 mentionné ci-avant, qu’aucun droit individuel en ce sens ne pouvait être déduit de l’art. 2 let. a LMD. Sous l’angle des considérations juridiques de cet arrêt, il n’y a pas lieu – contrairement à ce qu’elle soutient – de distinguer la situation de la recourante de celle de la justiciable qui s’était adressée dans cette affaire à la chambre administrative. À cet égard, il faut tout d’abord relever que la justiciable en question avait contesté devant cette juridiction un refus de constater le caractère illicite de l’absence d’aménagements cyclables sur son trajet habituel, ce qui revenait par la même occasion à refuser la création de tels aménagements sur demande de l’intéressée. Le fait que ce litige ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une autorisation de construire ne change rien au fait que l’autorité s’était prononcée, comme dans le cas présent, par une décision écartant la création d’aménagements cyclables au sens de l’art. 2 let. a LMD. Ensuite, le fait qu’en l’occurrence la recourante est une association qui défend dans un but idéal la défense des intérêts de ses membres, n’empêche pas de pouvoir transposer à la présente procédure les développements juridiques de l’ATA susmentionné, qui souligne notamment que l’art. 2 LMD précise lui-même, sans fixer de délai précis, que les objectifs qui y sont décrits seront réalisés par étapes et que ces objectifs ne se transforment pas, par écoulement du temps, en un droit individuel justiciable devant les tribunaux (ATA/141/2020 précité, consid. 4). En dehors du droit de nature purement procédurale dont elle peut disposer pour contester certaines décisions en justice au nom d’intérêts publics correspondant à ses buts statutaires, une association ne dispose pas, sur le plan matériel, de plus de droits que ceux que la loi accorde à l’ensemble des administrés entrant dans son champ d’application, sauf disposition expresse de la loi. En l’occurrence, la recourante ne prétend pas que la LMD la rendrait titulaire, sur le plan matériel, de droits particuliers. Par conséquent, le constat de la chambre administrative au sujet du fait qu’aucun droit individuel justiciable ne peut être déduit de l’art. 2 LMD s’applique également à la recourante.
À cela s’ajoute que cette dernière n’a pas soumis préalablement ses prétentions à l’autorité intimée afin que celle-ci se prononce à leur sujet dans le cadre de l’autorisation de construire entreprise. Or, en l’absence de décision préalable de l’OAC sur cette question, le tribunal de céans n’est, en tout état de cause, pas habilité à se prononcer sur cette question.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
9. Compte tenu de l’issue du litige, il ne se justifie pas d’ordonner la jonction (art. 70 al. 1 LPA) de la présente procédure avec la cause A/1826/2024, quand bien même celle-ci a également pour objet l’autorisation de construire DD 2______.
10. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, sera condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 17 mai 2024 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
2. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
3. ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Diane SCHASCA, Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |