Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1088/2024 du 06.11.2024 ( LCR ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 6 novembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Brice Van ERPS, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES
1. Monsieur A______ est titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B depuis le 24 septembre 2010 et A1 depuis le 1er janvier 2013.
2. Selon un procès-verbal de dénonciation établi par la police cantonale vaudoise le 3 juillet 2023, le 20 mai 2023 à 23h17, le véhicule immatriculé GE 1______ a été contrôlé sur l’autoroute A9 à une vitesse de 96 km/h alors que la vitesse était limitée à 60 km/h, soit un dépassement de 33 km/h, marge de sécurité déduite.
3. B______, propriétaire de la voiture, a informé la police cantonale vaudoise que le conducteur du véhicule était M. A______, le véhicule lui ayant été loué.
4. Par ordonnance pénale du 18 août 2023, le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a déclaré irrecevable l’opposition interjetée par M. A______ contre l’ordonnance de la Préfecture de Lavaux-Oron du 11 juillet 2024 le condamnant à une amende de CHF 600.- pour violation des règles de la circulation routière, et a déclaré ladite ordonnance exécutoire.
5. Par courrier du 24 avril 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ de l’ouverture d’une procédure administrative suite à l’infraction du 20 mai 2024.
Un délai de quinze jours lui était octroyé pour transmettre ses observations.
6. M. A______ n’a pas transmis d’observations.
7. M. A______ ne s’étant pas acquitté de l’amende infligée par la Préfecture de Lavaux-Oron, cette amende a été convertie en 6 jours de peine privative de liberté de substitution par ordonnance pénale de conversion du 6 mai 2024.
8. Par décision du 17 mai 2024, l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée indéterminée, minimum deux ans, nonobstant recours.
Il a retenu un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 33 km/h, marge de sécurité déduite, le 20 mai 2023 à 23h17 sur l’autoroute A9 au volant d’une voiture.
M. A______ ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation puisqu’il avait fait l’objet d’un avertissement prononcé le 18 août 2011, d’un retrait de permis prononcé le 7 avril 2016 pour une durée de trois mois en raison d’un infraction grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 6 septembre 2016, d’un retrait de permis prononcé le 18 janvier 2022 pour une durée d’un mois en raison d’une infraction moyennement grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 17 avril 2022 et d’un retrait de permis prononcé le 13 juillet 2022 pour une durée de six mois en raison d’une infraction grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 12 mars 2023.
Il s’agissait d’une infraction moyennement grave.
Il ordonnait qu’une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite fût réalisée par un psychologue du trafic ; lors de la demande de récupération du droit de conduire, le rapport d’expertise ne devait pas dater de plus de six mois.
9. M. A______ a déposé son permis de conduire le 21 mai 2024 auprès de l’OCV.
10. Le 28 mai 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a sollicité de l’OCV la reconsidération de sa décision du 17 mai 2024.
Il avait été dénoncé pour l’infraction du fait qu’il était le locataire du véhicule immatriculé GE 1______. Il avait fait opposition à l’ordonnance pénale mais celle-ci avait été déclarée irrecevable.
Il avait transmis à l’OCV, par courriel du 21 mai 2024 à 19h39 un courrier non daté et reçu à sa demande par courriel de la part de Monsieur D______, domicilié au Kosovo, s’incriminant de l’infraction en cause. Les photographies du radar permettaient de passablement identifier le conducteur, suffisamment à tout le moins pour exclure qu’il fût le conducteur.
Enfin, il venait de retrouver un emploi, lequel nécessitait l’utilisation du véhicule de son employeur.
11. Le même jour, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision de l’OCV du 28 mai 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement et sur mesure provisionnelle à la restitution de l’effet suspensif au recours et, au fond, à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.
Il avait été sans emploi pendant une longue période et avait retrouvé du travail en février 2024, dans le cadre duquel il avait besoin de conduire un véhicule à moteur. Il était important pour lui de maintenir sa pleine capacité de travail dont dépendait le statut administratif de sa famille - ayant reçu une décision de l’office cantonal de la population et des migrations refusant de renouveler son autorisation de séjour, ainsi que celle de sa femme et ses enfants, laquelle faisait l’objet d’un recours. L’interdiction de conduire provoquait ainsi une ingérence dans sa sphère privée allant au-delà d’une simple atteinte à sa capacité financière. Par ailleurs, la production des aveux manuscrits du conducteur effectif du véhicule lors de l’infraction, obtenus postérieurement à la réception de la décision querellée et à la procédure pénale, devait entrer en ligne de compte dans la pesée des intérêts en vue de la restitution de l’effet suspensif. Enfin, la décision attaquée ne faisait pas état de motifs convaincants qu’il constituerait effectivement un danger pour la circulation routière. L’effet suspensif devait ainsi être restitué.
Sur le fond, il indiquait ne pas être le conducteur du véhicule au moment de l’infraction et les faits retenus dans la procédure pénale devaient être relativisés puisque la Préfecture de C______ (Vaud) n’avait pas connaissance des aveux du conducteur effectif lors du prononcé de son ordonnance pénale.
12. L’OCV s’est déterminé sur la requête en restitution de l’effet suspensif le 6 juin 2024, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il se justifiait en principe de refuser l’effet suspensif dans le cas du retrait de sécurité, de sorte que lorsqu’il existait des présomptions suffisantes que le conducteur ne remplissait plus les conditions posées pour l’obtention du permis de conduire, la mesure de retrait devait être exécutée immédiatement, quitte à ce qu’elle fût reportée par la suite s’il s’avérait, après enquête ou expertise qu’elle n’était pas ou plus justifiée. En l’espèce, la mesure prononcée constituait un retrait de sécurité pour inaptitude caractérielle irréfragablement présumée, le recourant ne justifiant pas d’une bonne réputation vu ses infractions antérieures.
En outre, il n’avait pas contesté le prononcé pénal ni épuisé les voies de recours pénales à sa disposition. Il ne lui était plus possible de revenir sur les faits constatés dans le cadre de la procédure pénale par-devant lui, étant lié par les constatations de fait d’un jugement pénal entré en force.
Les pièces produites ne portaient par ailleurs pas conviction et le contrat de travail produit n’indiquait pas l’utilité professionnelle du permis de conduire.
13. Le recourant a répliqué le 17 juin 2024 et a produit une attestation de son employeur laquelle indiquait que le recourant pouvait avoir à se rendre, indépendamment, sur différents chantiers en une journée ; il devait pour cela avoir l’outillage et le matériel nécessaires. Sans son permis de conduire, il n’avait pas pu travailler sur certains chantiers, ce qui avait causé des problèmes de retard et des difficultés. Le recourant avait été informé que cela ne pouvait pas continuer.
14. Par décision du 21 juin 2024 (DITAI/364/2024), le tribunal a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.
15. L’OCV s’est déterminé sur le fond le 18 juillet 2024, concluant au rejet du recours.
Le recourant ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation.
L’autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire était liée par les constatations de fait d’un jugement pénal entré en force. Dans cette situation, la personne impliquée était tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition ; elle ne pouvait attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments. En l’espèce, l’opposition à l’ordonnance pénale avait été déclarée irrecevable et le recourant n’avait pas recouru contre cette irrecevabilité : il avait donc en pleine connaissance de cause accepté sa condamnation pénale. Dès lors, il n’était en principe plus possible de revenir sur les faits constatés dans le cadre de la procédure administrative, étant précisé que les pièces produites par le recourant dans la présente procédure n’emportait pas sa conviction.
16. Le recourant a répliqué le 13 août 2024, persistant intégralement dans les termes de son recours.
Il sollicitait son audition, ce qui permettrait au tribunal d’apprécier si besoin était qu’il n’était pas l’auteur de l’infraction en cause.
Il avait échoué à former opposition à la condamnation pénale et ne disposait d’aucun motif fondant une restitution de délai ; un recours contre la décision d’irrecevabilité ne lui aurait été d’aucun secours.
17. L’OCV a informé le tribunal, par pli du 27 août 2024, ne pas avoir d’autres observations à formuler.
18. Le tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 16 septembre 2024.
a. Le recourant a expliqué n’avoir loué qu'à une seule reprise une voiture chez B______, soit le 20 mai 2023 car sa voiture était en panne. Il ignorait s’il avait été autorisé à prêter le véhicule de location, mais ne pensait pas qu'il y avait une assurance pour un tiers conducteur. Il avait fait opposition à l'ordonnance pénale car il n’était pas le conducteur de la voiture : il s'engageait à transmettre au tribunal une copie de ladite opposition, après l'avoir sollicitée auprès du tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois.
Il avait prêté la voiture à M. D______ le jour de la location car il l'avait aidé avec sa voiture en panne et lui avait indiqué qu'il avait besoin d'un véhicule pour se rendre à Lausanne ; il lui avait rendu la véhicule le lendemain à 16h00. M. D______ était un ami qui était simplement venu en Suisse voir des amis à lui ; il le connaissait du Kosovo et il ne venait pas souvent en Suisse. Il avait rempli le formulaire dans lequel il avait indiqué ne pas être le conducteur lors de l'infraction du 20 mai 2023 : il allait rechercher copie dudit formulaire.
Il ne pouvait pas indiquer pourquoi il n’avait pas répondu au courrier de l'OCV du 24 avril 2024 ; c'était une erreur de sa part. Il allait produire copie des courriels échangés avec l'OCV : il se pouvait qu'il n'y en eut pas avant le 21 mai 2024.
Il s’engageait à produire devant le tribunal une attestation certifiée conforme signée par M. D______, soit devant un notaire, soit devant la police.
Il confirmait avoir payé l'amende de CHF 600.- et s’engageait à produire la quittance de paiement. M. D______, par le truchement de son cousin dont il ignorait les coordonnées, lui avait remboursé l'amende.
Il a confirmé qu’il ne conduisait pas le véhicule : avec ce retrait de permis, il risquait de perdre mon travail.
Depuis sa dernière infraction de 2022, il n'avait plus commis d'excès de vitesse.
b. La représentante de l’OCV a indiqué ne pas avoir reçu copie du formulaire sur lequel le recourant avait indiqué ne pas être le conducteur de la voiture.
Il lui apparaissait adéquat d'avoir également une preuve du passage de M. D______ en Suisse (billet de train ou d'avion, preuves d'achat quelconque à Genève, etc.) au moment de l'infraction.
En l'état, l'OCV n'était pas disposé à restituer l'effet suspensif au recours et maintenait sa décision.
Elle a encore précisé que la signature de M. D______ sur l'attestation ne correspondait pas à celle sur le permis de conduire.
Au terme de l’audience, le tribunal a imparti un délai au 30 septembre 2024 au recourant pour produire les pièces indiquées lors de l’audience, ainsi que l'identité et les coordonnées complètes du cousin de M. D______, dont il avait fait mention.
19. Le recourant a sollicité, le 30 septembre 2024, une prolongation du délai pour produire les pièces requises et sollicité l’audition de Monsieur E______ qui, à teneur des dires de M. D______, était la personne qui lui avait versé l’argent en cause.
20. Dans le délai prolongé, le recourant a indiqué, le 11 octobre 2024 ne pas avoir reçu les documents, et ainsi sollicité une nouvelle prolongation du délai d’une semaine.
21. Le tribunal a prolongé une seconde fois le délai, au 21 octobre 2024.
22. Le recourant n’a à ce jour rien transmis.
23. Le détail des pièces produit sera repris dans la partie « EN DROIT » dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce (art. 61 al. 2 LPA).
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole les principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).
4. Le recourant conteste ensuite être l’auteur de l’infraction pour laquelle il a été condamné. Il sollicite l’audition de M. F______, lequel serait, selon les dires de M. D______, la personne qui lui aurait remis le montant de l’amende.
5. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Il n'implique toutefois pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140).
Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
6. Les autorités administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne peuvent en principe pas s'écarter des constatations de fait d'une décision pénale entrée en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 109 Ib 203 consid. 1 ; 96 I 766 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
7. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; 123 II 97 consid. 3c/aa ; 119 Ib 158 consid. 3c/aa ; 105 Ib 18 consid. 1a ; 101 Ib 270 consid. 1b ; 96 I 766 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, elle est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition ; elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2012 du 28 juin 2012 consid. 2.1 ; 1C_502/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 ; 1C_274/2010 du 7 octobre 2010 consid. 2.1 ; ATF 123 II 97 consid. 3c/aa ; 121 II 214 consid. 3a ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/576/2011 du 6 septembre 2011 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011). Dans cette mesure, lorsque la qualification juridique d'un acte ou la culpabilité est douteuse, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale soit achevée par un jugement entré en force (ATA/172/2012 du 27 mars 2012).
8. Ce principe s'applique non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, en principe, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, par exemple si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police (arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
9. Le fait d’avoir manqué de faire opposition à une ordonnance pénale pour tardiveté, quelles que soient les raisons du retard, n’est pas un motif permettant à l’autorité administrative de s’en écarter (ATA/551/2018 du 5 juin 2018).
10. En l’espèce, le recourant a été condamné par ordonnance pénale du 11 juillet 2023 pour avoir commis un dépassement de vitesse autorisée de 33 km/h, marge de sécurité déduite, sur l’autoroute. L’opposition déposée à l’encontre de cette ordonnance a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté. Aucune copie de l’opposition n’a été transmise au tribunal, permettant de confirmer les motifs de ladite opposition. L’ordonnance pénale du 11 juillet 2023 est ainsi entrée en force et peut être assimilée à un jugement en force.
Contrairement à ce qu’a affirmé le recourant en audience, il ne s’est pas acquitté de cette amende puisqu’elle a été convertie en jours-amende par ordonnance pénale de conversion du 6 mai 2024.
Le recourant a produit la copie d’un document rédigé à la main et signé, et comportant la copie du permis de conduire de M. D______. Il y est indiqué que M. D______ déclare sur l’honneur avoir été le conducteur de la voiture lors de l’infraction. Cette pièce n’est toutefois pas probante pour retenir qu’il était effectivement le conducteur de la voiture au moment de l’infraction dans la mesure où son authenticité n’est aucunement prouvée, qu’aucun élément ne permet de savoir dans quelles circonstances ce document a été rédigé et aucune preuve de la présence de cette personne en Suisse au moment des faits n’a été apportée. Par ailleurs, la signature du document et celle figurant sur le permis de conduire ne semblent pas identiques. Malgré ses engagements en audience, le recourant n’a pas fourni les pièces complémentaires sollicitées permettant, selon lui, de prouver à satisfaction de droit que c’était effectivement M. D______ qui avait commis l’infraction, que ce dernier était donc bien en Suisse au moment de l’infraction, qu’ avait pour sa part rempli le formulaire indiquant ne pas être le conducteur et avoir fait valoir ces éléments dans le cadre de son opposition à l’ordonnance pénale du 11 juillet 2023. Dans ces circonstances, l’audition de M. F______, dont on ignore précisément qui il est et quel argent il aurait remis au recourant puisque ce dernier ne s’est pas acquitté de l’amende, n’est d’aucune utilité et son audition ne sera dès lors pas ordonnée.
Partant, rien ne permet au tribunal de céans de remettre en cause le contenu de l’ordonnance pénale du 11 juillet 2023 reconnaissant le recourant coupable de l’infraction du 20 mai 2023. Par conséquent, c’est à juste titre que l’OCV ne s’est pas écarté du jugement pénal en retenant que le recourant était bien le conducteur de la voiture louée et l’auteur de l’infraction pour laquelle il avait été condamné.
11. Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).
12. Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet une infraction moyennement grave, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Commet en revanche une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.
13. Le législateur conçoit l'art. 16b al. 1 let. a LCR comme l'élément dit de regroupement. Cette disposition n'est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR. Ainsi, l'infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2 ; 135 II 138 consid. 2.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.1 ; 6A.16/2006 du 6 avril 2006 consid. 2.1.1).
14. L'art. 16c al. 2 let. a LCR prévoit qu'après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum.
Ainsi que cela ressort notamment de la formulation de l'art. 16 al. 2 LCR (« une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait ») et de l'art. 16c al. 2 LCR (« le permis de conduire est retiré »), le retrait du permis de conduire est une mesure obligatoire, qui, dès que ses conditions légales sont remplies, doit être ordonnée par l'autorité, laquelle ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation à cet égard et ne saurait dès lors, par exemple, prononcer des sanctions de substitution à l'encontre du conducteur fautif, d'autant plus si celles-ci ne sont pas prévues par la loi.
15. De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic (ATF 132 II 234 consid. 3.1.). Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l’excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d’autoroute, etc. (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 et les références citées).
Le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (arrêt 6B_444/2016 du 3 avril 2017 consid. 1.1).
16. Après une infraction moyennement grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré : pour une durée indéterminée, mais pour 2 ans au minimum si, au cours des 10 années précédentes, le permis a été retiré à trois reprises en raison d'infractions qualifiées de moyennement grave au moins ; il est renoncé à cette mesure si, dans les 5 ans suivant l'expiration d'un retrait, aucune infraction donnant lieu à une mesure administrative n'a été commise (art. 16b al. 2 let. e LCR).
17. En l’espèce, au vu de la jurisprudence citée, l’infraction commise par le recourant a été qualifiée à juste titre de moyennement grave par l’OCV.
Le recourant ne peut justifier d’une bonne réputation puisqu’il a fait l’objet d’un avertissement prononcé le 18 août 2011, d’une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger le 7 avril 2016 pour une durée de trois mois en raison d’une infraction moyennement grave - mesure dont l’exécution a pris fin le 6 septembre 2016 - d’un retrait de son permis de conduire le 18 janvier 2022 pour une durée d’un mois en raison d’une infraction moyennement grave - mesure dont l’exécution a pris fin le 17 avril 2022 - et d’un retrait de son permis de conduire le 13 juillet 2022 pour une durée de six mois en raison d’une infraction grave - mesure dont l’exécution a pris fin le 12 mars 2023.
Dans lors qu'au cours des dix années précédentes, le permis de conduire du recourant a été retiré à trois reprises en raison d'infractions qualifiées de graves et de moyennement graves, les conditions de l'art. 16b al. 2 let. e LCR sont remplies et un retrait d'une durée indéterminée, mais pour deux ans au moins devait être prononcé.
En ayant opté pour la durée minimale du retrait, aucune pesée des intérêts ne peut être effectuée permettant la prise en considération de circonstances tels les besoins professionnels du recourant, le Tribunal fédéral ayant, de jurisprudence constante, rappelé qu’aucune dérogation n’était possible (ATF 132 II 134, consid. 2.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_216/2009 précité, consid. 6).
18. Ne reposant sur aucun motif valable, le recours sera rejeté.
19. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 750.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 17 mai 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Monsieur A______, un émolument de CHF 750.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |