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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3562/2023

JTAPI/1058/2024 du 29.10.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DÉDUCTION SOCIALE(DOUBLE IMP.);PERSONNE PROCHE;DOMICILE À L'ÉTRANGER;DETTE ALIMENTAIRE
Normes : LIFD.35.al1.letb; LIPP.39.al1.leta; LIPP.39.al2.letc
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3562/2023 ICCIFD

JTAPI/1058/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Mme Blerta TOLAJ, Syndicat SIT, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) est domicilié à Genève et imposé à la source.

2.             Au mois de mars 2023, il a remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) ses déclarations fiscales 2021 et 2022, sans déclarer ni charge de famille, ni cotisations AVS, ni frais médicaux.

3.             Des bordereaux de taxation pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : l’ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : l’IFD) lui ont été notifiés le 22 mars 2023 pour l’année fiscale 2021, puis le 12 mai 2023 pour l’année fiscale 2022.

4.             Par courrier du 18 avril 2023, le contribuable a formé réclamation à l’encontre de ses bordereaux de taxation 2021. Il a reproché à l’AFC-GE de n’avoir pris en compte ni ses cotisations AVS, ni la charge de son père, Monsieur B______, né en 1937 et domicilié à C______ en République de Serbie, qu’il soutenait financièrement. Il demandait également à l’AFC-GE de compléter sa déclaration fiscale 2022 sur ces points car celle-ci avait été mal remplie par son mandataire.

5.             Le 23 mai 2023, le contribuable a formé réclamation à l’encontre de ses bordereaux de taxation 2022 au guichet de l’AFC-GE, en se référant au contenu de son courrier du 18 avril 2023.

6.             Par décisions sur réclamation des 1er et 13 septembre 2023, l’AFC-GE a rectifié les taxations 2021 et 2022 du contribuable en admettant en déduction ses cotisations AVS et ses frais médicaux. Elle a en revanche rejeté ses réclamations en tant qu’elles tendaient à l’admission d’une charge de famille pour le soutien apporté à son père. Elle a fait valoir que les versements n’étaient pas effectués directement en faveur du précité.

7.             Dans un premier courrier daté du 19 septembre 2023 se rapportant à la période fiscale 2021, le contribuable a reproché à l’AFC-GE de ne pas avoir admis que son père représentait une charge de famille. Il a expliqué qu’il effectuait les versements par le biais du système de transfert D______. Comme son père était très âgé et fortement limité dans ses déplacements, il effectuait les transferts en faveur de son frère, E______, lequel se chargeait de récupérer l’argent pour leur père.

8.             Dans un second courrier daté du même jour se rapportant à la période fiscale 2022, le contribuable a rappelé à l’AFC-GE qu’il avait déposé une réclamation à l’encontre de sa taxation 2022. N’ayant pas encore reçu de réponse à ce sujet, il priait l’AFC-GE de tenir compte des explications susmentionnées concernant les versements effectués en faveur de son père.

9.             Par courriers du 5 octobre 2023, l’AFC-GE a indiqué au contribuable avoir déjà statué sur ses réclamations 2021 et 2022 en date des 1er et 13 septembre 2023. Elle le priait dès lors de lui indiquer si ses courriers du 19 septembre 2023 devaient être considérés comme des recours, auquel cas elle les transmettrait au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

10.         Par courrier du 17 octobre 2023, le contribuable a demandé à l’AFC-GE de considérer les courriers susmentionnés comme des recours.

A l’appui de ses prétentions, il a notamment produit :

-          Un décompte de D______ SARL (ci-après D______), sise à Genève, à teneur duquel il avait procédé à 21 transferts d’environ CHF 1'000.- chacun, représentant une somme totale de CHF 7'900.- pour l’année 2021 et de CHF 13'083.- pour l’année 2022. 20 transferts avaient été effectués à destination de C______ en République de Serbie en faveur de son frère E______ (18 transferts) et de son neveu F______ (deux transferts). Un transfert avait été effectué à destination de Gjilan au Kosovo – située à 84 kilomètres de C______ – en faveur de E______.

-          Deux formulaires de déclarations d’entretien (« Unterhaltserklärung ») pour les années 2021 et 2022, rédigés en serbe et en allemand, datés du 13 septembre 2023, portant le timbre humide de la municipalité de C______ et la signature du père du contribuable, ainsi que leur traduction libre en français.

Contrairement aux indications du contribuable selon lesquelles il s’agissait d’une attestation de l’administration fiscale serbe, les formulaires susmentionnés sont édités par l’administration fiscale allemande (disponibles sur le site web du ministère des finances de la République fédérale d’Allemagne à l’adresse https://esth.bundesfinanzministerium.de/esth/2021/C-Anhaenge/Anhang-03/I/inhalt.html) et permettent aux contribuables allemands de solliciter la déduction des montants versés à titre d’entretien aux proches parents domiciliés à l’étranger.

A teneur de ces formulaires, le contribuable déclarait envoyer de l’argent à son père, domicilié à G______ en République de Serbie et vivant en ménage commun avec son frère E______. Le père du contribuable, dont la signature figurait également sur ces formulaires, confirmait pour sa part qu’il recevait l’argent que lui envoyait le contribuable par l’intermédiaire de D______ GMBH, sise ______[GE]. Les fonds étaient été adressés à son fils E______ qui faisait ménage commun avec lui et qui se chargeait de récupérer l’argent pour son compte dès lors qu’il ne pouvait pas se déplacer pour raisons de santé.

-          Une attestation rédigée en serbe, signée par le père du contribuable, portant le paraphe et le timbre humide de Me H______, avocat à C______, accompagnée d’une traduction certifiée conforme en allemand et d’une traduction libre en français.

A teneur de ce document, le père du contribuable déclarait, « sous serment matériel et pénal complet », être né le ______ 1937, domicilié à G______ et porteur d’une carte d’identité n. 1______ valable jusqu’au 13 novembre 2025. Il était une personne nécessiteuse, n’était pas en capacité de travailler et ne percevait ni rente, ni revenu d’une quelconque nature. Il recevait les moyens nécessaires à sa subsistance de son fils A______ qui travaillait en Suisse et vivait à Genève. Celui-ci lui versait les montants qui lui étaient destinés par le biais de l’agence D______. Conformément à son autorisation, l’argent était récupéré par son fils E______ qui le lui remettait. Il n’était en effet pas en mesure de le faire personnellement pour raisons de santé.

-          Une attestation signée par Me I______, notaire à C______, munie du sceau officiel de ce dernier, datée du 13 septembre 2023 et accompagnée d’une traduction certifiée conforme en allemand et d’une traduction libre en français.

Me I______ y confirme que M. B______, né le ______ 1937, domicilié à G______ et porteur d’une carte d’identité n. 1______, « a, en présence du notaire public […], personnellement rédigé ce document. […] Le document a été rédigé sur ordinateur et se compose d’une page, certifiée conforme en une copie pour l’usage du demandeur et une copie [pour] le notaire. Le notaire, en certifiant ce document, atteste la signature et n’est pas responsable de son contenu. ».

-          Deux attestations de la caisse de pension du père du contribuable à teneur desquelles celui-ci avait perçu des rentes s’élevant au total à 119'178 dinars serbes en 2021, soit CHF 1'013.- (1 dinar serbe = 0.0085 CHF selon le cours mensuel moyen publié par l’administration fédérale des contributions pour le mois de décembre 2021) et à 127'619.- dinars serbes en 2022, soit CHF 1'161.- (1 dinar serbe = 0.0091 CHF selon le cours mensuel moyen publié par l’administration fédérale des contributions pour le mois de décembre 2022).

11.         Dans sa réponse du 20 décembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet des recours.

Il résultait de la jurisprudence rendue en matière de charges de famille que lorsque la personne bénéficiaire ne se trouvait pas en Suisse, la preuve de sa dépendance financière et des sommes versées à l’étranger était soumise à des conditions particulièrement strictes. En l’occurrence, le contribuable n’avait produit aucun document établissant le montant des revenus de son père pour l’année 2021. Le document portant sur l’année 2022 était quant à lui « discutable ». Le contribuable n’avait pas non plus fourni un accusé de réception signé par son père, accompagné d’un document établi par une autorité, attestant que celui-ci avait bien reçu les versements effectués en 2021 et 2022 et indiquant le montant de ces derniers. Sur ce point, l’attestation de l’avocat n’était pas probante. Le contribuable ne pouvait dès lors être mis au bénéfice d’une charge de famille pour son père domicilié en Serbie.

12.         Par courrier du 22 janvier 2024, le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs s’est constitué pour la défense des intérêts du contribuable et a sollicité l’octroi d’un délai supplémentaire pour déposer une réplique.

13.         Dans sa réplique du 12 février 2024, le contribuable a persisté dans ses conclusions tendant à l’annulation des décisions sur réclamation de l’AFC-GE pour les années fiscales 2021 et 2022, et à l’admission d’une déduction pour charges de famille à hauteur de CHF 7'900.- pour l’année fiscale 2021 et de CHF 13'682.- (recte : 13'083.-) pour l’année fiscale 2022.

Il a préalablement sollicité la comparution personnelle des parties et la condamnation de l’AFC-GE aux frais de la procédure.

Il estimait avoir prouvé par pièces la prise en charge effective de son père à l’étranger ainsi que l’indigence de ce dernier.

14.         Par duplique du 11 avril 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Le contribuable se fondait sur des traductions libres effectuées par un traducteur non identifié et au caractère fort approximatif. Certains textes avaient d’abord été traduits du serbe vers l’allemand puis de l’allemand vers le français. Le document provenant de l’administration fiscale serbe ne constituait ni une déclaration fiscale ni une taxation, mais une « demande de déduction fiscale des versements effectués » en faveur du père du contribuable. Ces documents étaient dès lors dénués de valeur probante. L’affirmation selon laquelle le frère du contribuable ne contribuait pas à l’entretien de son père, bien que vivant avec ce dernier, n’était pour le surplus pas convaincante.

L’AFC-GE s’opposait par ailleurs à l’audition du contribuable, dès lors que celui-ci s’était déjà exprimé par écrit.

15.         Le contribuable a encore déposé des observations le 8 mai 2024. Il s’étonnait que l’AFC-GE s’oppose à son audition au motif qu’elle serait inutile, alors que certains éléments factuels n’étaient pas assez clairs à ses yeux. Il était également surprenant qu’elle qualifie le document de l’administration fiscale serbe de demande de déduction fiscale alors qu’il n’était pas assujetti à l’impôt en Serbie.

La question de la prise en charge de son père par son frère n’était pour le surplus pas pertinente, dès lors que la subsidiarité dans la prise en charge d’un proche n’était pas une condition d’admission de la charge fiscale. Son frère souffrait par ailleurs de surdité depuis sa naissance et était au bénéfice d’une rente d’invalidité comme le démontrait l’attestation du fonds républicain pour l’assurance invalidité et vieillesse jointe en annexe. Il n’avait dès lors jamais intégré le marché du travail.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant l’AFC-GE, qui l’a transmis d’office au tribunal conformément à l’art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les recours sont recevables au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le litige a trait à la charge de famille pour proche nécessiteux domicilié à l’étranger requise par le contribuable pour son père dans le cadre de ses taxations ordinaires 2021 et 2022.

4.             Le recourant conclut préalablement à ce que la comparution personnelle des parties soit ordonnée.

5.             Le droit d’être entendu, tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; ATF 134 I 140 consid. 5.3).

6.             En l’espèce, le recourant a eu l’occasion, tout au long de la procédure, d’exposer ses arguments et de produire des pièces. L’opportunité de s’exprimer lui a ainsi été donnée. A cela s’ajoute que l’on ne voit pas quelles informations complémentaires il pourrait apporter au moyen de son audition, que la procédure écrite l’aurait empêché d’exposer. Ce raisonnement est également valable s’agissant de l’audition d’un représentant de l’AFC-GE.

Au vu de ce qui précède, il ne sera pas donné suite à l’offre de preuve du recourant.

7.             En matière de déductions sociales, l’art. 35 al. 1 let. b LIFD prévoit, dans sa teneur pour les années fiscales en cause, que sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d’exercer une activité lucrative, à l’entretien de laquelle le contribuable pourvoit, à condition que son aide atteigne au moins ce montant.

8.             En matière d’ICC, est déduit du revenu net annuel un montant de CHF 13'000.- notamment pour chaque ascendant incapable de subvenir entièrement à ses besoins et qui, pour les années fiscales 2021 et 2022, n’a pas une fortune supérieure à CHF 88'776.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15'557.- (charge entière) ou à CHF 23'335.- (demi-charge). La déduction est limitée aux dépenses effectivement encourues et au maximum à CHF 13'000.- (art. 39 al. 1 let. a et al. 2 let. c de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

9.             La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés à l’art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d’une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d’occuper un emploi rémunéré ou d’avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux. Cette interprétation respecte l’exigence de stabilité voulue par le législateur : elle limite les déductions accordées aux contribuables à des situations bien précises, en ne prenant en compte que les particularités propres aux personnes en situation de besoin. Ce faisant, elle évite la survenance de situations arbitraires et choquantes, du fait des subtilités de la loi fiscale (ATA/217/2016 du 8 mars 2016, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 5 et 6).

10.         Comme il appartient au contribuable de prouver les faits diminuant ou supprimant la dette fiscale (cf. not. ATF 140 II 248 consid. 3.5), il lui incombe d’établir la situation d’indigence de la personne soutenue et, dès que celle-ci ne fait pas ménage commun avec lui, de prouver le versement effectif de l’aide financière apportée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_587/2017 du 23 février 2018 consid. 4.2 ; 2C_421/2010 du 2 novembre 2010 consid. 2.1 ; ATA/167/2018 du 20 février 2018 consid. 7 ; Christine JAQUES, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2ème éd. 2017, p. 812 n. 49).

11.         Lorsque la personne bénéficiaire ne se trouve pas en Suisse, la preuve de sa dépendance financière et des sommes versées à l’étranger est soumise à des conditions particulièrement strictes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_582/2017 précité, ibidem ; 2C_878/2012 du 7 décembre 2012 consid. 2.1 ; 2C_524/2010 du 16 décembre 2010 consid. 2.4 ; 2C_421/2010 précité, ibidem et les références citées). Dans ce cas, les autorités fiscales peuvent exiger une preuve rendant plausible que les montants en question sont parvenus au destinataire nécessiteux. Lorsqu’aucun justificatif bancaire ou postal ne peut être présenté, il appartient au contribuable de produire, au moins, une confirmation écrite du destinataire et de prouver dans une forme appropriée, par exemple par le biais d’une attestation d’une autorité, que le bénéficiaire a bien reçu le montant du soutien provenant de Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_582/2017 précité, ibidem; 2A.609/2003 du 27 octobre 2004 consid. 2.4 ; C. JAQUES, op. cit., p. 812 n. 49).

12.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 9b et les arrêts cités).

13.         En l’espèce, il convient d’examiner si les pièces produites par le recourant satisfont aux exigences accrues de la jurisprudence s’agissant de la déductibilité des versements effectués en faveur d’un membre de la famille à l’étranger.

Le recourant a tout d’abord produit un décompte de D______ à teneur duquel il avait effectué, entre mai 2021 et décembre 2022, 21 transferts d’environ CHF 1'000.- chacun à destination de C______ – excepté un transfert à destination de Gjilan située au Kosovo voisin à quelques 80 kilomètres – en faveur de son frère (19 transferts) et du fils de ce dernier (deux transferts). Ces transferts représentaient une somme de CHF 7'900.- pour l’année 2021 et de CHF 13'083.- pour l’année 2022.

Ce document, qui peut être assimilé à un décompte bancaire ou postal, permet dès lors d’établir la réalité des versements allégués par le recourant.

14.         Reste à déterminer si le recourant a démontré de manière appropriée que les montants en question étaient bien parvenus à son père.

En l’occurrence, le décompte versé à la procédure ne fait pas état de transferts en faveur du père du recourant mais en faveur du frère, respectivement du neveu de ce dernier.

Ceci étant, il résulte de la déclaration sous serment établie par un avocat et signée par le père du recourant que ce dernier, en raison de son grand âge (84 ans en 2021) et de ses problèmes de santé, ne peut pas récupérer lui-même l’argent, raison pour laquelle le frère du recourant, avec lequel le père fait ménage commun, s’en charge pour lui. Ces circonstances, dont l’AFC-GE n’a pas contesté la réalité, accréditent l’affirmation du recourant selon laquelle l’argent qu’il fait transférer à destination de C______ en faveur de son frère ou de son neveu est, in fine, destiné à son père.

L’attestation susmentionnée a en outre été authentifiée par un notaire, lequel a confirmé que le père du recourant en était l’auteur et le signataire. Le recourant a également joint à ces attestations des traductions certifiées conformes en allemand ainsi que des traductions libres en français. Il ne saurait dès lors lui être reproché de ne pas avoir produit de documents en français, comme l’impose l’art. 5 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; cf. également ATA/300/2016 du 12 avril 2016 consid. 2).

En conséquence, l’AFC-GE ne saurait être suivie lorsqu’elle se limite à prétendre que l’attestation de l’avocat ne serait pas probante. Les documents susmentionnés permettent au contraire de retenir que les fonds litigieux ont effectivement bénéficié au père du recourant.

Les pièces produites démontrant de manière suffisamment vraisemblable les versements effectués et la réception des fonds par le destinataire, se pose la question de savoir si le recourant devait également fournir un document émanant d’une autorité attestant que son père avait bien reçu le soutien provenant de Suisse. Ce point peut toutefois rester indécis dès lors que l’intéressé a produit, pour les années fiscales litigieuses, des formulaires tamponnés par la municipalité de C______, dans lesquels son père confirmait recevoir les fonds que lui versait son fils par le biais de D______. Ces formulaires étant établis par l’administration fiscale allemande et destinés aux contribuables de ce pays, ils n’ont certes pas la même valeur qu’une taxation ou une déclaration fiscale serbe. Ils ne comportent par ailleurs pas l’indication chiffrée des montants reçus par le père du contribuable. Il résulte néanmoins de ces documents que le père du contribuable a attesté par-devant les autorités de son domicile qu’il bénéficiait effectivement des montants que son fils lui faisait parvenir depuis la Suisse. Compte tenu des autres pièces versées à la procédure par le recourant, la production de ce document doit dès lors être considérée comme suffisante au sens de la jurisprudence précitée.

Il résulte enfin des décomptes de rentes produits par le recourant que le père de ce dernier a perçu des rentes de vieillesse s’élevant à environ CHF 80.- par mois en 2021 et 2022. La condition de l’indigence est dès lors manifestement satisfaite.

Le tribunal relèvera encore que le cas d’espèce se distingue des litiges de même nature qui sont portés à sa connaissance, en ce sens que même si chaque document produit en l’occurrence n’est à lui seul pas suffisant pour admettre la déduction fiscale sollicitée par le recourant, celui-ci en a fourni plusieurs, qui tendent, pris ensemble, à confirmer de manière probante que ses prétentions sont fondées.

15.         Au vu de ce qui précède, le recourant réclame à juste titre que soient déduits de ses revenus les montants versés en guise de soutien à son père, à savoir CHF 7'900.- durant l’année fiscale 2021 et CHF 13'083.- durant l’année fiscale 2022, étant ici rappelé qu’en matière d’IFD, la déduction est limitée à CHF 6'500.- par an.

16.         Partant, les recours seront admis, les décisions sur réclamation des 1er et 13 septembre 2023 annulées dans le sens des considérants et la cause renvoyée à l’autorité intimée pour nouvelles décisions de taxation conformes au présent jugement.

17.         Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA). L’avance de frais de CHF 700.- versée par le recourant à la suite du dépôt du recours lui sera dès lors restituée.

18.         Une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l’AFC-GE, sera en outre allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable les recours interjetés le 17 octobre 2023 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale des 1er et 13 septembre 2023 ;

2.             les admet ;

3.             annule les décisions susmentionnées ;

4.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation conformes au présent jugement ;

5.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution au recourant de l’avance de frais de CHF 700.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière