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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/974/2023

JTAPI/266/2024 du 25.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/974/2023 ICCIFD

JTAPI/266/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Fouad SAYEGH, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis le ______ 1994, A______ SA (ci-après : la contribuable) a pour but le « commerce de pétrole et produits dérivés, métaux non ferreux et métaux précieux et tous investissements dans des sociétés actives dans ces domaines ; achat, vente et gestion de tous biens immobiliers en conformité avec la LFAIE ». Elle détenait l’entier du capital-actions (50 actions nominatives de CHF 1'000.- chacune) de la société B______ SA (ci-après : B______), dont le but était « achat, vente, construction, échange et exploitation de tous immeubles ou tous droits immobiliers ». Cette dernière détenait notamment la parcelle n° 1 de la commune de C______.

2.             Au 31 décembre 2017, la contribuable a comptabilisé sa participation dans B______ pour une valeur de CHF 3'848'228.-.

3.             Par contrat du 3 décembre 2018, la contribuable a vendu à la société D______ SA la totalité du capital-actions de B______, pour un prix de CHF 2'681'940,25, soit CHF 53'638,81 par action.

4.             Le 11 avril 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a communiqué à B______ une estimation de ses titres, soit CHF 18'895.- par action, fondée uniquement sur sa valeur substantielle.

5.             Dans sa déclaration fiscale 2018, la contribuable a fait état d’une perte de l’exercice 2018 de USD 4'265'988.-, des pertes à reporter totalisant USD 10’047536.- et du capital propre imposable de USD 3'038'335.-.

6.             Dans sa déclaration fiscale 2019, la contribuable a indiqué une perte de l’exercice 2019 de USD 2'558'918.-, des pertes à reporter de USD 11'308’221.- et un capital propre imposable de USD 476'961.-.

7.             Le 5 août 2020, l'AFC-GE a notamment fait savoir à la contribuable qu’elle entendait ajouter à son bénéfice imposable 2018 une « prestation appréciable en argent » de CHF 888'702.-, correspondant à la différence entre le prix de vente de B______ (CHF 2'681'940.-) et la valeur de son capital-actions (CHF 1'793'238.-), et que cette prestation serait imposée également auprès des actionnaires qui en avaient bénéficiée.

8.             Par bordereaux du 29 juin 2022, l'AFC-GE a taxé la contribuable pour les années 2018 et 2019, sur un bénéfice de CHF 0.- et sur un capital propre imposable de respectivement CHF 3'229'487.- et CHF 692'083.-. Ainsi, aucun impôt n’était dû sur le bénéfice, mais uniquement celui sur le capital (CHF 14'447,65 en 2018 et CHF 3'142,35 en 2019). Un « apport de capital » de CHF 888'702.- était pris en compte dans le calcul du bénéfice imposable 2018, lequel était négatif
(perte à reporter de CHF 10'868'440.-). Pour l’année de taxation 2019, aucune reprise n’était opérée sur le prix de vente de B______.

9.             Le 18 août 2022, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux, s’opposant notamment à ce que la valeur de sa participation dans B______ soit arrêtée à CHF 1'793'238.- et faisant valoir que celle-ci valait son prix de vente (CHF 2'681'940.-), compte tenu de la valeur de son immeuble.

10.         Par décisions du 10 février 2023, l'AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable, pour défaut d’intérêt actuel à contester les taxations 2018 et 2019, leur annulation ou rectification éventuelle ne pouvant aboutir à aucune diminution des impôts notifiés.

11.         Par deux actes du 10 mars 2023, sous la plume de son mandataire, la contribuable a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite des dépens, à ce que le prix de vente de B______ soit « validé » à CHF 2'681'940.-, compte tenu de la valeur de son immeuble en 2018 (CHF 3'737'000.-) et en 2019 (CHF 3'500'000.-).

12.         Dans sa réponse du 17 mai 2023, l'AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours, la recourante ne disposant d’aucun intérêt actuel à recourir dès lors que les bénéfices imposables 2018 et 2019 étaient nuls.

13.         La recourante n’a pas répliqué.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable, dans cette mesure, sous l’angle
des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de réclamation,
lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF
131 II 548 consid. 2.3 ;
123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l'AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation de la recourante, pour défaut d’intérêt actuel à obtenir la rectification des taxations 2018 et 2019. Il en résulte que les conclusions de la recourante tendant à l’examen au fond de ces taxations sont irrecevables.

4.             En matière fiscale, est sans intérêt actuel le recours du contribuable dont les conclusions, bien que tendant à l’annulation d’une décision de taxation, n’impliquent pas une diminution de l’impôt dû (ATF 140 I 114 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_47/2021 du 22 novembre 2021 consid. 3 ; 2C_489/2018 du 13 juillet 2018 consid. 2.2.4 ; ATA/213/2024 du 13 février 2024 consid. 2.3 ; ATA/1304/2019 du 27 août 2019 consid. 12c ; ATA/170/2018 du 20 février 2018 consid. 3b).

Lorsqu’un contribuable reçoit une taxation sur un revenu nul et qu'il n'a en conséquence pas d'impôt à payer, le montant des pertes qui ont conduit à la taxation sur un revenu nul constitue uniquement un motif de la décision de taxation, de sorte que ce montant ne bénéficie pas de la force de chose jugée matérielle. Par conséquent, dans la mesure où un contribuable souhaite que le montant de la perte à reporter sur la période fiscale suivante soit arrêté, un intérêt actuel digne de protection lui fait défaut. Le montant du report de pertes doit être examiné dans les périodes subséquentes, lors desquelles un bénéfice imposable est taxé
(arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2020 du 22 juin 2021 consid. 1.3).

5.             Un intérêt de pur fait ou la simple perspective d’un intérêt juridique futur ne suffit pas à fonder un intérêt actuel (ATF 127 III 41 consid. 2b ; 120 Ia 165 consid. 1a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_228/2017 du 21 juillet 2017 consid. 1.4.2 ; 1B_380/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2 ; cf. aussi ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 8b ; ATA/629/2020 du 30 juin 2020 consid. 5a).

6.             En l’espèce, par les bordereaux querellés du 29 juin 2022, l'AFC-GE n’a fixé aucun impôt sur le bénéfice, les exercices 2018 et 2019 de la recourante se soldant par des pertes à reporter de plus de CHF 10 millions, nonobstant les reprises dont il est fait état dans les avis de taxation y relatifs. Ces reprises n'ont par ailleurs eu aucune influence sur le montant du capital propre imposable. Dans sa réclamation, la recourante a conclu à ce qu’aucune reprise ne soit effectuée sur le prix de vente de B______, au motif que la valeur de son immeuble était plus élevée que celle retenue par l'AFC-GE, ce qui ne concerne que le montant de son bénéfice imposable. Or, si elles avaient été admises, ces conclusions n'auraient entraîné aucune diminution de l'impôt, mais uniquement une augmentation du montant des pertes reportées. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée plus haut, l'AFC-GE devait déclarer cette réclamation irrecevable.

Ces questions pourront, en revanche, être examinées une fois que la recourante réalisera un bénéfice taxable. Les actionnaires bénéficiaires de la prestation concernée bénéficieront de la même faculté dans le cadre de leurs propres taxations.

7.             Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l'AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation du 18 août 2022.

8.             Partant, le recours sera rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

9.             En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

10.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 10 mars 2023 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 10 février 2023 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier