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Décisions | Chambre de surveillance

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C/7120/2019

DAS/172/2019 du 27.08.2019 ( CLAH ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7120/2019 DAS/172/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 27 AOÛT 2019

 

Requête (C/7120/2019) en retour des enfants A______, né le ______ 2014 et de B______ né le ______ 2017, formée en date du 29 mars 2019 par Monsieur C______, domicilié ______, FRANCE, comparant par Me Cristobal ORJALES, avocat, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 28 août 2019 à :

- Monsieur C______

c/o Me Jennifer BAUER-LAMESTA, avocate

Boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

- MadameD______
c/o Me Laurence WEBER, avocate
Rue Sautter 29, case postale 244, 1211 Genève 12.

- Maître E______, curateur de représentation
______, ______.

- Madame F______
Madame G______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

 

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.

 

Pour information :

 

-       OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
Route de Chancy 88, 1213 Onex.

 


EN FAIT

A.           C______, né le ______ 1975, originaire de Genève et ressortissant égyptien et D______, née le ______ 1984, de nationalité égyptienne, se sont mariés [à] H______ (Egypte) le ______ 2012.

Le couple a donné naissance à deux enfants: A______, né à Genève le ______ 2014 et B______, né à Genève le ______ 2017.

Selon les registres de l'Office cantonal de la population, D______ est arrivée à Genève, venant [de] H______, le 12 avril 2013. L'adresse officielle de la famille se trouvait au [no.] ______, rue 1______ à Genève, appartement dont la mère de C______ est locataire.

B.            a) Le 29 mars 2019, C______ a déposé devant la Chambre civile de la Cour de justice une demande de retour d'enfants, concluant à ce que le retour immédiat en France, à son domicile, des mineurs A______ et B______ soit ordonné, avec suite de frais et dépens à la charge de D______.

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, C______ a conclu à ce que soit instaurée une garde alternée sur les deux enfants, à raison d'une semaine chez chacun des parents, à ce qu'il soit ordonné à D______ de lui remettre immédiate-ment les deux enfants, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à ce que l'exécution directe de cet ordre par la force publique soit ordonnée, à ce qu'il soit enjoint à D______ de conduire son fils A______ à l'école et à ses activités extra-scolaires, avec suite de frais et dépens à la charge de cette dernière.

C______ a également conclu, sur mesures de protection, à la confirmation de l'instauration d'une garde alternée sur les enfants et à ce qu'il soit enjoint à son épouse de conduire son fils A______ à l'école et à ses autres activités.

En substance, C______ a allégué détenir, de même que son épouse, l'autorité parentale et la garde sur les deux mineurs. Le 1er septembre 2016, toute la famille s'était installée en France, soit au [no.] ______, avenue 2______ à I______, puis, dès le mois de mars 2018, au [no.] ______, rue 3______ à J______. L'enfant A______ avait été inscrit à l'école en France, tout d'abord dans le public, puis au sein de l'école maternelle privée K______ à I______ depuis la rentrée scolaire 2018. La relation au sein du couple s'étant détériorée, une procédure de divorce avait été initiée en Egypte dans le courant du mois de février 2019 et les parties s'étaient séparées le 27 février 2019. C______ avait conservé le domicile familial; quant à son épouse, elle s'était installée provisoirement chez sa belle-mère au
[no.] ______, rue 1______ à Genève. Les enfants étaient pour leur part restés avec C______ en France. Les parties avaient eu un entretien dans les locaux du Service de protection des mineurs et avaient convenu, oralement, de mettre en oeuvre une garde alternée sur les enfants, qui auraient dû passer une semaine en alternance chez chacun de leurs parents. Son épouse avait par ailleurs pris l'engagement de conduire A______ à l'école en France, ainsi qu'à ses autres activités lorsqu'elle en aurait la garde. D______ ne s'était toutefois pas conformée à ses engagements. Dès le 18 mars 2019, elle avait cessé d'accompagner A______ à l'école et à ses activités extra-scolaires et avait refusé de remettre les deux enfants à leur père et de lui indiquer où ils se trouvaient, prétextant craindre qu'il ne les enlève.

A l'appui de ses allégations, C______ a notamment produit:

- un contrat de location établi le 19 août 2016, portant sur un appartement de 83,9 m2 comportant trois pièces principales, sis [no.] ______, avenue 2______ à I______ (France). La rubrique "le locataire" mentionnait "Madame et Monsieur C______". Le contrat de bail a pris effet le 1er septembre 2016 et le loyer mensuel a été fixé, avec les charges, à EUR 1'396.31;

- un contrat de location établi le 14 février 2018, portant sur un bien immobilier de 110 m2 comprenant quatre pièces principales, sis [no.] ______, rue 3______ à J______ (France). La rubrique "locataire" mentionne C______. Le contrat de bail a pris effet le 1er mars 2018 et le loyer mensuel a été fixé à EUR 1'809 hors charges;

- un certificat de scolarité établi le 24 janvier 2019 par l'école maternelle K______ à I______, attestant de l'inscription du mineur A______ pour l'année scolaire 2018/2019, ainsi qu'un courriel du 22 mars 2019 de cette même école, faisant état de l'absence de l'enfant depuis le 18 mars 2019;

- diverses attestations de tiers confirmant le fait que la famille C______ vivait en France depuis le mois de septembre 2016.

b) Par ordonnance du 3 avril 2019, la Cour a débouté C______ de ses conclusions sur requête de mesures superprovisionnelles, provisionnelles et de protection. Selon ce qui ressortait du dossier, les enfants étaient à Genève avec leur mère et il n'était pas rendu vraisemblable qu'ils étaient en danger, la question de la garde des enfants devant être réglée dans le cadre de la procédure matrimoniale qui opposait les parties.

c) Le 4 avril 2019, E______, avocat, a été désigné aux fonctions de curateur de représentation des mineurs A______ et B______.

d) Le 30 avril 2019, le Service de protection des mineurs a rendu un rapport dont il ressortait que la garde des enfants avait été principalement assurée par la mère, laquelle n'exerçait aucune activité lucrative. Aucune des parties ne faisait état d'une incapacité parentale de l'autre. Ni l'école K______ à I______, ni les pédiatres successifs des enfants n'avaient relevé l'existence de difficultés particulières. La mère ayant indiqué que depuis peu A______ présentait des comportements d'opposition, les parents avaient été dirigés vers l'unité de la Guidance infantile des HUG. Aucune mesure urgente de protection n'était préavisée par le Service de protection des mineurs.

e) Dans sa réponse du 6 mai 2019, D______ a conclu à l'irrecevabilité de la demande de retour des enfants déposée par son époux et au déboutement de celui-ci de toutes ses conclusions.

Elle a allégué que la famille avait toujours vécu à l'adresse [no.] ______, rue 1______ à Genève, ce qu'attestaient les documents officiels émanant de l'Office cantonal de la population versés à la procédure. La mère de C______ ainsi que ses deux soeurs vivaient également dans cet appartement. Les enfants avaient fréquenté une crèche en Suisse, soit la crèche L______ à M______ (Vaud); A______ pratiquait le football à Genève depuis le 1er septembre 2018; les médecins de la famille se trouvaient en Suisse; les comptes en banque des époux avaient été ouverts auprès de banques suisses et les extraits desdits comptes faisaient état de nombreux retraits en espèces en Suisse et attestaient du fait que les parties faisaient leurs achats principalement en Suisse; la citée fréquentait un fitness à Genève, où se trouvait également une garderie d'enfants qui s'occupait de B______ pendant que la citée faisait du sport; cette dernière avait suivi des cours de français et d'anglais au sein de la N______ entre 2016 et 2019; C______ travaillait à Genève, auprès de [l'organisation internationale] O______. La cohabitation avec la mère et les soeurs de C______ n'étant toutefois pas toujours idéale, ce dernier avait souhaité prendre un autre domicile, en France. La citée pour sa part n'avait jamais voulu quitter la Suisse, ni habiter en France. Son époux avait néanmoins décidé de louer un logement à J______ (France), dont elle n'avait pas signé le contrat de bail, dans lequel il se rendait, avec les enfants, durant quelques jours par semaine; la citée a allégué que si elle voulait voir ses fils, elle n'avait alors d'autre choix que de suivre son époux en France, l'essentiel de ses effets personnels et ceux des mineurs étant toutefois restés dans l'appartement de la rue 1______ à Genève. C______ avait également décidé seul, contre la volonté de D______, d'inscrire A______ à l'école en France. La citée a soutenu que la résidence habituelle des enfants était à Genève. Le 27 février 2019, suite à une dispute, C______ était parti définitivement dans sa résidence secondaire française, en emmenant les enfants avec lui, ainsi qu'une grande partie de leurs effets personnels, refusant que son épouse les accompagne. Depuis lors, il était revenu une fois par semaine au [no.] ______, rue 1______ avec les mineurs, permettant ainsi à la citée de les voir. Celle-ci se rendait également en France lorsque son époux travaillait, ce qui lui avait permis de constater que C______ avait engagé une nounou pour s'occuper des enfants. Il avait également, contre la volonté de la citée, initié une procédure de divorce en Egypte. D______, qui craignait d'être définitivement séparée de ses enfants, les avait ramenés en Suisse et s'était réfugiée avec eux dans un foyer, puis avait pu bénéficier d'un logement dans lequel les enfants disposaient de leur propre chambre à coucher.

A l'appui de ses allégations, D______ a notamment produit diverses attestations de tiers faisant état de son domicile aux P______ [GE].

f) Dans ses observations du 6 mai 2019, le curateur des deux mineurs a conclu à l'irrecevabilité de la requête du 29 mars 2019 et principalement au déboutement de C______ de ses conclusions. Au vu des circonstances concrètes reconnaissables de l'extérieur, le centre de vie des mineurs se trouvait à Genève, de sorte que les conditions d'application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après: la ClaH80) n'étaient pas remplies. Toutefois, si la Cour devait parvenir à la conclusion que la résidence habituelle des mineurs se trouvait en France, leur déplacement serait illicite et leur retour devrait être ordonné, les conditions de l'art. 13al. 1 let b CLaH80 n'étant pas remplies.

g) Le 6 mai 2019, C______ a produit une attestation du 30 avril 2019, établie par le bureau du droit de l'union, du droit international privé et de l'entraide civile, autorité centrale française désignée pour la mise en oeuvre de la CLaH80. Sur la base des éléments transmis par C______, ledit bureau a attesté du caractère illicite de la rétention des enfants A______ et B______ par leur mère en Suisse depuis le 18 mars 2019.

h) Le juge délégué de la Chambre civile de la Cour de justice a tenu une audience le 27 mai 2019 et a tenté une conciliation entre les parties. A l'issue de l'audience et à la demande des parties, la procédure a été suspendue jusqu'au 4 juin 2019.

i) Les parties n'ayant toutefois pas trouvé de solution transactionnelle, la procédure a été reprise.

i.a) Les parties ont fait une déposition lors de l'audience du 19 juin 2019.

Chacune a persisté dans sa version des faits.

C______ a ainsi exposé avoir vécu dans l'appartement du [no.] ______, rue 1______ à Genève, avec son épouse, depuis l'arrivée de celle-ci en Suisse en avril 2013 et jusqu'au 31 août 2016. Dans ce logement, qui comporte trois chambres à coucher, un salon et une cuisine, vivaient également la mère de C______ et ses deux soeurs. Le couple C______/D______, qui occupait l'une des chambres de l'appartement, avec son fils A______, né en 2014, souhaitait avoir un second enfant et avait cherché un autre appartement à Genève, mais sans succès. Après les vacances d'été 2016, C______ avait trouvé un appartement dans une résidence à I______ (France), qui comportait deux chambres à coucher, une cuisine et un salon, dans lequel lui-même, son épouse et leur fils s'étaient installés quelques jours plus tard. D______ étant titulaire d'un permis de séjour en Suisse, qu'elle ne souhaitait pas perdre, aucun changement d'adresse n'avait été annoncé à l'Office cantonal de la population. Selon C______, son épouse était contente de ne plus devoir cohabiter avec sa belle-famille, avec laquelle il y avait parfois des tensions et de pouvoir disposer de son propre espace, qu'elle avait décoré à sa guise. Après la naissance de son deuxième fils, C______ avait pensé préférable de trouver soit un appartement en rez-de-jardin, soit une petite maison. Il en avait visité une avec son épouse, située à cinq minutes de leur domicile de I______; elle leur avait plu et la famille s'y était installée le 1er mars 2018. C______ a également expliqué que son fils A______ avait fréquenté la crèche L______ à M______ (Vaud) de janvier à juin 2017, puis l'école à I______. B______ pour sa part avait été gardé à quelques reprises par une nounou qui habitait à I______ en face de chez eux.

D______ a confirmé que sa belle-mère et ses deux belles-soeurs vivaient dans l'appartement du [no.] ______, rue 1______ à Genève. Toutefois, il avait été convenu que les deux soeurs s'installeraient dans l'appartement dont l'une d'elles disposait à ______ [GE], ce qui ne s'était toutefois pas produit. Quant à sa belle-mère, il était question qu'elle retourne définitivement en Egypte, ce qu'elle n'avait pas fait; elle y séjournait toutefois régulièrement pour des périodes de deux à trois mois, puis revenait à Genève. C______ avait loué sans son accord l'appartement de I______ [France] et la famille y passait parfois le week-end, mais pas systématiquement. La maison de J______ [France] avait également été louée par C______ sans l'accord de son épouse. Selon celle-ci, si C______ avait souhaité quitter I______, c'était en raison du fait qu'il était endetté. Il désirait en outre disposer d'une pièce supplémentaire afin d'y recevoir sa mère et ses soeurs et d'un jardin pour faire des barbecues. La famille n'avait jamais vécu à plein temps dans cette maison, dans laquelle seuls quelques meubles qui se trouvaient à la rue 1______ avaient été installés, étant précisé qu'elle était déjà partiellement meublée au moment de sa location. Si A______ avait été scolarisé en France, c'est parce que son père ne parvenait plus à payer les factures de la crèche en Suisse. Cette situation avait perduré jusqu'au 10 avril 2018. A partir de cette date, sa belle-mère avait interdit à D______ de demeurer dans l'appartement du [no.] ______, rue 1______ lorsqu'elle s'y trouvait, de sorte que la citée avait passé plus de temps en France. Sa belle-mère passait des périodes de trois mois en Egypte suivies d'un mois à Genève.

i.b) En ce qui concerne la séparation des parties, D______ a expliqué que son époux avait profité d'un week-end au cours duquel elle avait séjourné à Q______ (Italie), pour déplacer les effets de leurs deux enfants de l'appartement de la rue 1______ à Genève à la maison de J______ (France). Lorsqu'elle était revenue, il lui avait laissé le choix suivant: rester dans l'appartement de la rue 1______, sa belle-mère étant absente ou loger chez une amie, les enfants devant demeurer avec lui en France. Elle était par conséquent restée au [no.] ______, rue 1______ pendant trois semaines. Si elle n'avait pas respecté l'accord portant sur la garde partagée conclu avec son époux, c'est parce qu'elle avait eu peur de ne plus revoir ses enfants, C______ ayant menacé à plusieurs reprises de les emmener en Egypte.

Selon C______, son épouse était partie pour Q______ sans le prévenir et il avait dû s'organiser avec les enfants. Le couple était d'accord de se séparer et il avait indiqué à son épouse qu'elle pouvait retourner dans l'appartement de la rue 1______ le temps de trouver une autre solution, ce qu'elle avait accepté. Elle avait également accepté que les enfants restent avec lui puisque A______ était scolarisé en France. Elle pouvait venir quand elle le souhaitait à J______; un vendredi matin, elle était venue avec une camionnette afin de récupérer ses affaires et celles des enfants.

i.c) Les parties ontsollicité l'audition de témoins, entendus lors de l'audience du 27 juin 2019, dont les déclarations pertinentes peuvent être résumées comme suit:

R______, ami de la famille C______, a expliqué rencontrer celle-ci six à sept fois par année, pour les anniversaires des enfants ainsi que lors de fêtes notamment. Initialement les époux C______/D______ habitaient à Genève, aux P______, puis dans un appartement à I______, dans lequel le témoin s'était rendu à deux occasions, soit pour les trois ans de A______ et pour la naissance de B______. Par la suite, C______ lui avait indiqué avoir déménagé dans une maison située à proximité de l'appartement de I______, mais le témoin ne s'y était jamais rendu.

S______ a expliqué habiter à la rue 3______ à J______ depuis le mois de décembre 2017. Sa maison est mitoyenne de celle louée par C______. Elle a confirmé le fait que les époux C______/D______ habitaient quotidiennement et non occasionnellement dans leur maison. Elle entendait tous les soirs les enfants A______/B______ jouer dans leur jardin, séparé du sien par une haie. Son fils de sept ans jouait parfois avec A______ et il lui était arrivé, pour ce motif, de se rendre chez les parties. Travaillant en Suisse, elle quittait son domicile vers 7h45 le matin et était de retour chez elle vers 16h30, parfois plus tard.

T______ vit au 5ème étage du [no.] ______, rue 1______ depuis 1992. Elle savait que la maman de C______ et ses deux soeurs habitaient dans le même immeuble, au 4ème étage; C______ y avait également vécu pendant une certaine période et elle supposait qu'il en avait été de même de son épouse. Cela faisait environ deux ans qu'elle ne les voyait plus et qu'elle ne voyait plus la poussette qui se trouvait auparavant devant la porte de leur logement. Elle montait dans son appartement soit en ascenseur soit à pied et exerçait une activité indépendante, sans horaires réguliers.

U______, époux de la propriétaire de la maison louée par C______ à J______, a expliqué s'y être rendu au mois d'avril 2018 afin d'expliquer le fonctionnement du poêle à bois. Il avait brièvement croisé D______, ainsi que l'un des enfants. Il y était retourné, pour le même motif, un soir de semaine au mois de novembre 2018, avec son épouse et son fils. D______ était présente sur place, de même que les enfants. Les deux visites avaient été fixées à l'avance. Il avait constaté que la maison était entièrement meublée.

V______ a expliqué connaître D______ depuis la fin de l'année 2017 ou le début de l'année 2018; elle avait fait sa connaissance au fitness situé à la rue 4______ à Genève, que toutes deux fréquentaient pratiquement quotidiennement. Elle ne s'était jamais rendue au domicile de D______, mais celle-ci lui avait dit habiter à la rue 1______, avec sa belle-mère et sa belle-soeur. Il lui était d'ailleurs arrivé à une reprise de rencontrer par hasard la citée à proximité de la rue 1______, selon son souvenir durant l'été 2018.

W______ a exposé vivre au 2ème étage de la rue 1______ à Genève depuis 1995. Elle avait fait la connaissance de D______ en 2013. Aucun élément ne lui permettait de penser que les époux C______/D______ n'avaient pas continué de vivre au [no.] ______, rue 1______ depuis 2013; elle ne s'était jamais rendue dans leur appartement. La citée était venue régulièrement, à la fin de l'année 2015 ainsi que durant l'année 2016, prendre des nouvelles de la mère du témoin, gravement malade. Lesdites visites pouvaient se produire à raison d'une à trois fois par semaine, ou d'une fois tous les quinze jours. Il en était allé de même lorsque la mère du témoin était à nouveau tombée malade à la fin de l'année 2018, maladie qui s'était prolongée en 2019. Le témoin avait en outre régulièrement vu D______ au [no.] ______, rue 1______ alors qu'elle était enceinte de son second enfant. Elle n'avait appris qu'au mois de mars 2019 que les époux C______/D______ avaient également un logement en France et que A______ y était scolarisé. Elle croisait rarement la mère de C______, laquelle était très souvent en Egypte.

i.d) A l'issue de l'audience, les deux parties ont renoncé à solliciter des actes d'instruction complémentaires.

Les deux parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. D______ a invoqué, si une résidence habituelle en France devait être retenue, l'application de l'art. 13 de la Clah80, au motif qu'elle s'était toujours occupée de manière prépondérante des enfants, dont le plus jeune n'avait pas encore atteint l'âge de deux ans, et qu'un retour de ceux-ci auprès de leur père serait traumatisant pour eux; elle a également invoqué l'abus de droit, les relations personnelles entre les enfants et leur père n'étant pas entravées par le fait qu'ils se trouvaient à Genève alors que le requérant résidait en France, tout en ayant conservé un domicile officiel à Genève, ville dans laquelle il travaillait.

i.e) Le curateur des enfants s'en est rapporté à l'appréciation de la Cour s'agissant du lieu de la résidence habituelle des enfants et a, pour le surplus, persisté dans ses écritures.

Au terme de l'audience, la cause a été gardée à juger.

j) Le 1er juillet 2019, le curateur des deux mineurs a adressé à la Cour sa note d'honoraires, en 10'655 fr. 85.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 7 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfant et les conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA, RS 211.222.32), le Tribunal supérieur du canton où l'enfant résidait au moment du dépôt de la demande connaît en instance unique des demandes portant sur le retour d'enfant.

A Genève, le Tribunal supérieur du canton est la Cour de justice (art. 120 al. 1 LOJ).

1.2 Dans la mesure où les enfants résidaient au moment du dépôt de la requête et résident encore sur le territoire genevois, la requête déposée par-devant la Cour est recevable.

1.3 Le tribunal compétent statue selon une procédure sommaire (art. 8 al. 2 LF-EEA).

2. Le requérant fait valoir que la résidence habituelle des enfants se situait à J______ (France) au moment de leur déplacement vers la Suisse. La citée s'était installée avec les enfants à Genève et y était demeurée sans son accord alors qu'ils exerçaient l'autorité parentale en commun. Le déplacement était dès lors illicite, de sorte qu'il y avait lieu d'ordonner le retour des enfants.

La citée expose pour sa part que Genève avait toujours constitué le centre de la vie des enfants, l'appartement, puis la maison sur territoire français n'ayant été qu'une résidence secondaire.

2.1
2.1.1
A teneur de l'art. 4 de la CLaH80, la Convention s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un État contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite.

La notion de résidence habituelle, qui n'est pas définie dans la CLaH80, doit être déterminée de manière autonome. Selon la jurisprudence, la résidence habituelle est basée sur une situation de fait et implique la présence physique dans un lieu donné. La résidence habituelle de l'enfant se détermine notamment d'après le centre effectif de sa propre vie et de ses attaches ainsi que par d'autres facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel. Cette résidence traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial; sont notamment déterminants la durée du séjour, la régularité, les connaissances linguistiques, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire et la nationalité de l'enfant (ATF 110 II 119 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_121/2018 du 23 mai 2018 consid. 3.1; 5A_584/2014 du 3 septembre 2014 consid. 5.1.1).

La résidence habituelle se détermine d'après des faits perceptibles de l'extérieur, non pas selon le facteur de la volonté, et doit être définie pour chaque personne séparément (arrêt du Tribunal fédéral 5A_427/2009 du 27 juillet 2009 consid. 3.2). La résidence habituelle d'un enfant coïncide le plus souvent avec le centre de vie d'un des parents, les relations familiales du très jeune enfant avec le parent en ayant la charge étant en règle générale déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2014 précité du 3 septembre 2014 consid. 5.1.1 et l'arrêt cité). L'intention de demeurer dans un endroit, élément subjectif, n'est pas déterminant pour la fixation d'une résidence habituelle, en particulier dans le cas d'enfants très jeunes qui n'ont pas la capacité de former et exprimer leur volonté propre, au risque de créer une résidence habituelle dépendante de celle du parent gardien (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 3.1 et la réf. citée).

2.1.2 L'ordonnance du retour de l'enfant suppose que le déplacement ou le non-retour soit illicite. Selon l'art. 3 al. 1 CLaH80, tel est le cas lorsque celui-ci a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne, seule ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiate-ment avant son déplacement (let. a et b). Il faut en outre que ce droit ait été exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus (let. b).

L'alinéa 2 de cette norme précise que le droit de garde peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat. Pour déterminer le ou les parents titulaires du droit de garde, qui comprend en particulier celui de décider du lieu de résidence de l'enfant (art. 5 let. a CLaH80), il y a lieu de se référer à l'ordre juridique de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant le déplacement. Ce moment est également déterminant pour juger de l'illicéité du déplacement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013 du 19 décembre 2013 consid. 4.2.1).

La décision sur la garde de l'enfant revenant au juge du fond de l'Etat requérant, le juge de l'Etat requis n'a pas à effectuer un quelconque pronostic à cet égard ; la procédure prévue par la CLaH80 a uniquement pour objet d'examiner les conditions auxquelles est subordonné le retour selon cette convention de façon à permettre une décision future sur l'attribution de la garde par le juge du fond (ATF 133 III 146 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013 précité consid. 4.2.1).

En vertu de l'art. 372 al. 1 du Code civil français (CCF), les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale (art. 373-2 al. 1 CCF) et chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent (art. 373-2 al. 2 CCF). Selon l'art. 373-2 al. 3 CCF, tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent; en cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.

2.1.3 Selon la jurisprudence, le déplacement est illicite dès le moment où la résidence habituelle de l'enfant est déplacée dans un autre Etat. La distance entre la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant le déplacement et le lieu dans lequel ce dernier a été déplacé n'est pas pertinente pour statuer sur ce point. Le fait que ces deux lieux ne soient éloignés que de quelques kilomètres ne permet ainsi pas d'exclure le caractère illicite du déplacement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_582/2007 du 4 Décembre 2007 consid. 2 confirmé par arrêt de la Cour EDH du 22 juillet 2014, Rouiller contre Suisse, n° 3592/08, § 61, 62, 70 et 71).

2.2.1 Il convient tout d'abord de déterminer ce que l'on entend par "résidence habituelle", selon les critères mentionnés sous ch. 4.1.1 ci-dessus lorsque, comme en l'espèce, tant les enfants que leurs parents ont développé leurs centres d'intérêts d'un côté comme de l'autre de la frontière séparant la Suisse de la France, faisant en quelque sorte abstraction de celle-ci.

La Cour retiendra que dans un tel cas la notion de résidence habituelle correspond au lieu où les enfants vivaient, c'est-à-dire le lieu où se trouvaient leurs effets personnels et dans lequel ils rentraient une fois leur journée d'école et leurs activités extrascolaires achevées.

Le requérant ayant soutenu que la résidence habituelle des enfants se trouvait en France, alors que la citée a prétendu qu'elle se trouvait à Genève, il convient d'apprécier leurs déclarations et celles des témoins afin de départager les deux versions.

2.2.2 En ce qui concerne le lieu de vie de la famille C______, les déclarations du témoin S______, voisine vivant dans la villa mitoyenne de celle louée par C______, revêtent une importance particulière dans la mesure où elle ne paraît pas entretenir de relation privilégiée avec l'une ou l'autre des parties. Selon ce témoin, les époux C______/D______ et leurs enfants vivaient quotidiennement à J______, ce qui contredit la version de la résidence secondaire soutenue par la citée. S______, qui exerce une activité lucrative, n'est certes pas présente toute la journée à son domicile. Cela ne l'empêche toutefois pas de constater, le matin, en fin d'après-midi ainsi que le soir, si la maison voisine est fermée ou au contraire occupée. Aucun élément concret ne permet par conséquent de mettre en doute la justesse de ses observations telle qu'elle les a relatées devant la Cour.

Le témoin T______, qui n'entretient pas non plus de liens d'amitié avec l'une ou l'autre des parties et qui habite dans l'immeuble sis [no.] ______, rue 1______, a affirmé ne plus avoir vu les époux C______/D______ depuis environ deux ans et ne plus avoir vu la poussette qui se trouvait auparavant devant la porte de leur logement. Ces déclarations confirment par conséquent le fait que, comme l'a affirmé le témoin S______, les époux C______/D______ et leurs enfants habitaient à plein temps en France, en dernier lieu à J______.

Les déclarations des témoins cités par D______ n'ont apporté aucun élément susceptible de mettre en doute celles des témoins S______ et T______. En effet, le témoin V______ ne s'est jamais rendue au domicile des époux C______/
D______ et n'a fait que répéter les dires de D______. Quant au témoin W______, elle ne s'est pas davantage rendue chez les [C______] et paraissait mal renseignée sur leur situation, puisqu'elle ignorait, jusqu'à récemment, que les parties disposaient d'un logement en France et que leur fils aîné était scolarisé dans ce pays. Pour le surplus, le fait que D______ soit venue régulièrement prendre des nouvelles de la mère du témoin à la fin de l'année 2015 ainsi qu'en 2016 n'est pas incompatible avec la version des faits soutenue par le requérant, puisque le contrat de bail portant sur l'appartement de I______ a pris effet le 1er septembre 2016. A la fin de l'année 2015 et pendant une grande partie de l'année 2016, les époux C______/D______ habitaient par conséquent encore à la rue 1______. Toujours selon le même témoin, D______ était à nouveau venue prendre des nouvelles de sa mère à la fin de l'année 2018 et en 2019. A nouveau, ces faits ne sont pas incompatibles avec la version du requérant, puisque les parties se sont séparées en février 2019, la citée étant revenue pendant quelques temps à la rue 1______, avant de se réfugier dans un foyer avec ses enfants.

Par ailleurs, les circonstances rendent peu vraisemblable le maintien d'une résidence habituelle à Genève après la location de l'appartement à I______. En effet, à Genève, les époux C______/D______ devaient cohabiter non seulement avec la mère du requérant, mais également avec ses deux soeurs, étant précisé que l'appartement de la rue 1______ ne comprend que trois chambres à coucher. Ainsi, les parties et leur premier enfant devaient partager la même chambre. Par ailleurs et du propre aveu de la citée, elle ne s'entendait pas très bien avec sa belle-mère et ses belles-soeurs, auxquelles elle reprochait notamment de s'ingérer dans sa vie et de vouloir lui imposer leur avis. Rien ne justifiait par conséquent que les parties continuent de passer la semaine à Genève alors qu'elles disposaient, à I______ tout d'abord, puis à J______ ensuite, d'un logement qu'elles ne devaient partager avec personne et qui permettait à chacun de disposer de son propre espace et de sa liberté.

Si les parties vivaient effectivement à la rue 1______, elles n'auraient sans doute pas choisi la crèche L______ à M______ (Vaud) pour les enfants. En effet et selon le site https://fr.viamichelin.ch, la distance entre la rue 1______ à Genève et M______ est comprise, en fonction de l'itinéraire choisi, entre 13 et 20 kilomètres, pour une durée de trajet allant de 22 à 31 minutes, avec l'obligation de traverser la ville notoirement encombrée par un trafic très dense. En habitant à I______ ou à J______, le choix d'une crèche à M______, située du même côté, à une distance maximum d'une dizaine de kilomètres pour une durée de trajet de l'ordre d'une quinzaine de minutes apparaît par contre raisonnable. Il en va de même s'agissant de l'école de A______, située à I______ et par conséquent à proximité du domicile de la famille.

Enfin, il y a lieu de relever le fait que C______ est endetté selon les dires non contestés de son épouse. Dès lors, il est peu probable qu'il ait décidé de payer un loyer mensuel de 1'400, puis de 1'800 euros, hors charges, dans le seul but de pouvoir disposer d'une résidence secondaire.

L'ensemble de ces éléments permet de retenir que la résidence habituelle de la famille C______ et par conséquent des enfants A______ et B______ se trouvait en France, soit plus précisément à J______, au moment de la séparation des parties et de leur déplacement en Suisse.

Le fait que la famille ait conservé un domicile officiel à Genève, sans doute pour des raisons administratives et que ses différents membres aient travaillé ou pratiqué des activités de loisir à Genève n'est pas susceptible de modifier cette conclusion.

2.2.3 Conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, le déplacement des enfants de J______ vers Genève ne saurait être considéré comme licite au seul motif que ces deux localités ne sont éloignées que de quelques kilomètres. Le déplacement est en effet illicite dès le moment où la résidence habituelle de l'enfant est déplacée dans un autre Etat, sans l'accord des deux détenteurs de l'autorité parentale.

2.2.4 Il n'est pour le surplus pas contesté que le requérant et la citée exerçaient en commun l'autorité parentale et le droit de garde sur leurs enfants avant leur séparation, intervenue en février 2017.

2.2.5 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que le déplacement de la résidence habituelle des enfants de J______ vers Genève, intervenu au mois de mars 2019, doit être considéré comme illicite au sens de l'art. 3 al. 1 CLaH80.

3. La citée a invoqué l'art. 13 CLaH80 pour s'opposer au retour des enfants sur territoire français.

3.1 En principe, lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 CLaH80) à moins qu'une exception prévue à l'art. 13 CLaH80 ne soit réalisée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.1 et les arrêts cités).

3.1.1 Les exceptions au retour prévues à l'art. 13 CLaH80 doivent être interprétées de manière restrictive, le parent ravisseur ne devant tirer aucun avantage de son comportement illégal (arrêt de la Cour EDH du 22 juillet 2014, Rouiller contre Suisse, n° 3592/08, § 67; arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.1 et les arrêts cités). Dans le cadre du mécanisme de la CLaH80, il n'y a pas lieu de procéder à un examen approfondi de la situation complète pour rendre une décision sur le fond de la cause: il suffit que les juridictions nationales examinent et motivent succinctement les éléments plaidant en faveur du retour de l'enfant dans le pays de provenance, ainsi que les motifs invoqués d'exclusion au rapatriement de l'enfant, à la lumière de l'intérêt supérieur de l'enfant et en tenant compte des circonstances du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.1 et l'arrêt cité; critique : Bucher, in Swiss Review of International and European Law 2017-06 Nr 2 p. 238 ss).

3.1.2 La première exception prévue à l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80 prévoit que l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque le parent ravisseur qui s'oppose à ce retour établit que l'autre parent, qui avait le soin de l'enfant, n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement, ou avait consenti ou acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour.

3.1.3 En vertu de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas non plus tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque la personne qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable. Lorsque le retour de l'enfant est envisagé, le tribunal doit ainsi veiller à ce que le bien-être de l'enfant soit protégé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3). Il résulte de ce qui précède que seuls des risques graves doivent être pris en considération, à l'exclusion de motifs liés aux capacités éducatives des parents, dès lors que la CLaH80 n'a pas pour but de statuer au fond sur le sort de l'enfant, notamment sur la question de savoir quel parent serait le plus apte à l'élever et à prendre soin de lui. La procédure de retour tend uniquement à rendre possible une décision future à ce propos (art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3).

L'art. 5 LF-EEA précise l'application de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, en énumérant une série de cas dans lesquels le retour de l'enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu'il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable. Le retour de l'enfant ne doit pas être ordonné notamment lorsque le placement auprès du parent requérant n'est manifestement pas dans l'intérêt de l'enfant (let. a) ou que le parent ravisseur, compte tenu des circonstances, n'est pas en mesure de prendre soin de l'enfant dans l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle au moment de l'enlèvement ou que l'on ne peut manifestement pas l'exiger de lui (let. b). Les conditions posées à l'art. 5 LF-EEA n'ont pour objet que de clarifier les dispositions conventionnelles, et non pas de se substituer à elles. Le terme "notamment" signifie que ne sont par ailleurs énumérés que quelques cas de figure qui, bien qu'essentiels, n'empêchent pas que l'on se prévale de la clause prévue dans la convention (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3 et les arrêts cités).

En ce qui concerne la séparation de l'enfant et du parent ravisseur, il faut avant tout tenir compte du fait que le critère du retour intolérable dans le pays d'origine concerne l'enfant lui-même, et non les parents. Cela signifie que le retour peut entraîner, selon les circonstances, une séparation entre l'enfant et sa personne de référence, séparation qui ne constitue pas encore à elle seule une cause de refus du retour (ATF 130 III 530 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3). Toutefois, il en va autrement pour les nourrissons et les jeunes enfants, au moins jusqu'à l'âge de deux ans; dans ce cas, la séparation d'avec la mère constitue dans tous les cas une situation intolérable. Lorsque le parent ravisseur, dont l'enfant ne devrait pas être séparé, crée lui-même une situation intolérable pour l'enfant en refusant de le raccompagner, alors qu'on peut l'exiger de lui, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l'enfant à titre d'exception au retour; à défaut, le parent ravisseur pourrait décider librement de l'issue de la procédure de retour (ATF 130 III 535 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3). Un retour du parent ravisseur avec l'enfant, au sens de l'art. 5 let. b LF-EEA, ne peut, par exemple, pas être exigé si ce parent s'expose à une mise en détention, ou s'il a noué en Suisse des relations familiales très solides, notamment après un nouveau mariage. Il doit s'agir toutefois de situations exceptionnelles, dans lesquelles il ne peut être raisonnablement exigé du parent ravisseur qu'il retourne dans le pays de dernière résidence de l'enfant aux fins d'y attendre qu'il soit jugé définitivement sur les droits parentaux. Le caractère intolérable du retour de l'enfant doit, dans tous les cas, être établi clairement, à défaut de quoi le retour doit être ordonné (arrêt du Tribunal fédéral 5A_121/2018 précité consid. 5.3).

3.1.4 En vertu de l'art. 13 al. 2 CLaH80, l'autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elle constate que celui-ci s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

3.1.5 Le retour est ordonné sur le territoire de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant et non dans un endroit précis de ce pays (arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2014 précité consid. 6.3.2).

3.2

3.2.1 En ce qui concerne la première exception au retour prévue à l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, il y a lieu de relever que les deux parties s'accordent sur le fait qu'elles avaient décidé, dans le courant du mois de mars 2018, d'exercer une garde partagée sur les enfants, accord que la citée n'avait toutefois et d'entrée de cause pas respecté. Le fait que le requérant ait admis que, dans le cadre de la garde partagée, les deux mineurs puissent passer la moitié de leur temps à Genève, ne signifie pas pour autant qu'il a accepté un déplacement de leur résidence habituelle. Il apparaît en effet que non seulement les enfants devaient être pris en charge la moitié du temps par leur père, dans leur environnement habituel à J______, mais qu'en outre A______ devait continuer de fréquenter son école à I______. L'accord du requérant avec l'exercice d'une garde partagée n'impliquait par conséquent pas son accord avec le déplacement de la résidence habituelle des enfants de France en Suisse.

La première exception à l'ordre de retour, prévue à l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, peut par conséquent être écartée.

3.2.2 Aucun élément concret du dossier ne permet de retenir que les enfants seraient en danger s'ils devaient retourner sur territoire français. Les capacités parentales du requérant paraissent par ailleurs bonnes et rien n'indique qu'il se serait montré maltraitant ou négligent à l'égard de ses enfants.

B______ n'aura certes que deux ans le ______ 2019, de sorte qu'il est encore jeune pour être séparé de sa mère. Toutefois et même en admettant que celle-ci ne puisse, en raison de son absence de permis de séjour, se réinstaller sur territoire français, B______ ne serait pas privé de contacts avec elle compte tenu de la proximité entre Genève et J______. Il sera par ailleurs relevé que les parties avaient convenu d'une garde partagée sur les enfants, ce qui atteste du fait que la citée ne considère pas que les enfants, y compris le plus jeune, seraient en danger avec leur père, lequel s'en est occupé parfois seul du temps de la vie commune et peu après la séparation du couple selon ce qui ressort du dossier.

3.2.3 L'exception prévue par l'art. 13 al. 2 CLaH80 n'entre pas en ligne de compte, dans la mesure où les enfants sont trop jeunes pour pouvoir exprimer un avis.

3.2.4 Au vu de ce qui précède, aucune des exceptions de l'art. 13 ClaH 1980 n'apparaît être réalisée en l'espèce.

4. 4.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette disposition fait partie de l'ordre public suisse positif directement applicable (ATF 128 III 201, consid. 1c). La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas. L'emploi du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (p. ex. ATF 129III 493 consid. 5.1; ATF 127 III 357 consid. 4c/bb).

4.2 Le requérant a certes, depuis son départ pour la France, conservé à Genève un domicile officiel qui ne correspond pas à la réalité, vraisemblablement pour des raisons administratives. Il travaille à Genève et entretient des liens étroits avec ce canton et il ressort de la procédure que la difficulté d'organiser actuellement des relations personnelles régulières et suivies avec les enfants est le résultat des tensions qui existent entre les parties et non du déplacement de la résidence habituelle des mineurs en Suisse.

Ces éléments ne suffisent toutefois pas pour retenir que le requérant abuserait de son droit, dans la mesure où il réclame le retour des enfants sur territoire français afin que ceux-ci retrouvent l'environnement auquel ils étaient habitués et, pour A______, son école. Son intérêt à agir ne saurait par conséquent être nié.

4.3 Au vu de ce qui précède, le retour immédiat des enfants en France sera ordonné.

5. Le retour des enfants en France sera organisé avec le concours du curateur et, si nécessaire, du Service de protection des mineurs.

6. 6.1 Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, la France a déclaré qu'elle ne prendrait en charge les frais visés à l'al. 2 de l'art. 26 que dans la mesure où les coûts peuvent être couverts par son système d'assistance judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111).

Dans le cas d'espèce, la citée, qui succombe, a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire laquelle comprend, selon l'art. 118 al. 1 CPC, l'exonération d'avances et de sûretés, l'exonération des frais judiciaires et la commission d'office d'un conseil juridique (en l'espèce avec une limitation à 6h00 de l'activité prise en charge par le service de l'assistance judiciaire).

Selon l'art. 95 al. 2 CPC, les frais judiciaires comprennent notamment les frais de représentation de l'enfant au sens des art. 299 et 300 CPC.

Dès lors, les frais judiciaires, arrêtés à 12'655 fr. 85, dont font partie les frais de représentation des enfants en 10'655 fr. 85 fr. selon la note de frais et honoraires du curateur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_346/2012 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_840/2011 consid. 6) et les frais d'interprète seront mis à la charge de la citée, mais provisoirement supportés par l'Etat, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à verser à E______, curateur des enfants, la somme de 10'655 fr. 85.

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres frais d'avocat.

6.2 Le présent arrêt sera notifié, outre aux parties, à l'autorité centrale fédérale, conformément à l'art. 8 al. 3 LF-EEA, à charge pour celle-ci d'en informer les autorités compétentes.

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en retour des enfants A______, né le ______ 2014 et B______, né le ______ 2017, formée le 29 mars 2019 par C______.

Au fond :

Ordonne le retour immédiat en France des enfants A______, né le ______ 2014 et B______, né le ______ 2017.

Dit que le retour des enfants sera organisé avec le concours du curateur et, si nécessaire, du Service de protection des mineurs.

Arrête les frais de la procédure à 12'655 fr., comprenant les frais et honoraires du curateur des enfants en 10'655 fr. 85, ainsi que les frais d'interprète.

Les met à la charge de D______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser à E______ la somme de 10'655 fr. 85.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 2 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.