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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16431/2022

ACJC/1587/2025 du 04.11.2025 sur JTPH/75/2024 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16431/2022 ACJC/1587/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 4 NOVEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 2 avril 2024 (JTPH/75/2024),

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Sacha CAMPORINI, avocat, route de Florissant 64, 1206 Genève.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/75/2024 du 2 avril 2024, notifié à A______ le
3 avril 2024 et à B______ SA le 8 avril suivant, statuant par voie de procédure simplifiée, le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 24 janvier 2023 par A______ contre B______ SA (ch. 1 du dispositif), déclaré recevable la demande reconventionnelle formée le 24 avril 2023 par B______ SA contre A______ (ch. 2), débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 3), débouté B______ SA de toutes ses conclusions (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Il est indiqué au pied de ce jugement que la décision ainsi rendue peut faire l'objet d'un appel (art. 308 ss CPC) par devant la Cour de justice dans les 30 jours qui suivent sa notification.

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 mai 2024, A______ forme un recours contre ce jugement, dont il sollicite la réformation en ce sens que B______ SA soit condamnée à lui verser un montant net de 5'000 fr., avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut au rejet du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties n'ont pas répliqué, ni dupliqué.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 23 août 2024.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. B______ SA est une société sise à Genève, active dans le domaine du chauffage, de la ventilation et de la climatisation.

Elle a pour administrateur unique C______ et pour directeur D______.

b. Par contrat de travail du 28 juin 2021, B______ SA a engagé A______ en qualité de magasinier-livreur à 60%, à partir du 1er juillet 2021 et pour une durée indéterminée.

Le salaire mensuel brut convenu était de 2'550 fr.

c. Dans le cadre de son activité, A______ disposait d'un véhicule fourni par B______ SA. Il s'agissait du seul véhicule de l'entreprise.

d. Le 15 juin 2022, A______ a subi un accident au volant de ce véhicule. Il a heurté un pont sous lequel la hauteur de passage était limitée à 2.30 mètres.

Le véhicule a subi des dégâts, qui ont été partiellement couverts par l'assurance véhicule de l'employeur.

e. Le 16 juin 2022, A______ a travaillé dans les locaux de B______ SA, dans la mesure où le véhicule de remplacement pris en location n'était pas encore disponible.

f. A______ s'est ensuite trouvé en incapacité totale de travailler du
16 juin 2022 au 24 novembre 2022.

g. Le 4 juillet 2022, B______ SA a déclaré le sinistre à son assurance perte de gain accident et remis à A______ les documents nécessaires afin de percevoir des indemnités journalières.

h. Par requête déposée au greffe de l'autorité de conciliation des prud’hommes le 30 août 2022, A______ a assigné B______ SA en paiement d'une somme totale de 18'956 fr.

Une audience de conciliation s'est tenue le 12 octobre 2022 à l'issue de laquelle une autorisation de procéder a été délivrée à A______.

i. Par courrier du 27 décembre 2022, B______ SA a résilié le contrat de travail de A______ pour le 28 février 2023, exposant n'avoir aucune nouvelle de son employé depuis plusieurs mois.

j. Par demande simplifiée motivée déposée au greffe du Tribunal le
24 janvier 2023, A______ a assigné B______ SA en paiement d'une somme totale de 23'956 fr. se décomposant comme suit:

- 15'956 fr. bruts à titre de salaire pour les mois de juin à décembre 2022;

- 3'000 fr. nets à titre de dommages et intérêts;

- 5'000 fr. nets à titre d'indemnité pour tort moral.

A l'appui de ses conclusions, A______ a notamment allégué avoir fait l'objet de propos et agissements hostiles récurrents de son supérieur hiérarchique direct, D______, visant à le dénigrer. Il avait subi des cris quotidiens, des instructions contradictoires et un harcèlement psychologique ayant entraîné sa marginalisation sur son lieu de travail. A la suite de son accident du 15 juin 2022, son supérieur direct avait fait pression sur lui afin qu'il démissionne, voire qu'il lui remette une lettre de démission antidatée, ce qu'il avait refusé de faire. Ledit accident avait entraîné une incapacité totale de travail d'abord pour accident, du 16 juin au 27 juin 2022, puis pour maladie. Cette incapacité résultait à la fois du harcèlement et de l'échange survenu après l'accident, lesquels avaient successivement provoqué chez lui des insomnies, ainsi qu'un épuisement physique et psychologique. Des séances de physiothérapie avaient également été nécessaires en raison de douleurs résultant de l'accident. Compte tenu de la durée et de l'intensité des atteintes, de l'absence de mesures protectives prises par l'employeuse, une indemnité pour tort moral de 5'000 fr. était justifiée.

k. Dans sa réponse, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. Simultanément, elle a formé une demande reconventionnelle tendant au paiement d'un montant total net de 11'275 fr. plus intérêts, au titre de dédommagement des frais de réparation de son véhicule non couverts par son assurance et des frais de location d'un véhicule de remplacement.

Elle a notamment allégué qu'après l'accident du 15 juin 2022, A______ ne s'était plaint d'aucune douleur particulière et que son comportement nonchalant l'avait laissée sceptique quant à l'opportunité de poursuivre les relations de travail. Le 17 juin 2022, A______ ne s'était pas présenté à son poste et n'avait donné aucune information relative à son absence. Ce n'était que le 29 juin 2022 qu'elle avait reçu des certificats médicaux pour la période du 16 au 30 juin 2022. Ensuite, les certificats médicaux lui avaient été remis en retard et elle n'avait reçu aucun certificat médical pour la période postérieure au 24 septembre 2022. Compte tenu du silence de son employé, elle n'avait eu d'autre choix que de procéder à son licenciement par courrier du 27 décembre 2022, pour une fin de contrat le 28 février 2023.

l. Devant le Tribunal, A______ a déclaré avoir été soumis à un timing dans son emploi de chauffeur-livreur, ce qui était stressant. Les indications sur les bons étaient parfois mauvaises et il devait se renseigner pour pouvoir effectuer les livraisons. Il utilisait un véhicule qui n'avait pas été correctement entretenu, sans que cela n'ait eu une influence sur l'accident. Il travaillait sous une pression qu'il jugeait inutile. D______ lui criait parfois dessus, même s'il reconnaissait que c'était sa façon de parler. Le jour de l'accident, il n'avait pas vu le panneau qui interdisait le passage aux véhicules de plus de 2.30 mètres. Il ne connaissait pas l'endroit et c'était un jour chargé. A la suite de l'accident, il avait subi une forte pression de la part de D______ pour qu'il soit mis fin à son contrat de travail soit par licenciement antidaté soit par démission, ce qu'il avait refusé. Il avait par ailleurs subi de séquelles consistant en de fortes douleurs aux épaules. Il était dévasté car il avait perdu son travail, ses relations personnelles et d'autres éléments qu'il n'a pas souhaité développer. Il n'avait eu de contacts qu'avec D______, soit son supérieur direct, durant les relations contractuelles. Il ne s'était pas plaint à la direction de B______ SA d'atteintes à sa personnalité.

Entendu en qualité de représentant de B______ SA, D______ a déclaré qu'il ne voyait pas souvent A______, qui finissait son travail à midi. Les instructions qu'il lui donnait étaient en lien avec la réalisation de son activité professionnelle, soit notamment les délais de livraison ou encore le respect du matériel qui lui avait été fourni par l'entreprise. A______ avait été vexé par ces dernières. Concernant le véhicule utilisé par le travailleur, ce dernier était en leasing depuis 2017 et il s'agissait du seul véhicule de l'entreprise. D______ a catégoriquement nié avoir fait pression sur l'employé pour qu'il quitte son emploi. Son absence avait d'ailleurs impacté le bon fonctionnement de B______ SA.

m. Le Tribunal a procédé à l'audition de la témoin E______, sœur de l'administrateur de B______ SA et comptable au sein de la société.

Celle-ci a déclaré qu'après l'accident, A______ lui avait indiqué qu'il se portait bien. Il s'était organisé avec D______ pour gérer l'intendance consécutive à celui-ci. Elle-même n'avait pas organisé, ce jour-là, ni d'entretien, ni de licenciement. Elle avait dû organiser la location d'une camionnette de remplacement dès le 17 juin 2022 pour quelques mois. B______ SA avait dû prendre à sa charge une partie des frais de réparation correspondant à la franchise contractuelle. Elle ne savait pas si le véhicule était assuré en casco complète ou non. En revanche, aucun véhicule de remplacement n'était prévu dans le contrat d'assurance. Elle n'avait jamais entendu parler d'accusations portées à l'encontre de D______ concernant des propos déplacés. A______ ne lui en avait jamais parlé.

n. A l'audience de débats du 28 novembre 2023, A______ a retiré ses conclusions en paiement de salaires pour les mois de juin à septembre 2022. Il a modifié ses conclusions pour demander le paiement des salaires des mois de décembre 2022 à février 2023.

A l'audience de débats du 13 février 2024, A______ a retiré ses conclusions en paiement des salaires des mois de décembre 2022 à février 2023, ainsi que sa prétention en paiement de dommages et intérêts. Il a persisté dans sa conclusion en paiement d'une indemnité pour tort moral de 5'000 fr.

o. A l'issue de l'audience susvisée, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'employé n'apportait pas la preuve de ses allégations selon lesquelles il aurait été victime de propos et d’agissements récurrents de son supérieur hiérarchique visant à le dénigrer et ledit supérieur l'aurait fait travailler sous une pression inutile, lui aurait remis des bons de livraison parfois erronés et se serait emporté contre lui. L'employé avait lui-même reconnu que c'était là la manière de parler de son supérieur et les instructions de travail de celui-ci, telles que des injonctions de respecter le matériel fourni, ne constituaient pas une forme de harcèlement, mais faisaient au contraire partie de ses attributions. Les éventuels propos déplacés dont l'employé aurait été victime n'avaient pas été confirmés par l'instruction de la cause et l'employé ne pouvait pas avoir souffert de marginalisation, puisqu'il reconnaissait avoir travaillé seul au vu de la nature de son activité. Au surplus, le déroulement de l'entretien ayant suivi l'accident du 15 juin 2022 n'avait pas pu être établi avec certitude et on ne pouvait le cas échéant reprocher à l'employeuse de s'y être interrogée sur la poursuite des relations travail, compte tenu de la responsabilité évidente de l'employé dans ledit accident.

Pour l'ensemble de ces motifs, l'employé devait être débouté de ses conclusions en paiement d'une indemnité pour tort moral. L'employeuse devait quant à elle être déboutée de ses prétentions reconventionnelles en dommages-intérêts, faute d'avoir suffisamment démontré l'étendue du dommage allégué.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement attaqué ayant été communiqué aux parties avant le
1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC).

1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (art. 319 let. a CPC).

Interjeté contre une décision finale, auprès de l'autorité compétente (art. 124
let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable de ces points de vue.

1.1.2 La valeur litigieuse se détermine en application des art. 91 à 94 CPC. Le texte légal tient pour pertinente la situation du litige prévalant au dernier état des conclusions de première instance. Le calcul de la valeur litigieuse déterminante ne dépend nullement du jugement à rendre (Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

Les dispositions susvisées prévoient que lorsque la demande principale et la demande reconventionnelle s’opposent, la valeur litigieuse se détermine d’après la prétention la plus élevée (art. 94 al. 1 CPC). Lorsque les demandes reconventionnelle et principale ne s’excluent pas, leurs valeurs litigieuses respectives sont additionnées (art. 94 al. 2 CPC).

1.1.3 La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité du recours sont remplies (art. 60 CPC).

Lorsqu'une erreur dans la voie de droit ouverte pour recourir est le résultat d'un choix délibéré d'une partie représentée par un avocat, on retient qu'il n'y a pas de formalisme excessif à refuser la conversion de l'acte en raison de l'erreur grossière. A l'inverse, la tendance est de considérer contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de la conversion alors que le choix du moyen de droit recevable présente des difficultés et qu'il n'est pas facilement reconnaissable. En d'autres termes, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_953/2020 du 9 août 2021 consid. 3.4.2.2 et les références, publié in RSPC 2021 p. 598).

1.2 En l'espèce, les conclusions principales du recourant devant le Tribunal s'élevaient en dernier lieu à 5'000 fr. Les prétentions reconventionnelles de l'intimée s'élevaient quant à elles à 11'275 fr. Que la valeur desdites prétentions doive être ajoutée à celle des conclusions principales (ce qui semble correct, dès lors que les conclusions du recourant en paiement d'une indemnité pour tort moral n'excluaient pas que celui-ci puisse être tenu de réparer le dommage matériel causé à l'intimée en lien avec l'accident litigieux) ou que l'on ne considère que la valeur la plus élevée, la valeur litigieuse s'élevait en tout état à plus de 10'000 fr., ce qui a correctement amené les premiers juges à indiquer que le jugement entrepris pouvait faire l'objet d'un appel.

Il s'ensuit que la voie du recours empruntée par le recourant est erronée. Celui-ci étant représenté par un avocat au moment du recours, et le choix de la voie adéquate ne présentant pas de difficulté particulière, compte tenu notamment de l'indication susvisée, l'existence d'une erreur grossière paraît manifeste. Le recours est donc très vraisemblablement irrecevable et une conversion de l'acte en appel semble exclue. Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner plus avant ces questions, le recourant devant en tout état être débouté de ses conclusions pour les motifs qui vont suivre.

1.3 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr., la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC) et la cause est soumise aux maximes inquisitoire (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2.             Le recourant reproche au Tribunal de l'avoir débouté de ses conclusions en paiement d'une indemnité de 5'000 fr. pour tort moral. Il estime avoir été effectivement victime de mobbing de la part de son supérieur.

2.1 En vertu de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.

2.1.1 Selon la jurisprudence, l'art. 328 CO instaure une protection plus étendue que celle qu'assurent les art. 27 et 28 CC. D'une part, cette disposition interdit à l'employeur de porter atteinte, par ses directives, aux droits de la personnalité du travailleur; d'autre part, elle impose à l'employeur la prise de mesures concrètes en vue de garantir la protection de la personnalité du travailleur, laquelle comprend notamment la vie et la santé, l'intégrité corporelle et intellectuelle, l'honneur professionnel et personnel, la position et la considération dont jouit le travailleur dans l'entreprise (Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail, 5ème éd., 2024, p. 387ss et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 4C.253/2001 du 18 décembre 2001, consid. 2c et le références citées).

Il y a violation de la personnalité notamment lorsque l'honneur d'une personne est ternie, lorsque sa réputation sociale et professionnelle est dépréciée. Il n'est pas nécessaire que l'honneur soit effectivement lésé et il suffit que le comportement incriminé soit propre à ternir celui-ci, la perturbation devant toutefois présenter une certaine intensité (ATF 143 III 297 consid. 6.4.2, p. 308; 129 III 715 consid. 4.1, p. 722; arrêt du Tribunal fédéral 4A_123/2020 du 30 juillet 2020 consid. 4.2 et les références citées).

2.1.2 En cas de violation de l'art. 328 al. 1 CO, l'employé peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions de l'art. 49 al. 1 CO. Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité (ATF 125 III 70 consid. 3a); l'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation
(ATF 129 III 715 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_326/2020 du
1er décembre 2020 consid. 3.2; 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4.1; 4A_714/2014 du 22 mai 2015 consid. 2.2).

Un rapport de causalité naturelle et adéquate doit être établi entre l'atteinte à la personnalité et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal fédéral 4A_123/2020 du 30 juillet 2020 consid. 4.2; 4A_680/2012 du 7 mars 2013 consid. 5.2).

2.1.3 Une indemnité est par exemple due au travailleur qui a été victime, dans l'entreprise de l'employeur, de harcèlement psychologique, ou lorsque, d'un point de vue objectif, il a subi une humiliation particulièrement sévère (ATF 125 III 70 consid. 3a; voir aussi ATF 130 III 699 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_607/2011 du 10 novembre 2011 consid. 3).

Le harcèlement psychologique, appelé aussi communément « mobbing », se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, exclure une personne sur son lieu de travail. La personne victime est souvent placée dans une situation où chacun des actes pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêts du Tribunal fédéral 1C_141/2025 du 25 août 2025 consid. 2.3 et ss; 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 5.1; 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8.2; 4A_439/2016 du 5 décembre 2016 consid. 5.2; 4A_159/2016 du
1er décembre 2016 consid. 3.1).

Toutefois, il n'y a pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles ou qu'il règne une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu'un membre du personnel serait invité, même de manière pressante et répétée, à se conformer à ses obligations résultant des rapports de travail, ni du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs et collaboratrices. Le harcèlement est généralement difficile à prouver, si bien que son existence peut être admise sur la base d'un faisceau d'indices convergents, tout en gardant à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures justifiées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_215/2022 du 23 août 2022 consid. 3.1; 4A_652/2018 cité consid. 5.1; 4D_72/2017 cité consid. 8.2; 4A_439/2016 cité consid. 5.2).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances justifient une indemnité pour tort moral (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2; 129 III 715 consid. 4.4).

2.2 En l'espèce, la Cour ne peut que faire siens les motifs ayant conduit le Tribunal à débouter le recourant de ses prétentions en paiement d'une indemnité pour tort moral. Les allégations du recourant selon lesquelles il aurait fait l'objet de propos et d'agissements à la fois hostiles et récurrents de la part de son supérieur direct ne sont en effet corroborés par aucune pièce, ni aucun témoignage versés au présent procès.

La seule personne entendue comme témoin a notamment déclaré qu'elle n'avait jamais entendu parler de propos déplacés tenus par le supérieur du recourant. Rien n'indique que ledit supérieur ait régulièrement proféré des cris sans motif particulier à l'endroit du recourant, ni qu'il lui ait donné des instructions contradictoires suivies de remontrances pour erreur, comme celui-ci l'allègue. Devant le Tribunal, le recourant a reconnu que la rudesse des propos tenus par son supérieur relevait de la façon de parler de celui-ci, indiquant par-là que le précité n'avait pas d'animosité particulière à son endroit et exerçait seulement de la sorte ses fonctions de responsable au sein de l'entreprise. Comme l'ont relevé les premiers juges, il est également difficilement concevable que le supérieur du recourant ait pu tenter de marginaliser ou d'isoler ce dernier, dès lors que le recourant travaillait seul la plupart du temps, ce qu'il a également reconnu.

Il n'est par ailleurs pas établi que l'incapacité de travail qu'a connue l'appelant entre le 16 juin et le 24 novembre 2022 soit imputable à la pression psychologique que lui aurait fait subir son supérieur, plutôt qu'aux conséquences de l'accident survenu le 15 juin 2022, qui lui est imputable; les certificats médicaux versés au dossier sont en effet muets à cet égard.

Enfin, le seul fait que l'intimée ait pu envisager de se séparer du recourant après l'accident litigieux, ou au terme de son incapacité de travail, ne traduit pas nécessairement une volonté de lui nuire ou d'utiliser abusivement ledit accident comme prétexte pour se débarrasser de lui, comme il le soutient. Les allégations du recourant selon lesquelles l'intimée aurait tenté de le contraindre à démissionner, ou à accepter un licenciement antidaté, ne sont pas vérifiées, étant observé qu'il n'a en tout état été licencié que plusieurs mois après son accident et plusieurs semaines après la fin de son incapacité de travail. Compte tenu de la responsabilité évidente du recourant dans l'accident en question, l'intimée pouvait par ailleurs légitimement s'interroger sur la nécessité de poursuivre ses relations contractuelles avec lui et il apparaît au surplus que ledit congé, de nature ordinaire, n'a pas été donné en raison de l'accident lui-même, mais du fait que l'intimé n'avait pas offert de reprendre son service à l'issue de son incapacité de travail, ce qui peut à juste titre lui être reproché.

Au vu des motifs qui précèdent, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le recourant échouait à démontrer, fût-ce par le biais d'indices, l'existence du harcèlement psychologique allégué, ainsi que de toute autre atteinte illicite à sa personnalité. Le recourant sera dès lors débouté des fins de son recours, dans la mesure où celui-ci est recevable.

3.             La valeur litigieuse devant la Cour étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A______ contre le jugement JTPH/75/2024 rendu le 2 avril 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/16431/2022.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.