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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/287/2023

ACJC/195/2025 du 11.02.2025 sur JTPH/191/2024 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/287/2023 ACJC/195/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 10 FEVRIER 2025

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 23 juillet 2024 (JTPH/191/2024), représentée par Me Audrey PION, avocate, Locca Pion & Ryser, promenade du Pin 1, case postale, 1211 Genève 3,

 

et

Monsieur B______, domicilié Résidence C______, ______ (France), intimé, représenté par Me Marine PANARIELLO, avocate, Canonica Valticos Carnicé
& Associés SA, rue Pierre-Fatio 15, case postale, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/191/2024 du 23 juillet 2024, reçu par A______ SARL le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ SARL à verser à B______ la somme brute de 27'697 fr. 52 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2022 (ch. 3 du dispositif), la somme nette de 4'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2022 (ch. 4), invité la partie en ayant la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 5), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6), mis les frais de la procédure, arrêtés à 500 fr. et compensés avec l'avance de frais, à charge de chacune des parties pour moitié (ch. 7 à 9), condamné en conséquence B______ à verser à A______ SARL 250 fr. (ch. 10) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 11).

B.            a. Le 16 septembre 2024, A______ SARL a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule, déboute B______ de toutes ses conclusions et le condamne aux frais de la procédure de première et seconde instance.

 

b. B______ n'a pas répondu à l'appel dans le délai qui lui a été imparti pour ce faire par la Cour.

 

c. Les parties ont été informées le 30 octobre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

 

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

 

a.    A______ SARL est une société à responsabilité limitée, inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but est l'exploitation d'un café-restaurant à l'enseigne "D______/A______" et d'un service traiteur et de conseils pour la gastronomie. E______ et F______ en sont les gérants, chacun avec signature individuelle, le premier cité étant également le président.

 

b.   B______ a été engagé par A______ SARL, en qualité de "Directeur adjoint F&B", à partir du 20 avril 2022, par contrat de travail à durée indéterminée daté du même jour. Le salaire mensuel convenu était de 5'500 fr. bruts versés treize fois l'an. L'employé bénéficiait de cinq semaines de vacances par année.

 

c.    B______ a été promu au poste de "Directeur F&B" à compter du 1er août 2022 par contrat du 15 juillet 2022. Le salaire mensuel convenu est passé à 8'000 fr. bruts, versés treize fois l'an, pour un horaire de travail de 42 heures par semaine.

 

Selon ce nouveau contrat de travail, le délai de congé était de deux mois pour la fin d'un mois de la première à la cinquième année de service. Il était également prévu que B______ bénéficiait de cinq semaines de vacances par an.

d. Un document intitulé "Fiche de poste: Directeur F&B – B______" daté du 15 juillet 2022 et signé par les parties décrivait les détails de la fonction. Le "Directeur F&B" avait pour responsabilités générales d'être le garant de l'image et de l'esprit du restaurant, et devait diriger, organiser et coordonner l'ensemble des services de la salle et de l'accueil. Il était notamment en charge du recrutement, de la construction, de la supervision et de la fidélisation de son équipe, en coordination avec la direction. Il avait également des fonctions de mise en place/approvisionnement, de commercialisation et de contrôle/gestion. Il était en outre précisé qu'il agissait sous la direction du président et de tout autre représentant de la direction qui lui serait désigné.

d.a B______ était responsable du personnel de la salle et de sa gestion, le chef de cuisine étant responsable de son personnel et des budgets liés à la cuisine.

d.b En matière de recrutement du personnel, il s'occupait des entretiens des collaborateurs fixes et des engagements des "extras" payés à l'heure en cas de manifestations ou de remplacements de maladie. Sa collègue, G______, assistante puis responsable administrative au sein de A______ SARL de mai 2018 à juin 2023, préparait les contrats de travail, qui étaient remis au comptable pour validation, puis vérifiés par F______ qui les signait et les remettait aux futurs employés.

d.c Il est arrivé à une occasion, en automne 2022, que F______ propose à B______ un candidat pour le poste de barman, car il estimait qu'il fallait redynamiser l'accueil et le bar. Il s'agissait d'une personne qu'il connaissait. B______ a alors fait part à F______ de ses réticences au vu de la masse salariale déjà élevée, mais il a tout de même validé l'engagement.

e. A______ SARL a organisé deux réunions les 6 octobre et 11 novembre 2022, lors desquelles elle a notamment convoqué le chef de service, soit B______, et le chef de cuisine. Les supports visuels présentés lors de ces séances font notamment état de la baisse du chiffre d'affaires (nombre de couverts) par rapport à l'année précédente, de lignes directrices à mettre en œuvre ou encore d'une sélection de commentaires négatifs publiés sur internet. Lors de la séance du 11 novembre 2022, en sus du chef de cuisine et de B______, étaient également présents l'assistant de ce dernier (H______), la responsable communication (I______), la responsable administration (G______), ainsi que E______ et F______.

f. En sus de ces réunions, F______ se rendait à intervalles réguliers dans le restaurant, toutes les deux ou trois semaines, et y rencontrait B______.

 

g.    Le 25 novembre 2022, F______ a appris de la part de G______ que B______ avait verbalement critiqué son employeur durant une réunion improvisée dans son bureau en présence d'employés de l'établissement.

 

h.   En date du 1er décembre 2022, B______ a été licencié avec effet immédiat lors d'un entretien avec F______. Une lettre de résiliation datée du même jour lui a été remise en mains propres. A______ SARL reprochait à B______ d'avoir tenu des propos inacceptables à l'encontre de sa hiérarchie, d'avoir manqué à ses obligations en constituant une masse salariale inadaptée à l'activité ainsi qu'en ayant eu recours à de nombreuses reprises à du personnel externe, sans aucun contrôle de l'impact sur le compte de résultat ni validation, grevant ainsi durablement l'exercice en cours, et, de façon plus globale, de ne pas avoir respecté les directives données ni l'outil de travail mis à disposition. La lettre de résiliation était signée par F______ et B______ l'a contresignée.

 

i. Par courrier du 8 décembre 2022 adressé à F______, B______ a sollicité la reprise de son poste jusqu'au 28 février 2023, pour terminer son délai de congé.

 

j. Par courrier du 19 décembre 2022, F______, pour le compte de A______ SARL, a confirmé à B______ son licenciement avec effet immédiat, la date de fin des rapports de travail étant intervenue au 1er décembre 2022. Il lui a précisé qu'il n'était pas nécessaire qu'il offre ses services, son droit au salaire étant éteint à la fin des rapports de travail.

 

k.   Le 20 décembre 2022, F______ a adressé à B______ sa fiche de salaire pour le mois de décembre 2022, comprenant notamment 288 fr. 89 bruts de salaire pour la journée du 1er décembre 2022, 4'426 fr. 40 bruts pour les vacances non prises et 643 fr. 80 bruts de part au 13ème salaire. La fiche de salaire était accompagnée d'un document à contresigner par lequel l'employé attestait avoir reçu notamment son salaire pour le mois de décembre 2022 "pour solde de tout compte" et avoir vu, lu et approuvé le décompte de ses jours de vacances, fériés et congés ainsi que les soldes à ce jour. B______ a retourné le document susvisé le même jour, après l'avoir signé.

 

l. Par lettre du 21 décembre 2022, B______ a formé opposition à son licenciement, contestant l'existence de justes motifs. Il précisait notamment dans ce courrier, s'agissant du non-respect de la masse salariale qui lui avait été reproché, que l'embauche d'un nouveau barman lui avait été imposée par F______. Il sollicitait le paiement de son salaire du 2 décembre 2022 au 28 février 2023.

 

m. Par requête du 10 janvier 2023, introduite en temps utile devant le Tribunal des prud'hommes suite à l'échec de la tentative de conciliation, B______ a assigné A______ SARL en paiement de 82'411 fr. 60, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2022. Ladite somme se décompose comme suit :

- 25'733 fr. 30 brut, à titre de dommages-intérêts (paiement du délai de congé);

- 4'678 fr. 40 brut, à titre d'indemnité pour vacances non prises;

- 51'999 fr. 90 net, à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

A l'appui de ses conclusions, B______ a contesté tous les manquements qui lui avaient été reprochés dans sa lettre de licenciement, relevant de surcroît que ceux-ci ne présentaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier un licenciement avec effet immédiat, ce d'autant qu'il n'avait jamais reçu d'avertissement préalable. Le licenciement avec effet immédiat n'étant pas justifié, il sollicitait six mois de salaire à titre d'indemnité, dans la mesure où il avait particulièrement mal vécu la situation, avait souffert d'insomnies, d'angoisses, de crises d'anxiété, de déprime ainsi que d'une importante perte de confiance envers lui-même. Son médecin lui avait prescrit un traitement médicamenteux à base d'anxiolytiques.

Il réclamait également un complément de salaire pour les vacances non prises considérant que son employeur ne lui avait versé que 4'426 fr. 40 à ce titre au lieu des 6'614 fr. 44 qui lui étaient dus pour 16,6 jours de vacances non prises. A ce montant, s'ajoutaient 2'490 fr. 37 pour les 6.25 jours de vacances relatifs à la période du 2 décembre 2022 au 28 février 2023, correspondant au délai de congé dont il avait été privé.

n. Dans sa réponse, A______ SARL a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

En substance, elle a exposé qu'à la suite des propos rapportés le 25 novembre 2022 et après avoir fait les vérifications qui s'imposaient, elle avait licencié B______ avec effet immédiat, le lien de confiance étant irrémédiablement rompu. S'agissant des vacances, B______ ne pouvait prétendre qu'à 14.22 jours de vacances non prises, soit 3'275 fr. 72, alors qu'il avait reçu 4'426 fr. 40 à ce titre. A______ SARL renonçait à demander le trop-perçu, mais sollicitait la compensation en cas de condamnation par le Tribunal. A______ SARL relevait également que le montant de 643 fr. 80 versé à B______ avec son dernier salaire au titre du treizième salaire était supérieur à ce qui lui était dû.

o. Interrogé par le Tribunal, B______ a déclaré, s'agissant de sa fiche de poste, que le contrôle des résultats n'était pas de son ressort, car chaque jour il envoyait les décomptes à F______. G______ s'occupait de la gestion administrative et les ressources humaines étaient également de son ressort. La masse salariale était gérée par F______ et tout passait par lui. B______ a expliqué que la séance du 11 novembre 2022 était due à l'organisation d'un évènement pour une cliente, qui s'était mal passé et que des reproches avaient été faits à l'ensemble des responsables de l'équipe. Avant cette séance, il n'avait reçu aucun reproche sur la qualité de son travail. Il n'avait jamais reçu d'avertissement, alors que cela était le cas pour d'autres collaborateurs. Il avait eu des ordres positifs sur la manière dont il devait diriger l'établissement, mais jamais d'ordres négatifs sur la manière dont il devait travailler. Il avait, une fois, eu un problème d'absence dans l'équipe et avait employé les termes suivants: "cela fait chier, c'est toujours les mêmes qui sont emmerdés", en précisant que cela ne visait pas la famille E______/F______, mais l'absentéisme dans la profession. Il ne s'attendait pas à être licencié, à quelques jours de ses vacances, alors qu'il avait de gros projets dans sa vie privée et en avait été perturbé. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour reprendre confiance en lui. Il était toujours perturbé et stressé quand il revenait de ses jours de congés. Il avait retrouvé un emploi le 27 mars 2023.

p. Pour le compte de A______ SARL, F______ a expliqué être le gérant de l'établissement, mais n'être pas toujours présent sur les lieux, raison pour laquelle il estimait devoir avoir une confiance aveugle dans le directeur F&B, qui était ses yeux et ses bras. Pour tous les recrutements que B______ avait effectués, lui-même n'avait pas rencontré les candidats en personne et il faisait confiance au choix de B______, car il n'avait qu'un pouvoir de signature. A______ SARL avait constaté des manquements importants de l'employé dès la fin de l'été 2022 et l'avait averti à plusieurs reprises pour sa mauvaise gestion, mais aucun avertissement écrit ne lui avait été adressé. Les avertissements avaient été donnés oralement et une réunion plus formelle avait eu lieu le 11 novembre 2022. A cette occasion, F______ avait relevé les points problématiques et demandé à B______ de trouver rapidement des solutions concrètes. Lors de ses rencontres régulières avec B______, il lui avait demandé de modifier certaines choses, ce qui n'avait pas été fait, d'où son insatisfaction. Les propos qui lui avaient été rapportés le 25 novembre 2022 étaient que le barman avait un statut spécial et qu'il était protégé, qu'il manquait à ses responsabilités et que B______ était "le dindon de la farce" et devait toujours rattraper ses erreurs. A la suite de cet événement, le rapport de confiance était rompu et l'entretien avait eu lieu au plus vite, en personne, car c'était plus humain, mais aussi car il n'était pas possible de prévoir la réaction de B______, qui avait accès à tout le restaurant.

q. Le Tribunal a ouvert des enquêtes et entendu comme témoin G______, responsable administrative de A______ SARL au moment des faits. Celle-ci a notamment déclaré qu'elle dépendait de F______ et que, à son souvenir, elle était sur le même niveau hiérarchique que B______, sauf qu'elle n'était pas cadre. Au sujet des propos rapportés à son employeur le 25 novembre 2022, elle a précisé qu'ils avaient été prononcés par B______ sur le coup de l'émotion, car il était mécontent du barman, qui avait fait un abandon de poste à son souvenir. Elle ne l'avait pas entendu à d'autres occasions. Elle en avait parlé à F______ par rapport à ses collègues, vu le non-respect de B______ envers lui.

r. A l'issue de l'administration des preuves, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, puis le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus. Il incombe toutefois au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

1.4 Compte tenu de la valeur litigieuse d'espèce, supérieure à 30'000 fr., la maxime des débats (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC a contrario) et la maxime de disposition (art. 55 CPC) s'appliquent.

2.             L'appelante a formulé un certain nombre de griefs à l'encontre de l'état de fait rédigé par le Tribunal. Celui-ci a, en tant que de besoin, été complété pour y intégrer tous les faits pertinents pour l'issue du litige.

3.             Le Tribunal a considéré que l'intimé, bien que possédant le titre de directeur, n'avait pas de pouvoirs décisionnels importants et qu'il ne pouvait pas engager la société, ni du personnel sous sa seule responsabilité. Il ne pouvait dès lors, de par sa position, pas être exclu du champ d'application de la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, étendue par arrêté du Conseil fédéral (CCNT).

L'appelante fait valoir qu'il fallait retenir que l'intimé avait une position dirigeante, ce qui avait pour conséquence, d'une part, que l'application de la CCNT devait être exclue à compter 1er août 2022, ce qui influençait le calcul du délai de congé et le droit aux vacances et, d'autre part, qu'un devoir de diligence accru devait être retenu à l'égard de l'intimé.

3.1 Dans la branche économique de l'hôtellerie et de la restauration, les rapports de travail sont régis par la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés du 6 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er octobre 1998 et dont la dernière version date du 1er janvier 2017 (CCNT). Par arrêtés successifs, le Conseil fédéral, fort des pouvoirs accordés par la loi fédérale permettant d'étendre le champ d'application d'une convention collective nationale de travail (LECCT, RS 221.215.311), a étendu la CCNT, y compris les modifications survenues dans ce texte (la dernière fois le 15 février 2024, cf. FF 2024 380), de sorte que ses clauses s'appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels elle est étendue. Si la convention collective de travail a un effet direct et impératif sur les rapports de travail qu'elle régit, elle n'exclut pas une réglementation plus favorable au travailleur en vertu de l'art. 357 al. 2 CO.

3.1.1 La CCNT s'applique aux établissements proposant des prestations dans les domaines de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi qu'à leurs travailleurs (art. 1 al. 1 CCNT). L'art. 2 al. 2 CCNT énumère exhaustivement les personnes exceptées de son champ d'application, dont notamment les chefs d'établissement et les directeurs. Le commentaire de la CCNT relatif à cet article précise que les collaborateurs qui exercent la fonction de chef d'établissement, de directeur, de gérant ou d'administrateur ne sont pas soumis à la CCNT. Le titre de la fonction ne suffit pas en soi pour échapper au régime de la CCNT. Ne sont exclues de la CCNT que les personnes qui, de par leur position et leur responsabilité et eu égard à la taille de l'établissement, disposent d'un pouvoir de décision important ou participent de manière déterminante à des décisions de portée majeure et peuvent ainsi influencer de manière durable la structure, la marche des affaires et le développement de l'établissement (art. 9 de l'Ordonnance 1 relative à la Loi sur le travail OLT 1). Tel est le cas par exemple d'une personne qui est habilitée à engager ou à licencier des collaborateurs sous sa propre responsabilité et qui peut déterminer la politique des salaires de l'établissement. En revanche, les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou administrateurs qui ne disposent d'aucun pouvoir de décision important au sens de l'art. 9 OLT 1 sont soumis à la CCNT (Commentaire CCNT, état au 1er janvier 2017, art. 2).

La fonction dirigeante élevée est définie à l'art. 9 OLT 1 de la manière suivante: « exerce une fonction dirigeante élevée quiconque dispose, de par sa position et sa responsabilité et eu égard à la taille de l'entreprise, d'un pouvoir de décision important, ou est en mesure d'influencer fortement des décisions de portée majeure concernant notamment la structure, la marche des affaires et le développement d'une entreprise ou d'une partie d'entreprise ». Cette notion reste toutefois sujette à interprétation et ses contours ont été précisés par la jurisprudence et la doctrine.

3.1.2 D'après la jurisprudence, la qualité de fonction dirigeante élevée implique une structure un tant soit peu complexe et hiérarchisée. L'employé exerçant une fonction dirigeante élevée doit ainsi se trouver au sommet de la hiérarchie et bénéficier d'une position privilégiée au sein du personnel de l'entreprise. Admettre le contraire conduirait immanquablement à des abus et, en définitive, à vider la loi de son sens, puisque cela permettrait à toutes les petites structures de contourner les prescriptions relatives au travail du dimanche et aux heures d'ouverture des magasins, en engageant un seul employé à qui elles confieraient toutes les responsabilités liées à l'exploitation de l'entreprise (ATF 140 II 46 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 2C_745/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.4). Cette notion doit être interprétée restrictivement (ATF 126 III 337 consid. 5a; arrêts 4A_258/2010 du 23 août 2010 consid. 1; 4C_310/2002 du 14 février 2003 consid. 5.2).

Les affaires essentielles correspondent à celles qui sont de nature à influencer de façon durable la marche et la structure de l'entreprise dans son ensemble, ou du moins dans l'une de ses parties importantes. Une position de confiance, la compétence de signer au nom de l'employeur ou celle de donner des instructions peuvent aussi être conférées à des travailleurs qui n'exercent pas de fonction dirigeante élevée aux termes de cette disposition; par conséquent, les faits de ce genre ne constituent pas des critères décisifs (ATF 126 III 337 consid. 5b;
98 Ib 344 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_745/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.1; 4C_310/2002 du 14 février 2003 consid. 5.2). En tout état de cause, il faut trancher la question de cas en cas, sans égard ni au titre ni à la formation reçue par la personne concernée, mais d'après la nature réelle de la fonction et en tenant compte des dimensions de l'entreprise (ATF 126 III 337 consid. 5a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_30/2021 du 16 juillet 2021 consid. 3.1; 2C_745/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.1).

3.1.3 La doctrine, pour sa part, relève qu'il convient de ne pas confondre la notion restreinte de travailleur qui exerce une fonction dirigeante élevée avec la notion de cadre qui est, elle, autonome et beaucoup plus large. La plupart des cadres en Suisse ne font pas partie de la catégorie des travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée (Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail 2024, p. 139-140; Dunand/Mahon, Commentaire du contrat de travail 2022, n°74-76 ad art. 321c; Dunand in Newsletter DroitDuTravail.ch mai 2015, commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_745/2014, p. 4-5). Dans la mesure où le Code des obligations ne la définit pas, la notion de cadre reste indéterminée et sujette à plusieurs acceptions. En principe, un cadre, et même un cadre dirigeant, bénéficie des règles protectrices du droit du travail, pour autant que le contrat qui le lie à son entreprise corresponde aux critères légaux du contrat de travail, les art. 319ss CO réglant tous les contrats de travail indépendamment du statut du travailleur (ATF 130 III 213 consid. 2.1). La jurisprudence admet quelques exceptions, pour les cadres supérieurs, qui ne peuvent par exemple en général pas prétendre à une indemnisation pour les heures supplémentaires de travail (art. 321c CO) et ont, en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère cette fonction dans l'entreprise, une obligation de fidélité accrue (art. 321a CO; ATF 129 III 171 consid. 2.1; 127 III 86 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_38/2020 du 22 juillet 2020 consid. 4.1; 4A_172/2012 du 22 août 2012 consid. 4.3.1).

3.2 En l'espèce, il sera tout d'abord relevé que l'application de la CCNT est uniquement pertinente pour le calcul du droit aux vacances non prises, dans la mesure où la CCNT prévoit à son art. 17 al. 1 cinq semaines de vacances, ce qui correspond à 35 jours civils (soit 5 x 7 jours), alors que les jours de vacances au sens de l'art. 329d CO ne se calculent que pour les jours travaillés. Ainsi, les cinq semaines de vacances prévues dans le contrat de travail de l'intimé correspondent à 25 jours (soit 5 x 5 jours). En revanche, le contrat de travail est plus favorable à l'employé pour la question du délai de congé (de deux mois pour la fin d'un mois dans le contrat de travail, alors que l'art. 6 al. 1 CCNT prévoit un délai de congé d'un mois). Le devoir de diligence accru d'un cadre dirigeant peut être retenu sous l'angle de l'art. 321a CO indépendamment de la qualification de position dirigeante au sens des articles 9 OLT 1 et 2 ch. 2 CCNT (ATF 104 II 28 consid. 1).

Certes, l'intimé a été promu au rang de directeur à compter du 1er août 2022. Cette nouvelle position impliquait des responsabilités de recrutement, supervision et formation de l'équipe et des responsabilités de coûts matières et de la masse salariale. La fiche de poste prévoit toutefois explicitement que le directeur agissait sous la direction du président ou de tout autre représentant de la direction, ce qui démontre qu'il n'était pas au sommet de la hiérarchie, contrairement à ce qu'exige la jurisprudence pour retenir une fonction dirigeante élevée. L'appelante confirme dans son écriture d'appel que l'intimé avait notamment pour tâche de superviser et fidéliser ses équipes en coordination avec la direction. Le fait que des séances étaient fixées à intervalles réguliers avec F______ et qu'il donnait à ces occasions des instructions à l'intimé sur la manière de diriger l'établissement sont des éléments qui démontrent que ce dernier exerçait ses fonctions sous la supervision de F______ et que son autonomie était limitée. Les parties s'accordent d'ailleurs sur le fait que le rôle de responsable de l'intimé se limitait au personnel de la salle et que le chef de cuisine était responsable du personnel de la cuisine et des budgets. De plus, l'intimé n'avait pas de pouvoir de signature pour la société; il ne signait pas les contrats de travail avec les employés. Rien n'indique qu'il avait, seul, le pouvoir d'influencer fortement des décisions de portée majeure, rôle qui semblait bien plus être attribué à F______ et E______.

Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, la position de cadre dont jouissait l'intimé ne suffisait pas à lui octroyer le pouvoir décisionnel sur les affaires importantes que requiert la fonction dirigeante élevée au sens de l'art. 9 OLT 1.

Par ailleurs, l'arrêt de la Cour de céans CAPH/240/2006 invoqué par l'appelante ne peut pas être transposé tel quel au cas d'espèce, étant rappelé que chaque situation doit être tranchée au cas par cas, en prenant en compte la nature réelle de la fonction et la dimension de l'entreprise. Or ces deux aspects ne sont pas comparables au cas qui nous occupe. En effet, dans le cas cité en exemple, l'employée, titulaire de la patente, jouissait d'une large autonomie dans l'exploitation du restaurant genevois et l'entreprise possédait plusieurs établissements répartis dans toute la Suisse.

Il ressort des considérations qui précèdent que l'exception prévue à l'art. 2 al. 2 CCNT n'est pas réalisée. Les premiers juges ont retenu avec raison que la CCNT, dans sa version entrée en vigueur au 1er janvier 2017, était applicable aux rapports entre les parties tant pour la période antérieure que postérieure à la promotion de l'intimé.

4.             Le Tribunal a retenu que l'intimé n'avait pas commis de faute particulièrement grave justifiant son licenciement avec effet immédiat. Les propos critiques de l'intimé rapportés par une collaboratrice à l'appelante le 25 novembre 2022 ne suffisaient pas à justifier une fin immédiate du contrat. Il s'agissait d'un événement isolé et les critiques avaient été prononcées sous le coup de l'émotion en raison de l'attitude d'un autre employé. Par ailleurs, l'appelante n'avait pas apporté la preuve de l'existence de prétendus autres manquements, et encore moins la preuve qu'ils auraient été à ce point graves qu'ils n'auraient pas permis la poursuite des relations de travail jusqu'au terme du délai de congé.

L'appelante fait valoir que l'intimé, qui exerçait une position hiérarchique élevée au sein de l'organisation du restaurant, avait gravement violé son devoir de diligence et de fidélité en colportant des propos irrespectueux à l'encontre du gérant de l'appelante devant des employés subalternes, dont il avait la responsabilité. Ce comportement suffisait à justifier un licenciement immédiat. Les autres motifs (soit la constitution d'une masse salariale inadaptée et le non-respect des directives et de l'outil de travail) étaient d'une gravité relative, mais avaient fait l'objet d'avertissements. Vu les événements passés, on ne pouvait pas objectivement exiger de l'appelante de continuer les rapports de travail avec l'intimé, qui avait un rôle déterminant au sein de l'entreprise tant vis-à-vis de la clientèle, que des autres employés ou des aspects financiers.

4.1 L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 1ère phrase CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

4.1.1 Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour "justes motifs" est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure. Par manquement, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 du 6 juin 2019 consid. 4.1). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat. Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 précité consid. 4.1).

L'avertissement ne doit pas nécessairement comporter dans chaque cas une menace expresse de résiliation immédiate. Il n'en demeure pas moins qu'en avertissant le travailleur, l'employeur doit clairement lui faire comprendre qu'il considère le comportement incriminé comme inadmissible et que sa répétition ne restera pas sans sanction; le travailleur doit savoir quelle attitude ne sera plus tolérée à l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 4.3.4). La résiliation immédiate et l'avertissement doivent ainsi être motivés par un manquement de même nature (ATF 127 III 153 consid. 2b). La gravité de l'acte, propre à justifier un licenciement immédiat, peut être absolue ou relative. Dans le premier cas, elle résulte d'un acte pris isolément. Dans le second, elle résulte du fait que le travailleur, pourtant dûment averti, persiste à violer ses obligations contractuelles; ici, la gravité requise ne résulte pas de l'acte lui-même, mais de sa réitération (arrêt du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 4.3.4). Il est exclu d'invoquer comme justes motifs de congé immédiat des circonstances survenues après la déclaration de résiliation du contrat (ATF
142 III 579 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1.2).

Des injures ou de la violence dirigées contre la personne de l'employeur peuvent constituer une atteinte à sa personnalité et justifier un licenciement immédiat s'ils atteignent une certaine intensité (arrêts du Tribunal fédéral 4A_431/2020 du 29 décembre 2020 consid. 5.4; 4A_60/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3.3; 4C_247/2006 du 27 octobre 2006 consid. 2.6). 

Le dénigrement de l'employeur auprès du personnel, de la clientèle ou sur la place publique constitue une violation caractérisée du devoir de fidélité et justifie en règle générale le renvoi immédiat (ATF 127 III 86 consid. 2; ATF 127 III 310 consid. 5b). Tel n'est cependant pas le cas d'une simple critique, a priori fondée, formulée à l'occasion d'une interview par un représentant d'une fédération de football à l'adresse d'un puissant club membre (arrêt du Tribunal fédéral 4C_312/2006 du 13 décembre 2006 consid. 4.3.2).

On peut encore relever dans ce contexte qu'il faut distinguer l'infraction due à un état d'énervement et de perte de maîtrise de celle commise avec une intention de nuire à l'employeur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_60/2014 précité consid. 3.4 et 4A_333/2009 du 3 décembre 2009 consid. 2.3).

4.1.2 Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO); il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la responsabilité du travailleur, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l'importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_225/2018 du 6 juin 2019 consid. 4.1).

De manière générale, les éventuelles comparaisons avec des décisions judiciaires rendues dans des causes que les parties tiennent pour similaires à la leur doivent être appréciées avec circonspection. En effet, pour déterminer le caractère justifié (ou injustifié) d'une résiliation immédiate, il convient d'examiner l'ensemble des circonstances et une large place est laissée à l'appréciation du juge, de sorte qu'établir une casuistique en se focalisant sur un seul élément du dossier, sorti de son contexte, n'est pas significatif (arrêts du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 3.3; 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3).

Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d'en établir l'existence (art. 8 CC).

4.1.3 A raison de son obligation de fidélité, l'employé est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et, par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 124 III 25 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2020 du 25 mars 2020 consid. 6.1).

A cet égard, le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue, compte tenu du crédit particulier et la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 130 III 28 consid. 4.1; Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail 2024, p. 783). La notion de cadre est examinée au regard des circonstances, de l'autonomie et de l'autorité qui sont effectivement accordées à l'employé (Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail 2024, p. 783).

4.2 En l'espèce, bien que n'exerçant pas une fonction dirigeante élevée, l'intimé doit être considéré comme un cadre au regard des circonstances, notamment de son titre, de son cahier des charges et de ses responsabilités, ce qui justifie de retenir un devoir de fidélité accru. Il a certes eu un comportement inadéquat en tenant des propos critiques devant d'autres employés, comme cela a été rapporté le 25 novembre 2022 à l'appelante. Les conséquences de ce comportement doivent toutefois être relativisées, comme l'a relevé à bon droit le Tribunal.

4.2.1 En effet, il doit tout d'abord être retenu, à l'instar du Tribunal, qu'il s'agissait d'un événement isolé. L'appelante soutient, en pure perte, le contraire. Les quelques autres éléments qu'elle cite à cet appui dans son appel se rapportent en réalité toujours au même événement et ne sont que des allégations non prouvées qui sont contestées. Elle évoque également le fait que, lors de l'entretien de résiliation des rapports de travail, l'intimé aurait traité sa collègue de travail de "langue de vipère". Or, comme évoqué plus haut, il est exclu d'invoquer comme justes motifs des circonstances survenues après la déclaration de résiliation du contrat. Il n'a d'ailleurs jamais été soutenu, ni même allégué, dans les écritures de première instance que ces termes, prononcés sans doute après l'annonce de fin immédiate des rapports de travail, aurait décidé l'employeur à mettre sans délai un terme au contrat. De plus, l'appelante n'allègue pas, et prouve encore moins, avoir donné un avertissement à l'intimé concernant une communication inappropriée à l'égard de ses collègues ou de sa hiérarchie. Il y a ainsi lieu de retenir que l'intimé n'a pas agi de la sorte à d'autres reprises, ce qui est également corroboré par le témoignage de G______.

L'intensité des propos tenus doit également être tempérée. F______ a expliqué devant le Tribunal que G______ lui avait rapporté que le barman, qui manquait à ses responsabilités professionnelles, était protégé et que B______ était le "dindon de la farce" et devait toujours rattraper ses erreurs. L'intimé a reconnu avoir dit "cela fait chier, c'est toujours les mêmes qui sont emmerdés" à la découverte de l'abandon de poste du barman, en précisant que ces propos visaient l'absentéisme dans la profession. La témoin G______ n'a pas clarifié les propos rapportés à son employeur lors de son audition, mais a rappelé le contexte. L'intimé s'était "lâché sous le coup de l'émotion", alors qu'il était mécontent du barman, engagé sur proposition de F______, qui avait fait un abandon de poste et qu'il y avait deux salles du restaurant à gérer.

Qu'il s'agisse de la version reconnue par l'intimé ou de celle relatée par l'appelante, ces propos, pris dans leur contexte, ne sauraient atteindre, à eux seuls, le stade de gravité qui justifie un licenciement immédiat, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal. En effet, c'est dans un contexte particulier et tendu d'abandon de poste, alors que deux salles du restaurant étaient remplies, que l'intimé a prononcé les propos inadéquats relatés ci-dessus, qui selon l'intimé n'avaient pas pour but de viser sa hiérarchie. Ils doivent ainsi être considérés comme une critique isolée due à un état d'énervement et ne sauraient être qualifiés d'acte délibéré de dénigrement de l'employeur devant des employés.

4.2.2 L'appelante tente d'assimiler le présent cas à celui d'une affaire où un cadre supérieur avait fait circuler au préalable à des collaborateurs un projet de plan de restructuration de l'entreprise destiné à la direction qui contenait des propos inacceptables et insultants qui dépassaient largement le simple stade de la critique (arrêt du Tribunal fédéral 4C_400/2004 du 14 février 2005). Il ressort de l'arrêt en question, que ledit employé avait qualifié ses supérieurs d'incapables et de menteurs pathologiques et usait de menaces et de chantage. C'est dans ce contexte spécifique que le Tribunal fédéral a retenu que le texte incriminé exprimait avant tout l'intention de l'employé de nuire à son employeur et qu'il existait de justes motifs. Le cas est ainsi bien éloigné du cas d'espèce, dans lequel l'intimé a sous le coup de l'emportement exprimé des propos d'une gravité toute relative, sans que l'on puisse discerner une intention de nuire à son employeur.

Par ailleurs, il sied de relever que la jurisprudence publiée à l'ATF 127 III 86, également citée en exemple par l'appelante, a une portée limitée, puisque le cas ne concernait pas la question d'une résiliation avec effet immédiat du contrat.

4.2.3 Pour ce qui est des autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement et dont il est fait état en appel (soit la constitution d'une masse salariale inadaptée et le non-respect des directives données et de l'outil de travail) – d'une gravité relative de l'aveu même de l'appelante – c'est à bon droit que le Tribunal retient que ceux-ci n'ont pas été prouvés, alors même qu'ils étaient contestés. L'appelante soutient que les relevés sur la santé financière de l'établissement et les avis désobligeants publiés sur internet produits dans la procédure venaient corroborer les reproches formulés à l'intimé. Si ces documents font effectivement état de finances moins élevées que l'année précédente et de critiques de certains clients – choisies de manière discrétionnaire par l'employeur –, cela ne suffit pas encore à démontrer que l'intimé en serait seul responsable, ni qu'il aurait effectivement constitué une masse salariale inadaptée ou qu'il n'aurait pas respecté les directives ou l'outil de travail – reproches dont la teneur n'a pas été plus étayée au demeurant – ce qu'il conteste fermement. Il sera également rappelé que l'intimé n'était pas responsable de la cuisine, ni des budgets y relatifs.

A cela s'ajoute que l'employeur aurait dû clairement faire comprendre à l'intimé qu'il considérait que ces comportements, si tant est qu'ils eussent été prouvés et d'une gravité propre à empêcher la poursuite de la relation de travail, comme inadmissibles et que leur répétition ne resterait pas sans sanction. Or, l'appelante reconnaît n'avoir adressé aucun avertissement écrit. Elle soutient que des rappels à l'ordre auraient été formulés à l'endroit de l'intimé lors des séances du 6 octobre et 11 novembre 2022. Ces séances visaient toutefois plusieurs employés et avaient pour vocation de donner des directions pour la bonne marche des affaires, à l'image des réunions qui étaient tenues à intervalles réguliers. Aucun élément ne permet d'établir qu'elles auraient eu pour but d'avertir les participants sur les conséquences qui seraient données à la réitération de comportements déterminés, ce que l'appelante n'allègue pas non plus.

Il sera finalement relevé que, même si l'on pouvait considérer que les comportements reprochés avaient été prouvés et que l'employeur avait valablement adressé des avertissements à l'intimé, l'appelante omet encore d'alléguer, et partant de prouver, la réitération du manquement qui aurait justifié le licenciement immédiat du 1er décembre 2022. Il convient à cet égard de rappeler que le reproche isolé concernant des propos inappropriés tenus devant des subalternes, est sans rapport avec les manquements précédemment allégués par l'appelante relatifs à la constitution d'une masse salariale inadaptée et au non-respect de directives ou de l'outil de travail.

Au vu des circonstances qui précèdent, le comportement de l'intimé n'était pas propre à atteindre le rapport de confiance si profondément que la continuation des rapports de travail ne pouvait raisonnablement pas être exigée. Le Tribunal a ainsi considéré à juste titre qu'un licenciement immédiat ne se justifiait pas; un avertissement ou un licenciement ordinaire auraient été des mesures suffisantes.

5.             Le Tribunal a retenu que l'intimé avait droit à 25'711 fr. 12 bruts à titre de salaire jusqu'au 28 février 2023, ayant été licencié avec effet immédiat de manière injustifiée le 1er décembre 2022 et bénéficiant d'un délai de préavis de deux mois pour la fin du mois. De plus, il a considéré justifié d'accorder une indemnité de 4'000 fr. à l'intimé au sens de l'art. 337c al. 3 CO, en se basant sur la durée de la relation de travail, l'atteinte à la personnalité de l'intimé et la durée de sa recherche d'emploi.

L'appelante soutient, dans une argumentation subsidiaire, que l'intimé a signé un solde de tout compte le 20 décembre 2022 portant sur les rapports de service et qu'il a ainsi valablement renoncé à toute prétention en découlant, notamment celles relatives à l'art. 337c al. 3 CO. Dans l'hypothèse où la question d'une indemnité devait tout de même se poser, elle estime que l'intimé a violé son devoir de diligence et de fidélité de manière grave et que cela justifie de nier l'octroi d'une indemnité.

5.1 Si les conditions de l'art. 337 al. 1 CO ne sont pas remplies, le travailleur a droit à des indemnités pécuniaires à charge de l'employeur (art. 337c al. 1 à 3 CO). Il a tout d'abord droit à ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé ordinaire (art. 337c al. 1 CO; ATF 125 III 14 consid. 2b et c), sous déduction de ce qu'il a épargné par suite de la cessation du contrat de travail, ainsi que du revenu qu'il a tiré d'un autre travail ou du revenu auquel il a intentionnellement renoncé (art. 337c al. 2 CO).

5.1.1 L'art. 337c al. 3 CO prévoit en outre que le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire. Cette indemnité, qui s'ajoute aux droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO, revêt une double finalité, à la fois réparatrice et punitive, quand bien même elle ne consiste pas en des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage; revêtant un caractère sui generis, elle s'apparente à la peine conventionnelle (ATF 135 III 405 consid. 3.1; 120 II 209 consid. 9b).

Sauf cas exceptionnel, elle doit être versée pour tout licenciement immédiat dénué de justes motifs (ATF 133 III 657 consid. 3.2 et les réf. citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1). Elle peut être refusée dans des circonstances particulières, par exemple lorsque tout manquement de l'employeur ou tout reproche d'un autre ordre est exclu (ATF 116 II 300 consid. 5a) ou encore lorsque la faute concomitante de l'employé est grave (ATF 120 II 243 consid. 3e). Une éventuelle faute concomitante du travailleur est prise en considération et peut donner lieu à une réduction, voire à une suppression de l'indemnité lorsque la faute du travailleur est grave, mais insuffisante pour justifier le licenciement avec effet immédiat, ou encore lorsque tout manquement de l'employeur ou tout reproche d'un autre ordre est exclu (Wyler/Heinzer, Droit du travail 2024, p. 766).

Pour fixer cette indemnité, le juge prend en considération la gravité de la faute de l'employeur et de l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur, mais également d'autres éléments tels que la faute concomitante du travailleur, la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale et les effets économiques du licenciement, ce qui présuppose de prendre en considération aussi bien la situation économique de l'employeur que celle de l'employé; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même (ATF 135 III 405 consid. 3.1; 123 III 391 consid. 3; 121 III 64 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1; 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 6.2.1).

Le juge du fait possède un large pouvoir d'appréciation tant en ce qui concerne le principe que l'ampleur de l'indemnisation prévue à l'art. 337c al. 3 CO (art. 4 CC).

5.1.2 Aux termes de l'art. 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective. Selon la jurisprudence, cette norme prohibe la renonciation unilatérale du travailleur, mais ne s'oppose pas à un arrangement comportant des concessions réciproques – d'importance comparable –, pour autant qu'il s'agisse nettement d'un cas de transaction (Aufhebungsvertrag; ATF 136 III 467 consid. 4.5; 118 II 58 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_563/2011 du 19 janvier 2012 consid. 4.1).

Une quittance pour solde de comptes, en tant que reconnaissance négative de dette, est une déclaration unilatérale de volonté; si elle est signée par le travailleur dans la période de protection de l'art. 341 al. 1 CO, elle ne vaut pas remise de dette (art. 115 CO) pour les prétentions résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective, sous réserve du cas de transaction cité ci-dessus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.1).

Parmi les dispositions visées à l'art. 341 al. 1 CO, on compte les dispositions énumérées aux art. 361 et 362 CO (absolument ou relativement impératives), mais cette énumération n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4).

L'art. 337c al. 3 CO n'est pas mentionné à l'art. 362 CO, contrairement à l'art. 337c al. 1 CO, car il s'adresse au juge et non aux parties, mais il faut tout de même considérer qu'il est de nature relativement impérative (arrêt du Tribunal fédéral 4A_474/2010 du 12 janvier 2011 consid. 2.3; Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail 2024, p. 841).

5.2 En l'espèce, il y a tout d'abord lieu de constater que le document signé par l'intimé le 20 décembre 2022 et comprenant la notion de "solde de tout compte", a été signé par l'employé quand il était encore dans la période de protection, puisque le délai d'un mois après la fin des rapports de travail n'était pas encore échu. Or, tant l'art. 337c al. 1 CO que l'indemnité prévue à l'art. 337c al. 3 CO sont de nature relativement impérative, de sorte que l'intimé n'a pas pu valablement y renoncer, étant précisé que l'appelante n'allègue pas que ce prétendu solde de compte serait inclus dans une transaction comportant des concessions comparables de sa part. Ce document, dont la teneur ne sera pas analysée plus en détail, n'a ainsi pas de valeur juridique que ce soit pour la question du droit au salaire jusqu'à la fin du délai de congé ordinaire que pour celle de l'indemnité due à l'intimée.

5.2.1 La résiliation immédiate des rapports contractuels du 1er décembre 2022 ne reposant sur aucun motif admissible et étant injustifiée, l'intimé a droit à ce qu'il aurait gagné si le contrat avait pris fin à l'expiration du délai de congé. Le délai de préavis contractuel étant de deux mois pour la fin d'un mois, le contrat aurait dû prendre fin le 28 février 2023.

Le salaire mensuel de l'intimé s'élevant à 8'666 fr. 67, treizième salaire inclus, ([8'000 fr. x 13 mois] / 12 mois) et l'appelante lui ayant versé 288 fr. 89 bruts pour la journée du 1er décembre, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'intimé avait droit à 25'711 fr. 12 bruts à titre de salaire ([8'666 fr. 67 x 3 mois] – 288 fr. 89). Le Tribunal a toutefois omis de déduire encore de ce montant la part au 13ème salaire de 643 fr. 80 bruts que l'intimé a reçus avec son salaire du mois de décembre. L'appelante doit ainsi être condamnée à verser un montant de 25'067 fr. 32 (25'711 fr. 12 - 643 fr. 80).

Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera ainsi modifié sur ce point.

5.2.2 Pour le surplus, aucune circonstance particulière ne justifie de s'écarter du principe de l'octroi d'une indemnité supplémentaire en application de l'art. 337 al. 3 CO, contrairement à ce que fait valoir l'appelante. En effet, le licenciement immédiat de l'intimé était injustifié (cf. consid. 4.2 à 4.2.3) et l'indemnité accordée de 4'000 fr., correspondant à un demi mois de salaire, prend adéquatement en considération les différents critères développés par la jurisprudence (atteinte à la personnalité, situation économique, durée des rapports de travail), ce qui n'est en soi pas contesté par l'appelante dont l'argumentaire concerne uniquement l'absence de prise en compte d'une prétendue faute concomitante grave de l'intimé. Or, si son comportement a certes été reconnu, à une reprise, comme inadéquat au vu de son statut (cf. consid. 4.2), cela ne saurait être retenu comme une faute concomitante grave justifiant la suppression ou la réduction de l'indemnité. Il n'a pas été démontré que ce comportement isolé visait délibérément à causer du tort à l'employeur, ni qu'il aurait eu des conséquences sur la bonne marche du restaurant.

Partant, l'indemnité de 4'000 fr. nets telle que prévue dans le jugement querellé sera confirmée.

6.             Le Tribunal a condamné l'appelante à verser 1'986 fr. 40 bruts à l'intimé au titre des vacances non prises. Pour calculer ce montant, le Tribunal a retenu que l'intimé avait droit à 1'952 fr. 35 au titre des vacances (soit 9.83 jours) pour la période du 20 avril au 31 juillet 2022. Pour la période du 1er août 2022 au 28 février 2023, faisant suite à sa promotion, il pouvait prétendre à 6'412 fr. 20 correspondant à 15.44 jours de vacances, après déduction des cinq jours de vacances pris en septembre. Au vu du montant déjà versé par l'appelante de 4'426 fr. 40, un solde de 1'986 fr. 40 était encore dû à l'intimé.

L'appelante considère qu'elle ne doit verser aucun montant à l'intimé au titre des vacances en raison du solde de compte signé par l'intimé, d'une part, et du montant de 4'426 fr. 40 déjà versé à ce titre, d'autre part. Selon elle, ce montant était supérieur au montant auquel l'intimé pouvait prétendre. Ce dernier, n'étant pas soumis à la CCNT, bénéficiait de 25 jours de vacances par année selon son contrat et le Tribunal n'avait pas tenu compte du fait qu'il avait pris quinze jours de vacances en janvier 2023.

6.1. Selon l'art. 17 al. 1 CCNT, le collaborateur a droit à cinq semaines de vacances par année (35 jours par année civile, 2,92 jours civils par mois). L'alinéa 5 du même article prévoit qu'à la fin des rapports de travail, les jours de vacances qui n'ont pas été pris doivent être indemnisés à raison de 1/30ème du salaire brut mensuel.

Selon l'art. 337c al. 1 CO, lorsque l'employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs, le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé. Cette créance en dommages-intérêts comprend non seulement le salaire, mais aussi, en principe, le droit aux vacances, remplacé par des prestations en argent. Selon la jurisprudence, le droit au paiement des vacances en espèces n'est toutefois pas absolu. S'il est en tout cas reconnu au travailleur qui est renvoyé alors que le contrat aurait normalement pu prendre fin dans un délai relativement bref, estimé à deux ou trois mois, il n'en va pas de même lorsque l'employé est indemnisé pour une longue période au cours de laquelle il ne travaille pas. En effet, le paiement des vacances en plus du salaire perdu se justifie lorsque le travailleur, privé de ses ressources et obligé de rechercher un nouvel emploi, ne peut véritablement organiser et prendre ses vacances, ou lorsqu'il trouve une place qu'il doit occuper immédiatement (ATF 117 II 270 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_308/2008 du 25 septembre 2008 consid. 3.2).

6.2 En l'espèce, l'appelante ne conteste pas le calcul du Tribunal relatif au salaire afférent aux vacances pour la période allant du 20 avril au 31 juillet 2022, de sorte que seul le calcul portant sur la période allant du 1er août 2022 au 28 février 2023 reste litigieux.

Il est tout d'abord rappelé que l'intimé est soumis à la CCNT et que ses dispositions priment le contrat individuel de travail, à moins que ce dernier soit plus favorable à l'employé. Comme expliqué plus haut, tel n'est pas le cas en l'espèce (cf. consid. 3.2).

Le grief de l'appelante selon lequel aucun montant ne serait dû en raison du prétendu "solde de compte" signé par l'intimé doit être rejeté. En effet, les dispositions de la CCNT sont de nature impérative, de sorte qu'il ne saurait y être dérogé en défaveur de l'intimé par une remise de dette signée avant l'écoulement du délai d'un mois après la fin des rapports de travail (cf. consid. 5.1.2).

L'appelante considère également à tort que le Tribunal aurait dû distinguer la période antérieure à l'annonce de la résiliation des rapports de travail (du 1er août au 1er décembre 2022) de celle postérieure (du 2 décembre 2022 au 28 février 2023). En effet, le prétendu "solde de compte" n'ayant pas de portée juridique pour la question des vacances, rien ne justifiait d'opérer une telle distinction, la relation étant régie, pour ce qui concerne les vacances, par l'art. 17 CCNT.

Dans la mesure où il n'est pas contesté que, pour la période litigieuse du 1er août 2022 au 28 février 2023 (soit 7 mois), l'intimé n'a pris que cinq jours de vacances, c'est à bon droit que le Tribunal a calculé qu'il bénéficiait d'un solde de 15.44 jours, soit 20.44 jours (2.92 jours de vacances par mois x 7 mois) sous déduction des cinq jours pris.

L'appelante soutient encore que le Tribunal aurait dû déduire de ce décompte quinze jours que l'intimé aurait pris en janvier 2023. Ce fait n'a jamais été allégué dans les écritures des parties et il n'est pas établi que l'intimé a effectivement bénéficié de vacances en janvier. Ce dernier a uniquement évoqué en audience qu'il avait été très affecté par son licenciement intervenu à quelques jours des trois semaines de vacances qu'il avait posées en janvier. On ignore toutefois si lesdites vacances ont été prises. Il n'est par ailleurs pas établi que l'intimé faisait référence à ces vacances quand il a mentionné être stressé lorsqu'il revenait de ses jours de congé à l'audience du 18 avril 2024. Cela semblait bien plus se rapporter à son nouveau travail, puisqu'il a expliqué dans la phrase précédente être encore perturbé à l'heure actuelle. En tout état de cause, la jurisprudence prévoit explicitement que le droit au paiement des vacances est reconnu quand le contrat aurait pu prendre fin dans un délai de deux à trois mois, ce qui est le cas en l'espèce. La thèse de l'appelante ne pourra ainsi qu'être rejetée pour ces divers motifs.

Les premiers juges ont calculé à juste titre que le salaire correspondant à ces 15.44 jours de vacances non pris correspondait à 4'406 fr. 45, en application de l'art. 17 al. 5 CCNT (soit [8'666 fr. 67/30 jours] x 15.44). De la même manière, c'est à bon droit que le montant de 4'426 fr. 40 déjà reçu par l'intimé a été déduit de ce montant, ce qui n'est au demeurant pas contesté par l'appelante sur le principe. Le jugement querellé sera ainsi confirmé pour ce qui concerne le solde de 1'986 fr. 40 (soit 1'952 fr. 35 + 4'460 fr. 45 - 4'426 fr. 40) dû à l'intimé au titre des vacances non prises.

7.             Le Tribunal a débouté l'appelante de son exception de compensation concernant le trop-perçu reçu par l'intimé au titre de ses vacances, d'une part, et au titre de la part au treizième salaire, d'autre part. Il a retenu que l'intimé n'avait pas perçu l'intégralité de l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre au titre des vacances non prises de sorte qu'un montant restait dû, et que l'appelante n'avait pas démontré et chiffré le montant relatif au trop-perçu concernant la part au treizième salaire.

L'appelante fait valoir, dans une argumentation subsidiaire, qu'un solde de 1'105 fr. 05 a été versé en trop pour les vacances non prises, l'intimé ayant reçu 4'426 fr. 40 à ce titre, alors que, selon elle, il aurait dû recevoir 3'321 fr. 35. Elle chiffre par ailleurs dans son appel la part au treizième salaire versé en trop avec le mois de décembre 2022 à 621 fr. 90. Elle considère ainsi qu'un montant total de 1'726 fr. 95 (soit 1'105 fr. 05 + 621 fr. 90) serait à déduire de tout montant auquel l'appelante serait par hypothèse condamnée à verser à l'intimé.

7.1 Selon l'article 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles.

La compensation nécessite une déclaration du débiteur (art. 124 al. 1 CO). La déclaration de compensation nécessaire selon l'art. 124 al. 1 CO est un acte unilatéral soumis à réception. Elle n'est assujettie à aucune exigence de forme et elle peut résulter d'actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2018 du 27 septembre 2019 consid. 7.3; 4A_27/2012 du 16 juillet 2012 consid. 5.4.1). La compensation peut être signifiée avant la litispendance (auquel cas il faut l'alléguer et la prouver comme n'importe quelle communication d'une partie à l'autre antérieure au procès) ou opérée par une affirmation en procédure, pour autant qu'elle intervienne à un stade permettant encore d'invoquer des faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2020 du 10 février 2021 consid. 4.2.1; Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 26 ad art. 222 CPC). La compensation peut aussi n'être invoquée qu'à titre éventuel. Il en va ainsi lorsque le compensant conteste la demande et, pour le cas où ses arguments seraient rejetés, fait valoir subsidiairement la compensation déclarée antérieurement ou dans le procès comme moyen supplémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2007 du 10 décembre 2007 consid. 8.3.1).

En procédure, la compensation est un moyen de défense par lequel le débiteur nie l'existence du droit invoqué par le créancier. Partant, il incombe en principe à l'autorité chargée de statuer sur la prétention principale de se prononcer sur l'existence de la créance opposée en compensation, selon l'adage "le juge de l'action est le juge de l'exception" (ATF 124 III 207 consid. 3b/bb; 85 II 103 consid. 2b). En effet, dès le moment où le débiteur a déclaré son propre droit en compensation, celui-ci est éteint jusqu'à due concurrence (art. 124 al. 2 CO), et ne peut plus, dans cette mesure, être l'objet d'un procès indépendant (ATF 85 II 103 consid. 2b).

7.2 En l'espèce, l'intégralité du montant de 4'426 fr. 40 versé par l'appelante à l'intimé au titre des vacances a déjà été déduit du solde dû à l'intimé au même titre (cf. consid. 6.2). Contrairement au calcul erroné effectué par l'appelante pour le salaire afférent aux vacances, il ne reste aucun trop-perçu touché par l'intimé qui pourrait par hypothèse être compensé.

Il en va de même en ce qui concerne la part au 13ème salaire. En effet, le montant perçu par l'intimé à ce titre avec son salaire du mois de décembre 2022 a d'ores et déjà été déduit du droit au salaire de ce dernier jusqu'à la fin de son délai de congé (cf. consid. 5.2.1).

L'appelante sera ainsi déboutée de son exception de compensation.

8.             Le Tribunal a calculé les intérêts moratoires de 5% dus sur le montant que l'appelante était condamnée à verser à l'intimé (à titre de salaire, de salaire afférent aux vacances non prises et d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié) à compter du 1er décembre 2022, soit la date de fin des rapports de travail.

L'appelante – qui conteste être redevable de tout montant à l'égard de l'intimé – soutient, à titre subsidiaire, que les intérêts moratoires auraient dus commencer à courir le lendemain de cette date, soit à compter du 2 décembre 2022.

8.1 Les créances devenant exigibles par l'expiration du contrat en application de l'art. 339 al. 1 CO, le créancier peut en réclamer le paiement avec un intérêt moratoire à 5% dès la fin des rapports de travail, sans qu'une mise en demeure soit nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C_414/2005 du 29 mars 2006 consid. 6). Le dies a quo des intérêts moratoires démarre ainsi le lendemain de la fin des rapports de travail, moment auquel les créances sont devenues exigibles en vertu de l'art. 339 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C_320/2005 du 20 mars 2006 consid. 6.2).

8.2 En l'espèce, les rapports de travail ont pris fin le 1er décembre 2022, jour du licenciement immédiat injustifié. Il ressort du présent arrêt que l'appelante est condamnée à verser à l'intimé 27'053 fr. 72 bruts à titre de salaire et de salaire afférent aux vacances non prises (25'067 fr. 32 + 1'986 fr. 40), ainsi que 4'000 fr. nets à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié. En application des principes exposés ci-dessus, le dies a quo des intérêts doit ainsi être fixé au 2 décembre 2022, soit le lendemain de la date de fin des rapports de travail, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

Les chiffres 3 et 4 du jugement entrepris seront modifiés en ce qui concerne le dies a quo des intérêts, l'appelante étant condamnée à verser à l'intimé la somme brute de 27'053 fr. 72 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 2 décembre 2022 et la somme nette de 4'000 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 2 décembre 2022.

Le jugement sera confirmé pour le surplus.

9.             Au regard de la valeur litigieuse, inférieure à 50'000 fr., il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires d'appel (art. 116 CPC, art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Par ailleurs, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction prud'homale, il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 16 septembre 2024 par A______ SARL à l'encontre du jugement JTPH/191/2024 rendu le 23 juillet 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/287/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau:

Condamne A______ SARL à verser à B______ la somme brute de 27'053 fr. 72 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 2 décembre 2022.

Condamne A______ SARL à verser à B______ la somme nette de 4'000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 2 décembre 2022.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Sur les frais:

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Pierre-Alain L'HÔTE, Madame Filipa CHINARRO, juges assesseurs;
Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.