Décisions | Chambre des prud'hommes
CAPH/102/2024 du 02.12.2024 ( SS ) , IRRECEVABLE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/11522/2022 CAPH/102/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU LUNDI 2 DECEMBRE 2024 |
Entre
A______ SÀRL, sise ______ [GE], recourante d'une ordonnance d'instruction rendue par le Tribunal des prud'hommes le 12 mars 2024, représentée par Me Christian REISER, avocat, REISER Avocats, route de Florissant 10, case postale 186, 1211 Genève 12,
Et
Monsieur B______, domicilié ______ [VD], intimé, représenté par Me C______, avocate, [Étude] D______, ______ [GE].
A. a. Le 16 juin 2022, B______, représenté par Me C______, avocate, a déposé une requête auprès de l'autorité de conciliation des Prud'hommes à l'encontre de A______ SARL, représentée par Me E______, avocate.
b. Suite à la délivrance le 4 août 2022 de l'autorisation de procéder par l'autorité de conciliation ayant constaté l'échec de celle-ci, B______, représenté par Me C______, avocate, a assigné, le 11 novembre 2022, A______ SARL, représentée par Me F______, avocat, en paiement des sommes de 207'103 fr. 45 et 7'501 fr. portant intérêts à 5%, respectivement dès le 1er juin 2022 et le 1er décembre 2021, sous réserve d’amplification après reddition de l’expertise actuarielle sollicitée à titre préalable afin de déterminer le montant du dommage subi à sa prévoyance professionnelle. Il a également sollicité la production d’un certificat de travail final conforme à l’art. 330a CO et un certificat de salaire comprenant les montants alloués, sous suite de frais judiciaires.
c. A______ SARL a conclu, par mémoire du 1er mars 2023, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à décision définitive au pénal, suite à la dénonciation de A______ SARL du 1er mars 2023 et, principalement, au déboutement de B______. Elle a formé une demande reconventionnelle concluant à la condamnation de B______ à lui verser la somme minimale de 155'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2021, ainsi qu’un montant "à dire de justice", conformément à l’art. 44 CO, du fait du préjudice causé à la société par la détérioration de ses données, sous suite de frais et dépens.
d. B______ a répliqué sur demande principale, le 7 juillet 2023, persistant dans ses conclusions, et a conclu, sur demande reconventionnelle, au déboutement de A______ SARL, sous suite de frais et dépens.
e. Par ordonnance du 20 juillet 2023, le Tribunal a rejeté la requête de suspension de la procédure.
f. Le 16 octobre 2023, A______ SARL a dupliqué sur demande principale et répliqué sur demande reconventionnelle, persistant dans ses conclusions.
g. Le Tribunal a tenu une audience de débats d’instruction le 16 janvier 2024, lors de laquelle les moyens de preuve des parties ont été évoqués, les débats principaux ouverts et à l’issue de laquelle il a statué par une ordonnance d’instruction, admettant notamment la production de diverses pièces, l'interrogatoire des parties et l'audition de divers témoins.
h. Dans le délai prolongé au 21 février 2024 par le Tribunal, A______ SARL a produit un bordereau de pièces.
i. Par courrier du 26 février 2024, A______ SARL a apporté des précisions concernant la qualité des personnes entendues comme parties ou témoins, et les allégués sur lesquels devraient porter leur audition.
j. Le Tribunal a tenu une audience de débats principaux le 29 février 2024, lors de laquelle il a procédé à l’interrogatoire de B______ (celui du représentant de A______ SARL, soit G______, étant reporté à une prochaine audience) et à l'audition de deux témoins (sur les treize témoins admis par ordonnance de preuve du Tribunal du 16 janvier 2024).
k. Par courrier du 11 mars 2024 adressé au Tribunal, le conseil de A______ SARL a indiqué qu’il venait d’apprendre par la bouche de son collaborateur, Me H______, que le conseil de B______, Me C______, était greffière-juriste vacataire auprès du Tribunal des prud’hommes. Cela représentait un problème pour sa mandante. Il considérait qu’afin de garantir le respect de l’indépendance en lien avec l’interdiction des conflits d’intérêts, la profession d’avocat plaidant devant le Tribunal des prud’hommes était incompatible avec la fonction de greffière-juriste à temps partiel au sein de la même juridiction et sollicitait, en conséquence, qu’il soit fait interdiction à Me C______ de procéder dans le cadre de la procédure qui opposait B______ à A______ SARL.
l. Me C______ a été invité à se déterminer lors de l’audience du Tribunal du 12 mars 2024. Elle a conclu au rejet de la requête en interdiction de postuler formée par A______ SARL, laquelle a persisté dans ses conclusions sur cette question.
B. Par ordonnance d’instruction, prononcée le 12 mars 2024 à l’issue de ces plaidoiries, le Tribunal a, statuant préparatoirement, rejeté la conclusion de A______ SARL tendant à ce qu’il soit fait interdiction à
Me C______ de représenter B______ dans le cadre de la procédure C/11522/2022 (chiffre 1 du dispositif) et réservé la suite de la procédure (ch. 2).
En substance, il a retenu que le droit cantonal genevois autorisait expressément les greffiers-juristes vacataires du Pouvoir judiciaire genevois à exercer l’activité d’avocat, qui comprend la représentation en justice devant les tribunaux (art. 11 al. 3 RPPJ ; art. 2 al. 1 LLCA ; art. 68 al. 2 let. a CPC). Il y avait cependant lieu de s’assurer de la compatibilité de cette activité avec les principes d’interdiction des conflits d’intérêts et d’indépendance prévus à l’art. 12 let. b et c LLCA, au regard des circonstances concrètes de chaque cas d’espèce, étant précisé que pour conclure à une incapacité de postuler de l’avocat, un risque purement abstrait ou théorique ne suffit pas, le risque devant être concret. Dans le cadre de son activité de greffière-juriste vacataire auprès du Tribunal des prud’hommes, Me C______ était affectée au groupe 1, tandis que la procédure dans laquelle elle représentait une partie était du ressort du groupe 3. Me C______ ne siégeait par conséquent pas avec les magistrats de ce dernier groupe et ne connaissait pas les juges siégeant dans la présente cause. Par ailleurs, elle n’était pas magistrate, ne travaillait pas directement au sein du greffe et n’avait pas accès aux bases de données internes du Tribunal. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal ne discernait aucun risque concret de conflit d’intérêts ou de violation du principe d’indépendance. La conclusion de la défenderesse de faire interdiction à Me C______ de représenter le demandeur dans le cadre de la procédure devait donc être rejetée.
C. a. Par acte expédié le 22 mars 2024, A______ SARL recourt contre cette ordonnance, concluant à ce que la Cour l'annule et, cela fait, interdise à Me C______, avocate, de représenter B______ dans le cadre de la procédure C/11522/2022-3, pendante devant le Tribunal des prud’hommes, et subsidiairement, renvoie la cause à l’instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens.
Elle sollicite également que les faits soient complétés en ajoutant à la décision "les allégués figurant dans son recours."
Elle produit un chargé de huit pièces, dont une nouvelle, à savoir la pièce n. 2, soit un curriculum vitae de Me C______, extrait du site web de l'Etude D______, les autres pièces étant des actes de procédure de première instance, lesquels figurent déjà au dossier.
b. B______ a conclu, principalement à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement, à son rejet, et au déboutement de A______ SARL de toutes ses conclusions, sous suite d’éventuels frais.
c. Par avis du 14 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles; il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Freiburghaus/Afheldt, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2013, n. 11 ad art. 319 CPC; Jeandin, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 11 ad art. 319 CPC).
En procédure civile, la décision sur la capacité de postuler de l’avocat vise à garantir la bonne marche du procès. Elle entre donc dans la catégorie des décisions relatives à la conduite du procès, au sens de l’art. 124 al. 1 CPC. Il s’ensuit que, dans une procédure pendante, l’autorité qui doit statuer sur la capacité de postuler de l’avocat est le tribunal compétent sur le fond de la cause ou, sur délégation, un membre de ce même tribunal (art. 124 al. 2 CPC ;
ATF 147 III 351 consid. 6.3).
La décision à rendre sur la capacité de postuler – qui porte uniquement sur un incident de procédure – doit être classée parmi les "autres décisions" au sens de l’art. 319 let. b CPC, dont le prononcé marque définitivement le cours des débats et déploie – dans cette seule mesure – autorité et force de chose jugée à l’encontre des parties ou des tiers concernés (sur cette notion, CR CPC-Jeandin, 2ème éd. 2019, art. 319 n. 14-17). Sous réserve des cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC), les décisions sur incident ne peuvent être attaquées par un recours que si elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
1. 2 Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, doctrine et jurisprudence considèrent que la décision traitant de la capacité de postuler d’un avocat est bien une autre décision au sens de l’art. 319 let. b CPC et peut faire l’objet d’un recours immédiat, dans le cadre duquel, lorsque la requête tendant à faire interdiction à l’avocat de plaider est rejeté, le recourant doit alléguer et établir que cette décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, ce qui sera examiné ci-après.
Le grief de la recourante, qui soutient que l’art. 319 let. b CPC ne trouverait pas application dans le cas d’espèce, qui devrait être examiné, selon elle, sous l’angle de l’art. 319 let. a CPC, par renvoi de l’art. 50 al. 2 CPC, doit purement et simplement être rejeté.
Les dispositions sur la récusation des magistrats des art. 47 ss CPC ne sont pas applicables au cas d’espèce, lequel est limité à l’examen de la capacité de postuler de l’avocate représentant l’intimé. En effet, la recourante n’a pas formé de demande de récusation à l’encontre de la composition du Tribunal des prud’hommes en charge de la procédure. Elle ne saurait par conséquent se prévaloir de la jurisprudence rendue dans les cas de récusation pour l’étendre à une question de capacité de postuler d’un avocat, ni laisser entendre que les magistrats en charge de la procédure auraient des rapports d’amitié avec l’avocate de sa partie adverse, auquel cas, elle aurait dû choisir la voie de la récusation, ce qu’elle n’a pas fait.
1.3 En l'espèce, le recours est dirigé contre la décision rendue sur le siège par le Tribunal des prud'hommes lors de son audience du 12 mars 2024, rejetant la requête de la recourante en interdiction de postuler du conseil de sa partie adverse.
Déposé dans la forme prescrite auprès de l'instance de recours dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision (art 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable sous cet angle.
1.4 La pièce nouvelle (n. 2) déposée par la recourante est irrecevable (art. 326 al. 1 CPC), de même que les faits auxquels elle se rapporte, de sorte que la conclusion en complément de l’état de fait basé sur cette pièce sera rejetée.
Les autres pièces produites à l’appui du recours ne sont pas nouvelles, puisqu’il s’agit d’actes de la procédure de première instance, de sorte qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur leur recevabilité.
L’état de fait a par ailleurs été complété pour le surplus dans la mesure requise, bien que cette conclusion soit sans incidence sur la solution du litige, de sorte que ce grief doit être considéré comme purgé.
2. Il reste à déterminer si la décision entreprise est susceptible de causer à la recourante un préjudice difficilement réparable.
2.1.1 la notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF relatif aux recours dirigés contre des décisions préjudicielles ou incidentes, dès lors qu'elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu (cf. ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; ACJC/327/2012 du 9 mars 2012, consid. 2.4; Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 22 ad art. 319 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n° 2485; Blickenstorfer, Kommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, Brunner/Gasser/Schwander [éd.], 2011, n° 39 ad art. 319 CPC).
Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilrpozessordnung [ZPO], 2010, n. 8 ad art. 319 CPC).
Il faut en outre un dommage de nature juridique; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un préjudice irréparable. Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 144 III 475 consid. 1.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 46 consid. 1.2, 137 III 522 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_313/2020 du
1er octobre 2020 consid. 3).
2.1.2 La décision qui interdit à l'avocat mandaté par une partie de procéder en justice en tant que représentant de celle-ci, en raison d'un conflit d'intérêts prohibé par la LLCA, ne pourra plus être réparée par la décision finale, après que le procès se sera entièrement déroulé avec un autre mandataire. Elle cause donc un préjudice difficilement réparable (arrêts du Tribunal fédéral 4D_58/2014 du 17 octobre 2014 consid. 1.3 et 2, et la référence citée).
Au contraire, lorsque le juge nie l'existence d'un conflit d'intérêts et autorise l'avocat d'une partie à poursuivre sa représentation, une telle décision n'est en principe pas susceptible de causer un préjudice irréparable à la partie adverse : l'art. 12 LLCA vise au premier chef à protéger les intérêts du client de l'avocat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_436/2015 du 17 mai 2016, consid. 1.2.2; 5A_47/2014 du 27 mai 2014 consid. 4.4; 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2.2).
Le Tribunal fédéral considère plutôt, qu'en principe, pour la partie adverse, les inconvénients résultant d'une pareille décision sont purement matériels et dépourvus de caractère juridique, de sorte qu'elle n'est pas susceptible de lui causer un préjudice irréparable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_313/2020 du
1er octobre 2020 consid. 3; 4A_589/2028 du 29 mai 2019 consid. 4; 4A_436/2015 du 17 mai 2016 consid. 1.2.2; 5A_51/2016 du 1er avril 2016 consid. 3.3; 5A_47/2014 du 27 mai 2014 consid. 4.2).
2.1.3 Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 134 III 426 consid. 1.2 par analogie; CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid 1.1; ACJC/729/2021du 28 mai 2021, consid. 2.1.1).
2.2 En l'état, la décision rendue a nié l'existence d'un conflit d'intérêts et autorisé le conseil de l'intimé à poursuivre sa représentation, de sorte qu'elle n'est, en principe, pas susceptible, au sens de la jurisprudence précitée (supra 2.1.2), de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante.
La recourante ne peut ainsi être suivie lorsqu'elle soutient que cette décision lui porte "de toute évidence" gravement préjudice pour la suite de la procédure, en raison de la "double-casquette" de l’avocate de l’intimé, laquelle met en péril l’impartialité de la justice, et que l’intimé serait seul à pouvoir tirer profit de cette "liaison dangereuse qui donne une apparence suspecte", puisque la jurisprudence ne retient, en principe, pas un préjudice difficilement réparable dans un cas de rejet de l'interdiction de postuler, et que ce préjudice ne peut donc pas être considéré comme d'emblée évident, comme semble le soutenir la recourante.
Il lui appartenait au contraire de démontrer l'existence d'un préjudice difficilement réparable. Or, la méfiance qu'elle manifeste, et qui ne repose sur aucun fondement, n'est pas suffisante à cet égard. De même, la Cour peine à suivre son raisonnement lorsque la recourante prétend que "le fait d’avoir soulevé l’absence d’indépendance de l’avocate de l’intimé envers le Tribunal des Prud’hommes, et réciproquement, empêcherait qu’elle se voie opposer la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de préjudice irréparable causé par le rejet du conflit d’intérêts au sens étroit". On ne discerne pas en quoi les jurisprudences du Tribunal fédéral ne s'appliqueraient pas à la recourante. Ce grief est incompréhensible.
De nouveau, si la recourante entendait remettre en cause l'impartialité du Tribunal, elle devait former une requête en récusation, et non une interdiction de postuler, les deux procédures simultanées n'étant cependant pas incompatibles en cas d'invocation d'un conflit personnel ou de forte inimitié ou amitié entre un magistrat et un avocat (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 5A_156/2023 du
6 avril 2023 consid. 7.3.1), reposant sur un état de faits concret et non abstrait.
La recourante n'expose aucun élément concret permettant de détecter en quoi ses propres intérêts seraient susceptibles d'être lésés par la représentation de sa partie adverse par le conseil concerné.
2.3 La recourante soutient ensuite que l’on ne saurait lui imposer de remettre en question la décision qu’elle entreprend par le biais du présent recours avec la décision au fond, qui sera, selon elle, rendue au plus tôt à l’automne 2025, dès lors que, d'une part, elle soulève une question de procédure à laquelle le Tribunal fédéral ne répond pas, et d'autre part, que la procédure qui a débuté en 2022 par une conciliation, est encore loin d'être terminée, le Tribunal n'ayant procédé qu'à l'interrogatoire de l'intimé et à l'audition de deux témoins, sur l'ensemble de ceux qui doivent être entendus.
Ce grief ne peut être retenu puisque, comme le Tribunal fédéral l’a rappelé à maintes reprises, le prolongement de la procédure ne constitue pas un préjudice difficilement réparable. De même, la Cour ne discerne pas quel préjudice difficilement réparable la recourante subirait du fait que le Tribunal fédéral ne se soit pas encore prononcé, selon elle, sur la capacité de postuler de l'avocat, dans un cas similaire.
S'agissant des actes de procédure, la recourante n'allègue pas à satisfaction en quoi d'éventuels actes de procédure ou moyens de preuve prononcés ou administrés dans une procédure menée avec une partie, par hypothèse indûment représentée, constituent un préjudice qui ne pourrait être réparé dans le cadre d'un recours contre la décision à rendre sur le fond.
En effet, dans l'hypothèse où la recourante n'obtiendrait pas gain de cause à l'échéance de la procédure, il lui sera possible, si elle s'y estime fondée, de soulever ce moyen dans le cadre d'un recours ou d'un appel contre la décision finale et de solliciter le renvoi de la cause au Tribunal.
La recourante ayant échoué à démontrer l'existence d'un préjudice difficilement réparable, son recours sera déclaré irrecevable, et les moyens de fond qu'elle soulève ne seront donc pas examinés.
3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 400 fr. (art. 71 RTFMC), compensés avec l'avance fournie par la recourante (art. 111 al. 1 CPC) et mis à la charge de cette dernière, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).
Aucun dépens n'est alloué s'agissant d'un litige de droit du travail (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
Déclare irrecevable le recours formé le 22 mars 2024 par A______ SARL contre l’ordonnance rendue le 12 mars 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/11522/2022.
Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'y a pas lieu à allocation de dépens.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Nadia FAVRE, Monsieur Valery BRAGAR, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.