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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/18092/2020

CAPH/88/2023 du 03.07.2023 sur JTPH/140/2022 ( OO ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18092/2020-4 CAPH/88/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 3 JUILLET 2023

 

Entre

A______, sise ______[ZH], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 10 mai 2022 (JTPH/140/2022), comparant par Me Alain ALBERINI, avocat, rue des Teraux 10, 1003 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, Lalive SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/140/2022 du 10 mai 2022, reçu par A______ le 12 mai suivant, le Tribunal des prud'hommes, groupe 4 (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 17 février 2021 par B______ contre A______ (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à verser à B______ la somme nette de 16'660 fr. 60 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er avril 2020 (ch. 2), ordonné à A______ de maintenir les "Share awards 2017 et le contingent capital awards 2018" et de les restituer à B______ (ch. 3), arrêté les frais de la procédure à 2'010 fr., répartis par moitié à charge de chacune des parties et compensés partiellement avec l'avance de frais de 1'800 fr. effectuée par B______ qui restait acquise à l'Etat de Genève (ch. 5 à 7), condamné B______ à verser 210 fr. aux Services financiers du pouvoir judiciaire de l'Etat de Genève et A______ à verser 1'005 fr. à B______ (ch. 8 et 9), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4 et 11).

B. a. Par acte expédié le 13 juin 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a appelé de ce jugement, concluant à ce que celui-ci soit réformé en ce sens que toutes les conclusions prises dans le cadre de la demande déposée le 18 février 2021 par B______ soient rejetées et à ce que B______ soit débouté de toutes autres ou contraires conclusions, avec suite de frais.

Elle a produit un chargé de dix pièces, figurant toutes au dossier du Tribunal.

b. Dans sa réponse du 24 août 2022, B______ a conclu au rejet de l'appel formé par A______ et au déboutement de cette dernière de l'ensemble de ses conclusions.

Sur appel joint, il a conclu à l'annulation des chiffres 2 et 4 du dispositif du jugement querellé et à la condamnation de A______ à lui payer 50'000 fr. nets avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2020 ainsi que 130'000 fr. bruts avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2020.

Il a produit un chargé de quatre pièces, figurant toutes au dossier du Tribunal.

c. Dans sa réponse à l'appel joint et réplique sur appel principal du 3 octobre 2022, A______ a conclu au rejet de l'appel joint formé par B______ et au rejet de toutes ses conclusions. Elle a pour le surplus persisté dans les fins de son appel.

d. B______ a répliqué sur appel joint et dupliqué sur appel principal le 4 novembre 2022, persistant dans ses conclusions.

Il a produit une pièce figurant au dossier du Tribunal.

e. A______ a dupliqué sur appel joint le 9 décembre 2022, persistant dans ses conclusions. Elle a également formé une réplique spontanée sur appel principal.

f. Les parties ont encore déposé des répliques spontanées en date des 22 décembre 2022, 5 janvier et 18 janvier 2023. B______ a produit une pièce figurant au dossier du Tribunal.

g. Les parties ont été informées par avis du 7 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

h. Par écriture spontanée du 30 mars 2023, A______ a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle en relation avec la décision du Conseil fédéral du 21 mars 2023 faisant interdiction à A______ et à A______ GROUPE, sous menace de l'art. 292 CP, de verser des rémunérations variables déjà approuvées pour les exercices antérieurs, y compris 2022, et dont le paiement avait été différé.

i. B______ s'est déterminé sur les faits susmentionnés par courrier du 14 avril 2023, contestant leur pertinence et alléguant des faits nouveaux. Il a fait valoir que compte tenu de la reprise de A______ par C______, celle-là ne pouvait maintenir et restituer les share awards 2017 et 2018 ainsi que le contingent capital award 2018. Elle devait dès lors être condamnée à lui verser la somme de 34'392 fr. 45 nets à titre de contrevaleur des awards en question, conformément à la conclusion subsidiaire no 9 de sa demande en paiement du 18 février 2021.

j. A______ a répliqué de manière spontanée le 8 mai 2023. Elle a allégué un fait nouveau et persisté dans ses conclusions.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. A______ (ci-après également "la banque") est une société de droit suisse dont le but est l'exploitation d'une banque ayant pour activités tous les types d'opérations bancaires, financières, de conseil, de services et de négoce en Suisse et à l'étranger. Son siège se situe à Zurich.

b. B______ a été engagé le 19 mai 2015 par A______, en qualité de vice-président du secteur Market Area W______, au sein de l'équipe Investment Consulting Geneva. L'engagement prenait effet le 15 juin 2015 pour une durée indéterminée. Les parties ont signé en parallèle un accord complémentaire au contrat de travail réglant les modalités relatives au transfert de B______ à Genève.

Le supérieur de B______ était D______, basé à E______ [TI], et le supérieur de ce dernier était F______. G______ était le responsable du département W______/X______.

c. Le salaire annuel initialement convenu était de 150'000 fr. brut, payable en douze versements. Il a ensuite été augmenté à 176'250 fr. dès le 1er avril 2018 et à 200'000 fr. dès le 1er avril 2019.

Le contrat de travail prévoyait que toute éventuelle gratification variable (award) serait déterminée en fonction de la règlementation interne correspondante et que l'employé ne disposait d'aucun droit, contractuel ou légal, à ce titre, quand bien même de telles gratifications auraient été versées les années précédentes.

Le caractère entièrement discrétionnaire des awards était rappelé dans le règlement du personnel, dans la compensation policy ainsi que dans la policy sur le système d'incentive awards discrétionnaires et variables pour la Suisse et le Liechstenstein (P4______) dans ses versions valables depuis le 31 octobre 2004.

L'article 57 du règlement du personnel prévoyait notamment qu'un éventuel award n'était versé que si, au moment de la notification écrite de l'award, les rapports de travail avec l'employé n'avaient été ni résiliés ni dissous par la signature d'une convention écrite. Dans le cas contraire, l'employé n'avait pas droit à un award, même pro rata temporis.

Le contrat de travail renvoyait également au code de conduite des employés ainsi qu'à tous les documents et règlementations listés sur le site internet.

d. Les règles en matières d'enregistrements visuels ou sonores étaient prévues dans plusieurs directives internes de la banque, soit notamment dans la client data confidentiality / data protection / priva GP1______, l'electronic communications policy GP2______, l'IT acceptable use et la P3______ policy portant sur les enregistrements visuels et sonores dans les bâtiments en Suisse.

L'article 11.2 de l'IT acceptable use prévoyait qu'un service approuvé par la banque devait être utilisé lorsque la photographie, la vidéo ou l'enregistrement audio étaient nécessaires à des fins professionnelles. Dans tous les autres cas, le personnel ne devait pas prendre de photos, de films ou d'enregistrements audio dans les locaux de la banque et lors d'événements non publics organisés par celle-ci. Des photos, vidéos et des enregistrements audio pouvaient être réalisés lors d'événements informels, à condition que toutes les personnes présentes y consentent et que les images et les enregistrements audio qui en résultaient ne soient pas rendus publics.

Le chiffre 1 de la P3______ policy prévoyait notamment qu'une autorisation appropriée devait être obtenue avant tout enregistrement visuel et/ou sonore et que l'enregistrement ne devait pas compromettre les intérêts des clients, des collaborateurs, ou de la société elle-même.

Le chiffre 4.1. du même règlement rappelait que tous les collaborateurs de la banque devaient empêcher tout enregistrement s'il était possible que celui-ci soit effectué sans autorisation et avertir la police ainsi que les security services si une violation grave d'un droit ou un acte délictueux survenait en relation avec celui-ci.

e. Le cadre disciplinaire de la banque prévoyait que la violation d'une directive interne ou la non-dénonciation de celle-ci pouvait engendrer le prononcé d'une mesure disciplinaire variable pouvant aller jusqu'au licenciement.

A teneur de ce cadre, le niveau de gravité de la faute commise par le collaborateur était apprécié selon les facteurs suivants :

-          Matérialité : quel est l'impact, potentiel ou effectif, financier, non financier et/ou en termes de réputation de l'infraction sur les clients, les collaborateurs, la banque et l'intégrité des marchés et quelles sont l'importance et la gravité de l'infraction vis-à-vis de la division et de la corporate function où l'infraction a lieu ?

-          Intention : l'infraction est-elle délibérée, accidentelle ou résulte-t-elle d'une négligence ? Le collaborateur a-t-il signalé l'infraction à sa hiérarchie de manière proactive ou a-t-il tenté de se dérober ou de dissimuler l'infraction ?

-          Ancienneté et expérience : quel est le niveau d'ancienneté et d'expérience du collaborateur ? Celui-ci occupe-t-il une fonction d'encadrement ?

-          Historique : le collaborateur a-t-il commis des infractions auparavant, quel est le degré de gravité de celles-ci et s'agit-il d'un schéma répétitif ?

Une fois le niveau de gravité établi, l'équipe de recommandation proposait une mesure au conseil de conduite et d'éthique (conduct and ethic board), lequel validait ou non celle-ci.

Cette décision était prise conformément à l'échelle de gravité des mesures disciplinaires établie à l'art. 4.2 du cadre disciplinaire, présentée sous forme de tableau et reproduite ci-dessous :


 

Tableau 1 : Echelle de gravité et tableau des mesures disciplinaires

 

Niveau de gravité

Mesure disciplinaire

Définition

Rappels d'instructions

Niveau 1

Rappel à l'ordre informel

- Pas de mesure disciplinaire officielle car l'infraction est négligeable

- Plusieurs rappels à l'ordre informels peuvent entraîner une mesure disciplinaire de niveau 1, si cela est jugé approprié en fonction des faits et sur la base des principes directeurs du risque de conduite

Niveau 1

E-mail de rappel formel de l'instruction

- Pas de mesure disciplinaire officielle, car il s'agit d'une infraction mineure

- Plusieurs e-mails de rappel informels de l'instruction peuvent entraîner la soumission du cas au CEB concerné ( ) en vue d'une mesure disciplinaire potentielle de niveau 2 ou supérieur

Mesures disciplinaires

Niveau 2

Lettre de rappel à l'ordre

Mesure disciplinaire de faible niveau appliquée en cas d'infraction de niveau inférieur (pour une seule ou plusieurs infractions)

Niveau 3

Lettre d'avertissement

Mesure disciplinaire de niveau moyen appliquée en cas d'infraction de niveau moyen (pour une seule ou plusieurs infractions)

Niveau 4

Lettre de dernier avertissement

Mesure disciplinaire de niveau élevé appliquée en cas d'infractions plus grave (une seule ou plusieurs infractions)

Niveau 5

Fin des rapports de travail

Niveau le plus élevé de la mesure disciplinaire

 

f. Parmi les cas ayant nécessité la mise en œuvre d'une enquête disciplinaire par la banque figurait celui de H______. Le 20 avril 2018, ce dernier avait suspendu les sous-vêtements de l'un de ses collègues, I______, sur le bureau de ce dernier et avait ensuite partagé une photo de cet acte sur un groupe WhatsApp, auquel participaient B______ ainsi que plusieurs autres employés de la banque.

Entendu comme témoin par le Tribunal, I______ a déclaré qu'après cet acte, H______ l'avait suivi à l'extérieur en lui soufflant dans le cou, dans une attitude d'intimidation et de harcèlement. Il avait dénoncé ce comportement aux ressources humaines, lesquelles avaient toutefois conclu à l'absence de preuve suffisante du harcèlement. H______ avait écopé d'une sanction de niveau 2, ce qui n'était, selon I______, pas à la hauteur du harcèlement qu'il avait subi.

e. Le salaire annuel brut perçu par B______ s'est élevé à 81'818 fr. en 2015, 150'000 fr. en 2016 et 2017, 169'687 fr. 50 en 2018, 194'062 fr. 50 en 2019 et 50'000 fr. en 2020.

En sus de son salaire, B______ a reçu la rémunération suivante :

-          En 2016 : un award de 7'500 fr. en espèces, relatif à l'année 2015.

-          En 2017 : un award de 60'000 fr. en espèces, relatif à l'année 2016.

-          En 2018 : un award de 82'500 fr. en espèces relatif à l'année 2017, ainsi que 17'500 fr. sous la forme d'actions du plan d'actions A______ (share award).

-          En 2019 : un award de 90'750 fr. en espèces relatif à l'année 2018, ainsi que 15'400 fr. sous la forme d'actions du plan d'actions A______ (share award) et 3'850 fr. sous la forme d'un investissement dans un fonds interne de la banque (contingent capital award).

En 2020, B______ n'a pas perçu d'award relatif à l'année 2019.

Conformément à ce qui précède, la proportion entre le salaire de base et les awards effectivement perçus était la suivante :

 

Année

Rémuné-ration fixe

 

Awards en espèces

Share awards

Contingent capital award

Total des awards

Ratio salaire de base / awards (%)

2015

81'818 fr.

 

2016

150'000 fr.

7'500 fr.

7'500 fr.

5,0

2017

150'000 fr.

60'000 fr.

60'000 fr.

40,0

2018

169'688 fr.

82'500 fr.

17'500 fr.

100'000 fr.

58,9

2019

194'063 fr.

90'894 fr.

15'400 fr.

3'850 fr.

110'144 fr.

56,8

 

Le caractère entièrement discrétionnaire des awards versés a été rappelé par courrier lors de chacun des versements opérés.

f. Les certificats d'attribution des share awards remis à B______ en 2018 et 2019 prévoyaient qu'un tiers des actions attribuées seraient acquises (shall vest) à chacun des premier, deuxième et troisième anniversaires de la date d'attribution.

Le certificat relatif au contingent capital award prévoyait que celui-ci serait réglé le 7 février 2022, sous réserve de certains événements décrits dans le plan d'actions du groupe.

Par ailleurs, les certificats relatifs aux share awards et au contingent capital award remis à B______ à l'occasion de leur attribution indiquaient que si le contrat de travail était résilié par A______ "pour cause" (for cause), tous les share awards et contingent capital awards acquis ou non qui n'avaient pas été précédemment réglés seraient immédiatement annulés.

La notion de cause était définie à l'art. 2 du plan d'actions [de] A______ (ci-après: le plan d'actions). Entraient notamment dans cette définition la commission d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave par l'employé dans l'exercice de ses fonctions, ainsi que la fraude, la malhonnêteté ou toute autre conduite inappropriée qui causait ou avait le potentiel de causer un préjudice à l'employeur, ainsi que la violation de toute directive ou politique du groupe ou de toute loi, règle ou réglementation applicable.

g. Lors de ses revues annuelles, les performances professionnelles de B______ ont été évaluées de manière très positive par la banque, qui relevait régulièrement que celles-ci étaient supérieures à ses attentes.

En décembre 2017, B______ a été nommé director au sein de la direction générale avec effet au 1er janvier 2018 et a bénéficié d'une augmentation de salaire. Ce nouveau titre récompensait ses performances et ses compétences, bien qu'il ne modifie pas ses tâches et responsabilités, ni n'implique de changement dans la hiérarchie.

Un certificat de travail intermédiaire remis le 10 octobre 2018 par la banque à B______ relevait notamment l'engagement exemplaire de ce dernier, ses connaissances approfondies de son domaine, ses excellentes compétences techniques, ses résultats exceptionnels dépassant en tous points les exigences de son employeur, ainsi qu'un comportement envers les clients, ses supérieurs et ses collègues impeccable en toutes circonstances et exemplaire à tous les égards.

Lors de son évaluation 2018, le manager de B______ a relevé que, bien que celui-ci ait montré qu'il était prêt à travailler sur certains aspects de son attitude, il devait encore faire des efforts pour acquérir une vision plus orientée vers l'équipe en privilégiant les résultats à long terme de l'équipe sur les gains à court terme.

En 2019, B______ s'est vu confier la responsabilité de trois collaborateurs et a bénéficié d'une augmentation de salaire.

Lors de son évaluation à la mi-2019, B______ a été invité à continuer à dédier du temps à l'organisation de son équipe ainsi qu'à échanger des idées avec celle-ci. Ses compétences professionnelles et notamment sa capacité à connecter facilement avec les autres ont été à nouveau soulignées. Il était encouragé à utiliser ceci dans son rôle de modèle pour les membres de son équipe.

h. Les relations entre les employés du secteur Market Area W______ étaient généralement bonnes. B______ avait notamment l'habitude de plaisanter avec ses collègues.

A l'occasion de la réception d'un trophée de la part de leur employeur pour les revenus générés par leur équipe en 2017, trois employés du secteur Market Area W______ se sont pris en photo dans les locaux de la banque et ont posté cette image sur le réseau social [professionnel] J______ (fait admis par les parties). Cette publication a fait l'objet d'un like par G______.

i. Le 15 octobre 2019, à la fin de la journée de travail, B______ a enregistré avec son téléphone portable une conversation ayant cours entre deux de ses collègues, K______ et L______, sans avoir requis le consentement de ces derniers. Cet enregistrement a ensuite été supprimé sur demande de K______.

L'incident a été rapporté par K______ le 30 octobre 2019 à son supérieur hiérarchique, G______. Entendu comme témoin, celui-ci a déclaré au Tribunal avoir averti à son tour les ressources humaines, soit M______, sans que K______ lui ait demandé de le faire.

Une enquête interne a alors été confiée au département security forensics Switzerland. G______ a déclaré qu'il n'en avait pas été surpris car la banque ordonnait des enquêtes à chaque fois que les dispositions règlementaires n'étaient pas respectées.

j. Faisant suite à une requête des ressources humaines, K______ a relaté le déroulement des événements par courriel du 8 novembre 2019.

Selon ce courriel, K______ avait décidé de ne pas poursuivre cette affaire personnelle contre B______ et en avoir informé son supérieur uniquement à titre de courtoisie professionnelle.

S'agissant des événements litigieux, il avait discuté de manière informelle avec B______ et L______ après les heures de travail. B______ avait révélé qu'il (K______) avait fait l'objet d'une promotion et L______ s'était montré irrité de ne pas en avoir été informé. A un moment donné, il avait vu le téléphone de B______ placé sous le bureau, sur le dessus du meuble à tiroirs. Il lui avait demandé pourquoi son téléphone se trouvait là et lui avait dit qu'il espérait qu'il n'enregistrait pas. Il avait pris le téléphone et un enregistrement de plus de vingt-six minutes s'était affiché. Il avait demandé à B______ de supprimer immédiatement cet enregistrement réalisé sans consentement préalable. B______ avait pris le téléphone et lui avait dit que l'enregistrement avait été effacé. K______ avait repris le téléphone et vu qu'un enregistrement vocal de vingt-six minutes était toujours dans la liste de la corbeille ; il l'avait alors effacé. Il n'avait pas confronté B______ mais avait pris son sac et quitté le bureau. Le lendemain, B______ avait demandé à lui parler et lui avait expliqué qu'il avait réfléchi et compris qu'il avait eu tort. Il faisait cependant référence au fait d'avoir évoqué sa promotion. K______ l'avait informé que la gravité de la situation était liée à l'enregistrement de la conversation et non au sujet abordé. Un collègue avait alors frappé à la porte et la discussion s'était arrêtée là.

k. L______ a également relaté le déroulement des faits par courriel du 13 novembre 2019 adressé aux ressources humaines. Il indiquait avoir dit après coup à B______ que ce qu'il avait fait était mal et qu'il n'aurait pas dû le faire. Ce dernier lui avait répondu qu'il le savait et qu'il avait agi de la sorte pour s'amuser. L______ n'avait subi aucun préjudice personnel et ne souhaitait pas poursuivre cette affaire plus loin. B______ avait compris qu'il avait mal agi.

l. Le 26 novembre 2019, B______ a été auditionné. Il a déclaré qu'il avait enregistré ses collègues alors que leur conversation prenait la tournure d'une dispute, afin de leur faire une blague. Il réalisait cependant aujourd'hui que cela n'avait pas été apprécié par ses collègues qui n'avaient pas donné leur permission explicite. Son intention avait été de réaliser l'enregistrement de manière apparente. Il avait annoncé verbalement l'enregistrement puis placé le téléphone portable de manière théâtrale entre eux deux, l'écran allumé. Au bout de plusieurs minutes, alors que l'écran s'était éteint, l'un de ses collègues avait pris le téléphone et vu qu'il enregistrait. La conversation était d'ordre privé et ne concernait pas le travail. Cette situation était déjà arrivée à plusieurs reprises par le passé et ses collègues l'avaient pris comme une blague. C'était sa manière de détendre l'atmosphère. Il avait présenté ses excuses à ses collègues. Il n'avait jamais réalisé d'enregistrements sous quelque forme que ce soit concernant des sujets professionnels. Il réalisait que, bien que ses intentions aient été bonnes, il avait suscité le mécontentement de ses collègues et s'engageait à ne pas recommencer. Il confirmait avoir détruit de manière permanente tout document lié à son employeur contenu sur son téléphone portable et présentait à nouveau ses excuses.

m. B______ a consenti à ce que le département security forensics Switzerland examine le contenu de son téléphone portable, prélève les photos et vidéos en lien avec la banque et supprime ce contenu.

n. Le 28 novembre 2019, L______ a envoyé un courriel à la personne chargée de l'enquête, N______. Il indiquait faire suite à la conversation téléphonique du matin même, qui l'avait surpris car il n'avait jamais pensé faire état du cas. Il soulignait que l'enregistrement n'avait pas été réalisé par B______ avec une mauvaise intention. Celui-ci avait enregistré la conversation car il l'avait trouvée drôle. Lui-même avait considéré cet enregistrement comme une blague inappropriée, qui ne l'avait toutefois pas offensé car la conversation ne concernait pas un sujet confidentiel.

o. Le 4 décembre 2019, le département security forensics Switzerland a rendu son rapport. A teneur de celui-ci, le téléphone portable de B______ ne contenait pas d'enregistrements vocaux. Cependant, 168 images et 28 vidéos en lien avec la banque avait été trouvées. Certaines images et vidéos, datées pour la plupart des années 2018 et 2019, avaient été prises dans les locaux de la banque et documentaient la vie de bureau et des pitreries avec le consentement manifeste des personnes concernées. Sur beaucoup d'entre elles étaient visibles des écrans d'ordinateurs ouverts et/ou des documents internes. Leur lisibilité était toutefois limitée. Une vidéo semblait enregistrer une conversation téléphonique avec un client ou un prospect qui était appelé par son nom. Cette vidéo constituait une violation du règlement interne et posait un potentiel risque réputationnel et légal pour la banque. Le rapport mentionnait encore que B______ avait accepté que ces fichiers soient détruits, qu'il avait été coopératif et raisonnable durant son audition et que ses déclarations correspondaient aux preuves forensiques.

p. Entendue par le Tribunal en qualité de témoin, M______, chargée des "relations employés" chez A______, notamment des problèmes disciplinaires, a déclaré qu'à sa connaissance, l'unique raison du licenciement de B______ était l'incident de l'enregistrement de K______ et L______. Cela leur paraissant constituer une violation grave, elle-même et le service juridique des ressources humaines avaient recommandé qu'une sanction de niveau 5 soit infligée à B______, conformément au tableau mentionné ci-avant. Cette recommandation était le fruit d'une discussion entre plusieurs personnes, aussi bien dans son service qu'au sein du service juridique des ressources humaines.

Elle a ajouté que les vidéos et photos prises dans les locaux du A______ par B______ avaient également été prises en considération dans cette décision. Le problème de l'enregistrement était que B______ n'avait pas sollicité préalablement l'accord des personnes concernées.

Elle-même n'avait pas entendu B______. Celui-ci avait été entendu par le service compétent, qui avait mené l'enquête. D'après les informations qu'elle avait reçues, B______ avait collaboré à l'enquête. Elle ne se rappelait pas s'il avait exprimé des regrets et si des éléments atténuants avaient été pris en considération, car cela remontait à un certain temps. Elle ne se souvenait pas non plus si le courriel envoyé par B______ [recte : L______] à N______ le 28 novembre 2019 lui avait été transmis.

Elle a encore déclaré qu'avant l'incident lié à l'enregistrement, aucune critique relative à B______ ne lui avait été remontée.

q. Entendu par le Tribunal en qualité de témoin, O______, secrétaire du conseil de conduite et d'éthique, a déclaré qu'il présentait les cas devant ledit conseil, qui prenait ensuite une décision.

Il a expliqué que l'équipe de recommandation, composée des ressources humaines et de la division juridique, présentait ses déterminations sur le niveau de gravité des faits, le cas étant anonymisé. Dans le cas d'espèce, le niveau de gravité avait été évalué à 5. L'équipe de recommandation évaluait le cas dans sa globalité en tenant compte de facteurs aggravants ou atténuants. Il ne se souvenait plus du cas en détail, ni si des éléments atténuants avaient été pris en considération.

r. Le 17 décembre 2019, B______ a reçu en mains propres un courrier de résiliation des rapports de travail pour le 31 mars 2020. Le motif du licenciement n'était pas précisé.

Par courrier séparé du même jour, la banque a annulé les share awards et contingent capital awards attribués à B______ pour les années 2017 et 2018 au motif que le contrat de travail avait été résilié pour cause au sens du plan d'actions.

Sur requête du conseil de B______, la banque a indiqué, par courrier du 11 février 2020, que les motifs à l'origine du licenciement résidaient dans l'enregistrement de ses collègues sans leur accord ainsi que la prise de photos et de vidéos dans les locaux. Un certain nombre de ces dernières montrait des écrans d'ordinateurs allumés et de la documentation interne dont la lisibilité était limitée, mais qui engendrait un risque réputationnel élevé et représentait une violation claire des directives internes.

s. Par courrier recommandé de son conseil du 27 mars 2020, B______ s'est opposé à la résiliation de son contrat de travail, qu'il qualifiait d'abusive.

Il a fait valoir, en substance, que l'épisode de l'enregistrement ainsi que les photos et vidéos retrouvées sur son téléphone, ne constituaient pas un cas grave. Son licenciement était à son sens motivé par le fait qu'il avait signalé, début décembre 2019, à différents membres de sa hiérarchie que K______ avait enfreint les règles cross-border. Il s'était plaint dans ce contexte que les dénonciations ne soient pas communiquées au département des ressources humaines et avait exprimé sa crainte d'être personnellement visé pour avoir eu le courage de s'exprimer à cet égard. Il sollicitait ainsi une indemnité équivalente à trois mois de salaire. Il contestait également la décision de la banque d'annuler ses share awards 2017 et 2018 et le contingent capital award de 2018. Il sollicitait en outre un bonus de 130'000 fr. pour l'année 2019 et la remise d'une copie du contenu prélevé sur son téléphone privé.

t. Par courrier du 26 mai 2020, A______ a maintenu que le comportement reproché à B______ constituait une violation grave des directives de la banque, précisant que les règlementations internes interdisaient la prise de photographies dans les locaux de la banque. Elle a refusé d'entrer en matière sur les différentes prétentions articulées dans le précédent courrier. S'agissant du contenu du téléphone, elle a proposé une consultation des fichiers dans ses locaux.

Elle a en outre indiqué avoir communiqué les dénonciations évoquées par B______ à l'équipe compliance investigation et posé des questions complémentaires à ce sujet au précité.

u. B______ a répondu aux questions de la banque par courrier du 11 juin 2020, à la suite de quoi celle-ci a ouvert une investigation interne en relation avec les faits qu'il avait dénoncés.

v. Le 17 juin 2020, B______ a consulté le contenu prélevé sur son téléphone. Considérant que celui-ci était inoffensif et conforme aux règlementations internes, il a réitéré son opposition à son licenciement dans un courrier du 24 juin 2020 et persisté dans les conclusions prises dans son courrier précédent. Il a indiqué que deux tiers des photos et vidéos avaient été prises en dehors des locaux de la banque et que les autres documents reflétaient des captures d'événements informels entre collègues, lesquels y avaient manifestement consentis. Les écrans des ordinateurs allumés en arrière-plan étaient illisibles et consistaient, pour la plupart, en des pages du site public Bloomberg.

La banque a persisté dans son refus par courrier du 7 juillet 2020.

w. Dans son rapport d'investigation du 8 juillet 2020, la banque a conclu qu'aucun élément ne permettait de corroborer les dénonciations de B______ s'agissant de la violation des règles cross-border ou d'une culture de répression des plaintes des employés du secteur Market Area W______ faites à la hiérarchie. D______ et F______ avaient notamment indiqué s'être entretenus avec B______ le 2 décembre 2019, avec pour objectif que ce dernier explique sa conduite. L'intéressé avait allégué que ses collègues fumaient des cigarettes électroniques au bureau et que quelqu'un avait apporté un scooter électrique de la rue à l'étage du bureau à une occasion. D______ et F______ ne se souvenaient en revanche pas qu'une violation des règles cross-border par K______ ait été soulevée. A leur sens, les dénonciations de B______ visaient à détourner l'attention de sa propre conduite. Une autre employée avait indiqué s'être entretenue avec B______ le 12 décembre 2019. Celui-ci avait soulevé des inquiétudes au sujet de la conduite de membres de l'équipe, concernant la politique de voyage et de divertissement et la vente de produits structurés sans sollicitation inversée. Il n'aurait pas fait part d'autres problèmes de compliance.

x. B______ a déclaré au Tribunal avoir retrouvé un emploi chez C______ immédiatement après la fin des rapports de travail, pour une rémunération annuelle de 210'000 fr., soit un montant inférieur à celui perçu chez A______. Il a ajouté qu'il quitterait C______ à la fin de l'année 2021 pour rejoindre la banque P______.

D. a. Par requête du 28 août 2020, introduite au fond le 18 février 2021, B______ a assigné A______ en paiement de la somme totale de 180'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2020, soit 50'000 fr. nets à titre d'indemnité pour licenciement abusif, correspondant à trois mois de salaire, et 130'000 fr. bruts à titre de bonus pour l'année 2019.

Il a également conclu à ce qu'il soit ordonné à A______ de maintenir et de lui restituer ses share awards 2017 et 2018 ainsi que son contingent capital award 2018. Subsidiairement à ces dernières conclusions, il a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui verser la somme de 34'392 fr. 45 nets, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2020.

Il a notamment allégué que l'enregistrement litigieux avait été effectué de manière visible et relevait d'une facétie parmi d'autres dans le but de détendre l'atmosphère entre ses deux collègues. Le département security forensics Switzerland avait lui-même conclu qu'il avait été coopératif et raisonnable et que ses déclarations correspondaient entièrement aux éléments de preuve récoltés par l'enquête interne. Tant son supérieur F______ que l'enquêteur avaient conclu que cet incident n'était pas significatif. Quant aux photos et vidéos prélevées sur son téléphone, il s'agissait d'images bénignes et inoffensives qui étaient conformes à la directive interne GP 00276 et aucune violation de celle-ci ne pouvait lui être reprochée. Il était ainsi évident que les motifs avancés par A______ à l'appui du licenciement étaient infondés et inexistants et que celui-ci reposait sur un autre motif, à savoir la dénonciation à ses supérieurs de plusieurs irrégularités commises au sein du secteur Market Area W______, auxquelles aucune suite n'avait toutefois été donnée. Cette passivité de la banque face à ces dénonciations puis son licenciement laissaient penser que la banque avait souhaité faire taire ces irrégularités. Il s'ensuivait que la banque avait agi par pure convenance personnelle en faisant abstraction de son intérêt à conserver l'emploi qu'il occupait depuis près de cinq ans. Son licenciement était par conséquent abusif.

b. A______ a conclu au rejet de la demande, avec suite de frais et dépens.

Elle a allégué, en substance, que le comportement de B______ avait fait l'objet de remarques et de demandes d'amélioration tout au long des rapports de travail. Ce comportement inadéquat avait atteint son paroxysme avec les faits du 15 octobre 2019 et les éléments trouvés dans le cadre de l'enquête qui s'était ensuivie. L'enregistrement de deux collègues sans leur consentement pendant plus de vingt-six minutes ne s'apparentait pas à une démarche inoffensive mais portait atteinte à la personnalité des personnes concernées et constituait une infraction pénale, voire une violation du secret bancaire. Cet incident était inadmissible vu les responsabilités et le rang de B______. Les photos et vidéos retrouvées dans son téléphone par la suite comportaient des informations susceptibles de violer le secret bancaire, en particulier une vidéo dans laquelle le nom d'un client pouvait être entendu. La confiance était définitivement rompue et la banque était dès lors fondée à licencier B______. Les accusations de ce dernier liées aux irrégularités prétendument découvertes étaient infondées et n'avaient pas motivé son licenciement.

c. Le Tribunal a transmis la réponse de A______ à B______ en lui indiquant qu'il pouvait faire usage de son "droit inconditionnel à la réplique (ATF 138 III 252 consid. 2.2 et ATF 133 I 98 consid. 2.2)" et que les parties auraient "l'occasion de se déterminer et d'éventuellement compléter l'état de fait lors de l'audience de débats d'instruction (art. 226 CPC)".

d. Par courrier du 7 juillet 2021, B______ a présenté une réplique spontanée limitée, selon lui, à la question de la pertinence des documents dont il souhaitait la production et à la validité de son opposition au congé au sens de l'art. 336b CP. Il a pour le surplus réservé ses droits de se déterminer sur les allégués de la réponse et de présenter des faits et moyens de preuve nouveaux lors de l'audience de débats d'instruction.

e. Par ordonnance du 12 juillet 2021, le Tribunal a imparti à A______ un délai de 30 jours pour dupliquer en application de l'art. 225 CPC.

f. Par courrier du 15 juillet 2021, A______ a notamment fait valoir que la réplique spontanée de B______ du 7 juillet 2021 contenait des faits nouveaux, de sorte qu'il s'agissait d'un deuxième échange d'écritures au sens de l'art. 225 CPC. Il s'ensuivait que les éventuels faits et moyens de preuve nouveaux que B______ apporterait ultérieurement au procès ne pourraient être admis qu'aux conditions restrictives de l'article 229 CPC.

g. Par pli du 17 septembre 2021, B______ a adressé au Tribunal un bordereau de preuves récapitulatif ainsi que ses déterminations sur les allégués de la réponse.

h. Par courrier du 21 septembre 2022, A______ a sollicité que ces déterminations soient déclarées irrecevables et retranchées du dossier, compte tenu du double échanges d'écritures déjà ordonné.

i. A l'audience de débats d'instruction du 6 octobre 2021, les parties ont maintenu leurs positions.

j. Par ordonnance de preuves et d'instruction motivée du 19 octobre 2021, le Tribunal a déclaré recevables les écritures de B______ du 17 septembre 2021. Il a considéré que ces déterminations lui étaient parvenues dans le délai de 15 jours mentionné par la convocation à l'audience du 6 octobre 2021.

Il a également ordonné à A______ de produire le courriel adressé par L______ à N______ du département security forensics Switzerland faisant suite à son courriel du 12 novembre 2019, ainsi que le contenu prélevé sur le téléphone privé de B______. Il a renoncé pour le surplus à ordonner la production des autres documents requis par les parties.

k. Le Tribunal a tenu des audiences de débats principaux les 15 novembre, 23 novembre et 6 décembre 2021, lors desquelles il a entendu les parties ainsi que divers témoins. Il résulte de leurs déclarations les éléments pertinents suivants:

k.a B______, interrogé, a déclaré que N______, soit l'enquêteur, lui avait confirmé à la fin de leur entretien qu'il ne considérait pas l'affaire comme un cas grave.

S'agissant de l'incident du 15 octobre 2019, il a précisé avoir posé son téléphone portable sur le meuble à tiroirs, qu'il avait tiré en dehors du bureau afin de poser ses pieds dessus. Le téléphone n'était donc pas couvert par le haut du bureau.

C'était effectivement K______ qui avait découvert l'enregistrement. Celui-ci avait duré entre trois et quatre minutes. Il ne savait plus qui de K______ ou de lui-même avait effacé cet enregistrement. En tout cas, ils l'avaient fait ensemble et K______ avait ensuite vérifié sa suppression.

k.b A______, représentée par Q______, a déclaré que le service juridique, en collaboration avec les ressources humaines, sur la base du rapport de N______, avait considéré l'incident comme étant de niveau 5. Il s'agissait de leur recommandation au conseil de conduite et d'éthique, qui pouvait confirmer cette proposition ou en décider autrement. Les faits étaient évalués dans leur globalité, avec des facteurs aggravants, respectivement atténuants. Les regrets exprimés par B______ constituaient un élément atténuant.

k.c R______, gestionnaire de fortune au sein de la banque pour la W______ et X______, entendu en qualité de témoin, a notamment confirmé que des photos d'équipes étaient prises dans les locaux de la banque à titre privé. Il arrivait qu'elles soient ensuite affichées dans l'open space ou dans d'autres endroits visibles par tous. A sa connaissance, personne n'avait refusé d'apparaître sur ces photos. Il a ajouté que B______ était apprécié de ses collègues.

k.d S______, client manager ayant quitté A______ le 1er octobre 2021, entendue en qualité de témoin, a indiqué avoir travaillé avec B______ et K______ et n'avoir jamais constaté d'altercation entre eux. Leurs rapports lui semblaient corrects.

Elle a confirmé que des photos étaient prises à l'intérieur des locaux lors d'événements sociaux et que tout le monde participait aux photos de groupe, y compris les cadres. Ces photos étaient parfois affichées. Ils avaient toujours fait attention à ce qu'aucune "information client" n'apparaisse.

A sa connaissance, B______ avait toujours eu de bons rapports avec les autres membres de l'équipe.

k.e Entendu comme témoin, D______, responsable de B______ d'octobre 2018 jusqu'à la fin des rapports de travail et ayant quitté A______ à la fin de l'année 2020, a indiqué s'être entretenu au sujet de l'enregistrement litigieux avec B______ et F______. Selon sa propre évaluation, cet incident n'était pas si grave. Il s'agissait plutôt d'une plaisanterie enfantine en dehors des heures de travail. L'incident avait été traité directement par le responsable du marché et du compliance et n'avait plus été de son ressort.

Il avait évalué B______ à partir du mois d'octobre 2018. Selon ses souvenirs, les performances de B______ étaient bonnes. Elles étaient dans les objectifs voire au-dessus. Il ne se souvenait pas d'observations particulières en relation avec le comportement de B______.

Il s'entendait bien avec B______. Celui-ci avait une personnalité forte, un peu têtue et exigeante, notamment en matière d'augmentation de salaire. Il obtenait de bons résultats, en développant une bonne alchimie tant avec les banquiers qu'avec les clients.

k.f L______, témoin, a confirmé avoir participé à une discussion au travail après les heures de bureau, en présence de K______ et B______, qui avait fait l'objet d'un enregistrement par ce dernier. Il ne se souvenait pas que B______ ait annoncé qu'il procèderait audit enregistrement. S'il se souvenait bien, K______ avait remarqué qu'un enregistrement était en cours et n'était pas content. Il ne se souvenait pas si K______ avait demandé que l'enregistrement soit effacé.

Il a confirmé être l'auteur du courriel adressé à N______ le 28 novembre 2019 et penser que B______ avait fait cet enregistrement pour s'amuser.

k.g F______, témoin, a déclaré être encore employé du A______. Il avait été le supérieur d'D______, lui-même supérieur de B______ pendant deux mois en 2018. Durant cette période, il avait été associé à la décision de promouvoir B______ comme chef d'équipe. Il avait été informé de l'incident de l'enregistrement par B______ mais n'était pas à la base de l'ouverture de l'enquête contre celui-ci. Il avait participé à une réunion téléphonique avec les ressources humaines, la sécurité forensique, le chief operating officer (responsable des opérations), le responsable des marchés grecs et son responsable. L'équipe de l'enquête leur avait communiqué les conclusions de l'enquête interne concernant B______ et avait indiqué avoir trouvé de nombreuses photos et vidéos prises à l'intérieur des locaux de A______ dans son téléphone portable. A sa connaissance, B______ avait été licencié uniquement en raison de cet incident. Il n'avait pas le souvenir d'autres griefs concernant B______.

l.a Le 26 novembre 2021, A______ a produit une clé USB contenant les fichiers extraits du téléphone de B______.

l.b Par courrier du 2 décembre 2021, B______ a relevé que trois fichiers, pourtant inoffensifs selon lui, avaient été renommés. En particulier, un fichier intitulé Kunde mit Name montrait L______ au téléphone avec un certain T______. Ce dernier était cependant un ancien employé de la banque et cette vidéo correspondait en réalité à une mise en scène d'un appel à un client fictif lors duquel L______ s'entraînait à présenter une nouvelle plateforme. B______ soulignait n'avoir pas été questionné au sujet de cette vidéo et s'est réservé le droit de solliciter à nouveau l'audition de L______ si la banque persistait à alléguer que T______ était un client.

l.c Entendu comme témoin, U______, premier supérieur de B______, a confirmé que T______ était un ancien collègue, aujourd'hui retraité.

l.d Lors de l'audience du 6 décembre 2021, A______ a déposé une détermination écrite suite au courrier de B______ du 2 décembre 2021. Elle a précisé que ce qu'elle mettait en cause n'était pas le contenu des photos et vidéos prises par le précité, mais le fait même que ces enregistrements aient été réalisés à l'intérieur des locaux de la banque.

m. A l'issue de l'administration des preuves, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 et 3, 143 al. 1 et 311 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Formé dans la réponse à l'appel, laquelle a été déposée dans le délai de trente jours fixé à cette fin (art. 312 al. 2, 313 al. 1 CPC), et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable.

1.3 Il en va de même de la réponse à l'appel joint, ainsi que des répliques et dupliques respectives, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 145 al. 1 let. b, 312 al. 2 et 316 al. 1 CPC).

1.4 Conformément au droit inconditionnel de réplique, les déterminations spontanées déposées postérieurement par les parties sont également recevables en tant que celles-ci s'y prononcent sur leurs écritures respectives (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1) et que la cause n'avait pas encore été gardée à juger (s'agissant de la recevabilité des écritures spontanées des parties des 30 mars, 14 avril et 8 mai 2023, cf. infra consid. 3.2).

1.5 A______ sera désignée, ci-après, en tant qu'appelante et B______ en tant qu'intimé.

2. La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Elle peut dès lors apprécier à nouveau les preuves apportées, notamment les témoignages et les déclarations des parties tels qu'ils ont été dûment consignés au procès-verbal, et parvenir à des constatations de fait différentes de celles de l'autorité de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2 s. ; 4A_748/2012 du 3 juin 2013 consid. 2.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Il est de jurisprudence que si une décision comporte une double motivation (i.e deux motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, suffisant chacune à sceller le sort de la cause), il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (en application de l'art. 42 LTF, cf. ATF 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2). Cette jurisprudence trouve également application sous l'empire du CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2018 du 8 octobre 2019 consid. 3.2).

3. Les parties ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles en appel. L'intimé a en outre pris des conclusions nouvelles en appel.

3.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux ainsi que des conclusions nouvelles en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

A partir du début des délibérations, les parties ne peuvent plus introduire de nova, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont réunies. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s'il y en a eu, respectivement dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 143 III 272 consid. 2.3.2; 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.1 et 4.1.2, résumé in CPC Online, ad art. 317 CPC).

3.2.1 En l'espèce, l'appelante a allégué, dans son écriture spontanée du 30 mars 2023, des faits nouveaux relatifs aux mesures décidées par le Conseil fédéral le 21 mars 2023 en lien avec la reprise de A______ par C______ et, notamment, avec l'interdiction qui lui a été faite dans ce cadre de verser des rémunérations variables à ses employés. Ces faits s'étant produits après que la cause ait été gardée à juger, ils sont en principe irrecevables, étant ici relevé qu'ils sont sans incidence sur l'issue du litige au regard du rejet des prétentions de l'intimé.

Il en va de même de la conclusion formulée par l'intimé dans son écriture du 14 avril 2023, tendant à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 34'392 fr. 45 nets, à titre de contrevaleur des share awards 2017 et 2018 et du contingent capital award 2018, dès lors que ses prétentions tendant au maintien et à la restitution des awards en question ont été rejetées.

4. 4.1 L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue en ne se prononçant pas sur la recevabilité des déterminations de l'intimé du 17 septembre 2021, alors qu'elle avait demandé à plusieurs reprises que celles-ci soient écartées. Elle fait également valoir que, dans la mesure où les parties avaient déjà bénéficié d'un double échange d'écritures au sens de l'art. 225 CPC en date des 7 et 15 juillet 2021, ces déterminations étaient irrecevables. Il s'ensuivait que les allégués 219 à 423 figurant dans sa réponse au Tribunal, portant notamment sur l'absence de caractère abusif du licenciement, devaient être considérés comme admis.

L'appelante se plaint également d'une constatation inexacte et incomplète des faits en relation avec l'opposition de l'intimé à son licenciement et les motifs dudit licenciement.

4.2 En l'espèce, le Tribunal a rendu une ordonnance de preuves et d'instruction motivée le 19 octobre 2021, dans laquelle il a déclaré recevables les écritures de B______ du 17 septembre 2021 dès lors que celles-ci lui étaient parvenues 15 jours avant l'audience du 6 octobre 2021. La question de savoir si le droit d'être entendue de l'appelante a été violé, au motif que ladite ordonnance ne se prononçait pas sur l'éventuelle irrecevabilité de ces écritures au vu du double échange d'écritures déjà ordonné (cf. En fait, let. D.g), peut souffrir de rester indécise. Il en va de même de la question de savoir si ces écritures étaient en définitive recevables ou non. A supposer qu'elles le soient, l'appelante n'en subirait aucun préjudice. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le licenciement de l'intimé ne saurait en effet être considéré comme abusif (cf. infra consid. 6).

Les griefs de constatation inexacte et incomplète des faits de l'appelante relatifs à l'opposition au licenciement et aux motifs de ce dernier seront pour le surplus examinés ci-après, en même temps que ses griefs relatifs à l'application du droit (cf. infra consid. 5 et 6).

5. Est tout d'abord litigieuse la question de l'opposition au congé.

5.1 Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'intimé avait signifié à l'appelante, par pli du 27 mars 2020, qu'il s'opposait à la résiliation de son contrat de travail, qu'il qualifiait d'abusive. L'appelante devait comprendre ce courrier comme une opposition de son employé au principe même de son licenciement. L'intimé avait en outre indiqué, dans ce courrier, que l'incident de l'enregistrement, ainsi que les photos et vidéos contenues dans son téléphone portable, ne constituaient pas un cas grave et que son licenciement semblait fondé sur un autre motif, à savoir son signalement d'une transgression des règles cross-border. Or, l'appelante n'avait répondu à ce courrier que le 16 mai 2020, en maintenant que l'intimé avait gravement violé les directives de la banque et en sollicitant des informations complémentaires sur le signalement susmentionné. Elle n'était en revanche pas revenue sur la résiliation. Elle ne pouvait dès lors reprocher à l'intimé de n'avoir pas formellement manifesté sa volonté de continuer les rapports de travail.

5.2 L'appelante fait en substance valoir qu'à teneur de l'arrêt 4A_320/2014 du Tribunal fédéral du 8 septembre 2014 et de l'analyse d'une autrice de doctrine, l'art. 336b CO impose à l'employé de manifester clairement sa volonté de poursuivre les rapports de travail. Or, une telle manifestation de volonté faisait en l'espèce défaut. L'intimé s'était en effet limité à réclamer une indemnité pour licenciement abusif à son employeuse dans son courrier du 27 mars 2020, sans lui proposer ses services. Son opposition au congé n'était dès lors pas valable.

5.3.1 En vertu de l'art. 336b al. 1 CO, la partie qui entend demander une indemnité pour résiliation abusive (art. 336 et 336a CO) doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie, au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé.

Selon la jurisprudence, il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l'égard de l'employeur qu'il n'est pas d'accord avec le congé qui lui a été notifié (ATF 136 III 96 consid. 2; 123 III 246 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2014 du 8 septembre 2014 consid. 3.1, ARV/DTA 2015 p. 32, JAR 2015 p. 177).

L'opposition a pour but de permettre à l'employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus (cf. art. 336b al. 2 CO). Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l'indemnité pour licenciement abusif s'éteint si celui-ci refuse l'offre formulée par l'employeur de retirer la résiliation (ATF 134 III 67 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2014 précité, ibidem).

Il n'y a pas d'opposition lorsque le travailleur s'en prend seulement à la motivation de la résiliation, ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, et non à la fin des rapports de travail en tant que telle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2014 précité, ibidem).

Savoir si l'on est en présence d'une opposition au congé est affaire d'interprétation de la volonté du travailleur selon le principe de la confiance, lorsque la volonté réelle du travailleur n'a pas été comprise par le destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2014 précité, ibidem et l'arrêt cité).

5.3.2 Dans l'arrêt 4A_320/2014 précité, le Tribunal fédéral a relevé, en obiter dictum, que l'art. 336b al. 1er CO ne signifiait pas seulement "faire opposition au motif du congé, ou aux circonstances ayant mené au congé", mais imposait à l'employé de manifester clairement sa volonté de vouloir poursuivre les rapports de travail; il a ajouté que "comme la jurisprudence l'a précisé [ ], il n'y a pas d'opposition si le travailleur ne conteste que les motifs du congé" (cf. arrêt précité, consid. 3.3).

Selon l'autrice citée par l'appelante, il résulte de cet arrêt que, pour qu'une opposition au congé soit valable et donc pour qu'un employé puisse réclamer une indemnité pour licenciement abusif, celui-ci doit non seulement faire opposition par écrit au congé dans le délai de congé mais doit également manifester clairement sa volonté de poursuivre les relations de travail. En d'autres termes, une opposition ne sera pas considérée comme valable si l'employé n'a clairement pas l'intention de poursuivre les relations de travail (Gerber, Opposition au congé licenciement abusif: le Tribunal fédéral met de l'ordre dans la maison consulté in https://www.wilhelm-avocats.ch/blog/opposition-au-conge-licenciement-abusif-le-tribunal-federal-met-de-lordre-dans-la-maison/).

La Cour d'appel civile du canton de Vaud a examiné la portée de l'obiter dictum et de l'avis doctrinal susmentionnés dans un arrêt du 16 mai 2019 (CACI 16 mai 2019/277, JdT 2019 III p. 139). Elle a considéré que l'avis en question ne pouvait être suivi. L'art. 336b al. 1 CO ne mentionnait en effet comme condition que l'opposition au congé et non le fait que le travailleur doive faire part dans le même temps de sa volonté de poursuivre les rapports de travail. La jurisprudence et la doctrine relevaient à cet égard- comme indiqué supra - qu'il ne fallait pas se montrer trop exigeant quant à la manière de formuler l'opposition et que toute manifestation de volonté par laquelle son auteur faisait entendre son désaccord avec le congé qui lui est notifié était considérée comme une opposition. Selon la Cour vaudoise, l'obiter dictum du Tribunal fédéral devait donc s'interpréter "comme permettant de distinguer l'opposition d'avec la simple contestation des motifs du congé". Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral avait considéré que l'employeur ne pouvait pas comprendre que l'employé contestait le congé dès lors que celui-ci ne mentionnait nulle part s'opposer à la fin des rapports de travail - écrivant au contraire "afin que nos rapports de travail se terminent dans le respect" - et n'évoquait pas une indemnité pour licenciement abusif. Dans ces circonstances, l'employeur ne pouvait pas retenir que ce courrier constituait une opposition au congé au sens de l'art. 336b al. 1er CO. D'après les juges vaudois, l'on pouvait ainsi interpréter l'arrêt en cause en ce sens que la validité de l'opposition dépendait exclusivement de la manifestation de la contestation du congé, de sorte que la manifestation de poursuivre les rapports de travail était donnée lorsque l'employé contestait le congé. Il n'apparaissait en revanche pas que le Tribunal fédéral ait entendu poser une condition supplémentaire, non prévue par la loi, en ce sens que, dans son opposition, le travailleur devrait expressément offrir ses services.

La Cour vaudoise a ajouté qu'une telle condition serait exorbitante, compte tenu de la jurisprudence publiée selon laquelle dans les éventuelles négociations qui suivaient l'opposition au congé, le travailleur n'avait aucun devoir d'accepter une modification du contrat de travail, mais devait en revanche accepter un retrait du congé, sous peine de voir sa créance d'indemnité s'éteindre (cf. ATF 134 III 67 consid. 5). La jurisprudence admettait de même que l'opposition intervienne par une ouverture d'action en paiement d'une indemnité, de sorte que le devoir d'entrer en négociation en vue de poursuivre les rapports de travail n'était pas une condition légale pour la naissance du droit à l'indemnité (JAR 2013 p. 608). Il en résultait que le travailleur n'était pas tenu d'offrir ses services dans son opposition et qu'il pouvait tout au plus être déchu de son droit à une indemnité pour congé abusif s'il refusait une offre - sérieuse - de l'employeur de retirer le congé (cf. ATF 134 III 67 consid. 5 précité).

Le point de vue de la Cour vaudoise est partagé par Portmann/Rudolph, lesquels soulignent que, contrairement à l'arrêt Tribunal fédéral 4A_320/2014 qui prête à confusion, il n'est pas nécessaire que l'employé manifeste expressément sa volonté de poursuivre les rapports de travail lorsqu'il s'oppose au congé. Une formulation telle que "je m'oppose au congé" ou analogue suffit. Une condition supplémentaire n'est pas compatible avec le texte légal de l'art. 336b al. 1 CO, lequel exige "une opposition écrite", ni plus ni moins (Portmann/Rudolph, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7ème éd. 2020, n° 1b ad art. 336b CO).

Dans un arrêt CAPH/10/2019 du 11 janvier 2019, la Chambre de céans, se référant à l'opinion doctrinale susmentionnée, a également considéré que le Tribunal fédéral n'avait pas imposé une nouvelle condition à l'art. 336b al. 1 CO dans l'arrêt 4A_320/2014, mais confirmé sa jurisprudence selon laquelle il était nécessaire pour l'employé de faire opposition au congé lui-même et non seulement aux motifs invoqués. L'employé n'avait, partant, aucune incombance de manifester sa volonté de réintégrer son poste ou un autre poste auprès de l'appelante (cf. arrêt précité, consid. 6.2).

5.4 En l'espèce, il sied tout d'abord de relever que le Tribunal a écarté l'argument de l'appelante, selon lequel l'intimé ne s'était pas opposé valablement à son congé, par une double motivation, reposant tant sur le contenu du pli de l'intimé du 27 mars 2020 que sur celui de la réponse de l'appelante du 16 mai 2020 (cf. supra consid. 5.2). Or, l'appelante n'attaque que le premier pan de cette motivation, ce qui n'est pas conforme aux exigences de motivation applicables au stade de l'appel (cf. supra consid. 2). Le grief soulevé est dès lors en principe irrecevable.

Cette question peut toutefois rester indécise. Il est en effet constant que dans son courrier du 27 mars 2020, l'intimé s'est "oppos[é] à la résiliation de son contrat de travail, qui est abusive" - principalement au motif que celle-ci aurait été motivée par son signalement d'une infraction des règles cross-border - et qu'il a sollicité, notamment, le versement d'une indemnité équivalente à trois mois de salaire. Cette formulation est suffisante en regard de l'art. 336b CO, lequel se limite à exiger de l'employé qu'il s'oppose à son licenciement, mais ne lui impose pas de manifester sa volonté de maintenir les rapports de travail ou d'être réintégré dans ses fonctions. L'argumentation développée par l'appelante sur la base de l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 septembre 2014 - resté isolé et critiqué en doctrine -, selon laquelle l'intimé aurait également dû lui proposer ses services, respectivement solliciter sa réintégration au sein de la banque, ne saurait en revanche être suivie. Il peut à cet égard être renvoyé aux considérants convaincants de l'arrêt de la Cour d'appel civile du canton de Vaud du 16 mai 2019 résumé ci-dessus, que la Cour de céans fait siens.

A cela s'ajoute qu'en dépit de ses dénégations ultérieures, l'appelante ne s'est pas trompée sur la signification à donner au courrier de l'intimé. Par pli du 26 mai 2020, elle a en effet contesté le caractère abusif de la résiliation et expliqué que compte tenu des infractions constatées, la poursuite des rapports de travail n'était pas envisageable. L'argument qu'elle soulève en procédure, selon lequel l'intimé ne se serait pas opposé valablement à son congé, paraît dès lors difficilement compatible avec les règles de la bonne foi.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, le cas d'espèce ne saurait au surplus être assimilé avec celui jugé par le Tribunal des prud'hommes le 1er mars 2016.

Dans son jugement JTPH/93/2016, le Tribunal des prud'hommes a considéré que le courrier de l'employé ne constituait pas une opposition valable au sens de l'art. 336b al. 1 CO. L'employé avait en effet indiqué à son employeur qu'il s'opposait à la lettre de licenciement et n'acceptait pas les motifs qui y étaient mentionnés. Il n'avait cependant pas indiqué s'opposer à la fin des rapports de travail, mais demandé un certificat de travail final, une lettre de licenciement modifiée quant aux motifs et un dédommagement relatif à son solde de vacances et d'heures supplémentaires. Il avait enfin terminé son courrier en indiquant respecter la décision de licenciement et vouloir une fin de contrat "diplomate et bienséante". L'employeuse avait, en réponse, maintenu les motifs figurant dans la lettre de licenciement; rien dans sa réponse ne laissait en revanche penser qu'elle avait pu comprendre que son employé s'opposait à la fin du contrat de travail. L'employé avait ultérieurement confirmé lors des débats que les parties ne pouvaient revenir en arrière et qu'il aurait de toute manière donné son congé s'il n'avait pas été renvoyé. Ces circonstances diffèrent dès lors de celles du cas d'espèce sur de nombreux points.

Au vu de ce qui précède, le grief de l'appelante, selon lequel le Tribunal aurait admis à tort que l'intimé s'était valablement opposé au congé dans son courrier du 27 mars 2020, est infondé.

6. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que le licenciement signifié à l'intimé le 17 décembre 2019 était abusif et conclut à la réforme du jugement entrepris sur ce point.

L'intimé conclut quant à lui, sur appel joint, à l'octroi d'une indemnité de licenciement abusif équivalente à trois mois de salaire.

6.1 Aux termes du jugement querellé, le Tribunal a considéré que l'intimé n'avait pas démontré par indices suffisants avoir été licencié pour avoir dénoncé des irrégularités au sein du secteur Market Area W______, et non en raison des motifs avancés par l'appelante soit l'enregistrement non autorisé d'une conversation entre deux collègues le 15 octobre 2019 ainsi que la prise de photos et de vidéos dans les locaux de la banque. Ce point n'est pas contesté en appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

Le Tribunal a ensuite examiné les motifs de licenciement invoqués par l'appelante. Il a tout d'abord relevé que, contrairement à ce qu'alléguait l'appelante, le comportement de l'intimé n'avait, excepté des commentaires mineurs, pas suscité de remarques particulières avant l'incident du 15 octobre 2019. Ses évaluations soulignaient ses compétences professionnelles, ses excellentes performances ainsi que son comportement impeccable et exemplaire. M______ avait déclaré qu'aucune critique liée au comportement de l'intimé ne lui était remontée avant l'incident précité. Il convenait dès lors de déterminer si l'enregistrement réalisé le 15 octobre 2019 par l'intimé, ainsi que les photos et vidéos découvertes dans son téléphone portable, pouvaient être qualifiés de faute grave.

Sur ce dernier point, le Tribunal a constaté que les deux tiers des photos et vidéos avaient été prises en dehors des locaux de la banque. Celles prises à l'intérieur se rapportaient majoritairement à des événements informels, tels que des apéritifs et des anniversaires, et les personnes regardaient la caméra en souriant. Les écrans d'ordinateurs allumés figurant en arrière-plan étaient peu lisibles et semblaient consister pour la majorité en des pages du site public V______. Les témoins S______ et R______ avaient confirmé que des photos étaient prises à l'intérieur des locaux à titre privé lors d'événements informels, auxquels même les cadres participaient, et que ces photos étaient parfois affichées dans l'open space. Une photo d'équipe prise dans les locaux de la banque avait également été postée sur les réseaux sociaux et G______, cadre de la banque, avait apposé un like sur la publication. Le rapport du département security forensics Switzerland avait relevé un seul fichier problématique, soit une vidéo montrant une conversation téléphonique avec un client ou un prospect qui était appelé par son nom; cette vidéo contrevenait au règlement interne et posait un potentiel risque réputationnel et légal pour la banque. L'instruction avait toutefois révélé que cet enregistrement montrait L______ au téléphone avec l'un de ses anciens collègues, T______, et que la conclusion du rapport d'investigation était erronée. Contrairement à ce qu'avait allégé l'appelante, le téléphone de l'intimé ne comportait donc pas d'informations couvertes par le secret bancaire.

Selon le Tribunal, il existait donc une tolérance de la banque quant à la prise d'images à l'intérieur des locaux lors d'événements informels. Or, les photos et vidéos de l'intimé s'inscrivaient dans cette marge de tolérance, dès lors qu'elles documentaient ces événements avec le consentement manifeste des employés apparaissant sur celles-ci. Elles ne contenaient pas d'informations sensibles et rien n'indiquait qu'elles auraient été partagées à l'extérieur. Elles étaient dès lors conformes aux directives internes de la banque et ne pouvaient justifier le licenciement de l'intimé selon ces mêmes directives. Or, l'appelante avait justifié le licenciement de l'intimé par l'enregistrement de la conversation du 15 octobre 2019 ainsi que par les photos et vidéos retrouvées sur son téléphone. Elle n'avait pas allégué qu'en l'absence de ces fichiers, elle aurait quand même licencié l'intimé en raison de l'enregistrement précité. Il s'ensuivait que l'un des motifs fondant le licenciement n'était pas digne de protection. Conformément à la jurisprudence, celui-ci devait dès lors être considéré comme abusif.

Dans un raisonnement superfétatoire, le Tribunal a encore considéré que le cadre disciplinaire interne de la banque et l'échelle des mesures instaurées ne permettaient pas à l'appelante de licencier l'intimé en raison du seul enregistrement du 15 octobre 2019. Ce cadre imposait en effet d'apprécier la gravité de la faute de l'intimé selon les facteurs de matérialité, d'intention, d'ancienneté, d'expérience et d'historique. La banque n'avait toutefois pas précisé la manière dont ces facteurs avaient été pris en compte dans l'analyse du comportement de l'intimé. Or, selon le Tribunal, si l'on appréciait la faute de l'intimé à la lumière des facteurs précités, celle-ci paraissait tout au plus moyenne. Le comportement de l'intimé avait en outre toujours été considéré comme satisfaisant auparavant. Ces différents éléments atténuants auraient dû être pris en considération et conduire à une sanction inférieure à celle du licenciement, qui constituait la sanction maximale. Cette analyse était d'autant plus justifiée que H______, qui avait suspendu les sous-vêtements d'un collègue au-dessus de son bureau puis partagé cette photo sur un groupe WhatsApp de collègues, n'avait pas été congédié. Le licenciement de l'intimé consacrait dès lors une disproportion grossière des intérêts en présence et s'avérait, pour cette raison, également abusif.

6.2 L'appelante conteste ce raisonnement en se prévalant d'une constatation inexacte des faits, d'une violation de la maxime des débats et d'une violation de l'art. 336 CO.

Elle fait en premier lieu valoir que le Tribunal a écarté la thèse de l'intimé, selon laquelle le congé avait été motivé par le fait que celui-ci avait dénoncé des irrégularités au sein du secteur Market Area W______. Il incombait dès lors à l'intimé de démontrer que le motif invoqué par l'appelante à l'appui du licenciement était abusif. Or, l'intimé n'avait ni allégué, ni démontré, que l'appelante avait violé l'échelle interne des sanctions dans l'appréciation de sa faute et de la mesure disciplinaire correspondante. Il n'avait pas non plus expliqué en quoi son licenciement constituait une disproportion grossière des intérêts en présence, n'ayant allégué ni ses propres intérêts, ni ceux de la banque. Pour ce motif déjà, le licenciement ne pouvait être qualifié d'abusif.

L'appelante fait en second lieu valoir que l'instruction avait démontré que le motif de licenciement consistait dans la violation grave et récurrente de sa réglementation interne par l'intimé, lequel avait conservé des images prises dans les locaux de la banque sur son téléphone portable et enregistré une discussion entre collègues le 15 octobre 2019. Ces agissements, qui auraient pu porter atteinte au secret bancaire protégé par l'art. 47 LB et à la personnalité des collègues dont la conversation avait été enregistrée, justifiaient dès lors le licenciement de l'intimé. Les premiers juges avaient à tort nié ceci, en substituant leur pouvoir d'appréciation à celui de l'employeuse, et en exigeant de l'appelante qu'elle démontre que le licenciement se fondait sur un juste motif. A cet égard, la question de savoir si l'appelante avait ou non respecté sa propre réglementation interne, en particulier s'agissant de l'appréciation de la faute de l'intimé, était dénuée de pertinence. L'intimé n'avait en effet jamais allégué un quelconque reproche s'agissant de la procédure d'investigation menée par l'appelante à son sujet. Celle-ci n'avait dès lors pas à contester ce point.

6.3.1 Le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail, la liberté de résiliation prévaut de sorte que pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit fondamental de chaque co-contractant de mettre fin au contrat unilatéralement est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO contient une liste de cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive; elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut ainsi se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 précité, ibidem; 132 III 115 précité, ibidem; arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2018 du 4 septembre 2018 consid. 3.3.1).

Le juge peut notamment intervenir s'il existe une disproportion grossière entre les intérêts en présence. Cela peut notamment être le cas lorsque l'employeur notifie le congé, pour donner l'impression qu'il a pris les mesures adéquates ("parce qu'il fallait un responsable, un fusible"), en faisant abstraction de l'intérêt légitime de l'employé à conserver un emploi dans lequel il s'est investi pendant de nombreuses années, alors que le congé n'a aucune portée pratique pour l'employeur ("licenciement pour simple motif de convenance personnelle"; ATF 131 III 535 consid. 4.2 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.2.1).

Le licenciement ne peut en revanche être tenu pour abusif lorsque l'employeur, en l'occurrence une banque, a un intérêt à licencier un employé exerçant une fonction importante dans son département, au motif qu'elle n'a plus confiance en celui-ci. Dans une telle situation, il ne peut en effet être dit que la banque a procédé au licenciement sans y avoir aucun intérêt, seulement pour "donner l'impression" qu'elle prenait les mesures adéquates, ou que la résiliation serait totalement hors de proportion avec l'intérêt de l'employé de conserver son emploi au sein de la banque. On ne saurait en effet taxer d'abusif le comportement d'un employeur du simple fait qu'il a favorisé ses intérêts plutôt que ceux de son employé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 3.3.2). Un tel licenciement n'est pas non plus abusif au motif que l'employé n'a commis aucune faute ou aucun manquement. L'exercice du droit de résilier selon l'art. 335 CO n'est en effet pas soumis à une telle condition (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 3.2.1).

Il n'appartient pour le surplus pas au juge de substituer à la décision de l'employeur une pesée des intérêts des parties au contrat de travail (ATF 111 II 242 consid. 2c). Il n'existe pas non plus, en droit privé, d'obligation générale de soumettre le licenciement envisagé à un contrôle de proportionnalité, dans le sens où des mesures moins incisives devraient toujours être prises avant un licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_390/2021 du 1er février 2022 consid. 3.1.4, SJ 2022 J 68).

6.3.2 Une résiliation ordinaire est en revanche abusive lorsque l'employeur la motive en accusant le travailleur d'un comportement contraire à l'honneur, s'il apparaît que l'accusation est infondée et que, de plus, l'employeur l'a élevée sans s'appuyer sur aucun indice sérieux et sans avoir entrepris aucune vérification; au regard de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur viole alors gravement son devoir de protéger la personnalité du travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_694/2015 du 4 mai 2016 consid. 2.2 et l'arrêt cité). A l'inverse, la résiliation ordinaire n'est pas abusive du seul fait qu'en définitive, l'accusation élevée contre le travailleur se révèle infondée ou ne peut pas être confirmée; l'abus suppose en effet, de surcroît, que l'employeur ait accusé le travailleur avec légèreté, sans justification raisonnable. Le soupçon d'un vol, pour autant qu'il repose sur des indices sérieux et que l'employeur ait dûment accompli toutes les vérifications à attendre de lui, peut donc justifier une résiliation ordinaire parce que celle-ci relève en principe de la liberté souveraine de chaque partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_694/2015 précité consid. 2.3).

S'agissant de l'étendue desdites vérifications, le Tribunal fédéral a certes cité, dans l'arrêt susmentionné, un avis de doctrine selon lequel en cas de dénonciation d'un travailleur au sein de l'entreprise, l'employeur est censé accomplir ou faire accomplir, éventuellement par un mandataire externe si l'accusation est grave, une enquête complète comportant, pour le travailleur dénoncé, des garanties équivalentes à celles d'une instruction pénale, telles les possibilités de préparer sa défense, se faire assister d'un conseil et faire administrer des preuves. Le Tribunal fédéral n'a toutefois pas pris position sur cette question. Il s'est limité à indiquer que l'employeur devait s'efforcer de vérifier les faits dénoncés et que le travailleur devait, au regard de l'art. 328 al. 1 CO, pouvoir équitablement défendre sa position si son honneur était compromis. Il a renoncé en revanche à fixer les démarches à accomplir par l'employeur de manière abstraite et absolue; celles-ci dépendaient au contraire des circonstances concrètes de chaque cas (arrêt du Tribunal fédéral 4A_694/2015 précité consid. 2.4).

Selon Wyler/Heinzer, il ne saurait dès lors être déduit de cet arrêt que le travailleur dénoncé disposerait de garanties équivalentes à celles d'une instruction pénale, telles les possibilités de préparer sa défense, se faire assister d'un conseil et faire administrer des preuves. Ces auteurs considèrent, sur la base de cette jurisprudence, que l'employeur qui nourrit des soupçons contre un employé doit s'efforcer de vérifier les faits soupçonnés par les moyens qui sont raisonnablement à sa disposition et offrir à la personne mise en cause la possibilité d'exprimer son point de vue, cas échéant en amenant des éléments en sa possession. Les investigations raisonnables comprennent l'examen des pièces à disposition, l'audition de la ou des personnes que l'employeur peut raisonnablement entendre et qui sont des protagonistes directs. A l'issue de celles-ci, l'éventuel licenciement ne doit pas être considéré comme abusif si l'appréciation de l'employeur n'apparait pas abusive au regard de l'ensemble des circonstances. En d'autres termes, "l'employeur ne doit pas être entravé dans une saine liberté d'appréciation au regard des éléments qu'il peut raisonnablement se procurer pour prendre les décisions permettant d'assurer une poursuite des activités dans un environnement de travail adéquat." (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 816 s.).

6.4.1 En l'espèce, le Tribunal a, comme relevé ci-avant, écarté la thèse de l'intimé, selon laquelle le congé avait été motivé par le fait que celui-ci avait dénoncé des irrégularités au sein du secteur Market Area W______. Est par conséquent seule litigieuse la question de savoir si le licenciement peut être qualifié d'abusif en tant qu'il se fonde sur les motifs allégués par l'appelante, à savoir l'enregistrement par l'intimé de la conversation de deux collègues le 15 octobre 2019 et la découverte sur son téléphone portable de photos et de vidéos prises dans les locaux de la banque.

A cet égard, la démarche effectuée par le Tribunal, consistant à examiner séparément si chacun des deux reproches brandis par l'appelante à l'encontre de l'intimé constituait un motif justifié de licenciement selon la règlementation interne de la banque, et à décréter le congé abusif au motif que tel n'était pas le cas pour l'un d'eux, n'emporte pas conviction. Il résulte en effet des témoignages M______ et F______, ainsi que de diverses pièces, en particulier du rapport du département security forensics Switzerland, que l'appelante s'est résolue à licencier l'intimé principalement en raison de l'enregistrement non autorisé du 15 octobre 2019, mais aussi suite à la découverte sur son téléphone portable de nombreuses photos et de vidéos prises dans les locaux de la banque, parmi lesquels se trouvait notamment l'enregistrement d'une conversation entre un employé de la banque et un prétendu client. Les agissements invoqués à l'appui du licenciement constituaient ainsi, dans l'esprit de l'appelante, une violation continue et répétée de sa réglementation interne relative à la prise d'images et de son à l'intérieur des locaux. Contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il n'y avait dès lors pas lieu de considérer les actes de l'intimé comme des motifs de licenciement distincts; ceux-ci formaient à l'inverse un tout.

Le raisonnement du Tribunal n'est en outre pas conforme au système découlant des art. 335 ss CO. Appelé à statuer sur une demande d'indemnité pour congé abusif, le juge doit en effet se limiter à examiner si le licenciement de l'employé consacre un usage inadmissible par l'employeur de son pouvoir de résilier, en raison du motif répréhensible qui sous-tend le congé, de la manière dont celui-ci a été donné ou encore de la disproportion grossière des intérêts en présence. Le juge ne doit en revanche pas procéder à un contrôle de la proportionnalité du licenciement ou rechercher si l'employé a commis une faute suffisamment grave pour justifier cette mesure. Le fait que l'employeur ait, comme en l'espèce, inséré dans sa réglementation interne une échelle des sanctions encourues par l'employé en fonction de la gravité de l'infraction qu'il commet ne saurait modifier ce qui précède. L'art. 336 CO n'habilitant pas le juge à substituer son pouvoir d'appréciation à celui de l'employeur, il ne lui permet pas non plus de décréter le licenciement comme abusif au seul motif que celui-ci lui paraîtrait trop sévère en regard de cette réglementation. L'intimé n'a du reste rien soutenu de tel dans le cadre de la présente procédure.

6.4.2 Ceci précisé, il résulte du jugement entrepris - non contesté sur ce point en appel - que l'intimé a reconnu avoir enregistré la conversation de ses collègues sans leur consentement explicite et que cet enregistrement constituait, en lui-même, une violation de la règlementation interne de la banque, celle-ci proscrivant toute prise de son au sein de l'établissement. Les circonstances exactes dans lesquelles l'enregistrement a été effectué (nature de la conversation entre les collègues, téléphone de l'intimé visible ou non, durée de l'enregistrement, etc.) n'ont certes pas pu être élucidées dans le cadre de l'instruction diligentée par le Tribunal. Ces points peuvent toutefois rester indécis. S'agissant d'un licenciement ordinaire, est en effet seule pertinente la question de savoir si l'appréciation du comportement de l'intimé par l'appelante apparaît abusive au regard de l'ensemble des circonstances. Or, celle-ci s'est fondée sur les éléments dont elle disposait à l'époque des faits, à savoir les déclarations des deux collègues concernés - lesquelles concordaient sur de nombreux points (consentement non sollicité, téléphone de l'intimé placé de manière à ce que l'enregistrement ne soit pas visible, conversation en relation avec le travail, démarche inappropriée de l'intimé du point de vue des intéressés) -, pour retenir que le comportement de l'intimé constituait une violation suffisamment grave de sa réglementation interne pour justifier un licenciement. Bien que sévère, une telle appréciation ne recèle rien d'abusif.

S'agissant des photos et vidéos contenues dans le téléphone portable de l'intimé, le Tribunal a constaté, dans le jugement entrepris, qu'il existait une certaine marge de tolérance au sein de la banque quant à la prise d'images lors d'événements informels et que les fichiers litigieux s'inscrivaient à l'intérieur de cette marge. Ceux-ci ne contenaient pas non plus d'informations sensibles, ni n'avaient été diffusés à l'extérieur. Ils étaient dès lors conformes aux directives internes de la banque et impropres à fonder un licenciement.

À cet égard, il convient tout d'abord de relever que l'intimé s'est limité à reprendre, dans sa demande en paiement, les constatations du rapport final du département security forensics Switzerland. Lorsque l'appelante a produit, à la suite de l'ordonnance du Tribunal, les fichiers extraits du téléphone portable de l'intimé, ce dernier s'est limité à expliciter le contenu de la vidéo renommée "Kunde mit Name". Alors qu'il lui incombait d'établir le caractère abusif du congé, il n'a pas déposé d'écriture sur faits nouveaux (art. 229 al. 1 CPC) afin d'exposer en quoi les photos et vidéos contenues dans son téléphone portable ne contrevenaient pas à la réglementation interne de la banque. En l'absence d'allégués topiques de l'intimé, le Tribunal aurait dès lors dû en déduire que le précité n'était pas parvenu à démontrer le caractère abusif du congé en tant que celui-ci était motivé par les fichiers découverts sur son téléphone portable.

En tout état de cause, le raisonnement du Tribunal selon lequel l'appelante n'était pas fondée à licencier l'intimé en raison des fichiers en question ne saurait être suivi. Ainsi qu'il résulte du rapport du département security forensics Switzerland, le téléphone de l'intimé contenait des images et vidéos enregistrées à l'intérieur de la banque documentant "la vie de bureau et des pitreries", avec le consentement manifeste des personnes concernées. L'on pouvait apercevoir sur ces images des écrans d'ordinateurs ouverts et/ou des documents internes, dont la lisibilité était limitée. Or, contrairement à ce qu'a affirmé le Tribunal, ces fichiers contrevenaient à la réglementation interne de la banque, qui proscrit la prise d'images et de son dans les locaux hormis lors d'événements informels. Bien qu'ils ne recèlent aucune violation du secret bancaire - l'instruction ayant permis d'établir que le nom audible sur la vidéo intitulée "Kunde mit Name" était en réalité celui d'un ancien collègue -, l'appelante pouvait légitimement considérer que cette propension de l'intimé à documenter la vie de bureau n'était pas compatible avec son rang et ses responsabilités. Cette appréciation n'avait rien d'abusif et le Tribunal ne pouvait y substituer sa propre opinion.

En conclusion sur ce point, il appert que la décision de l'appelante de résilier les rapports de travail a été prise au terme d'une enquête interne, lors de laquelle la précitée a examiné les pièces à disposition et s'est entretenue avec les principaux protagonistes. Elle a ainsi pu déceler plusieurs violations de sa réglementation par l'intimé. La gravité de ces violations, la proportionnalité de la sanction prononcée par la banque suite à leur constat et l'éventuelle absence de prise en compte d'éléments atténuants en faveur de l'intimé - laquelle n'a toutefois pas été alléguée en première instance par l'intéressé - peuvent certes prêter à discussion. Il n'en demeure pas moins qu'au vu des faits constatés, l'appréciation de l'appelante, selon laquelle la confiance nécessaire au maintien des rapports de travail avec l'intimé n'était plus de mise, n'apparaît en rien abusive.

Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'intimé ne saurait au surplus déduire quoi que ce soit du cas de son collègue H______, lequel n'avait été sanctionné que d'une mesure disciplinaire de niveau 2 après avoir suspendu les sous-vêtements de son subordonné au-dessus de son bureau puis partagé cette photo sur un groupe WhatsApp de collègues. Comme le relève à juste titre l'appelante, le fait que l'employeuse ait, dans le passé, fermé les yeux sur des atteintes à la personnalité d'employés commises par un collaborateur, ne l'empêche pas de notifier ultérieurement un licenciement si celui-ci réitère son comportement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.3.1).

Le licenciement de l'intimé ne pouvant être qualifié d'abusif, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent annulé en tant qu'il condamne l'appelante à verser à l'intimé une indemnité équivalente à un mois de salaire en vertu de l'art. 336a CO.

L'intimé sera quant à lui débouté de sa conclusion sur appel joint tendant au versement d'une indemnité de licenciement abusif équivalente à trois mois de salaire.

7. Est encore litigieuse la question de l'annulation des awards attribués à l'intimé.

7.1 Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que les share awards et le contingent capital award octroyés à l'intimé durant les rapports de travail constituaient des gratifications et non un salaire variable. Ce point n'est pas contesté en appel.

Le Tribunal a également constaté que, conformément aux conditions contractuelles et aux certificats remis lors de leur attribution, les awards acquis ou non qui n'avaient pas été précédemment réglés étaient immédiatement annulés si le contrat de travail était résilié par l'employeuse for cause, notion qui était définie à l'article 2 du plan d'actions. Le licenciement de l'intimé devant toutefois être considéré comme abusif, le contrat de travail n'avait pas été résilié for cause. Il s'ensuivait que l'appelante n'était fondée à annuler ni les share awards 2017 et 2018, ni le contingent capital award 2018 attribués à l'intimé. Elle devait dès lors être condamnée à maintenir ces awards et à lui restituer au précité.

7.2 L'appelante fait en substance grief au Tribunal d'avoir considéré que le licenciement de l'intimé n'était pas intervenu for cause à teneur du plan d'actions. L'intimé avait en effet été licencié pour avoir violé de manière grave et répétée la réglementation interne de la banque. Selon la lettre claire et univoque du plan d'actions, ce licenciement avait dès lors conduit à juste titre à l'annulation de ses actions et investissements.

7.3 Conformément à la jurisprudence, le plan d'intéressement comprend les mesures qu'une entreprise prend afin que ses cadres ou collaborateurs puissent se procurer, à intervalles réguliers et sous des modalités spécifiques, des actions de cette entreprise ou des options sur ses actions. Les modalités comportent généralement un délai pendant lequel chaque lot de titres en voie d'acquisition est seulement promis au bénéficiaire du plan, sans que celui-ci puisse en disposer d'aucune manière (période de blocage). Elles comportent aussi une condition suspensive en ce sens qu'à l'expiration du délai de blocage, le bénéficiaire doit encore être au service de l'entreprise ou du groupe auquel celle-ci appartient pour y avoir droit. Si cette condition s'accomplit, le bénéficiaire reçoit alors les titres concernés, ou leur contre-valeur; dans le cas contraire, il est déchu de toute prétention (ATF 131 III 615 consid. 3; 130 III 495 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 5.2; cf. également Wyler/Heinzer, op. cit., p. 1250).

7.4 Dans le cas d'espèce, l'intimé a bénéficié du plan d'intéressement de la banque en percevant, pour les exercices 2017 et 2018, des share awards de 17'500 fr. et 15'400 fr. Il a également perçu, pour l'exercice 2018, 3'850 fr. sous la forme d'un investissement dans un fonds interne de la banque (contingent capital award). Il résulte toutefois des certificats relatifs aux share awards et au contingent capital award remis à l'intimé que si le contrat de travail était résilié par la banque for cause, tous les awards acquis ou non qui n'avaient pas été précédemment réglés seraient immédiatement annulés. Ce point n'est pas contesté par les parties.

Or, il a été retenu ci-dessus que l'intimé a été licencié pour avoir contrevenu à la réglementation interne de la banque relative à la prise d'images et de son dans les locaux et que le congé prononcé sur cette base n'était pas abusif. Contrairement à ce qu'il affirme sur la base d'une lecture partielle de la réglementation applicable, l'intimé a donc été licencié for cause au sens de l'article 2 du plan d'actions, lequel assimile notamment à une cause la violation de toute directive ou politique de l'employeuse. Celle-ci était par conséquent fondée à annuler les share awards, acquis ou non, ainsi que le contingent capital award attribués à l'intimé pour les années 2017 et 2018, ce qu'elle a fait par courrier du 17 décembre 2019.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris condamnant l'appelante à maintenir et à restituer ces awards à l'intimé sera par conséquent annulé.

8. L'intimé réclame, sur appel joint, le versement de 130'000 fr. à titre de bonus 2019.

8.1 Aux termes du jugement querellé, le Tribunal a considéré que le bonus de l'intimé constituait une gratification facultative à laquelle celui-ci n'avait pas droit, sous réserve de l'exception découlant du principe de l'accessoriété. Ce point n'est pas contesté en appel.

S'agissant de l'exception susmentionnée, le Tribunal a tout d'abord constaté que le salaire total de l'intimé n'avait pas dépassé de cinq fois le salaire médian suisse en 2019. Ledit salaire ne se situait dès lors pas dans la fourchette des très hauts revenus et le critère de l'accessoriété était susceptible de s'appliquer. Ce point n'est pas non plus disputé.

Le Tribunal a ensuite rappelé que pour perdre son caractère accessoire, le bonus devait encore être équivalent ou même supérieur au salaire annuel. Pour ce faire, il convenait de prendre en considération la rémunération totale effectivement perçue pour une année donnée, et non de comparer la rémunération de base d'une année au bonus reçu l'année suivante, comme l'avaient fait les parties. Or, conformément au tableau figurant ci-dessus (cf. En fait, let. C.e), le rapport entre les gratifications reçues par l'intimé et sa rémunération de base s'était élevé à 5% en 2016, 40% en 2017, 58,9% en 2018 et 56,8% en 2019, soit une moyenne de 40,2%. Ces pourcentages étaient trop faibles pour faire perdre au bonus son caractère accessoire. L'exigence de répétition faisait en outre défaut dès lors que la proportion entre le bonus et la rémunération fixe avait largement fluctué durant les quatre années où le bonus a été versé. Le bonus conservait dès lors son caractère accessoire et ne pouvait être qualifié d'élément du salaire. L'intimé n'y avait dès lors pas droit et devait être débouté de sa conclusion relative au versement d'un bonus pour l'année 2019.

8.2 L'intimé reproche au Tribunal d'avoir comparé la rémunération fixe et le bonus effectivement perçus durant une année civile et non pas la rémunération fixe d'une année civile avec le bonus octroyé pour l'année en question bien que payé l'année suivante. Il estime cette approche comme inappropriée dès lors que les bonus étaient toujours payés l'année suivant l'exercice auquel ils se référaient. Il s'ensuivait que sa gratification avait représenté en réalité 65% de sa rémunération totale sur les deux dernières années d'emploi et 57% sur les trois dernières années, de sorte qu'elle ne pouvait être qualifiée d'accessoire par rapport au salaire de base. Son bonus 2019 aurait dès lors dû lui être alloué par le Tribunal.

8.3 La gratification, aux termes de l'art. 322d al. 1 CO, est une rétribution spéciale que l'employeur accorde en sus du salaire à certaines occasions, par exemple une fois par année. Le travailleur y a droit lorsqu'il en a été convenu ainsi.

Il faut distinguer (1) le salaire variable, (2) la gratification à laquelle l'employé a droit et (3) la gratification à laquelle il n'a pas droit (arrêts du Tribunal fédéral 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.1; 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2).

Il n'y a pas de droit à la gratification - cas n° 3 - lorsque, par contrat, les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus. Le bonus n'est pas convenu, de sorte qu'il s'agit d'une gratification facultative (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.1.3.2).

Dans ce dernier cas, il faut encore examiner si le bonus revêt un caractère accessoire par rapport au salaire de base. L'application du principe de l'accessoriété peut en effet enlever toute portée à la réserve et le bonus sera dans ce cas requalifié en salaire (ATF 141 III 407 consid. 4.3.2 et 5.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_230/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3; 4A_463/2017 précité consid. 3.1.4; 3.1.4.1 et 3.1.4.2).

Le critère de l'accessoriété, en vertu duquel le bonus doit être requalifié en salaire, ne s'applique que pour les salaires modestes (plus d'une fois le salaire médian) et les salaires moyens et supérieurs (moins de cinq fois le salaire médian) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2017 précité consid. 3.1.4.1; 4A_714/2016 du 29 août 2017 consid. 3.3.3). Pour ces salaires moyens et supérieurs, un bonus très élevé en comparaison du salaire annuel, équivalent ou même supérieur à ce dernier, perd son caractère accessoire et doit être requalifié en salaire. Pour des salaires modestes, un bonus proportionnellement moins élevé peut déjà devoir être requalifié en salaire (ATF 141 III 407 précité consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2016 précité consid. 3.3.2 et les arrêts cités). La proportion admissible croît ainsi avec le salaire fixe (arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2019 du 18 décembre 2019 consid. 6.1 in fine).

Le Tribunal fédéral a toutefois renoncé à chiffrer de manière générale la proportion entre le salaire de base et le bonus facultatif versé par l'employeur; les circonstances du cas particulier sont toujours déterminantes (ATF 142 III 381 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 5.2.1).

Dans l'arrêt 4A_714/2016 précité, le Tribunal fédéral a jugé que des bonus ayant oscillé, sur une période de neuf ans, entre 17% et 61% d'un salaire de base qui au cours de cette période avait augmenté de 100'000 fr. à 165'000 fr. avaient conservé leur caractère accessoire. Il a notamment précisé que contrairement à ce que prétendait l'employé, la comparaison devait se faire entre le salaire d'une année donnée et le bonus versé cette année-là, même si celui-ci avait été calculé sur la base des chiffres de l'année précédente (arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2016 précité consid. 6; pour d'autres exemples en matière de caractère accessoire du bonus, voir arrêts du Tribunal fédéral 4A_26/2012 du 15 mai 2012 consid. 5.2.1 et 4A_155/2019 précité consid. 6.2 s., cité in Curchod/Piaget, Requalification d'une gratification facultative en salaire, Jusletter du 10 août 2020).

Une gratification unique peut en outre atteindre un salaire annuel, quel que soit le niveau de salaire, sans acquérir un caractère obligatoire. C'est le caractère régulier du versement du bonus qui engendre le débat relatif à son caractère obligatoire. A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que le versement durant trois années de suite, sur une période de neuf ans, de bonus dépassant le salaire de base (de 140'000 fr. dans le cas d'espèce) n'était pas suffisant pour admettre la condition de la régularité, d'autant moins que le dernier bonus versé avait à nouveau été inférieur (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 221 s. et arrêt du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 5.2.2).

La Chambre d'appel des prud'hommes a quant à elle admis le caractère accessoire de bonus qui s'étaient élevés, sur une période de onze années, en moyenne à 101'706 fr. pour des salaires annuels de base d'en moyenne 168'910 fr., soit un rapport de 60%. Elle a notamment jugé comme déterminant le fait que les bonus avaient toujours été inférieurs aux salaires de base. Le fait que pendant six ans (dont les cinq derniers), le rapport avait été supérieur à 50% ne suffisait pas à faire perdre aux bonus versés durant cette période leur caractère accessoire. En effet, c'était également durant ces six années que le salaire de base avait été le plus élevé (178'738 fr. à 240'390 fr.). Les bonus n'avaient par ailleurs pas augmenté linéairement avec le salaire de base; ils étaient sujets à réduction, alors même que celui-ci restait stable ou augmentait (CAPH/175/2020 du 8 octobre 2020 consid. 3.2).

8.4 En l'espèce, l'intimé se limite à reprocher au Tribunal d'avoir comparé la rémunération fixe et le bonus effectivement perçus durant une année civile et non pas la rémunération fixe d'une année civile avec le bonus octroyé pour l'année en question bien que payé l'année suivante. Ce raisonnement est toutefois erroné. Il résulte en effet de la jurisprudence que la comparaison doit s'effectuer entre le salaire de base d'une année donnée et le bonus versé cette année-là, quand bien même celui-ci est calculé en fonction des résultats de l'année précédente. Il s'ensuit que le Tribunal a retenu à juste titre que le rapport entre les gratifications reçues par l'intimé et son salaire de base s'était élevé à 5% en 2016, 40% en 2017, 58,9% en 2018 et 56,8% en 2019, soit une moyenne de 40,2%. L'intimé ne conteste pour le surplus pas l'opinion du Tribunal selon laquelle ce pourcentage était trop faible pour faire perdre au bonus son caractère accessoire. Il ne s'en prend pas non plus à l'argument des premiers juges, selon lequel l'exigence de répétition faisait défaut dès lors que la proportion entre ses bonus et sa rémunération fixe avait largement fluctué durant les rapports de travail. Le jugement entrepris étant conforme à la jurisprudence rappelée ci-dessus sur ces deux points, il ne peut qu'être approuvé en tant qu'il qualifie le bonus de l'intimé de rémunération accessoire et non d'élément de salaire.

8.5 Dans un dernier grief, l'intimé fait valoir que, même à supposer que son bonus ait constitué une rémunération accessoire, son award 2019 lui serait dû en vertu de l'art. 156 CO dès lors que son licenciement était abusif.

8.6 L'art. 152 al. 1 CO, dispose que tant que la condition n'est pas accomplie, le débiteur doit s'abstenir de tout acte qui empêcherait que l'obligation ne fût dûment exécutée.

A teneur de l'art. 156 CO, la condition est réputée accomplie quand l'une des parties en a empêché l'avènement au mépris des règles de la bonne foi.

Lorsque l'intéressement est constitutif d'une gratification et que les clauses de déchéance en cas de résiliation des rapports de travail avant une échéance déterminée sont valables, il convient de réserver l'application de l'art. 156 CO dans l'hypothèse où l'employeur empêche l'avènement de la condition suspensive nécessaire à l'acquisition définitive des droits de participation d'une manière contraire à la bonne foi. Il convient ainsi de déterminer si l'intention de l'employeur était d'empêcher la condition de se réaliser. En pareille hypothèse, la condition sera réputée réalisée et le travailleur acquerra définitivement les droits promis conditionnellement nonobstant la résiliation des rapports de travail antérieurement à l'échéance fixée (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 1251).

L'état de fait de l'art. 156 CO est en particulier réalisé si l'employeur résilie les rapports de travail précisément dans le but d'empêcher le travailleur de bénéficier des droits de participation promis, de sorte que le congé doit être qualifié d'abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. c CO. En revanche, on ne peut affirmer que tout licenciement abusif réaliserait l'état de fait de l'art. 156 CO au seul motif de son caractère abusif. Par exemple, lorsque l'employeur ne respecte pas la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 336 al. 2 let. c CO) ou qu'il ne fait pas preuve des égards requis dans l'exercice du droit de résilier, l'abus ne réside pas dans la volonté d'empêcher la réalisation de la condition. L'application de l'art. 156 CO ne se justifie pas non plus pour la seule raison que l'employeur n'est pas en mesure d'établir l'existence d'un motif justifié de résiliation (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 1251 s.).

8.7 En l'espèce, et comme le relève à juste titre l'appelante, l'intimé n'a fait valoir à aucun moment devant le Tribunal que son employeuse l'aurait licencié dans le but de l'empêcher d'obtenir son bonus relatif à l'exercice 2019. En sollicitant devant la Cour que ce bonus lui soit versé en vertu de l'art. 156 CO, l'intimé se prévaut par conséquent de faits nouveaux irrecevables au stade de l'appel (cf. supra consid. 3.1.1). Sa conclusion tendant au versement d'un bonus de 130'000 fr. pour l'année 2019 est dès lors infondée en tant qu'elle repose sur cet argument.

Indépendamment de ce qui précède, il a été retenu ci-avant que l'intimé avait été licencié pour avoir contrevenu à la réglementation interne de la banque relative à la prise d'images et de son dans les locaux et que le congé prononcé sur cette base n'était pas abusif. Dans de telles circonstances, il ne saurait être admis que l'appelante a résilié le contrat de travail de l'intimé dans le but d'empêcher celui-ci d'obtenir l'attribution d'un bonus pour l'exercice 2019. L'intimé ne peut dès lors prétendre à l'obtention de ce bonus sur la base de l'art. 156 CO.

Au vu de ce qui précède, l'intimé sera débouté de sa conclusion tendant au versement de la somme de 130'000 fr. à titre de bonus 2019.

9. 9.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC). Les frais judiciaires comprennent notamment l'émolument forfaitaire de conciliation, l'émolument forfaitaire de décision et les frais d'administration des preuves (art. 95 al. 2 CPC). Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la cause (art. 19 al. 1 LACC). Pour une valeur litigieuse comprise entre 100'001 fr. et 300'000 fr., l'émolument forfaitaire de décision devant la chambre des prud'hommes de la Cour de justice est compris entre 1'000 fr. et 3'000 fr. (art. 71 RTFMC).

9.2 En l'espèce, le Tribunal a fixé les frais judiciaires de première instance à 2'010 fr., compensé partiellement ce montant avec l'avance en 1'800 fr. effectuée par l'intimé et condamné ce dernier à verser le solde en 210 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire. Ce point du jugement entrepris ne fait l'objet d'aucune critique et sera dès lors confirmé.

S'agissant de la répartition des frais susmentionnés, le Tribunal a considéré que chacune des parties avait obtenu gain de cause pour une partie de ses prétentions et qu'il convenait dès lors de partager les frais par moitié. Il a par conséquent condamné l'appelante à rembourser 1'005 fr. à l'intimé à titre de remboursement partiel des frais judiciaires. Aux termes du présent arrêt, l'intimé succombe cependant dans la totalité de ses conclusions. Il se justifie dès lors de mettre la totalité des frais judiciaires de première instance à sa charge.

Par souci de clarté, les chiffres 5 à 9 du dispositif du jugement entrepris seront intégralement annulés et réformés dans le sens de ce qui précède.

9.3 Quant aux frais judiciaires d'appel, ceux-ci seront - compte tenu de l'ampleur de la cause et de l'activité que celle-ci a engendré - arrêtés à 1'600 fr. et compensés avec l'avance du même montant effectuée par l'intimé, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, ils seront intégralement mis à la charge du précité.

Il ne sera pour le surplus pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPH/140/2022 rendu le 10 mai 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/18092/2020-4.

Déclare recevable l'appel joint interjeté le 24 août 2022 par B______ contre ce jugement.

Au fond :

Annule les chiffres 2, 3 et 5 à 9 du dispositif entrepris et statuant à nouveau :

Déboute B______ des fins de sa demande en paiement.

Met les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 2'010 fr. et partiellement compensés avec l'avance versée, à la charge de B______.

Condamne par conséquent B______ à verser 210 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires de première instance.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'600 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance effectuée qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.