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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/7447/2020

CAPH/59/2023 du 08.06.2023 sur JTPH/176/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7447/2020-4 CAPH/59/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 8 JUIN 2023

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 13 juin 2022 (JTPH/176/2022), comparant par Me Patrick SPINEDI, avocat, Spinedi Avocats Sàrl, Rue Saint-Léger 2, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ (SUISSE) SA, sise ______, intimée, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat, Lenz & Staehelin, Route de Chêne 30, Case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/176/2022 du 13 juin 2022, reçu le lendemain par A______, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 22 juin 2020 par A______ contre B______ (SUISSE) SA (chiffre 1 du dispositif), condamné celle-ci à remettre à celui-là un certificat de travail conforme aux considérants du jugement (ch. 2) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3). Statuant sur les frais, le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 5'310 fr. (ch. 4), mis à la charge de A______ (ch. 5) et compensés avec l'avance versée par celui-ci, acquise à l'Etat de Genève (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 8).

B. a. Par acte déposé le 11 juillet 2022 au greffe de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, concluant à son annulation, sous suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, il a conclu à ce que B______ (SUISSE) SA soit condamnée à (i) lui verser le montant net de 153'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 juillet 2019, à titre d'indemnité pour congé abusif au sens de l'art. 336a al. 2 CO, (ii) lui verser le montant brut de 154'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2020, à titre de dommages-et-intérêts "correspondant à la rémunération variable pour l'année 2019", (iii) lui verser le montant brut de 43'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2020, à titre de dommages-intérêts "correspondant au solde des actions octroyées de manière différée", (iv) lui verser le montant net de 20'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 juillet 2019, à titre d'indemnité pour tort moral au sens de l'art. 49 CO, et (v) lui remettre "un certificat de travail final conforme à l'art. 330a CO et établi à l'instar du projet joint en annexe à la présente demande". Il a encore conclu à la réserve de ses prétentions à l'encontre de B______ (SUISSE) SA "dans l'hypothèse où il devrait se défendre en justice en raison d'une procédure menée à l'étranger en lien avec son activité professionnelle au service de la défenderesse", et à ce qu'il soit "achemin[é] à prouver par toute voie de droit les faits allégués dans les présentes écritures".

b. Dans sa réponse du 14 septembre 2022, B______ (SUISSE) SA a conclu au déboutement de A______ des fins de son appel, sous suite de frais judiciaires de première instance et d'appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. La cause a été gardée à juger le 16 janvier 2023, ce dont les parties ont été avisées le jour même.


 

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

I. Parties au litige et rapports de travail

a. B______ (SUISSE) SA (ci-après : B______ (SUISSE), la Banque ou l'employeuse) est une société anonyme de droit suisse inscrite au Registre du commerce de Genève, qui a pour but l'exploitation d'une banque.

B______ (SUISSE) est la filiale en Suisse du groupe français B______, l'un des ______ groupes bancaires internationaux, qui emploie près de 200'000 collaborateurs à travers le monde.

b. Dès janvier 1994, A______ (ci-après également l'employé), né le ______ 1969, a occupé plusieurs postes au sein du groupe B______ en France. A compter du 1er avril 2005, il a été détaché auprès de la filiale suisse du groupe à Genève.

c. A partir du 1er décembre 2009, A______ a été engagé par B______ (SUISSE), en qualité de "Responsable Risque et Appui Front, avec le titre « Membre de la direction »", pour un salaire mensuel brut de 21'000 fr. versé treize fois l'an (soit 273'000 fr. annuels).

Du 1er mai 2012 au 30 juin 2014, l'employé a été détaché par B______ SUISSE au siège de sa filiale à Monaco. Il a ensuite repris son activité au sein de la Banque à Genève.

A partir de 2015, A______ a occupé la fonction de responsable des marchés suisses et européens ("Head of International Europe and Switzerland"). A ce titre, il avait sous sa responsabilité 66 collaborateurs, dont 37 gestionnaires ("Relationship Managers"). Il était secondé par trois adjoints, à savoir C______, chef d'équipe pour les marchés "International Europe", D______, collaborateur chargé du suivi des risques au sein de l'équipe de gestion ("Business Risk Manager"), et E______. Dès 2017, A______ a travaillé sous la supervision de F______, responsable "Wealth Management Suisse & Marchés émergents".

d.a Selon le "Statut du personnel" établi par la Banque, la rémunération de chaque employé est constituée d'une part fixe et d'une part variable. S'agissant de la rémunération variable, le Statut du personnel stipule ce qui suit (clause 2706) :

"Rémunération variable (bonus)

Le bonus ne constitue pas un droit et n'est donc ni contractuel ni garanti. Il est fixé discrétionnairement, dans le respect de la politique du Groupe. Il est conçu comme une gratification au sens de l'art. 322d du Code des obligations; la Direction Générale apprécie librement, chaque année et pour chaque employé, si l'octroi d'un bonus se justifie.

L'expectative d'un bonus ne doit en aucun cas engendrer des situations de conflits d'intérêts entre les collaborateurs et les clients, de même que des entorses aux règles sur la conformité. ( ). Toute infraction à ces principes sera sanctionnée.

Parmi divers critères pris en compte par la Direction Générale d'année en année, la décision d'octroyer individuellement un bonus ainsi que le montant de celui-ci peuvent dépendre, notamment, de l'évaluation de la performance quantitative et qualitative, de l'appréciation du comportement et de l'esprit d'équipe au regard notamment des valeurs du Groupe, du respect des règles de conformité, du respect du Code de Conduite et des procédures du Groupe, de la contribution à la maîtrise des risques (y compris le risque opérationnel). Il dépend par ailleurs de la marche des affaires, des capacités financières du Groupe et des principes de gouvernance en vigueur.

Le paiement d'un bonus pour une année donnée, voire même durant plusieurs années, ne confère aucun droit pour l'avenir, chaque paiement étant opéré de manière discrétionnaire, sans que cela ait donc pour effet de « contractualiser » le bonus (qu'il s'agisse du principe ou du montant). Il n'existe en outre aucun droit à un paiement prorata temporis.

Dans certains cas, l'octroi d'un bonus peut être assorti d'une clause de remboursement (condition résolutoire), fonction, notamment, de la non-résiliation des rapports de travail durant un temps donné après son paiement.

Enfin, un collaborateur dont la résiliation de la relation de travail est notifiée avant la date de versement des bonus au sein du Groupe en Suisse, que le montant du bonus ait fait l'objet d'une annonce ou non, quelle que soit la partie qui a donné le congé et quel que soit le motif, ne peut en aucun cas prétendre à recevoir un bonus, tant pour l'exercice écoulé que pour l'exercice en cours.

L'acceptation d'un bonus vaut adhésion aux principes énoncés ci-dessus".

d.b A titre de rémunération variable (bonus), A______ a reçu les sommes suivantes: 115'000 fr. en mars 2016 (bonus 2015), 136'333 fr. en mars 2017 (bonus 2016), 155'000 fr. en mars 2018 (bonus 2017) et 177'222 fr. en mars 2019 (bonus 2018).

Les décomptes de salaire y relatifs mentionnent sous "Communications" : "Part variable ni garantie, ni contractuelle. Sans engagement de la banque pour le futur".

d.c Le témoin G______ (anciennement G______), employée des ressources humaines au sein de la Banque, a déclaré que les bonus étaient distribués de façon discrétionnaire, au vu des performances réalisées par chaque collaborateur, en tenant compte à la fois des aspects quantitatifs (pour les "Relationship Manager") et des aspects comportementaux. Le bonus de A______ était calculé sur les résultats des marchés qu'il couvrait. En cas de licenciement pour rupture du lien de confiance, le bonus n'était pas versé au collaborateur. La Banque parlait dans ces cas-là de "bad leaver".

e.a A______ a également participé à un plan d'intéressement ("Group Sustainability and Incentive Scheme (GSIS)") destiné à "associer les collaborateurs clés de la Banque à la création de valeur du Groupe". A cet égard, le règlement applicable au plan d'intéressement stipulait ce qui suit :

"L'Attribution sera payée au Bénéficiaire le 30 juin de la troisième année suivant (et excluant) l'année d'attribution (la « Date de paiement »), selon les modalités suivantes :

(a) Le paiement de l'Attribution est soumis à la condition que le Bénéficiaire ait conservé cette qualité depuis la date d'attribution jusqu'à la Date de paiement, et aux conditions d'indexation et de performances prévues ci-dessous. Le départ à la retraite du Bénéficiaire à l'âge minimum légal (avec liquidation des droits à retraite) ne lui fera pas perdre le bénéfice de l'Attribution.

En cas de rupture du contrat de travail du Bénéficiaire quelles qu'en soient les modalités (démission, licenciement, rupture conventionnelle, etc.), ou en cas de révocation ou démission du mandat social, le Bénéficiaire perdra, dès la date de notification de la démission, du licenciement, ou de la révocation du mandat social, tous droits au paiement de l'Attribution, sauf décision contraire de la Direction Générale. En cas de rupture conventionnelle de travail, les droits au paiement de l'Attribution seront perdus à la date d'homologation".

e.b A titre de participation au plan d'intéressement ("part variable différée"), A______ a perçu les montants suivants : 7'226 fr. en juin 2016, 16'968 fr. en juin 2017, 12'104 fr. en juin 2018 et 12'477 fr. en juin 2019.

Les décomptes de salaire y relatifs mentionnent sous "Communications" : "Part variable ni garantie, ni contractuelle. Sans engagement de la banque pour le futur".

II. Politique de la Banque en matière d'embargos et de sanctions économiques

f.a Suite à ses démêlés avec les autorités judiciaires américaines en 2014-1015, le groupe B______ - qui s'est vu infliger une amende de près de 9 milliards de dollars pour avoir contourné les embargos imposés par les USA contre le Soudan et d'autres pays - a conclu avec le Ministère de la justice ("Department of justice") des accords portant sur le respect des lois américaines prononçant des sanctions économiques contre des pays tiers. Selon ces accords, le groupe B______ s'est engagé à détecter et à signaler sans délai aux autorités compétentes toute tentative de contournement ou de non-respect des sanctions américaines, qu'elle soit à l'initiative d'une entité ou d'un collaborateur du groupe B______.

f.b Dans ce contexte, B______ (SUISSE) a organisé des formations internes - auxquelles A______ a participé en 2017, 2018 et 2019 - intitulées "Formations Sanctions et Embargos", afin de sensibiliser ses collaborateurs aux opérations susceptibles de violer les normes (suisses ou étrangères) prononçant des sanctions économiques à l'encontre de certains pays, notamment Cuba, l'Iran, le Soudan et la Syrie. Selon les fiches distribuées lors de ces formations, "tout collaborateur de [la Banque] prenant connaissance d'une violation apparente des sanctions américaines [était] tenu d'en aviser rapidement son responsable aux fins d'escalade par le biais des canaux appropriés". Ces fiches indiquaient en outre que la "suppression d'informations permettant d'identifier les parties ou les juridictions sous sanctions" faisait partie des "tentatives de contournement ou de non-respect des sanctions" que chaque collaborateur était tenu de rapporter à sa hiérarchie.

Tous les participants à ces formations, y compris l'employé, ont par ailleurs reçu le document "Politique générale en matière de Sanctions financières" établi par la Banque, stipulant notamment ce qui suit : "Conformément à la politique du Groupe, il est strictement interdit de dissimuler, falsifier, supprimer ou modifier toute information figurant dans un message ou une instruction de paiement dans le but de contourner toute législation applicable en matière de Sanctions financières, ou d'éviter que de telles informations soient détectées dans le cadre d'un processus de paiement ou de filtrage en rapport aux Sanctions financières. En outre, toute tentative y ayant trait est également strictement interdite".

f.c Devant le Tribunal, H______, "Head of Compliance Switzerland" au sein de B______ (SUISSE), et F______ ont déclaré que la politique et les procédures internes de la Banque interdisaient l'exécution d'ordres en lien avec les pays sous embargo. Les "manquements" en matière d'embargo étaient parmi les plus critiques. Vu qu'il n'y avait pas de seuil de matérialité concernant les sanctions internationales, même le paiement d'un petit montant pouvait être grave. La Banque encourait le risque d'être mise à l'amende par les autorités américaines. Une formation "riche et certifiante" avait été mise en place pour s'assurer du respect des règles internes de la Banque à ce sujet. Il s'agissait d'une formation obligatoire. Un collaborateur qui constatait un manquement à ces règles devait en faire part à sa hiérarchie et au Service conformité ("compliance") de la Banque (ci-après : le SC). Selon F______, il était attendu de tout collaborateur confronté à une opération liée à un pays sous embargo qu'il "pose le stylo" et qu'il en réfère à sa hiérarchie directe et/ou au SC. Il s'agissait de "la grande règle" à observer.

III. Faits ayant conduit au licenciement de l'employé

g.a Le 7 janvier 2019, en fin de matinée, un client de la Banque a adressé un courriel à I______, gestionnaire au sein de l'équipe supervisée par C______, et à J______, assistante de gestion. Dans ce courriel, le client demandait à ce qu'un montant de 4'011 euros soit transféré à une agence située en France, en vue d'un voyage d'agrément à Cuba. Le courriel portait l'intitulé "Versement" et l'indication "Motif : voyage à Cuba". Peu après l'avoir reçu, I______ a demandé à J______ d'effacer ce courriel. Par la suite, il a demandé à son assistante personnelle, K______, d'opérer le transfert requis, en lui indiquant que l'ordre du client avait été donné par téléphone et en passant sous silence la référence à Cuba. Sur cette base, K______ a inscrit l'ordre de transfert dans le système informatique de la Banque, en précisant qu'il s'agissait d'un ordre téléphonique.

Entendue comme témoin, J______ a déclaré qu'elle avait été surprise par la requête de I______, dans la mesure où il n'y avait aucune raison d'effacer ce courriel avec le "libellé pour Cuba". Il suffisait en effet de suivre la procédure, à savoir d'appeler le client pour l'informer que la Banque ne pouvait pas procéder au virement en question. Vers midi, elle était allée voir sa collègue K______ pour lui demander si elle avait "eu vent" de cet ordre de transfert. L'intéressée lui avait répondu par l'affirmative, ajoutant qu'elle l'avait inscrit dans le système comme un ordre téléphonique, sans la mention "voyage à Cuba". Le bénéficiaire du transfert était le même que celui indiqué dans le courriel reçu ce matin-là. J______ avait alors averti sa collègue qu'il ne fallait pas donner suite à cette instruction, car les transactions à destination de Cuba étaient interdites. Elle avait ensuite insisté auprès de I______ pour qu'il consulte le "Business Risk Manager", soit D______, avant de valider le transfert. I______ s'était exécuté, mais il avait fait preuve d'agressivité envers elle, ce qui l'avait déstabilisée. Le jour même, elle était passée voir D______ pour s'assurer que I______ était venu le consulter; elle lui avait expliqué que ce dernier lui avait demandé de supprimer le courriel du client.

Le 7 janvier 2019, dans l'après-midi, D______, en présence de I______, a consulté le SC, qui a confirmé que le transfert requis - qui faisait référence à un pays sous embargo américain - ne pouvait pas être exécuté. L'ordre de paiement a été annulé en fin de journée par D______.

g.b Le matin du 8 janvier 2019, A______ a eu une discussion avec ses deux adjoints, C______ et D______, lors de laquelle ce dernier l'a informé des événements survenus la veille et, en particulier, de la façon dont l'ordre de transfert avait été traité par le gestionnaire. L'après-midi même, A______ a convoqué I______ dans son bureau pour lui demander des explications à ce sujet.

Devant le Tribunal, l'employé a déclaré que I______ lui avait donné les explications suivantes. Après avoir reçu l'ordre de transfert du client, le gestionnaire avait demandé à son assistante personnelle de l'introduire dans le système, en précisant qu'il validerait l'ordre plus tard. Dans un second temps, il s'était aperçu que le courriel était aussi adressé à J______, raison pour laquelle il était allé la voir. Il lui avait demandé de ne pas traiter le courriel et de le détruire. J______, qui avait pris connaissance du courriel, avait attiré son attention sur le fait que le transfert requis concernait un pays sous sanction américaine. Elle avait insisté auprès de lui pour qu'il consulte D______. Après avoir interpellé le SC, ce dernier avait confirmé au gestionnaire que l'ordre ne pouvait pas être exécuté. A______ a déclaré qu'à l'issue de leur entretien, il avait "fermement" rappelé à I______ qu'il devait respecter les règles de la Banque sur les embargos et être diligent dans le traitement d'opérations sensibles; il lui avait demandé de mieux coopérer avec les équipes.

Entendu comme témoin, D______ a déclaré qu'il était clair pour lui que I______ - qui avait demandé à J______ d'effacer l'ordre écrit du client - avait tenté de détourner les règles de la Banque sur les embargos américains. Au-delà d'avoir initié l'ordre, le simple fait d'avoir donné pour instruction à une assistante de le supprimer était déjà une violation de ces règles. Il n'avait pas dénoncé ce comportement au SC puisqu'il en avait déjà informé son supérieur hiérarchique direct, soit A______. Devant le Tribunal, D______ et C______ ont déclaré que, lors de leur discussion du 8 janvier 2019, A______ leur avait dit qu'il allait "gérer la situation" et qu'il fallait "protéger" I______, lequel risquait de se faire licencier si le SC apprenait ce qui s'était passé.

De son côté, A______ a contesté avoir tenu de tels propos devant ses deux adjoints.

h. Le 22 février 2019, un lanceur d'alerte, faisant référence à l'incident du 7 janvier 2019, a signalé au SC une possible contravention à la politique de la Banque en matière de sanctions financières.

Le SC a relayé cette alerte au service ad hoc, à savoir le "Group Financial Security US" (ci-après : le GFS-US), basé à L______ (USA). Celui-ci a délégué une équipe à Genève pour effectuer une enquête interne, dans le but d'élucider les circonstances ayant entouré l'annulation de l'ordre de transfert du 7 janvier 2019. Dans le cadre de cette enquête, qui a été menée en avril 2019, le GFS-US a procédé à l'audition de J______, K______, I______, D______, C______ et A______.

Par SMS des 30 avril et 1er mai 2019, l'employé a informé F______ qu'une enquête du GFS-US était en cours concernant l'incident du 7 janvier 2019. Il a précisé que "l'investigation [était] très à charge contre I______".

Dans son rapport du 18 juin 2019, transmis à H______ par courriel du même jour, le GFS-US a exposé les résultats de son enquête et fourni un compte-rendu des auditions effectuées. Il a précisé que les entretiens s'étaient déroulés en anglais, en présence d'un collaborateur francophone pour assister les personnes qui éprouveraient des difficultés à répondre aux questions posées. Selon le GFS-US, les explications fournies par I______ n'étaient pas crédibles. Tout portait à croire que le gestionnaire avait constaté que le motif du virement concernait un voyage à Cuba, qu'il avait demandé à J______ de détruire le courriel du client pour éviter que la référence à Cuba ne soit détectée et qu'il avait ensuite menti à son assistante personnelle au sujet de l'origine et du motif de cette opération. L'enquête avait également révélé de possibles manquements à la politique du groupe B______ en matière de sanctions financières au sein de la Banque, ce que la direction du secteur concerné avait soit ignoré soit toléré ("the investigation notes that there may be a pattern of misconduct involving sanctions policy circumvention within the B______ Suisse Wealth Management business, which is ignored or tolerated by local business line management"). Selon le GFS-US, la direction du secteur aurait dû entendre toutes les personnes impliquées le 7 janvier 2019, plutôt que de se fier aux seules explications du gestionnaire. Le GFS-US recommandait que son rapport soit communiqué au Comité d'éthique de la Banque pour complément d'enquête, si nécessaire, et pour prendre toute mesure utile vis-à-vis des collaborateurs concernés ("GFS-US recommends that this memorandum be sent to the appropriate employee disciplinary committee within the Swiss territory for further investigation, if necessary, and any appropriate action regarding the employees identified herein").

Le 18 juillet 2019, le Comité d'enquête et de suivi ("Circumvention Investigation and Reporting Committee") est parvenu à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de signaler l'incident du 7 janvier 2019 aux autorités américaines.

i. Le Comité d'éthique de la Banque s'est réuni le 21 juin 2019, en présence notamment de H______ et F______, pour discuter des résultats de l'enquête menée par GFS-US.

Lors de cette séance, le Comité d'éthique a fait le point sur les événements survenus le 7 janvier 2019. Ce jour-là, I______ avait reçu une instruction de paiement d'un client portant sur 4'011 euros; cette instruction, donnée par courriel, mentionnait Cuba. I______ avait demandé à J______, l'autre destinataire du courriel, de l'ouvrir puis de l'effacer. Il avait ensuite demandé à K______ de procéder au transfert requis, sans mentionner la référence à Cuba, en lui indiquant avoir reçu l'instruction par téléphone. L'assistante avait "introduit" le paiement "dans le système" comme un ordre téléphonique. Entre-temps, J______ était intervenue auprès du gestionnaire pour l'empêcher de valider ce transfert, les paiements à destination de Cuba étant prohibés par la Banque; elle lui avait demandé d'en parler à D______. Celui-ci et I______ avaient consulté le SC, qui avait confirmé que l'ordre de transfert ne pouvait pas être validé, conformément à la politique de la Banque en matière de sanctions. Le même jour, J______ avait informé D______ que I______ lui avait demandé d'effacer le courriel avec la mention "Cuba". Le lendemain, soit le 8 janvier 2019, D______ en avait à son tour informé A______.

L'enquête menée par GFS-US avait permis d'établir que le client n'avait pas passé d'ordre téléphonique le 7 janvier 2019. I______ n'avait pas averti sa hiérarchie de la mention "voyage à Cuba" qui figurait clairement sur le courriel. A______ n'avait pas non plus "escaladé" la situation à F______. Cette omission était intentionnelle. En effet, lors de son audition par GFS-US, D______ avait déclaré que A______ ne voulait pas alerter sa hiérarchie pour protéger I______. Ainsi, selon D______, A______ lui avait dit : "I will manage the case. We cannot lose [I______]. We must protect him. We can imagine the impact on [him] if Compliance knows the case".

Selon F______, de tels propos étaient "intolérable[s] et indéfendable[s]" et impliquaient une rupture du lien de confiance avec A______. Il en allait de même pour I______, dont l'attitude - en termes de gestion des risques - pouvait mettre la Banque en difficultés.

A l'issue de la séance, le Comité d'éthique a considéré, à l'unanimité, que les faits révélés par l'enquête interne entraînaient une rupture du lien de confiance avec les deux collaborateurs concernés. A titre de sanction, le Comité d'éthique a proposé de licencier I______, avec effet immédiat, et de licencier A______, pour l'échéance contractuelle, avec libération de l'obligation de travailler pendant la durée du préavis.

j. Le 16 juillet 2019, le Comité d'éthique a tenu une deuxième séance, en présence notamment d'H______, F______ et G______. Il a procédé à l'audition de I______, A______, D______ et C______.

A l'issue de la séance, le Comité d'éthique est parvenu à la conclusion que I______ avait dissimulé des informations, ce qui confirmait la rupture des liens de confiance avec la Banque. Il en allait de même s'agissant de A______, qui n'avait pas signalé la situation à sa hiérarchie ou au SC, d'une part, et qui avait déclaré devant ses adjoints "Je m'en occupe, on ne peut pas perdre I______, on doit le protéger, vous imaginez l'impact [pour lui] si [le SC] avait connaissance de ce sujet?", d'autre part. Les sanctions proposées lors de la séance du 21 juin 2019 étaient dès lors confirmées.

Devant le Tribunal, G______ a déclaré que lors de leur audition, D______ et C______ avaient tous deux confirmé avoir entendu M______ tenir les propos susmentionnés. Elle a ajouté que, selon le règlement de la Banque, le licenciement de l'employé ne pouvait pas faire l'objet d'un recours à l'interne, cette faculté étant limitée aux cas de fraude.

IV. Licenciement de l'employé

k. Le 16 juillet 2019, B______ (SUISSE) a remis à A______ une lettre de licenciement mettant fin à son contrat pour le 30 novembre 2019, et le libérant de son obligation de travailler avec effet immédiat.

l.a Par courriel du 21 juillet 2019 adressé à F______ et G______, A______ a fait part de son incompréhension quant à la décision de le licencier, sans aucune indemnité de départ, après vingt-cinq ans d'engagement couronné de succès au sein du groupe B______.

Selon sa compréhension, la décision de la Banque de le licencier "pour perte de confiance" faisait suite à une opération bancaire traitée par un gestionnaire faisant partie de l'équipe supervisée par C______, au sein du secteur "Marché International et Suisse" dont il était lui-même responsable. Cette opération, si elle ne présentait aucun caractère illégal juridiquement, était néanmoins strictement interdite par les procédures internes du groupe B______ et les conditions générales liant la Banque à ses clients. Selon sa compréhension, la Banque lui reprochait - en dépit de "l'action managériale" menée par lui-même et ses deux adjoints pour s'assurer que l'opération n'ait pas lieu - de ne "pas avoir formellement remonté à [F______] ou au département Conformité, des doutes sur l'attitude du gestionnaire en charge du client qui a[vait] pu tenter de contourner les règles internes pour réaliser cette opération". Toujours selon sa compréhension, la rupture du lien de confiance invoquée par la Banque faisait suite "à une ou des alertes d'un ou de certains de [s]es collaborateurs", qui lui reprochaient d'avoir "cherché ainsi à ne pas sanctionner le gestionnaire impliqué dans cette opération".

Comme il s'en était déjà expliqué, il ne partageait pas cette analyse de la situation. S'agissant de l'incident du 7 janvier 2019, il était convaincu "d'avoir agi au moment des faits en concordance avec [s]on rôle de manager", étant précisé qu'il avait toujours eu à cœur de défendre les intérêts de la Banque. Ayant été alerté par ses adjoints "de doutes sur l'attitude du gestionnaire", il avait tenté de clarifier les choses avec ce dernier. Au vu des explications fournies par le gestionnaire, qui étaient plausibles, il avait décidé de "gérer la situation à [s]on niveau, tout en la partageant avec [s]es adjoints". Il avait reçu le gestionnaire et lui "avait notifié ses différentes défaillances concernant l'opération, sans préjuger ni des évaluations qui lui auraient été faites reprenant ces points d'attention, ni de l'impact sur sa rémunération valable". Il avait discuté du contenu de cet entretien avec ses deux adjoints. Ceux-ci n'avaient jamais laissé entendre qu'à leur sens, les décisions prises n'auraient pas été conformes aux attentes de B______ (SUISSE).

En définitive, il ne comprenait pas la disproportion entre son action et les mesures prises à son encontre par la Banque, "tant le préjudice [était] immense à la fois moralement, sur le plan de [s]a réputation, et financièrement". Il a encore précisé qu'il souffrait "depuis quelque temps de forts vertiges" et qu'il était "soumis à des crises" depuis le lundi précédent.

l.b Par courriel du 23 juillet 2019, G______ a répondu à A______ qu'elle avait pris bonne note de ses observations.

m. A la suite de son licenciement, A______ a été en incapacité de travail à compter du 2 août jusqu'au 26 août 2019. Son arrêt de travail a ensuite été prolongé du 27 août au 18 septembre 2019, puis au 30 septembre 2019.

n. Le 9 septembre 2019, la Banque a remis un certificat de travail intermédiaire à l'employé.

o. Le 7 novembre 2019, A______ a demandé à B______ (SUISSE) de lui communiquer les motifs de son congé. Il a également sollicité la remise de son dossier personnel.

p. Par pli recommandé du 18 décembre 2019, A______ a déclaré faire opposition à son congé au sens de l'art. 336b CO.

q. Par pli du 20 décembre 2019, B______ (SUISSE) a précisé les motifs du licenciement de A______, rappelant que ceux-ci lui avaient été explicités à l'occasion de son licenciement et qu'ils étaient de nature à rompre définitivement le lien de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de travail.

Elle a relevé que l'employé occupait un poste de "Responsable de Marché" au sein de la Banque et qu'il était membre du "Comité Exécutif du Métier Wealth Management". Dans le cadre de ses fonctions, il était notamment chargé d'assurer "la parfaite maîtrise des risques opérationnels, crédits, conformités, et devait animer les équipes à cette fin". A______ avait violé ses obligations contractuelles à l'égard de B______ (SUISSE), en choisissant de ne pas alerter sa hiérarchie et le SC de faits portés à sa connaissance dans le cadre d'une opération touchant un pays sous sanction et embargo. Faisant preuve d'un manque total de discernement, il avait failli dans la gestion des risques dont il avait la charge. Il avait ainsi agi au détriment des intérêts de la Banque.

r. Par pli du 21 janvier 2020, A______ a contesté ces explications, estimant qu'il avait toujours respecté ses obligations envers la Banque. Celle-ci avait régulièrement exprimé sa satisfaction pour la qualité de son travail. Il a sommé B______ (SUISSE) de lui verser divers montants à titre d'indemnité pour congé abusif, d'indemnité pour tort moral, de rémunération variable afférente à l'année 2019 et de "solde des actions gratuites octroyées de manière différée".

s. Les rapports de travail - prolongés pendant l'incapacité de travail de l'employé - ont pris fin le 31 janvier 2020.

A______ a retrouvé un emploi auprès de N______ (SUISSE) SA, à partir du 1er février 2020, en qualité de responsable des marchés suisses et européens pour la clientèle privée.

D. a. Par demande du 17 avril 2020, déclarée non conciliée le 10 juin 2020 et introduite devant le Tribunal le 22 juin 2020, puis rectifiée le 14 juillet 2020, A______ a assigné B______ (SUISSE) en paiement de la somme totale de 530'000 fr., intérêts en sus, ainsi qu'en remise d'un certificat de travail. Il a notamment pris les mêmes conclusions que celles formulées dans son appel (cf. supra let. B.a).

Il a allégué qu'à l'issue d'un Comité exécutif en janvier 2019, C______ et D______ l'avaient informé qu'un client de la Banque avait envoyé un courriel à I______ et J______, pour leur demander de transférer des euros sur le compte bancaire d'une agence en France, en vue d'un voyage à Cuba. Sur insistance de J______, I______ avait demandé à D______ si cette opération était possible. Ce dernier et le SC avaient répondu qu'un tel transfert n'était pas autorisé selon les procédures internes, vu que Cuba était sous embargo américain. Dès qu'il avait été informé de cette situation, il avait donné des instructions à C______ et D______ pour éviter que l'opération ne soit exécutée. Ensuite de cela, il avait invité I______ à un entretien individuel "pour lui signifier ses manquements", puis avait félicité J______ pour avoir protégé les intérêts de la Banque. I______ avait été "secoué" par cette mise au point; il avait appelé D______ à ce propos, car il s'inquiétait de "savoir s'il y aurait des suites".

Plus rien ne s'était passé jusqu'en avril 2019. GFS-US avait auditionné plusieurs collaborateurs de la Banque, pris connaissance de nombreux courriels, écouté des enregistrements téléphoniques et consulté les données des clients. Lui-même avait été entendu dans le cadre d'un entretien, qui avait été conduit en anglais. Suite au compte-rendu du GFS-US, la Banque avait décidé de licencier I______, lequel avait reçu son congé le 16 juillet 2019. Avant cela, dès avril 2019, A______ s'était vu confier la tâche de lui trouver un remplaçant. La décision de congédier le gestionnaire avait été prise avant même que le Comité d'éthique ait été consulté, ce qui était contraire aux procédures internes. Lui-même avait été licencié alors qu'il avait tout entrepris pour que la réglementation de la Banque, notamment en matière d'embargo, soit respectée. Profondément choqué, il avait refusé de signer sa lettre de congé. Il avait été licencié sans avoir pu s'exprimer sur les reproches qui lui avaient été faits, après vingt-cinq ans de service. De plus, la Banque lui avait fait croire pendant des mois que le dossier était clos. Selon lui, l'employeuse l'avait licencié par pure convenance personnelle pour éviter d'être sanctionnée par les autorités américaines. Il avait servi de "fusible" à la Banque.

A______ a produit un projet de certificat de travail (pièce 40 dem.), reprenant pour l'essentiel le contenu du certificat intermédiaire du 9 septembre 2019, sous réserve de deux paragraphes reformulés par ses soins.

b. Dans sa réponse du 14 octobre 2020, B______ (SUISSE) a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a allégué qu'après avoir reçu le courriel du 7 janvier 2019, I______ avait ordonné à J______ de l'effacer immédiatement. Une fois le courriel effacé, I______ avait instruit K______ d'effectuer le transfert, prétendant que l'instruction avait été reçue par téléphone. Intriguée par les instructions de I______, J______ avait récupéré le courriel dans sa corbeille et constaté que le terme "Cuba" figurait dans le motif du versement. En en faisant part à K______, elle avait compris que I______ avait demandé à celle-ci d'effectuer un ordre identique à celui contenu dans le courriel effacé, sans la mention du terme "Cuba" et avec l'indication que l'ordre avait été donné par téléphone. Vu que cette démarche lui semblait irrégulière, J______ avait sollicité un entretien avec I______ et K______ pour clarifier la situation. Elle avait insisté pour que le gestionnaire s'adresse à D______, ce qu'il avait fait en début d'après-midi. Tant D______ que le SC avaient confirmé que ce transfert n'était pas autorisé par les directives du groupe B______. D______ avait recommandé au gestionnaire d'en informer le client et d'inscrire une note de contact au dossier. L'ordre de paiement, inscrit par K______ à la requête de I______, avait été annulé à 17h00 ce jour-là.

Le lendemain, D______, en présence de C______, avait informé A______ de ces événements. Selon D______, l'on se trouvait en présence d'un "contournement crasse" des directives internes, même si le montant du transfert pouvait apparaître dérisoire. A______ lui avait répondu qu'il allait gérer la situation lui-même, ajoutant qu'il ne pouvait pas perdre ce gestionnaire, lequel devait être protégé. Il appartenait pourtant à A______ de faire le nécessaire auprès des instances compétentes, à savoir d'en informer le SC et sa hiérarchie. Or il n'en avait rien été. L'incident n'avait été porté à la connaissance de H______ que le 22 février 2019. Une "communication interne et protégée" avait conduit le GFS-US à mener une enquête pour établir les faits et les raisons pour lesquelles ceux-ci n'avaient pas été "remontés" comme ils auraient dû l'être.

Tous les collaborateurs étaient rendus attentifs aux règles applicables en matière de sanctions financières au sein du groupe B______, la participation aux formations annuelles "Sanctions et Embargos" étant obligatoire. Ces formations ne laissaient aucun doute sur le comportement attendu des collaborateurs, à savoir que ceux-ci devaient aviser sans délai leur responsable s'ils avaient connaissance d'une violation apparente des règles de sanctions américaines. Pour ces motifs, le SC avait fait remonter l'alerte du 22 février 2019 au GFS-US. L'investigation ad hoc du GFS-US avait donné lieu à des entretiens avec tous les collaborateurs impliqués. O______, collaborateur francophone du SC, avait participé à tous les entretiens.

Suite à cette enquête, le Comité d'éthique s'était réuni le 21 juin 2019 et avait conclu à l'unanimité qu'il y avait matière à sanction. A______ avait failli à ses obligations en décidant délibérément de ne pas alerter sa hiérarchie et le SC, après avoir pris connaissance d'événements constitutifs d'une violation des règles internes, et en voulant protéger un subordonné en couvrant des agissements inacceptables. Le Comité d'éthique s'était réuni une nouvelle fois le 16 juillet 2019 afin d'entendre les personnes pour lesquelles des sanctions étaient envisagées. A l'issue de ces auditions, il avait conclu que des informations importantes avaient été dissimulées, entraînant par-là une rupture irrémédiable du lien de confiance.

Finalement, B______ (SUISSE) a précisé avoir remis à A______ un certificat de travail final, daté du 1er octobre 2020 (pièce 35 déf.), reprenant les termes du certificat intermédiaire du 9 septembre 2019, sous réserve de l'avant dernier paragraphe, libellé comme suit : "La Banque a décidé de mettre un terme aux relations contractuelles en date du 16 juillet 2019. Monsieur A______ a quitté contractuellement notre Etablissement le 31 janvier 2020, libre de tout engagement envers nous, hormis celui découlant du secret bancaire et professionnel ainsi que des règles de non-concurrence".

c. Dans sa réplique du 11 février 2021, A______ a persisté dans ses conclusions, sollicitant de la Banque qu'elle produise des pièces complémentaires.

Il a allégué n'avoir jamais dit qu'il voulait protéger I______ devant ses adjoints. Il avait d'ailleurs nié avoir tenu de tels propos lors du Comité d'éthique du 16 juillet 2019. Le 8 janvier 2019, il avait eu un entretien avec I______ qui lui avait donné sa version des faits. Il avait ensuite informé C______ et D______ du contenu de cet entretien. Tous trois avaient considéré que les explications de I______ étaient plausibles et pouvaient justifier son intervention auprès de J______ et l'ordre donné à K______. Pour eux l'incident était clos, puisque le risque opérationnel avait été géré. En effet, une fois alerté de la mention "Cuba" figurant sur le courriel par J______, I______ avait consulté D______. Les règles applicables au sein de la Banque avaient été rappelées à I______, le client avait été averti et le SC avait été informé de la situation par D______.

En avril 2019, il avait été informé par F______ que I______ allait être licencié. Il avait été chargé de trouver un nouveau gérant de fortune pour reprendre la clientèle de l'intéressé. La Banque avait mandaté un chasseur de têtes pour trouver un gestionnaire de fortune expérimenté. Il avait supervisé les démarches effectuées en ce sens avec les ressources humaines. P______ avait repris le portefeuille de clients de I______ à partir du 15 juillet 2019.

d. Dans sa duplique du 26 avril 2021, B______ (SUISSE) a allégué que le chasseur de têtes mentionné par l'employé avait été mandaté bien avant l'enquête diligentée par GFS-US. Ainsi, la Banque avait conclu un mandat de recherche pour un gestionnaire senior le 15 février 2019, étant précisé qu'elle avait déjà tenté de trouver un nouveau collaborateur avant la signature de ce mandat. P______ avait été reçu pour un entretien en décembre 2018, ce qui ressortait d'un courriel que celui-ci avait adressé à G______.

A cet égard, la précitée a déclaré avoir participé à la procédure d'engagement de P______. Elle l'avait rencontré en 2018, lors d'un entretien "exploratoire". Par la suite, elle avait été contactée par A______ qui recherchait un profil correspondant à celui de P______. Elle était la "partenaire RH" de A______ et parlait souvent avec lui. Ensemble, ils anticipaient les "potentiels turnover" au sein du secteur "Wealth Management". En 2019, le départ de deux gestionnaires senior avait été anticipé dans ce secteur. L'un de ces gestionnaires était I______.

Le témoin Q______, assistante de direction au sein de B______ (SUISSE) jusqu'en février 2020, a déclaré avoir su que I______ allait être licencié peu de temps après l'enquête menée par le GFS-US. C'était A______ qui l'en avait informée. Quelques semaines plus tard, un processus de recrutement avait été mis en place pour trouver un remplaçant à I______. Les candidats - dont P______ - avaient été reçus par A______, C______ et D______.

e. Par ordonnance de preuves du 17 juin 2021, le Tribunal a ordonné à B______ (SUISSE) de produire une partie des pièces requises par A______.

f. Le Tribunal a tenu cinq audiences de débats principaux, lors desquelles il a interrogé A______ et, pour le compte de B______ (SUISSE), F______ et H______. Il a également entendu six témoins. Leurs déclarations ont été reprises ci-avant dans la mesure utile.

f.a A______ a déclaré que l'incident du 7 janvier 2019 lui avait été rapporté le lendemain par ses deux adjoints, D______ et C______. Leur discussion avait porté sur le flux financier avec Cuba et sur l'attitude du gestionnaire. A ce moment-là, les éléments rapportés par D______ étaient confus et partiels. Celui-ci avait un doute sur le nombre d'ordres qui avaient été instruits au sein des équipes; il avait identifié un ordre et craignait qu'un deuxième ordre soit initié concernant le même flux en lien avec Cuba. L'enjeu pour eux était de garantir qu'aucun flux en lien avec un pays sous embargo ne porte à conséquence pour la Banque. D______ avait réussi à identifier le deuxième ordre en fin de matinée et les avait informés que cet ordre avait été annulé. Ils avaient également évoqué le comportement troublant de I______. Selon D______, le gestionnaire était intervenu de manière brutale auprès de J______ pour qu'elle détruise l'ordre reçu par courriel. Lui-même avait demandé à C______, le supérieur direct de I______, qu'il le convoque pour comprendre son attitude. C______ ne semblait pas à l'aise à l'idée de conduire l'entretien avec le gestionnaire, en raison de sa forte personnalité. Face à ce malaise, A______ avait indiqué qu'il allait le recevoir lui-même. Il croyait avoir dit à cette occasion "Je vais m'en occuper". Il avait rencontré I______ l'après-midi du 8 janvier 2019.

Le même jour, en fin d'après-midi, il avait rapporté à C______ et D______ le contenu de son entretien avec le gestionnaire. Tous trois avaient jugé que l'enchaînement des faits décrit par celui-ci était plausible; ils étaient parvenus à la conclusion que le risque avait été géré. Aucun des adjoints n'avait exprimé un désaccord quant à la manière dont les événements avaient été gérés, ni sur le moment, ni par la suite (étant précisé qu'un Comité exécutif avait lieu toutes les semaines et un Comité risque tous les mois). D______ lui avait dit avoir contacté le SC le 7 janvier 2019, raison pour laquelle il avait estimé que tout était en ordre à ce niveau-là.

Jusqu'à mi-avril 2019, l'incident n'avait plus été évoqué avec ses deux adjoints. Un autre adjoint lui avait ensuite dit qu'une mission d'inspection du GFS-US allait venir à Genève pour auditer l'incident du 7 janvier 2019. Durant la semaine du 27 avril 2019, GFS-US avait entendu tous les protagonistes. D______ et C______ avaient été auditionnés avant lui; ils lui avaient mentionné avoir été gênés par le fait que les entretiens s'étaient déroulés en anglais. C______ avait été très perturbé par son entretien et sentait qu'il allait se faire licencier; il pensait que D______ l'avait dénoncé. Lui-même l'avait rassuré en lui disant qu'ils avaient traité l'incident avec professionnalisme.

Avant d'être entendu par GFS-US, il avait demandé à ce qu'un interprète soit présent car il n'était pas très à l'aise en anglais. O______ était effectivement présent, mais il n'était pas prévu qu'il serve d'interprète. L'entretien, qui avait duré 45 minutes, était très général. On lui avait demandé des explications quant aux événements des 7-8 janvier 2019 et ce qu'il pensait de I______. A l'issue de la mission d'inspection, il avait croisé F______ qui lui avait annoncé que les conclusions de l'audit étaient très mauvaises pour I______, qui allait être licencié. Il lui avait été demandé d'organiser son départ et son remplacement. Cette information avait été partagée avec le Comité exécutif et un remplaçant avait été rapidement trouvé en la personne de P______.

Le 16 juillet 2019, F______ lui avait demandé de venir au Comité d'éthique, alors qu'il n'avait pas été convié à celui du 21 juin 2019, dont il ignorait même la tenue. A cette occasion, des reproches avaient été formulés à son endroit, pour la première fois, et il avait été mis personnellement en cause pour ne pas avoir respecté les règles et procédures internes. Il lui était par exemple reproché d'avoir dit qu'il allait gérer la situation et qu'il ne fallait pas en informer le SC. Le même jour, en début d'après-midi, F______ l'avait convoqué pour lui annoncer son licenciement pour rupture du lien de confiance.

f.b F______ a exposé avoir été informé de l'incident du 7 janvier 2019 le 30 avril 2019; A______ lui avait dit par SMS qu'une enquête du GFS-US était en cours. Il n'avait pris connaissance des conclusions du GFS-US qu'en juin 2019, au moment de préparer le Comité d'éthique du 21 juin 2019. Il contestait avoir dit à l'employé que le licenciement de I______ était préconisé par le rapport du GFS-US. Cela étant, après avoir lu ce rapport, il avait tout de suite compris que l'affaire pouvait être sérieuse. Il en avait parlé avec A______ afin que des mesures soient prises sur le plan commercial et managérial. A ce moment-là, aucune décision définitive n'avait été prise. En effet, la décision de licencier I______ avait été prise le 16 juillet 2019, à la suite de la réunion du Comité d'éthique. Vu la gravité de la situation, il avait néanmoins anticipé les mesures à prendre, ce qui était la procédure habituelle. Le processus de licenciement était le même pour tout collaborateur de la Banque, indépendamment de sa fonction ou de son rang. Le Comité d'éthique prenait des décisions sur la base de la gravité des cas. Le responsable des ressources humaines et la secrétaire du Comité d'éthique, soit G______, étaient présents pour s'assurer de la proportionnalité entre la mesure et la gravité des faits reprochés.

Lors de sa séance du 21 juin 2019, le Comité d'éthique avait constaté que A______ avait failli à ses obligations de déclaration face à un cas extrêmement sensible. Le fait de ne rapporter l'information à sa hiérarchie était constitutif d'une rupture du lien de confiance. F______ a précisé que, dans la mesure où il était son supérieur hiérarchique direct, A______ aurait "au minimum" dû l'aviser, "ne serait-ce que pour se couvrir", et lui-même se serait chargé de contacter le SC. Par ailleurs, les propos tenus par l'employé ("Je m'en occupe, on ne peut pas perdre I______, on doit le protéger, vous imaginez l'impact [pour lui] si [le SC] avait connaissance de ce sujet?") étaient intolérables et indéfendables. Ces propos avaient été compris comme une volonté de sa part d'étouffer l'affaire, au bénéfice d'intérêts commerciaux (I______ étant un gestionnaire performant), sans crainte de violer les règles de la Banque, alors qu'il était demandé aux dirigeants d'être particulièrement exemplaires et stricts dans l'application de ces règles. A la connaissance de F______, D______ n'avait pas informé sa hiérarchie des propos déplacés tenus par A______; il avait néanmoins fait le nécessaire en rapportant les agissements de I______ à son supérieur direct, qui lui avait répondu qu'il allait s'en occuper.

Le 21 juin 2019, le Comité d'éthique s'était fondé sur les pièces à disposition; il s'agissait d'une discussion collégiale. La séance du 16 juillet 2019 avait pour but d'auditionner les deux personnes concernées pour avoir leur version des faits; celles-ci avaient été confrontées aux pièces à disposition du Comité d'éthique. A______ avait réfuté avoir tenu les propos litigieux. Le Comité d'éthique avait alors décidé d'entendre D______ et C______. Tous deux avaient confirmé que l'employé avait bien prononcé ces paroles. Sur cette base, le Comité d'éthique avait pris la décision de licencier A______. Le GFS-US n'était pas intervenu dans le processus de licenciement, pas plus que le siège de B______ à R______ [France] (ce qui a également été confirmé par H______). F______ a réitéré que cette décision avait été prise par le Comité d'éthique, suite à l'enquête interne et aux témoignages recueillis, dont il ressortait que A______ avait essayé d'étouffer l'affaire. Ce comportement constituait une faute grave et une rupture du lien de confiance pour un responsable de son rang. C'est ce qui avait été expliqué à l'employé le jour de son licenciement.

f.c H______ a précisé que l'ordre de transfert du 7 janvier 2019 était interdit par les directives de la Banque, indépendamment de la question de savoir si la législation américaine avait effectivement été violée ou non. Il avait lui-même reçu le signalement du lanceur d'alerte, qui suspectait un manque d'intégrité dans le périmètre de A______. Pendant les auditions menées par GFS-US, un membre du SC, O______, avait dressé les procès-verbaux; il était également présent pour "aider en cas de problèmes de traduction". A la suite des conclusions rendues par le GFS-US, H______ avait saisi le Comité d'éthique au sujet de l'employé et de I______; tous deux avaient été interrogés pendant environ une demi-heure. S'agissant de l'incident du 7 janvier 2019, il était attendu de A______ - "eu égard à sa séniorité" - qu'il "favorise la culture de la conformité au sein de son équipe" et, en cas de soupçon ou de problème, qu'il en avertisse sa hiérarchie, à savoir F______, et un représentant du SC. L'employé aurait également dû s'assurer de la véracité des explications fournies par le gestionnaire concerné. Selon H______, les comportements de I______ et de l'employé n'avaient pas été remontés au SC avant le 22 février 2019. Le SC avait bien été consulté le 7 janvier 2019, mais uniquement pour savoir si l'ordre de transfert reçu était autorisé ou non.

La décision de licenciement avait été prise par le Comité d'éthique le 21 juin 2019, sous réserve de l'audition des personnes concernées. Le 16 juillet 2019, celles-ci avaient pu s'exprimer sur les allégations dont elles faisaient l'objet. A______, I______, D______ et C______ avaient tous été entendus individuellement. D______ et C______ avaient confirmé les propos tenus par l'employé, indépendamment l'un de l'autre. Le Comité d'éthique avait décidé de licencier I______ et l'employé pour faute. A______ n'avait pas fait le nécessaire pour gérer l'incident du 7 janvier 2019, dont le SC n'avait été informé que "par le canal d'alerte éthique".

f.d D______ a déclaré que I______ était venu le voir, le 7 janvier 2019 après-midi, pour lui demander si le transfert était autorisé. Il lui avait répondu qu'a priori le virement n'était pas possible. Il lui avait proposé de vérifier ce point avec le SC, lequel avait confirmé son analyse. Plus tard, en fin d'après-midi, J______ était venue le voir pour s'assurer que le gestionnaire l'avait consulté à ce sujet. D______ avait stoppé l'ordre, empêchant ainsi son exécution. Le 8 janvier 2019, il avait expliqué à A______ que I______ avait demandé à J______ d'effacer l'ordre d'un client. Il n'avait pas dénoncé les agissements du gestionnaire au SC, puisqu'il en avait déjà informé son responsable direct. A______ s'était entretenu avec I______ le 8 janvier 2019 après-midi. Lui-même n'avait pas parlé avec l'employé du contenu de cet entretien.

D______ a confirmé que A______ lui avait dit vouloir protéger I______. Cela étant, il ne comprenait pas pourquoi l'intéressé n'avait pas fait remonter l'incident à sa hiérarchie. Il était parti du principe que A______ allait gérer la situation et en discuter avec F______. En effet, la Banque prenait les problématiques d'embargo très au sérieux et il était régulièrement demandé aux collaborateurs d'en informer leur hiérarchie. Il y avait déjà eu des cas semblables par le passé. Selon D______, A______ souhaitait étouffer l'incident, même s'il n'avait pas utilisé ce terme; il n'avait sans doute pas anticipé que cette affaire prendrait une telle ampleur. Lui-même n'avait pas rapporté les propos de A______ à un supérieur ou au SC, "probablement par peur". Il ne voulait pas en dire plus à ce sujet. Il avait répondu à toutes les questions du GFS-US. Vu les circonstances, il n'avait pas été surpris d'apprendre le licenciement de I______ et de A______.

f.e C______ a déclaré que, même s'il était le supérieur hiérarchique direct de I______, c'était toujours A______ qui se chargeait des questions sensibles en lien avec les embargos. Le 8 janvier 2019, ce dernier leur avait dit, à lui-même et à D______, qu'il fallait protéger I______ et garder l'incident pour eux, car vu la situation, il pensait que le gestionnaire risquait de se faire licencier. C'était la raison pour laquelle A______ avait proposé de recevoir I______. Il voulait vraisemblablement comprendre ce qui s'était passé et entendre sa version des faits. Pour C______, il était clair que A______ devait remonter l'information à son supérieur hiérarchique. Lui-même pensait qu'il allait le faire. Il n'avait pas parlé avec A______ de l'entretien que celui-ci avait eu avec I______.

f.f I______ a déclaré que son entretien du 8 janvier 2019 avec A______ avait été "assez tendu". Il avait eu droit à quelques remontrances sur le fait qu'il aurait dû prêter plus d'attention à la transaction, qui n'avait d'ailleurs pas eu lieu. L'employé lui avait demandé d'être extrêmement vigilant lorsqu'il était question d'un pays sous embargo. Il n'avait pas eu l'impression que A______ essayait de cacher quelque chose à la Banque ou de le protéger, étant précisé que leur relation était purement professionnelle.

Lui-même n'avait pas parlé de ces événements avec C______, son supérieur direct, mais avec D______. Celui-ci lui avait "suggéré de dire au client de transférer un ordre à sa banque, à R______ [France], avec un montant similaire mais pas identique, pour contourner le problème".

I______ a encore précisé que les avoirs dont il avait la gestion s'élevaient à 600 millions de francs.

g. A l'issue de l'audience du 21 décembre 2021, le Tribunal a donné la parole aux parties pour les plaidoiries finales. Celles-ci ont persisté dans leurs conclusions, après quoi la cause a été gardée à juger.

h. Par pli déposé devant le Tribunal le 21 décembre 2021, le conseil de A______ a conclu à ce qu'une amende disciplinaire soit infligée à B______ (SUISSE), en application de l'art. 191 al. 2 CPC, au motif que F______ aurait délibérément menti lors de son audition.

Par pli du 22 décembre 2021, le conseil de B______ (SUISSE) a conclu à l'irrecevabilité de ce courrier.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu qu'au vu des moyens de preuve déjà administrés (pièces produites, interrogatoire des parties, audition de six témoins), il disposait de suffisamment d'éléments pour statuer sur les prétentions de M______. Il était dès lors superflu d'ordonner la production de pièces complémentaires.

La fin des rapports de travail ayant été reportée au 31 janvier 2020, en raison de l'incapacité de travail de l'employé, celui-ci avait fait opposition à son licenciement (le 18 décembre 2019) et déposé sa demande en conciliation (le 17 avril 2020) dans les délais prescrits par l'art. 336b CO. Il était reproché à A______ d'avoir violé ses obligations contractuelles en ayant fait le choix de ne pas alerter sa hiérarchie et le SC de l'incident survenu le 7 janvier 2019, alors qu'il était question d'un transfert de fonds en lien avec un pays sous embargo américain. L'employé avait, certes, toujours contesté avoir dit devant ses adjoints :"Je m'en occupe, on ne peut pas perdre I______, on doit le protéger, vous imaginez l'impact [pour lui] si [le SC] avait connaissance de ce sujet?". H______ et G______ avaient toutefois confirmé que, lors de leur audition par le Comité d'éthique, D______ et C______ avaient déclaré de façon concordante que A______ avait bien tenu ces propos. Tous deux l'avaient également confirmé devant le Tribunal. Selon eux, l'intention de l'employé était de protéger le gestionnaire impliqué en étouffant l'affaire.

Les explications de A______ - selon lesquelles il aurait appartenu à ses deux adjoints de faire remonter le cas à la hiérarchie s'ils avaient estimé être en présence d'une violation des règles internes de la Banque - n'étaient pas convaincantes. Le déroulement des faits relaté par les parties démontrait qu'en dehors de I______, J______ et K______, seuls D______, C______ et l'employé étaient au courant de la situation. Dès lors que A______ était le collaborateur de plus haut rang, il lui appartenait de rapporter cette situation directement à sa hiérarchie, respectivement au SC, afin de clarifier les choses. Les mesures qu'il avait prises, à savoir convoquer le gestionnaire et lui rappeler les directives internes de la Banque, n'étaient pas suffisantes au vu du caractère sensible de la situation. Compte tenu de sa position hiérarchique élevée et de son expérience, A______ ne pouvait ignorer qu'il était de son devoir d'aviser sa propre hiérarchie. B______ (SUISSE) avait d'ailleurs mis en place des formations annuelles rappelant aux collaborateurs l'importance d'être vigilant et de respecter les directives internes relatives aux pays sous embargos.

Dans la mesure où la gravité de l'incident avait conduit à la mise en œuvre d'une enquête ad hoc par le GFS-US, que le devoir de diligence des collaborateurs était particulièrement élevé s'agissant d'opérations liées à des pays sous embargo et qu'il ressortait des témoignages recueillis que A______ avait tenté de protéger I______, il fallait admettre que l'employé avait gravement violé ses obligations contractuelles, ce qui était de nature à rompre le lien de confiance avec la Banque. Dans ces circonstances, il ne pouvait être considéré que l'employé aurait servi de "fusible", les personnes sous sa responsabilité s'étant elles-mêmes conformées aux directives de l'employeuse, en alertant leur hiérarchie directe; l'employé, quant à lui, n'avait informé F______ de la situation qu'après avoir appris l'ouverture d'une enquête interne, soit bien trop tard et alors qu'il n'avait plus d'autre choix.

De son côté, l'employeuse avait conduit une enquête complète sur les événements des 7-8 janvier 2019, en entendant tous les collaborateurs concernés et en consultant les documents pertinents. L'employé avait lui-même été entendu à deux reprises, par le GFS-US et par le Comité d'éthique. Son argument selon lequel la Banque aurait joué un "double jeu" en lui faisant croire que le dossier était clos n'emportait pas la conviction, la procédure ayant mis en évidence que sa hiérarchie n'avait appris les résultats de l'enquête du GFS-US que le 18 juin 2021. Enfin, l'avantage tiré par la Banque de la résiliation des rapports de travail n'apparaissait pas disproportionné par rapport à l'intérêt de l'employé à conserver son emploi, quand bien même celui-ci travaillait depuis plus de vingt ans pour le groupe B______. En effet, le poste qu'il occupait impliquait un certain niveau de responsabilité. En particulier, il lui appartenait de veiller à ce que ses équipes appliquent les directives et les règles de la Banque en matière de "compliance" et d'embargos. L'employé n'était pas parvenu à établir que le congé était abusif, alors que les motifs invoqués par l'employeuse apparaissaient non seulement réels mais également légitimes. Une indemnité pour licenciement abusif ne se justifiait pas.

A______ ne pouvait pas non plus prétendre au paiement d'un bonus pour l'année 2019. Dès décembre 2009, il avait perçu un bonus annuel, payé en mars, et une part variable différée résultant du plan d'intéressement, payée en juin. Les décomptes de salaire y relatifs mentionnaient expressément que le bonus, respectivement la part variable différée, n'étaient pas garantis et que leur versement n'impliquait aucun engagement de la Banque pour le futur. Le document "Statut du personnel" stipulait que le bonus était discrétionnaire, son octroi et sa quotité dépendant de la performance de l'employé et de son comportement. L'octroi et la fixation du bonus dépendaient donc en grande partie de l'appréciation de l'employeuse. Ce document stipulait également que l'employé dont le contrat était résilié avant la date de versement du bonus ne pouvait pas prétendre audit bonus. De même, les documents contractuels relatifs à la part variable différée stipulaient qu'en cas de rupture du contrat de travail, le bénéficiaire perdait le droit au paiement de l'attribution dès la notification du congé. Le contrat de travail ne prévoyait donc pas le paiement d'un bonus ou d'une part variable différée en cas de résiliation des rapports de travail. Il s'agissait de gratifications auxquelles l'employé n'avait pas droit, sauf si celles-ci devaient être requalifiées de salaire conformément au principe de l'accessoriété. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, toutefois, ce principe n'était pas applicable en présence de "très hauts revenus".

Selon les données de l'Office fédéral de la statistique, le salaire médian suisse (secteur privé) en 2018 était de 6'248 fr. bruts, de sorte que le seuil des très hauts revenus se trouvait à 374'880 fr. (6'248 fr. x 12 x 5). Or, l'employé, qui percevait un salaire annuel fixe de 273'000 fr., avait perçu un revenu annuel total de 395'226 fr. en 2016, 426'301 fr. en 2017, 440'104 fr. en 2018 et 462'699 fr. en 2019. Il se trouvait donc dans la catégorie des très hauts revenus. Partant, le critère de l'accessoriété n'était pas applicable et les bonus versés à l'employé devaient être assimilés à une gratification, laquelle restait au bon vouloir de l'employeuse.

C'était également en vain que A______ soutenait que la Banque l'avait licencié en faisant preuve de mauvaise foi, pour empêcher l'avènement de la condition lui donnant droit au paiement de son bonus. Dans la mesure où les motifs invoqués à l'appui du congé n'étaient pas abusifs, aucun comportement contraire à la bonne foi ne pouvait être imputé à la Banque.

L'employé ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour tort moral. En effet, il ne ressortait pas du dossier que l'attitude de la Banque aurait généré chez l'employé une souffrance morale telle qu'il lui appartiendrait de l'indemniser à ce titre. S'il était vrai que l'employé s'était retrouvé en incapacité de travail suite à son licenciement, il n'était pas établi que cette incapacité serait imputable à une quelconque violation de ses obligations par l'employeuse. Les souffrances alléguées par A______ en lien avec le congé n'étaient pas prouvées, d'une part, et les circonstances ayant entouré le licenciement étaient usuelles, d'autre part. De plus, l'intéressé avait retrouvé un emploi dès la fin des rapports de travail.

Finalement, le Tribunal a considéré que le certificat de travail du 1er octobre 2019 (pièce 35 déf.) répondait aux réquisits légaux, sous réserve de la phrase "La Banque a décidé de mettre un terme aux relations contractuelles en date du 16 juillet 2019" qu'il convenait de supprimer.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est, comme en l'espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi auprès de l'autorité compétente (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC; art. 124 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

En l'espèce, les éléments de fait que l'appelant considérait comme inexactement retranscrits par le Tribunal ont été intégrés dans l'état de fait dressé ci-avant, dans la mesure utile, sur la base des actes et pièces de la procédure.

1.3 Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, la Cour statue uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle se limitera à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Pour satisfaire à cette exigence de motivation, il ne suffit pas à l'appelant de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). En d'autres termes, l'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2).

1.4 Compte tenu de la valeur litigieuse, qui est supérieure à 30'000 fr., la cause est soumise à la procédure ordinaire (art. 243 al. 1 a contrario CPC). La maxime des débats (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

2.             L'appelant reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendu, en refusant d'ordonner la production de certaines pièces (notamment les procès-verbaux des séances du Comité exécutif, dès avril 2019, lors desquelles le remplacement de I______ aurait été évoqué), d'une part, et en omettant de statuer sur certaines de ses conclusions, d'autre part.

2.1 Le droit d'être entendu - garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC - comprend pour une partie le droit de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b). Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_734/2018 et 5A_736/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3.1; 5A_943/2016 du 1er juin 2017 consid. 4.1.2). En revanche, le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction; si le premier juge a refusé une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, il appartient au recourant qui entend la contester de soulever un grief détaillé à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Selon la jurisprudence, une violation du droit d'être entendu peut cependant être réparée, à certaines conditions, lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

Cela étant, la garantie du droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. En particulier, l'admission du grief de violation du droit d'être entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d'être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et de prolonger inutilement la procédure. Cette jurisprudence ne signifie pas un abandon de la nature formelle du droit d'être entendu. Elle est au contraire l'expression du principe général de la bonne foi (art. 2 CC), qui limite déjà le droit d'être entendu comme tel, dès lors que les droits de participer à la procédure sont limités aux preuves importantes, respectivement aux résultats de l'administration des preuves qui sont propres à influencer la décision (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4). Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

2.2 Se référant aux art. 29 Cst., 53 CPC et 152 CPC, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir refusé d'ordonner la production de certaines pièces et d'avoir omis de statuer sur certaines de ses conclusions.

S'agissant du premier pan de son argumentation, l'appelant perd de vue que le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction par appréciation anticipée des preuves. A cet égard, il n'expose pas en quoi la production de pièces complémentaires serait de nature à influencer l'issue du litige. En particulier, il n'a formulé aucun grief motivé contre le jugement attaqué, en tant que le Tribunal a retenu, par appréciation anticipée des preuves, que les moyens de preuve déjà administrés (i.e. l'interrogatoire des parties, l'audition de six témoins et les nombreuses pièces produites) lui avaient permis de se forger sa conviction. Or cette appréciation - telle qu'explicitée aux considérants 2 et 3 du jugement - n'est pas critiquable. L'appelant ne l'ignore du reste pas, puisqu'il a renoncé à conclure au renvoi de la cause aux premiers juges pour complément d'instruction, d'une part, et qu'il a renoncé à solliciter de la Cour qu'elle administre des preuves complémentaires en vertu de l'art. 326 al. 3 CPC, d'autre part. Le grief de l'appelant sur ce point - outre qu'il n'est pas suffisamment motivé - est ainsi dénué de portée.

Il en va de même de son grief consistant à reprocher au Tribunal d'avoir omis de statuer sur son courrier du 21 décembre 2022 tendant à infliger une amende d'ordre à l'intimée. A teneur du procès-verbal de l'audience du 21 décembre 2021, l'appelant s'est borné - dans ses plaidoiries finales (qui ont eu lieu par oral et non par écrit, de sorte que le courrier déposé le même jour par l'appelante est irrecevable) - à persister dans ses conclusions, sans les amplifier. Or ni la demande ni la duplique ne tendent au prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de l'intimée. L'appelant n'a pas non plus jugé utile de prendre des conclusions en ce sens dans son acte d'appel. En toute hypothèse, la Cour ne discerne pas en quoi il se justifierait d'infliger une amende à l'intimée, au sens de l'art. 191 al. 2 CPC, en lien avec les déclarations de F______. Ce grief est dont irrecevable et, de surcroît, infondé.

Au surplus, il ne saurait être reproché au Tribunal d'avoir omis de "réserver les prétentions" de l'appelant "dans l'hypothèse" où celui-ci "devrait se défendre en justice en raison d'une procédure menée à l'étranger en lien avec son activité professionnelle au service de [la Banque]". L'appelant n'explicite pas en quoi consisterait son intérêt digne de protection à obtenir du Tribunal (ou de la Cour) qu'il (qu'elle) réserve ses droits sur cette question. En effet, une telle réserve ne lui est d'aucune utilité : soit ces prétentions existent et il lui appartenait de les faire valoir dans le cadre du présent procès, soit elles n'existent pas et ne peuvent donc pas être réservées. Enfin, comme l'a pertinemment relevé l'intimée, il n'appartenait pas au Tribunal de se prononcer sur une situation purement hypothétique, qui n'est ni actuelle ni concrète, et qui ne concerne dès lors ni un droit déterminé, ni un rapport de droit déterminé au sens de l'art. 87 CPC.

Au vu des considérations qui précèdent, l'appel doit être rejeté en tant que l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir violé son droit d'être entendu.

3.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir retenu que son licenciement n'était pas abusif et, partant, qu'il ne pouvait prétendre à une indemnité selon l'art. 336a CO.

3.1.1 Le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). Le droit suisse du contrat de travail repose en effet sur la liberté contractuelle. Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1).

L'abus est en principe retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un simple prétexte tandis que le véritable motif n'est pas constatable. Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel. L'art. 336 CO énonce une liste non exhaustive de cas de résiliation abusive, concrétisant l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut ainsi se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1 et 2.2; 131 III 535 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_428/2019 du 16 juin 2020 consid. 4.1; 4A_224/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.1; 4A_485/2016 et 4A_491/2016 du 28 avril 2017, consid. 2.2.2).

L'abus de la résiliation peut découler non seulement des motifs du congé, mais également de la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit. Même lorsqu'une partie résilie de manière légitime un contrat, elle doit exercer son droit avec des égards. Elle ne peut en particulier jouer un double jeu et contrevenir de manière caractéristique au principe de la bonne foi. Ainsi, un comportement violant manifestement le contrat, tel qu'une atteinte grave au droit de la personnalité dans le contexte d'une résiliation, peut faire apparaître cette dernière comme abusive. En revanche, un comportement qui ne serait simplement pas convenable ou indigne des relations commerciales établies ne suffit pas. Il n'appartient pas à l'ordre juridique de sanctionner une attitude seulement incorrecte (ATF 132 III 115 consid. 2.1 et 2.3; 131 III 535 consid. 4.2).

Un congé peut également être abusif lorsqu'il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2012 du 29 juin 2012 consid. 2.4). En principe, une exécution insatisfaisante de la prestation de travail est reconnue comme valant un motif légitime de licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_139/2008 du 20 juin 2008 consid. 4). Est en revanche abusif le licenciement prononcé par un employeur dont il est avéré qu'il voulait se débarrasser à tout prix d'un collaborateur et a agi par pure convenance personnelle, sans parvenir à démontrer l'existence de manquements professionnels de la part de l'employé (ATF 131 III 535 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.1; 4A_203/2007 du 10 octobre 2007 consid. 3 et 7).

De manière générale, il y a licenciement abusif lorsque l'employeur exploite les conséquences de sa propre violation du contrat ou de la loi pour justifier la fin des rapports de travail. Ainsi, la violation par l'employeur de son obligation d'intervention en cas de conflits interpersonnels, l'augmentation de la productivité exigée d'un salarié âgé, le "congé-fusible", le manque d'égards de l'employeur dans l'exercice du droit de résilier, ont été déclarés abusifs par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.1; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, pp. 809 ss. et les références citées).

Selon la jurisprudence, est abusive la résiliation du contrat de travail d'un cadre, à qui aucun reproche ne pouvait être formulé, dans le but de sauvegarder l'image d'une banque ternie par des actes illicites commis par un autre employé, parce qu'il lui fallait un responsable, un "fusible" (ATF 131 III 535 consid. 4).

3.1.2 En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif (ATF 130 III 699 consid. 4.1, SJ 2005 I 152; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.2). Le travailleur doit établir non seulement le motif abusif mais aussi l'existence d'un lien de causalité entre l'état de fait fondant le caractère abusif du congé et la résiliation du contrat de travail. L'appréciation du caractère abusif d'un licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce afin de déterminer quel est le motif réel du congé (DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2e éd. 2022, n. 22 ad art. 336 CO et les références citées).

En ce domaine, la jurisprudence a tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 précité consid. 2.2.2).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que le licenciement était motivé par le fait que le comportement de l'employé, en lien avec l'incident du 7 janvier 2019, consacrait une violation grave de ses obligations contractuelles et était de nature à rompre le lien de confiance avec l'employeuse. Plus particulièrement, il était reproché à l'employé, bien que dûment avisé de l'attitude problématique d'un subordonné, d'avoir délibérément choisi de ne pas avertir sa hiérarchie et d'avoir, de surcroît, cherché à étouffer l'affaire, pour éviter de perdre un gestionnaire performant. Le Tribunal en a conclu que l'employé - qui occupait une position hiérarchique élevée et à qui il incombait, notamment, de veiller au respect des règles et directives internes de la Banque en matière d'embargos et de sanctions financières - ne s'était pas conformé à ses devoirs vis-à-vis de l'intimée, de telle sorte que le motif du congé apparaissait non seulement réel, mais également légitime.

L'appelant ne parvient pas à remettre en cause cette appréciation. Comme l'a retenu le Tribunal, il ressort des témoignages de D______ et C______ que l'appelant a exprimé sa volonté de protéger I______ et de couvrir les agissements de ce gestionnaire vis-à-vis du SC, en déclarant devant ses adjoints : "Je m'en occupe, on ne peut pas perdre I______, on doit le protéger, vous imaginez l'impact [pour lui] si [le SC] avait connaissance de ce sujet?". Les dires de ces témoins apparaissent fiables et convaincants, ceux-ci ayant confirmé, devant le Tribunal, la teneur de leurs précédentes déclarations à l'attention du Comité d'éthique et du GFS-US (s'agissant du témoin D______). Leurs témoignages concordants ont également été corroborés par les déclarations de H______ et du témoin G______. Le fait que les témoins D______ et C______ sont des employés de l'intimée, respectivement qu'ils n'ont pas alerté leur hiérarchie quant aux propos tenus par l'appelant, ne suffit pas à remettre en cause leur crédibilité.

Il en va de même des témoignages de I______ et Q______, en tant que ceux-ci ont précisé ne pas avoir eu "l'impression" que l'appelant cherchait à étouffer l'affaire. En effet, les déclarations du témoin I______ doivent être appréciées avec circonspection, celui-ci ayant été licencié, avec effet immédiat, pour avoir tenté de supprimer l'ordre écrit d'un client, puis de le faire valider sous une forme détournée, en violation claire des directives de l'employeuse (cf. infra). Les propos de I______ au sujet de D______ - lequel lui aurait "suggéré" d'exécuter l'ordre de transfert en contournant les règles de la Banque - ne sont d'ailleurs pas crédibles. En effet, lors de ses auditions par le GFS-US et le Comité d'éthique, le gestionnaire n'a jamais mentionné avoir reçu un telle "suggestion" de la part d'un supérieur. Or, si tel avait été le cas, nul doute que l'intéressé s'en serait prévalu devant l'une ou l'autre de ces entités, ne serait-ce que pour tenter d'atténuer sa propre responsabilité vis-à-vis de la Banque et, si possible, de conserver son emploi. Quant à Q______, il n'est pas contesté que celle-ci n'a pas directement assisté aux événements des 7-8 janvier 2019 et qu'elle n'était pas présente lorsque l'appelant a indiqué à ses deux adjoints qu'il fallait protéger I______ et ne pas ébruiter l'affaire. Son témoignage n'apporte donc aucun éclairage pertinent sur les motifs du licenciement de l'appelant.

Eu égard aux pièces produites, à l'interrogatoire des parties et à l'audition des témoins D______, C______ et G______, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'appelant avait tenu des propos déplacés, lesquels attestaient de sa volonté de couvrir un gestionnaire performant - et donc générant de bons résultats au sein de ses équipes - vis-à-vis du SC.

C'est également à juste titre que le Tribunal a retenu qu'il appartenait à l'appelant, en sa qualité de responsable avec le plus haut rang (les événements du 7 janvier 2019 étant connus de lui, de ses adjoints et de deux assistantes), d'informer son supérieur hiérarchique direct et/ou le SC des agissements du gestionnaire impliqué. En effet, il ne fait pas de doute que I______ - qui a demandé à une assistante de détruire un ordre (écrit) de transfert de fonds en lien avec Cuba, pays sous embargo américain, puis instruit une deuxième assistante d'effectuer ledit transfert, tout en lui dissimulant l'existence de l'ordre écrit et en occultant la référence à Cuba - a agi en violation des directives et des règles internes de la Banque en matière d'embargos et de sanctions financières, en dépit des formations annuelles dispensées sur le sujet (cf. supra EN FAIT, let. C.f.a à C.f.c). En tant que cadre expérimenté et responsable de près de 70 collaborateurs, l'appelant, confronté à une possible tentative de contourner lesdites directives/règles, ne pouvait ignorer qu'il se devait de relayer l'incident à sa hiérarchie directe. Or, informé le lendemain des agissements de I______, l'appelant - qui a affirmé à ses adjoints qu'il allait gérer la situation - s'est contenté de convoquer le gestionnaire indélicat et de lui signifier ses manquements, tout en s'abstenant, de façon délibérée, de faire remonter l'incident à F______ et/ou au SC (celui-ci ayant uniquement été consulté par D______ pour savoir si l'ordre de transfert était autorisé ou non), dans le but de protéger un subordonné efficient et, ce faisant, de préserver les résultats financiers de ses équipes. Comme l'a retenu le Tribunal, au vu de sa fonction et de la réglementation ad hoc de la Banque en matière d'embargos, qui lui était connue, l'appelant aurait dû faire remonter l'incident aux instances supérieures de l'intimée, ce qu'il a fautivement choisi de ne pas faire. Le fait que D______ et/ou C______ ait possiblement manqué à leurs propres devoirs envers l'intimée, ainsi que le soutient l'appelant, ne change rien à ce qui précède.

Au vu de ces différents éléments, il appert que l'intimée a licencié l'appelant au motif que celui-ci ne s'était pas conformé à ses devoirs envers elle et que son comportement défaillant, en lien avec l'incident du 7 janvier 2019, avait enduit une rupture du lien de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de travail. Cette perte de confiance était accentuée par le fait que l'appelant occupait une position hiérarchique élevée et qu'il lui incombait, à ce titre, d'évaluer les risques inhérents à l'activité de ses équipes et de veiller - avec rigueur et diligence - à ce que celles-ci appliquent strictement les règles internes de la Banque en matière de sanctions internationales.

Ainsi que l'a considéré le Tribunal, l'appelant ne démontre pas qu'il aurait fait l'objet d'un "congé-fusible" et/ou d'un congé consacrant une disproportion manifeste des intérêts en présence. N'ayant plus confiance en l'appelant, l'intimée avait un intérêt à le licencier (indépendamment de la question de savoir si la législation américaine avait effectivement été violée dans le cas concret), et l'on ne saurait dire qu'elle a procédé au licenciement par pure convenance personnelle, dans le seul but de « donner l'impression » d'avoir pris les mesures adéquates (vis-à-vis des autorités américaines), ou que la résiliation serait totalement hors de proportion avec l'intérêt de l'appelant à conserver son emploi - quand bien même celui-ci a travaillé au sein du groupe B______ pendant plus de vingt ans. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort pas du dossier que le congé se serait "apparenté à une réelle exécution sommaire" et/ou que l'intimée lui aurait manqué d'égards à l'occasion de son licenciement. L'intimée a en effet pris la décision de résilier le contrat de travail de l'appelant après avoir procédé à une enquête interne approfondie (en auditionnant toutes les personnes impliquées et en consultant les documents pertinents) et donné l'occasion à l'appelant de se déterminer sur les reproches formulés à son endroit (ce qui ressort d'ailleurs du courriel qu'il a adressé à son employeuse le 21 juillet 2019). De même, l'appelant ne démontre pas que le congé aurait été notifié en violation de la réglementation interne de la Banque en matière de licenciement. Enfin, il n'est pas établi que l'intimée aurait joué un "double jeu" en faisant croire à l'appelant que le dossier était clos, étant rappelé que les résultats officiels de l'enquête conduite par le GFS-US ont été communiqués à l'intimée en juin 2019.

Au surplus, c'est en vain que l'appelant se prévaut du fait que la décision de le licencier aurait été prise, non par le Comité d'éthique lors de ses séances des 21 juin et 16 juillet 2019, mais par le GFS-US et/ou le siège de B______ à R______ [France]. En effet, aucun élément au dossier ne vient étayer cette thèse. Au contraire, dans son rapport du 18 juin 2019, le GFS-US a simplement recommandé que les résultats de son enquête soient communiqués au Comité d'éthique, à charge pour celui-ci de prendre toute mesure utile vis-à-vis des collaborateurs impliqués. C'est également en vain que l'appelant soutient que l'intimée aurait décidé (de façon ferme et définitive) de licencier I______ au mois d'avril 2019. Là encore, aucun élément concret ne vient accréditer cette thèse. En outre, vu la gravité des faits reprochés à l'intéressé, l'on ne saurait reprocher à la Banque d'avoir effectué des démarches pour lui trouver un remplaçant (ce d'autant que, selon le témoin G______, le départ d'un autre gestionnaire était aussi envisagé à cette époque), de façon à anticiper son possible licenciement. En tout état, la Cour ne discerne pas en quoi la date à laquelle l'intimée a décidé de licencier I______ serait pertinente pour déterminer si le congé notifié à l'appelant est abusif ou non.

En définitive, le Tribunal a retenu avec raison que le licenciement de l'appelant n'était pas abusif et, partant, l'a débouté de ses conclusions en paiement d'une indemnité selon l'art. 336a CO.

4.             En appel, l'employé persiste à réclamer le paiement des sommes de 154'500 fr., au titre de bonus pour l'année 2019, et de 43'000 fr., au titre de "solde des actions octroyées de manière différée" pour l'année 2019, intérêts en sus.

Dans la mesure toutefois où il se limite à reprendre les moyens soulevés devant le Tribunal (i.e. les arguments "exposé[s] en pages 31 et ss de sa demande en paiement du 22 juin 2020"), sans critiquer les motifs de la décision attaquée sur ce point, son grief est irrecevable. Il peut d'ailleurs être renvoyé au considérant 5 du jugement entrepris, la Cour faisant sienne l'argumentation du Tribunal à ce propos (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5D_15/2012 du 28 mars 2012 consid. 4.2.3).

5.             L'appelant persiste également à conclure au paiement d'une indemnité de 20'000 fr. à titre de tort moral.

Pour toute motivation, il reproche aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de son courriel du 21 juillet 2019 adressé à la Banque, d'une part, et d'avoir été dépourvus d'un "minimum de sensibilité et de bon sens" en rejetant sa prétention, d'autre part. Si tant est qu'un tel grief soit recevable, force est de constater que le courriel du 21 juillet 2019 - rédigé par l'appelant lui-même - ne suffit pas à démontrer que celui-ci aurait été gravement atteint dans sa personnalité, au point de justifier l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 49 CO. Il sera renvoyé aux considérations du Tribunal pour le surplus, celles-ci étant exemptes de critiques.

6.             L'appelant a conclu à ce que l'intimée soit condamnée à lui remettre "un certificat de travail final conforme à l'art. 330a CO et établi à l'instar du projet joint en annexe à la présente demande". Toutefois, point n'est besoin d'examiner cette question plus avant, aucun grief n'ayant été articulé devant la Cour à ce sujet.

En définitive, le jugement attaqué sera entièrement confirmé.

7.             Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 3'000 fr. (art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance fournie par celui-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens d'appel dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :


À la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPH/176/2022 rendu le 13 juin 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/7447/2020-4.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.