Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1692/2025 du 27.11.2025 sur JTBL/420/2025 ( OBL ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/15909/2023 ACJC/1692/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 27 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 avril 2025, représentée par Me Jacomo RESTELLINI, avocat, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6,
et
B______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, quai des Bergues 23, 1201 Genève.
A. Par jugement JTBL/420/2025 du 28 avril 2025, reçu par les parties le 6 mai 2025, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié le 15 juin 2023 pour le 31 mars 2025 à A______ SA par [la caisse de prévoyance] B______ concernant l'arcade d'environ 100 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), accordé une unique prolongation de bail d'un an à A______ SA, échéant au 31 mars 2026 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
B. a. Le 4 juin 2025, A______ SA a formé appel contre les chiffres 1 et 2 du dispositif de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice les annule, de même que le congé précité. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour lui octroie une prolongation de bail de six ans, arrivant à échéance le 31 mars 2031.
b. B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.
d. Elles ont été informées le 20 octobre 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. [La compagnie d'assurances] C______ (ci-après également : l'ancienne bailleresse) était propriétaire de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. D______ en était le représentant jusqu'en juin 2024.
b. Par acte de transfert de bail du 7 janvier 2005, A______ SA est devenue locataire d'une arcade d'environ 100 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble. L'échéance contractuelle du bail initial, daté du 1er avril 1998, était fixée au 31 mars 2005, le bail se renouvelant ensuite tacitement de 5 ans en 5 ans, sauf résiliation respectant un préavis d'un an.
Par avenant n°1 au transfert de bail, l'échéance contractuelle du bail a été prorogée au 31 mars 2015, sa reconduction étant toujours de 5 ans en 5 ans.
Le loyer a été fixé à 70'000 fr. par an dès le 1er avril 2005.
c. Depuis le 1er avril 2005, A______ SA (ci-après également : la locataire), dont E______ est administrateur, exploite une bijouterie dans les locaux.
d.a Le 10 juin 2021, l'ancienne bailleresse, revenant sur un entretien du 3 juin 2021 tenu dans les locaux de la locataire, a confirmé à cette dernière que des travaux conséquents allaient être entrepris dans l'immeuble et dans l'arcade et a précisé que la locataire bénéficierait de la gratuité totale du loyer, charges comprises, durant toute leur durée. Un délai avait été imparti à l'ancienne bailleresse par le département compétent pour effectuer les travaux et celle-ci entendait requérir une prolongation de ce délai. Pour étayer cette demande, la locataire était invitée à retourner le courrier signé sous la mention "bon pour accord".
Le 17 juin 2021, la locataire, faisant suite à un échange téléphonique avec l'ancienne bailleresse, a informé celle-ci de ce qu'elle attendait son retour sur la prise en charge de la perte d'exploitation, coûts fixes opérationnels (autres que le loyer) et frais relatifs aux salaires et charges sociales, pendant la période des travaux, afin qu'elle puisse se prononcer sur sa demande.
Le 18 octobre 2021, le conseil de la locataire, faisant suite à un entretien téléphonique intervenu le mois précédent, est revenu auprès de l'ancienne bailleresse sur l'accord à conclure en en précisant les termes, dont notamment le paiement d'une indemnité de 95'948 fr. pour la durée des travaux, d'une indemnité journalière en cas de retard dans les travaux et la modification du prochain terme de résiliation au 31 mars 2030.
Après avoir échangé par téléphone avec la locataire, l'ancienne bailleresse a informé celle-ci, le 11 novembre 2021, qu'elle acceptait d'entrer en matière sur une indemnité de 96'000 fr., en sus de la gratuité de loyer, ainsi qu'une indemnité journalière de 1'620 fr. en cas de non-respect des délais de fin de chantier. Elle a en outre accepté toutes les autres conditions de la locataire, à l'exception de la modification du terme de résiliation du bail. La locataire a contresigné ce courrier.
d.b E______, représentant de la locataire, a déclaré lors de son audition par le Tribunal qu'il avait estimé que la proposition de l'ancienne bailleresse d'une gratuité de loyer était insuffisante et qu'il avait contacté son avocat. Celui-ci lui avait dit qu'au départ, la bailleresse avait refusé d'entrer en matière sur la perte d'exploitation. Ils avaient ensuite négocié une indemnisation pour la perte d’exploitation et la modification du terme du bail afin qu’il soit prolongé de cinq ans. Les négociations avaient été difficiles dans la mesure où la modification du contrat de bail n'avait pas été acceptée. La locataire avait cédé sur ce point après avoir obtenu l'indemnisation. Les démarches pour trouver une nouvelle arcade avaient sérieusement débuté depuis l'échec de la tentative de conciliation, car il espérait jusqu'alors trouver un accord avec la bailleresse. Les recherches étaient compliquées, parce qu’il était très difficile de trouver un local, même plus petit, dans le même quartier. La société de courtage F______ SA, mandatée par la locataire, l'avait informé que les arcades sur la rue 1______ étaient plus grandes et que de nombreuses grandes marques avaient acheté leurs murs, si bien qu'il y avait moins d'objets à la location. L'arcade à la rue 2______/rue 3______ avait trouvé un autre repreneur. La locataire était une marque française ancienne qui disposait d’une clientèle importante locale, russe et originaire de pays du Golfe, de sorte que son implantation à la rue 1______ était primordiale. Il s’agissait de la seule boutique de la locataire en Suisse et à Genève, raison pour laquelle elle tenait à y rester. Une fermeture de la boutique entraînerait une perte économique évidente, ainsi que le licenciement des trois employés et un dégât d’image. Aujourd’hui, il recherchait une arcade de 50 m2 à la rue 1______, un déplacement proche des hôtels 5 étoiles n'étant pas envisageable, à un loyer abordable, à savoir un multiple de son loyer actuel. Il n'envisageait pas une arcade à la rue 6______, cette rue n'étant pas passante et le magasin étant caché. D'ailleurs, les autres locataires dont le bail avait été résilié avaient également refusé cette arcade.
d.c Le témoin D______, représentant de l'ancienne bailleresse, a déclaré lors de son audition par le Tribunal, que, dans le cadre des négociations concernant la vente de l'immeuble, il fallait que des accords soient trouvés avec les locataires commerciaux s’agissant des travaux en cours. Il avait été demandé aux locataires de chiffrer leur perte économique pour l’ajouter à la perte locative, afin d'obtenir un montant global, et de produire des documents tels que des bilans pour que le montant articulé puisse être contrôlé. Ce montant était ensuite transmis à l'Asset Manager, et une fois validé, il revenait vers le locataire avec une proposition d'accord. Si ce montant était cohérent, il était acté. Il ne se rappelait pas exactement des discussions concernant A______ SA. Normalement, ce genre d’indemnisation intervenait après négociation. Le courrier du 10 juin 2021 était une confirmation écrite de ce qui avait été dit oralement sur place et la signature
« bon pour accord » était demandée pour s'assurer que les explications données relatives aux travaux avaient été comprises. La discussion sur la perte d’exploitation avait eu lieu après l'envoi de ce courrier. Dans tous les cas, dans l'optique de l'ancienne bailleresse, il y avait la gratuité des loyers et la perte économique, laquelle devait être chiffrée par le locataire, ces montants devant être déduits du prix de vente final de l'immeuble. Comme le bâtiment était sur le point d’être vendu, il ne pouvait pas se prononcer sur des demandes de prolongation de bail ou modification des contrats.
e. B______ (ci-après également : la bailleresse) est devenue propriétaire de l'immeuble à partir du 1er décembre 2021.
f. Le chantier a duré du 14 février 2022 au 8 avril 2022.
g. Le 23 mai 2023, la bailleresse a déposé une demande d'autorisation de construire visant à agrandir la boutique G______ au rez-de-chaussée de l'immeuble, cet agrandissement ayant comme conséquence de supprimer quatre boutiques, dont celle de la locataire. L'autorisation de construire a été délivrée le 13 juillet 2023.
h.a Par avis officiel du 15 juin 2023, la bailleresse a résilié le bail de la locataire de manière ordinaire pour le 31 mars 2025.
Les baux de trois autres boutiques concernées par les travaux d'agrandissement à entreprendre ont été résiliés, les 21 juin 2022 et 15 septembre 2022 pour le 30 juin 2023, respectivement le 30 septembre 2024.
h.b H______, représentante de la bailleresse, a déclaré lors de son audition par le Tribunal que le bail avait été résilié car la bailleresse souhaitait installer une plus grande surface au rez-de-chaussée, comme c’était le cas pour les autres immeubles de la rue 1______ et pour d'autres immeubles dont elle était propriétaire à Zurich. Il était en effet plus facile de gérer un seul locataire d'une grande surface que plusieurs locataires de petites surfaces. La bailleresse n'avait pas du tout participé aux négociations relatives aux travaux.
i. Par requête déposée le 19 juillet 2023 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors des audiences de conciliation des 16 novembre 2023 et 28 mars 2024 et portée devant le Tribunal le 3 mai 2024, la locataire a conclu, principalement, à l'annulation du congé, et subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de six ans.
La bailleresse a conclu à ce que le Tribunal constate la validité du congé et déboute la locataire de toutes ses conclusions.
j. Dès novembre 2023, la locataire a entamé des démarches pour trouver de nouveaux locaux. Elle a produit de nombreux justificatifs de recherches entreprises par ses soins par le biais d'internet ou auprès de régies.
j.a Le 15 avril 2024, suite à des échanges de courriers intervenus dès octobre 2023, la locataire a mandaté la société I______ SA pour la recherche d'un local de remplacement de 20 à 100 m2 dans la zone de la rue 1______ no. ______, voire place 4______ ou 5______. Le 26 avril 2024, I______ SA lui a fait savoir que la recherche avait débuté mais que cela serait un challenge, vu notamment le faible taux de vacance du marché. En septembre 2024, I______ SA a elle-même mis fin à son mandat compte tenu de la difficulté de proposer des locaux de remplacement dans la zone géographique très précise visée par le mandat.
j.b La locataire a en outre mandaté en avril 2024 la société F______ SA, chargée d'effectuer la recherche d'un local très proche de l'emplacement actuel, avec si possible des marques de joaillerie autour, une surface de 30 à 50 m2, au maximum 100 m2, pour un loyer annuel entre 100'000 fr. et 200'000 fr. avec une largeur minimale de 3 à 6 mètres pour la façade extérieure. F______ SA a proposé à la locataire en juillet 2024 une arcade à la rue 3______ pour un loyer de 450'000 fr. par an, proposition qui n'a pas été acceptée.
j.c Le 16 mai 2024, la bailleresse a proposé à la locataire un local de remplacement de 51 m2 situé à la rue 6______ no. ______, pour un loyer annuel de 43'350 fr. La locataire a répondu que la rue 6______, perpendiculaire à la rue 1______, était moins passante et que le prix était considérablement plus élevé que le loyer actuel, sollicitant un délai de réflexion. Le 18 juillet 2024, elle a fait savoir à la bailleresse, qu'elle n'entendait pas formuler de demande de location, notamment à cause de l'emplacement de l'arcade et du loyer proposé.
j.d Le 25 juillet 2024, la locataire a refusé une proposition d'arcade dans le centre commercial Confédération Centre au vu de son emplacement.
j.e Le témoin J______, courtier en immobilier, a déclaré qu'il y avait une forte demande pour la location de locaux commerciaux à la rue 1______, la difficulté étant le prix situé aux alentours de 10'000 fr. le m2. Les recherches de la locataire comportaient trois difficultés, à savoir la taille de l'arcade entre 30 et 50 m2, l'emplacement souhaité, entre les places 5______ et 7______, et le budget situé entre 100'000 et 200'000 fr. par an. Il avait tout de même indiqué deux possibilités de locaux, une à la rue 3______ et l’autre à la rue 2______. Il n’y avait pas eu d’intérêt de la part de la locataire pour l’un ou l’autre de ces biens, en raison principalement du budget.
k. Lors de l'audience du Tribunal du 11 mars 2025, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 L'appel, déposé dans les délais et forme légaux, contre une décision finale rendue dans une affaire patrimoniale avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).
1.2 L’appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).
L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus. Il incombe toutefois au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC) (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
2. 2.1 A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte écrit et motivé. La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).
2.2 En l'espèce, l'appelante formule certaines critiques contre l'état de fait établi par le Tribunal sans désigner les moyens de preuve auxquels elle se réfère. Ces critiques sont dès lors irrecevables.
3. Le Tribunal a considéré que le congé ne devait pas être annulé en application de l'art. 271a al. 2 CO car l'accord conclu entre l'appelante et l'ancienne bailleresse le 11 novembre 2021 ne constituait pas une transaction au sens de cette disposition. L'ancienne bailleresse était d'emblée d'accord de dédommager l'appelante pour la perte de gain due aux travaux et la discussion avait uniquement porté sur le montant de l'indemnité, étant précisé que celui proposé par l'appelante avait été accepté. Le fait que l'ancienne bailleresse n'ait pas accepté la proposition de l'appelante de modifier l'échéance du bail ne pouvait pas être interprété comme une concession de la part de celle-ci car il ne s'agissait pas d'une prétention découlant du bail au sens de l'art. 271a al. 2 CO.
L'appelante fait valoir qu'elle avait eu un différend avec son ancienne bailleresse relatif à une prétention relevant du bail car la première proposition d'indemnisation que celle-ci lui avait soumise ne comportait pas d'indemnité pour perte d'exploitation. Les négociations avaient duré six mois, de juin à novembre 2021, et l'ancienne bailleresse avait fait une concession en acceptant de verser une importante indemnité pour perte d'exploitation. Le congé, intervenu pendant la période de protection de l'art. 271a al. 2 CO devait dès lors être annulé.
3.1 Selon l'art. 271a al. 1 let. e CO, le congé est annulable, lorsqu'il est donné par le bailleur dans les trois ans à compter de la fin d’une procédure de conciliation ou d’une procédure judiciaire au sujet du bail et si le bailleur a succombé dans une large mesure, a abandonné ou considérablement réduit ses prétentions ou conclusions, a renoncé à saisir le juge ou a conclu une transaction ou s’est entendu de toute autre manière avec le locataire (art. 271a al. 1 lit. e CO). L'art. 271a al. 2 CO étend l'application de cette règle au cas où le locataire peut prouver par des écrits qu'il s'est entendu avec le bailleur, en dehors d'une procédure judiciaire ou de conciliation, sur une prétention relative au bail. L’art. 271a al. 2 CO n’est applicable que si le bailleur et le locataire se sont trouvés en désaccord sur une question relevant du droit du bail (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 980 note 196).
L'annulation du congé suppose donc que dans les trois années qui l'ont précédé, les parties se soient trouvées en litige et qu'elles aient abouti à une solution amiable par suite de concessions du bailleur. L'annulation est ainsi exclue si l'une des parties a accepté aussitôt et sans discussion une prétention annoncée par l'autre partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2015 du 15 juillet 2015 consid. 2.3). En outre, il ne suffit pas d’être en désaccord sur certains faits : il faut que bailleur et locataire dégagent de ces faits des conséquences juridiques différentes, puis les règlent par un accord (ATF 130 III 563 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_46/2010 du 27 avril 2010 consid. 4.2; Lachat, Commentaire romand, Codes des obligations I, 2021, n° 18 ad art. 271a CO). En d'autres termes, l'accord, au sens de l'article 271a al. 2 CO, suppose que les parties liquident à l'amiable un différend en réglant définitivement une question de droit controversée. Par conséquent cette disposition ne s'applique pas aux cas dans lesquels il n'y a pas de litige, parce que l'une ou l'autre des parties donne directement suite à la demande de son cocontractant (arrêt du Tribunal fédéral 4C.257/2004 du 8 octobre 2004 consid. 3.1).
3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à juste titre que les conditions d'application de l'art 271a al. CO n'étaient pas réalisées, en ce sens que l'ancienne bailleresse et l'appelante ne se sont pas trouvées, en 2021, en désaccord sur une question relevant du droit du bail.
Il ressort des explications convaincantes fournies par le témoin D______, lesquelles sont corroborées par les pièces produites, que l'ancienne bailleresse avait en effet d'emblée prévu d'indemniser ses locataires, appelante comprise, pour les désagréments causés par les travaux dans l'immeuble tant par le biais d'une gratuité de loyer que par celui du versement d'une indemnité compensant la perte d'exploitation.
Le fait que le représentant de l'appelante ait indiqué, lors de son audition par le Tribunal, que son avocat lui avait dit que, au départ, l'ancienne bailleresse avait refusé d'entrer en matière sur le paiement d'une indemnité n'est pas décisif. Cette déclaration, émanant d'une partie, qui n'a pas elle-même constaté le fait rapporté, n'a que peu de force probante. Elle n'est de plus pas corroborée par la teneur des échanges écrits intervenus entre les parties.
Le fait que le courrier du 10 juin 2021 adressé à l'appelante par l'ancienne bailleresse ne mentionne que la gratuité des loyers pendant la période des travaux, et non le versement d'une indemnité pour perte d'exploitation, n'est pas non plus déterminant. Il ressort de la teneur de ce courrier et du témoignage du représentant de l'ancienne bailleresse que, si celle-ci a requis de l'appelante qu'elle contresigne ce courrier, cela visait notamment à étayer sa demande de prolongation de délai et à s'assurer que l'appelante avait bien compris la situation. Une telle signature n'impliquait par contre aucune renonciation à percevoir une indemnité pour la perte d'exploitation due au travaux.
Il résulte de la procédure que l'ancienne bailleresse était consciente d'entrée de cause de ses obligations à cet égard. Dans ce cadre, il était légitime qu'elle requière de la part de l'appelante des renseignements de nature à étayer le montant de l'indemnité requise. Après vérification, l'ancienne bailleresse a accepté le montant proposé par l'appelante, étant souligné qu'aucune pièce du dossier n'indique qu'elle aurait formulé de contre-proposition portant sur un montant inférieur.
Par ailleurs, le fait que l'ancienne bailleresse ait refusé la demande de l'intimée de modifier l'échéance du bail ne constitue par une prétention découlant du bail au sens de l'art. 271a al. 2 CO.
Il résulte de ce qui précède que l'accord conclu en novembre 2021 entre l'appelante et l'ancienne bailleresse ne visait pas à liquider à l'amiable un différend portant sur une question de droit controversée au sens de l'art. 271a al. 2 CO. Le congé n'est dès lors pas annulable en vertu de cette disposition.
Le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera par conséquent confirmé.
4. Le Tribunal a octroyé à l'appelante une prolongation de bail unique d'un an relevant qu'elle occupait les locaux depuis plus de 20 ans, qu'il s'agissait de sa seule boutique en Suisse et que la perte de l'arcade située à une adresse prestigieuse était de nature à entraîner des conséquences pénibles. L'appelante avait cependant tardé à entamer des recherches et ses critères était trop restrictifs, en ce sens que le loyer qu'elle était prête à payer ne correspondait pas aux prix du marché pour un local de la taille souhaitée, situé dans le périmètre restreint de la rue 1______ et des places avoisinantes. L'on pouvait attendre de l'appelante qu'elle étende ses recherches à d'autres emplacements prisés par sa clientèle, notamment les abords des grands hôtels de luxe. Le représentant de l'appelante avait cependant déclaré en audience que celle-ci n'entendait pas assouplir ses critères de recherches de sorte qu'une prolongation de bail n'était pas à même d'atténuer les effets de la résiliation. Il convenait en outre de tenir compte des intérêts de l'intimée qui était au bénéfice d'une autorisation de construire depuis juillet 2023, avait laissé à l'appelante un délai supplémentaire de 9 mois pour trouver des locaux et lui avait proposé en vain une arcade à la rue 6______.
L'appelante fait valoir qu'un emplacement à la rue 1______ est essentiel pour lui permettre de conserver sa clientèle. Elle avait effectué de nombreuses démarches en vue de retrouver une arcade, étant précisé que sa candidature pour un local à la rue 2______ n'avait pas été retenue. L'intimée n'avait pour sa part établi aucune urgence à récupérer l'usage de son bien.
4.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient.
A teneur de l'art. 272b al. 1 CO, le bail d'un local commercial peut être prolongé de six ans. Dans cette limite, une ou deux prolongations peuvent être accordée.
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2022 du 28 février 2023 consid. 5.3.3).
Quelle que soit leur gravité, les inconvénients d'un changement de locaux ne constituent pas à eux seuls des conséquences pénibles aux termes de l'art. 272 al. 1 CO car ils sont inhérents à la résiliation du bail et ils ne sont pas supprimés, mais seulement différés en cas de prolongation de ce contrat; la prolongation ne se justifie que si, au regard des circonstances, elle permet d'espérer une atténuation de ces inconvénients en ce sens qu'un déménagement plus lointain sera moins préjudiciable au locataire (ATF 116 II 446 consid. 3b; 105 II 197 consid. 3a;
102 II 254; arrêt du Tribunal fédéral 4A_552/2019 du 21 avril 2020 consid. 5.2.2). Celui-ci doit aussi avoir entrepris les recherches de locaux de remplacement que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour remédier aux conséquences du congé, cela déjà lorsqu'il sollicite une première prolongation de son bail
(ATF 110 II 249 consid. 4; 116 II 446 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2011 du 4 avril 2022 consid. 3a).
Le locataire à la recherche d'un objet loué équivalant à celui qu'il doit quitter est tenu d'accepter de payer un loyer usuel pour la catégorie d'objets loués considérée, à moins que celui-ci puisse être qualifié d'abusif; s'il limite d'emblée le montant de son futur loyer, le locataire doit accepter les locaux qui en représentent la contrepartie équitable et usuelle (arrêt du Tribunal fédéral non publié du 18 avril 1994 C. c/ X. SA; ACJC/1097/2022 du 29 août 2022 consid. 5.1).
Il incombe au juge de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 136 III 190 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_609/2021 du 5 juillet 2022 consid. 7.1). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_609/2021 du 5 juillet 2022 consid. 7.1; 4A_143/2021 du 31 août 2021 consid. 12.1). Le juge tient compte de la situation présente au moment de son prononcé, telle qu'elle ressort des faits allégués et prouvés conformément aux règles du procès civil (arrêts du Tribunal fédéral 4A_609/2021 du 5 juillet 2022 consid. 7.1; 4A_143/2021 du 31 août 2021 consid. 12.1).
Pour des locaux commerciaux, le congé a notamment des conséquences pénibles si l'existence de l'entreprise qui les exploite est mise en péril, ou bien si son déménagement implique des autorisations administratives difficiles à obtenir et/ou des travaux longs à réaliser, ou encore si des locaux comparables, du point de vue de la surface et de l'emplacement, ne sont guère disponibles sur le marché. (Lachat, Le bail à loyer, p. 1002).
4.2 En l'espèce, l'appelante n'a pas établi qu'elle risquait concrètement de perdre une partie importante de sa clientèle si son arcade n'était plus située à la rue 1______. S'agissant d'une clientèle internationale, par opposition à une clientèle de quartier, un autre emplacement de prestige au centre-ville devrait en principe convenir, comme par exemple un local proche des hôtels de luxe situés autour de la rade.
Il ressort de plus du dossier que le prix que l'appelante est prête à payer pour son arcade ne correspond pas aux prix du marché pour un local du type qu'elle recherche, situé à la rue 1______ ou à proximité immédiate. Il lui incombe dès lors d'adapter ses critères de recherche et ses exigences géographiques aux possibilités concrètes du marché.
Ceci précisé, il ressort du dossier que l'appelante n'est pas restée inactive et a effectué de nombreuses recherches, mandatant notamment deux courtiers. Au regard de la date de fin du bail, prévue pour mars 2025, le fait qu'elle ait entamé ses démarches en novembre 2023, n'est pas manifestement tardif. Compte tenu de la longue durée du bail, conclu en 2005, il convient de lui accorder un temps d'adaptation suffisant pour lui permettre de sonder toutes les différentes possibilités du marché et d'adapter ses exigences en conséquence. La durée de la prolongation fixée par le Tribunal semble trop brève sous cet angle, et ce même en tenant compte du fait que l'appelante a bénéficié d'un long délai de congé (de juin 2023 à mars 2025).
L'intimée pour sa part n'a pas établi qu'elle devait impérativement recouvrer l'usage de son bien à bref délai, même si elle a un intérêt légitime à concrétiser à terme les travaux pour lesquels elle dispose d'une autorisation délivrée en juillet 2023.
Compte tenu de toutes les circonstances, l'octroi d'une unique prolongation de bail d'une durée de trois ans, arrivant à échéance au 31 mars 2028, paraît appropriée en l'espèce.
Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera dès lors modifié en ce sens.
5. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).
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La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 4 juin 2025 par A______ SA contre le jugement JTBL/420/2025 rendu le 28 avril 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15909/2023.
Au fond :
Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :
Accorde à A______ SA une unique prolongation de bail de trois ans arrivant à échéance au 31 mars 2028.
Confirme le jugement querellé pour le surplus.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence MIZRAHI, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.