Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1056/2025 du 06.08.2025 sur JTBL/1246/2024 ( SBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/17597/2024 ACJC/1056/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MERCREDI 6 AOÛT 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée c/o Mme B______, ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 décembre 2024, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
FONDATION C______, domiciliée c/o M. D______, E______ [agence immobilière], ______, intimée, représentée par F______ [agence immobilière].
A. Par jugement JTBL/1246/2024 du 18 décembre 2024, expédié aux parties le 9 avril 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clairs, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle le studio situé au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé la FONDATION C______ à requérir l'évacuation par la force publique de la précitée dès le 1er février 2025 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).
Le Tribunal a considéré que les parties avaient conclu un contrat de durée déterminée, lequel avait pris fin le 30 juin 2024. Depuis cette date, A______ ne disposait plus de titre juridique l'autorisant à rester dans le studio, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Les premiers juges ont accordé à la précitée un sursis humanitaire au 30 (recte 31) janvier 2025, correspondant au délai de départ accepté à l'audience par la FONDATION C______ (ci-après : la FONDATION). Il ne se justifiait pas de lui octroyer un délai de plus longue durée, compte tenu du temps dont A______ avait bénéficié depuis la fin du bail et du sursis accordé, et du fait qu'elle n'avait pas démontré avoir recherché une solution de relogement.
B. a. Par acte déposé le 16 avril 2025 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 2 du dispositif du jugement précité. Elle a conclu à ce que la Cour lui accorde un sursis humanitaire jusqu'au 31 juillet 2025.
b. Dans sa réponse du 25 avril 2025, la FONDATION a conclu au rejet du recours.
c. Par arrêt ACJC/567/2025 du 29 avril 2025, la Cour a rejeté la requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement.
d. Par arrêt ACJC/641/2025 du 19 mai 2025, la Cour a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la demande de reconsidération formée par A______ contre l'arrêt précité.
e. A______ n'ayant pas répliqué, les parties ont été avisées par plis du greffe du 28 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Le 5 décembre 2022, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un studio situé au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no.______, à Genève.
Le contrat a été conclu pour une durée d'un an et six mois, du 1er janvier 2023 au 30 juin 2024, et précisait expressément que le bail était non renouvelable. La mention pré-imprimée selon laquelle le renouvellement se faisait selon l'art. 2 des Conditions générales et Règles et usages locatifs a été tracée.
L'attention de A______ a été attirée sur le fait que la FONDATION avait entamé des démarches dans le but de surélever l'immeuble et de procéder à la rénovation des parties communes, les travaux devant être réalisés dans le courant de l'année 2023, pour une durée d'environ dix-huit mois.
Le montant du loyer et des charges a été fixé à 794 fr. par mois.
b. Par courrier du 14 juin 2024, la FONDATION a rappelé à A______ que le bail prenait fin au 30 juin 2024 et lui a demandé de libérer les locaux à cette date.
c. A______ n'a pas restitué le studio.
d. Le 26 juillet 2024, la FONDATION a saisi le Tribunal d'une requête en évacuation, assortie de mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation, par la procédure en protection de cas clairs. Elle a également requis la condamnation de A______ à lui verser un montant de 794 fr. par mois depuis le 1er juillet 2024 jusqu'à la date de restitution des locaux, à titre d'indemnité pour occupation illicite.
e. A l'audience du Tribunal du 25 novembre 2024, la FONDATION a persisté dans ses conclusions. Elle a exposé que A______ avait initialement été sous-locataire du studio, puis un contrat de durée déterminée avait été conclu avec elle. Il lui avait été précisé qu'elle devrait quitter le logement en raison de travaux qui étaient prévus dans l'immeuble. Le chantier avait pris du retard, mais avait désormais débuté, des échafaudages ayant déjà été installés. Le départ de l'intéressée était nécessaire, bien qu'un délai au 30 janvier 2025 puisse lui être accordé.
A______ a admis savoir que des travaux étaient prévus, mais a déclaré qu'elle n'avait pas de solution de relogement et qu'elle ne comprenait pas quelle était l'urgence à l'évacuer. Elle a également relevé qu'il n'était pas démontré que les travaux avaient débuté.
Elle a produit des pièces, dont notamment des photographies de portes palières dans l'immeuble comportant des noms d'occupants, de même que des demandes de logements auprès des Fondations immobilières de droit public et de la fondation de la Ville de Genève pour le logement social datant de 2024, ainsi qu'un certificat médical établi le 1er mai 2023. Elle émargeait à l'aide sociale. Elle a requis l'octroi d'un délai humanitaire de huit mois.
La FONDATION a exposé que deux locataires, étudiantes, quitteraient leur logement respectif quelques semaines plus tard, à la fin de leur semestre. S'agissant du 3ème locataire, son départ avait également été requis.
La cause a été gardée à juger au terme de l'audience.
f. Le Tribunal a rendu un jugement non motivé le 19 décembre 2024.
g. A______ a demandé la motivation du jugement.
1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).
1.2 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).
En l'espèce, la recourante conteste les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, de sorte que la voie du recours est ouverte.
Le recours est recevable, pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC).
1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
1.4 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC).
2. La recourante reproche au Tribunal de lui avoir accordé un sursis humanitaire insuffisant et d'avoir violé le principe de proportionnalité.
2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un sous-locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).
En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Le juge ne peut cependant pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès; le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie expulsée (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).
L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.
S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).
2.2 En l'espèce, il est constant que les parties ont conclu un contrat de bail de durée déterminée, au 30 juin 2024. La recourante ne dispose ainsi plus de titre l'autorisant à occuper le studio depuis le 1er juillet 2024, ce qui n'est pas remis en cause.
La recourante cite un arrêt ACJC/12790/2018, lequel n'existe pas.
Dans l'arrêt ACJC/123/2017 du 6 février 2017, des circonstances particulières avaient été prises en considération pour l'octroi d'un sursis, soit notamment le fait que ce délai permettait à l'enfant des locataires de finir son année scolaire dans l'établissement qu'il fréquentait avant d'avoir à déménager. La situation de la recourante n'est pas similaire, dès lors qu'elle vit seule dans le studio en cause et qu'elle n'a pas allégué avoir d'enfant.
Dans l'ACJC/213/2012 du 20 février 2012, le locataire avait démontré avoir effectué des recherches sérieuses pour se reloger. Or, et contrairement à ce que soutient la recourante, il ne peut être considéré qu'elle avait entrepris des démarches régulières et sérieuses en vue de trouver un nouveau logement. Elle n'a en effet versé que deux inscriptions, datant de l'année 2024. Elle allègue qu'il s'agirait de renouvellement d'inscriptions, sans en apporter la preuve. Ces deux inscriptions sont donc insuffisantes.
La recourante allègue souffrir d'affections médicales, sans autre précision. Elle n'a toutefois pas produit d'attestation ou de certificat médical récent, mentionnant les problèmes de santé qu'elle rencontrerait, le certificat médial versé à la procédure datant du 1er mai 2023.
La recourante soutient qu'il ne serait pas urgent qu'elle libère le studio, l'intimée n'ayant pas démontré que les travaux auraient débuté dans l'immeuble. Ce grief est sans portée. D'une part, elle a admis savoir que des travaux étaient envisagés, lors de la conclusion du bail, son attention ayant par ailleurs été attirée sur cette circonstance. D'autre part, le contrat a été conclu pour une durée limitée et fixe.
La recourante n'a pas non plus saisi le Tribunal d'une requête en prolongation de bail, ce qu'il lui était loisible de faire.
Ainsi, la recourante ne peut se prévaloir d'aucun motif humanitaire, tel que l'âge, la maladie ou de grandes difficultés. Le seul fait qu'elle émarge à l'aide sociale ne l'empêche pas de trouver une solution de relogement.
En accordant un sursis humanitaire d'un peu plus d'un mois, le Tribunal a correctement appliqué le principe de proportionnalité.
Enfin, il sera souligné que la recourante a, au jour du prononcé du présent arrêt, bénéficié d'une année d'occupation de fait du studio depuis la fin du contrat.
2.3 Par conséquent, le recours, infondé, sera rejeté.
3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2025 par A______ contre le jugement JTBL/1246/2024 rendu le 18 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17597/2024‑17-SD.
Au fond :
Le rejette.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE, Monsieur
Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.