Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/600/2025 du 08.05.2025 ( SBL )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/21123/2024 ACJC/600/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 8 MAI 2025 |
Entre
Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______, recourants contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 4 avril 2025, représentés par
Me Christian de PREUX, avocat, rue de la Fontaine 5, case postale 3398, 1211 Genève 3,
et
C______, [association] sise ______, intimée, représentée par [la régie immobilière] D______.
Vu, EN FAIT, la procédure C/21123/2024, pendante devant le Tribunal des baux et loyers, en évacuation et en paiement de divers montants, ainsi qu'en libération de la garantie de loyer;
Vu l'ordonnance OTBL/63/2025 rendu le 4 avril 2025 par le Tribunal des baux et loyers, ordonnant la division de la cause C/21123/2024 sous les références C/21123/2024 et C/1______/2025 et attribuant à la cause C/21123/2024 la conclusion en évacuation et à la cause C/1______/2025 l'ensemble des autres conclusions de la demande du 20 décembre 2024 et des conclusions prises par courriers des 6 et 20 février 2025;
Que le Tribunal a notamment considéré que la conclusion en évacuation relevait de la procédure simplifiée alors que les conclusions en paiement, lesquelles dépassaient la somme de 30'000 fr., étaient soumises à la procédure ordinaire;
Vu le recours formé le 2 mai 2025 à la Cour de justice par les locataires contre cette décision, sollicitant l'annulation de la décision déférée;
Vu la requête tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance querellée dont le recours est assorti, les locataires faisant en substance valoir subir un préjudice difficilement réparable, tant d'un point de vue procédural que du point de vue de leurs droits fondamentaux, en particulier le droit au logement et le droit garanti des enfants à un développement équilibré; que la disjonction avait pour conséquence d'isoler les conclusions en évacuation (portant sur le logement familial) des autres conclusions du litige, précipitant ainsi toute décision d'évacuation; que l'absence d'octroi de l'effet suspensif au recours aurait pour conséquence de permettre au Tribunal de "statuer de manière anticipée sur la requête en évacuation", sans que les points litigieux ne soient traités préalablement par le Tribunal;
Vu les déterminations de la bailleresse du 7 mai 2025 sur effet suspensif et sur le fond, selon lesquelles elle a conclu au refus de restitution de l'effet suspensif et à l'irrecevabilité du recours;
Que les parties ont été avisées par plis du greffe du 8 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif;
Considérant, EN DROIT, que la décision querellée est une ordonnance d'instruction (art. 124 CPC), susceptible du seul recours, recours dont la recevabilité est subordonnée à l'existence d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC);
Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise (art. 325 al. 1 CPC);
Que la Cour peut, sur requête, en suspendre le caractère exécutoire si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 325 al. 2 CPC);
Qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5; 5A_419/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.1.2);
Que, selon les principes généraux, l'autorité procède à une pesée des intérêts en présence et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);
Que constitue un « préjudice difficilement réparable » au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure; que l'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : qu'il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 22 ad art. 319 CPC);
Qu'en d'autres termes, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement, puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond; qu'il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre; qu'on retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, op. cit., n. 22 et 22a ad art. 319 CPC);
Considérant, qu'en l'espèce, l'ordonnance querellée ordonne la division de la cause, les conclusions en évacuation faisant ainsi l'objet d'une cause séparée; que les deux causes ne seront plus soumises à la même procédure, ce qui est de nature à rendre plus difficile la situation procédurale des recourants; que l'existence d'un préjudice difficilement réparable est, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, rendue vraisemblable;
Qu'en l'absence de restitution de l'effet suspensif, la procédure d'évacuation pourrait suivre sa voie et une décision rendue à brève échéance, sans que le présent recours ne soit tranché; que les recourants ont rendu vraisemblable un risque de préjudice difficilement réparable;
Qu'en conséquence, il se justifie de suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise.
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La Présidente de la Chambre des baux et loyers :
Statuant sur la suspension de l'effet exécutoire :
Suspend l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance OTBL/63/2025 rendue le 4 avril 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21123/2024.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Victoria PALAZZETTI.
Indications des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.