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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/10860/2021

ACJC/1134/2024 du 16.09.2024 sur JTBL/709/2023 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 21.10.2024
Normes : CO.271
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10860/2021 ACJC/1134/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 septembre 2023, représentée par Me Christophe GAL, avocat, 100, rue du Rhône, 1204 Genève.

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par l'ASLOCA, 12, rue du Lac, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/709/2023 du 5 septembre 2023, reçu par les parties le 12 septembre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a annulé le congé notifié le 7 mai 2021 par A______ SA à B______ pour le 31 décembre 2021 portant sur une surface commerciale d’environ 94 m2 au quatrième étage de l’immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève (ch. 1), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 12 octobre 2023 à la Cour de justice, A______ SA forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut principalement à ce que la Cour constate la validité du congé, ordonne l’exécution directe du jugement d’évacuation par voie d’huissier judiciaire et/ou par la force publique, constate que depuis le 1er janvier 2022 B______ est débiteur envers elle d’indemnités pour occupation illicite à hauteur de 1'840 fr. par mois et le condamne à les payer jusqu’à restitution des locaux.

b. Dans sa réponse du 16 novembre 2023, B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ SA a répliqué le 21 décembre 2023 et B______ a dupliqué le 30 janvier 2024. Les parties ont persistées en leurs conclusions.

d. Elles ont été avisées le 29 février 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ loue depuis le 1er janvier 2012 une surface commerciale d'environ 94 m2 au quatrième étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève. Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans sauf résiliation respectant un préavis de six mois. Le loyer a été fixé à 18'840 fr. par an auxquels s’ajoute un acompte provisionnel annuel pour frais de chauffage, eau chaude et climatisation de 2'280 fr. Les locaux sont destinés à l’exploitation d’un cabinet médical.

b. A______ SA a fait l’acquisition de l’immeuble au début de l’année 2021. Sa gestion a alors été confiée à la régie C______ (ci-après : la régie). A cette occasion, D______, représentant de la régie et E______, architecte, ont visité le cabinet médical afin d’informer A______ SA de l’opportunité de rénover ou surélever l’immeuble. Ils y ont vu un lit ou un canapé-lit dans la petite cuisine, une douche, de la nourriture et des habits.

c. A la suite de cette visite, la régie a obtenu des attestations de domicile de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM) indiquant que B______ et son épouse F______ étaient domiciliés à l'adresse du cabinet médical.

d. Par avis officiel du 7 mai 2021, la régie a résilié le bail pour sa prochaine échéance au 31 décembre 2021. Cette résiliation était motivée par la domiciliation de B______ et F______ dans les locaux loués qui avaient une destination commerciale et non une destination de logement.

e. Par requête du 7 juin 2021, B______ a conclu à l’annulation du congé, subsidiairement à l’octroi d’une prolongation de bail de 6 ans. Cette requête a été déclarée non conciliée par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers et portée devant le Tribunal le 28 janvier 2022.

f. Par mémoire réponse et demande reconventionnelle du 19 avril 2022, A______ SA a conclu, sur demande principale au constat de la validité du congé et, sur demande reconventionnelle, à l'évacuation du locataire avec mesures d'exécution directe.

g. Par réponse sur demande reconventionnelle du 19 avril 2022, B______ a conclu à ce que A______ SA soit déboutée de toutes ses conclusions.

B______ a notamment produit des photographies du cabinet médical qu’il exploite rue 1______ no. ______, de la boîte aux lettres et du parking de la villa qu'il occupe en France, des factures adressées à son nom et à celui de son épouse à leur adresse en France, une attestation d'EDF selon laquelle il est titulaire d'un contrat pour le logement se situant en France, des avis de taxation français établis à son nom et à son adresse en France, des bilans de l'exploitation de son cabinet médical démontrant que celui-ci est bien exploité, un courrier de l'OCPM du 17 février 2015, selon lequel ses enfants étaient à nouveau enregistrés à Genève à l'adresse de domiciliation no. ______, rue 1______, et un second courrier de l'OCPM du 8 février 2019 intitulé "votre situation domiciliaire" faisant référence à un échange de courriers et demandant à B______ de transmettre à l'office la réponse de sa régie. Dans un courrier adressé au Tribunal le 9 novembre 2022, B______ a expliqué qu'il avait appris, après s'être domicilié avec sa famille dans la villa qu'il avait acquise en France, que ses trois enfants ne pourraient plus fréquenter l'école en Suisse. Il avait alors domicilié toute sa famille à l'adresse de son cabinet médical tout en avertissant les autorités que sa famille n'habitait pas le local commercial et que l'adresse était utilisée uniquement pour des questions administratives. Il avait informé de cette démarche l’ancienne régie, qui ne s’y était pas opposée.

h. Lors de l’audience du Tribunal du 31 mars 2023, B______ a indiqué qu’il habitait en France à G______, mais avait gardé son adresse officielle à Genève afin que ses enfants continuent leur scolarité en Suisse. Ceux-ci habitaient avec lui en France et il était impossible que cinq personnes vivent dans son cabinet médical de la rue 1______.

i. Lors des audiences du Tribunal du 31 mars et du 23 juin 2023, sept témoins ont été entendus. H______, I______, J______ et K______ ont déclaré que les locaux loués étaient le cabinet médical de B______ où ils s’étaient rendus en qualité de patients. H______, J______ et K______ ont également confirmé avoir été invités en France voisine dans la villa où B______ habitait. L______, employée de la régie, a indiqué qu’elle n’avait pas trouvé dans le dossier de B______ un document autorisant celui-ci à domicilier sa famille dans les locaux loués. D______, gérant d’immeubles auprès de la régie, a indiqué avoir visité les locaux litigieux et y avoir vu dans la partie arrière une espèce de cuisine et un endroit pour dormir. Il s’agissait d’un lit ou un canapé-lit. Il ne se rappelait pas avoir vu des affaires personnelles. E______, architecte, a déclaré avoir visité les locaux avec D______. Il s’était dit que les locaux étaient partiellement habités côté cour, car il avait constaté la présence d’une douche, d’un canapé-lit, de nourriture et d’habits.

j. Le 23 juin 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions lors des plaidoiries finales devant le Tribunal. Selon le jugement entrepris, A______ SA a exposé à cette occasion qu’elle ne pouvait tolérer le fait que B______ utilise l’adresse des locaux loués dans le seul but de tromper les autorités. Le Tribunal a ensuite gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exception, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du local litigieux, charges comprises, s'élève à 21'120 fr.

En prenant en compte la période de protection de trois ans d’une part, et la reconduction du bail de cinq ans en cinq ans d’autre part, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

2. Le Tribunal a retenu que le motif du congé résidait dans le fait que le locataire et son épouse étaient domiciliés à l’adresse du cabinet médical, alors que les locaux n'étaient pas destinés à l’habitation. L’intimé avait démontré à satisfaction de droit que la domiciliation de sa famille à l’adresse de son cabinet médical était uniquement motivée pour des raisons administratives et que toute sa famille habitait en France voisine. L’intimé avait également démontré que les locaux loués étaient bel et bien exploités en tant que cabinet médical. La problématique de la domiciliation de l’intimé ne relevait pas de la relation entre le bailleur et le locataire.

L’appelante reproche au Tribunal d’avoir omis de retenir que E______ et D______ avaient tous deux constaté que les locaux étaient habités, à tout le moins partiellement. Les témoignages des quatre patients de l’intimé n’éteint pas probants, car aucun d’entre eux n’avaient rencontré les membres de la famille de ce dernier dans sa villa de G______. Les avis de taxation dont faisait état le Tribunal dans la partie en fait du jugement entrepris étaient antérieurs à la résiliation litigieuse et portaient sur la taxe d'habitation et la taxe foncière qui sont également prélevées pour les résidences secondaires. Enfin, les attestations de l’OCPM prouvaient que l’intimé ne faisait pas un usage conforme des locaux.

2.1. L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.2. La Cour constate en l’espèce que les photographies versées à la procédure n’établissent pas la présence d’une douche dans les locaux loués contrairement à ce qu’a indiqué E______. En tout état de cause, ce seul élément ne suffit pas à admettre que l'intimé est domicilié dans son cabinet médical. Selon ces mêmes photographies, la cuisine et l’endroit pour dormir décrits par D______ consistent en un four micro-ondes et une banquette dans la pièce côté cour. L’intimé a confirmé qu’il s’agissait d’un petit sofa où il lui arrivait de se reposer et de boire le café, ce qui n’est pas suffisant pour retenir que l’intimé ou des membres de sa famille habiteraient effectivement dans le cabinet médical.

Les quatre témoins entendus par le Tribunal sur requête de l’intimé ont de plus confirmé que ce dernier habitait en France. Trois d’entre eux ont indiqué s’être rendus sur place et J______ a déclaré avoir réalisé des travaux de peinture dans la chambre de la fille de l’intimé. Le fait qu’aucun des témoins n’ait rencontré la famille de l’intimé sur place ne suffit pas à établir qu’un membre de la famille habiterait dans le cabinet médical. De même, le fait que les avis de taxation français produits par l’intimé portent sur la taxe foncière et la taxe d’habitation, également perçues pour les résidences secondaires, ne prouvent pas non plus que le cabinet médical ait effectivement été affecté, ne serait-ce que partiellement, au logement de l’intimé et de sa famille.

De plus, les avis de taxation produits par l’intimé sont effectivement antérieurs à la résiliation litigieuse, ce qui n’est pas critiquable. Au contraire, ceux-ci démontrent que la situation dont se prévaut l’intimé existait déjà avant la survenance du litige entre les parties.

Enfin, les attestations de l’OCPM indiquant que l’intimé et son épouse sont domiciliés à l’adresse des locaux loués ne suffisent pas à établir que l’intimé ou sa famille ait effectivement habité dans les locaux litigieux. L’intimé a exposé de manière convaincante que cette domiciliation visait exclusivement à permettre à ses enfants de poursuivre leur scolarité à Genève, malgré leur déménagement en France, ce que l’appelante a implicitement reconnu lors des plaidoiries finales en indiquant que les locaux étaient utilisés pour domicilier fictivement l’intimé, son épouse et ses trois enfants.

Ce grief sera donc écarté et le jugement confirmé sur ce point.

3. Dans un second grief, l’appelante reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort que le congé du 7 mai 2021 était dépourvu de motif valable. La résiliation était motivée par l’affectation partielle des locaux loués à l’habitation, alors que leur destination était contractuellement limitée à l'exploitation d'un cabinet médical. De plus, les locaux étaient également utilisés pour domicilier fictivement en Suisse l’intimé, son épouse et leurs trois enfants.

3.1. En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (comme optimiser son rendement dans les limites fixées par la loi; ATF 136 III 74 consid. 2.1; 120 II 105 consid. 3b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.1 et 5.2.3, non publiés in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.3; 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2, non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_19/2016 précité consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 120 II 105 consid. 3; sur les cas typiques d'abus de droit, cf. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsqu'il consacre une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).

Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 précité consid 2.2).

Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé (cf. art. 271 al. 2 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2022 du 24 juin 2022, consid. 3.1).

Pour être conformes aux règles de la bonne foi, les motifs du congé doivent être vrais (Lachat/Grobet-Thorens/Rubli/Stastny, Le bail à loyer, 2ème édition, 2019, Lausanne, p. 955). Le bailleur est lié par les motifs qu'il a donnés, mais il peut toujours compléter sa motivation ultérieurement, étant précisé que, pour déterminer la validité de la résiliation, le juge doit se placer au moment où celle-ci a été notifiée (ACJC/498/2022 du 11.04.2022 consid. 2.1; Conod, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd. 2017, n. 41 et 47 ad art. 271 CO).

3.2. En l’espèce, il résulte du dossier que l’intimé a démontré qu’il habite avec sa famille en France voisine et que les locaux sont effectivement exploités en tant que cabinet médical conformément à leur destination. Le fait qu’un canapé-lit, de la nourriture et des habits se trouvent dans la cuisine est parfaitement normal, l’intimé étant en droit de se reposer et de se restaurer entre deux consultations de patients.

Le motif du congé, à savoir le fait que l’intimé n’exploitait pas les locaux conformément à leur destination n’est donc pas vrai. Conformément à la jurisprudence, le Tribunal pouvait dès lors retenir que le congé n’était pas conforme aux règles de la bonne foi.

Ce n’est qu’au stade des plaidoiries finales que l’appelante a allégué pour la première fois qu’elle ne pouvait tolérer que les locaux servent également à « tromper les autorités administratives ».

Or l’appelante a initialement motivé son congé par l’utilisation partielle des locaux à des fins d’habitation. Alléguer par la suite que la résiliation a été signifiée, car les locaux servent à « tromper les autorités administratives » en permettant à l’intimé et son épouse de se domicilier administrativement à Genève, n’est pas une simple précision de la motivation antérieure de l’appelante, mais un motif nouveau qui ne saurait être retenu. Ce nouveau motif invoqué pour la première fois au stade des plaidoiries finales est tardif. Comme l’a relevé le Tribunal, cette question n’est au demeurant pas pertinente pour l’issue du litige, car elle relève de la relation entre l’intimé et l’administration. Le bailleur ne saurait dès lors s’en prévaloir pour justifier la résiliation de bail litigieuse.

Ce grief sera donc également écarté et l’annulation de la résiliation confirmée.

4. Vu l’annulation du congé, l’appelante sera également déboutée de ses conclusions en évacuation de l’intimé et en condamnation en paiement d’indemnité illicite.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 octobre 2023 par A______ SA contre le jugement JTBL/709/2023 rendue le 5 septembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10860/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.