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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1902/2022

ACJC/627/2024 du 22.05.2024 sur JTBL/625/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1902/2022 ACJC/627/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 22 MAI 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 août 2023, représenté par Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/625/2023 du 4 août 2023, reçu le 10 août par A______, le Tribunal des baux et loyers a débouté ce dernier de toutes ses conclusions en tant que la demande était fondée sur le contrat de bail à loyer (ch. 1 du dispositif), débouté B______ de ses conclusions reconventionnelles en tant que la demande était fondée sur le contrat de bail à loyer (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié le 1er septembre 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut principalement à ce que la Cour constate l'inefficacité de la résiliation du 13 janvier 2022 du contrat de bail le liant à B______ – subsidiairement annule celle-ci – et rejette intégralement la demande reconventionnelle.

b. B______ conclut principalement à la confirmation du jugement entrepris.

Subsidiairement, elle conclut, sur demande principale, au rejet de la demande tendant à constater l'inefficacité de la résiliation du contrat de bail du 20 juin 2022, déclare efficace, respectivement valable, le congé notifié à A______ par avis du 13 janvier 2022 avec effet au 28 février 2022 et, sur demande reconventionnelle, à ce que la Cour condamne A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], cela fait transmettre le dossier au Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour le prononcé des mesures d'exécution de l'évacuation.

Elle produit deux pièces nouvelles, soit les conclusions d'une demande en exécution du 22 mai 2023 déposée par A______ à son encontre auprès du Tribunal de première instance (tendant à ce que la vente de la villa soit ordonnée) et une ordonnance de ce dernier du 21 septembre 2023.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Il a produit une pièce nouvelle, soit la demande en exécution du 22 mai 2023 dans son intégralité.

d. B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Par avis du 29 janvier 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.


 

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ est propriétaire de la villa sise chemin 1______ no. ______ à C______.

L'acquisition de cette villa a été rendue possible grâce à deux prêts de 406'840 fr. et de 19'000 fr. à un taux d'intérêt nul consentis le 22 février 2018, respectivement le 22 mai 2018, par A______ à B______. Après avoir initialement convenu d'un remboursement intégral au 28 février 2028, les parties se sont mises d'accord pour que celui-ci intervienne uniquement lors de la vente de la villa, sans limite temporelle.

b. Début 2018, A______ s'est installé dans cette villa avec B______.

c. Les parties se sont séparées à une date ne ressortant pas précisément de la présente procédure, toutes deux restant toutefois vivre dans la villa.

d. Par courriel du 7 avril 2021, B______ a reproché à A______ les agissements suivants: caméras cachées, harcèlements verbaux à répétition, écrits diffamatoires et humiliants, enregistrements à son insu et menace avec un couteau. Dans la mesure où il ne contrôlait pas sa colère et où il refusait toute discussion, une cohabitation n'était plus possible. A______ était ainsi prié de quitter la villa dans un délai de deux semaines. Il était également informé du fait que B______ avait commencé à rembourser son prêt par un virement de 17'925 fr.

e. Le 24 mai 2021, B______ a proposé à A______ un plan de remboursement de sa dette, lequel était soumis à la condition que ce dernier quitte la maison litigieuse.

f. Par pli du 30 septembre 2021 adressé à A______, B______ a mentionné des dissensions opposant les parties depuis plusieurs mois s'agissant de l'occupation de la villa et a indiqué que l'hébergement de A______ dans la villa était indépendant du contrat de prêt et découlait uniquement de la relation de couple qu'ils entretenaient à l'époque. B______ estimait solliciter ainsi légitimement le départ de A______ de la villa depuis leur séparation.

g. A______ a répondu le 5 octobre 2021 qu'il appartenait à B______ de respecter ses engagements financiers. En effet, si leur cohabitation ou relation de couple devait se terminer pour une raison quelconque, B______ s'était engagée à mettre la maison en vente immédiatement; ils devaient alors récupérer chacun leur mise de départ et partager la plus-value par moitié en soustrayant les frais occasionnés par la vente (bien estimé à 1'600'000 fr.). A la suite de leur séparation, B______ avait bien fait venir un agent immobilier dans le but de mettre la maison en vente, mais, n'ayant pas trouvé un autre logement à acheter, elle avait décidé unilatéralement de modifier leur contrat et de garder la maison en proposant des termes de remboursement irréalistes et sans échéances précises. A______ était d'accord de quitter les lieux dans les plus brefs délais à la condition que le montant qui lui revienne soit égal à celui du produit de la vente susmentionné. Il avait besoin de la somme complète avec plus-value comme convenu afin de pouvoir acquérir un bien de son côté et non d'un remboursement plus qu'aléatoire sans aucune garantie. Il persistait à rester dans la maison pour une raison bien simple, à savoir parce que B______ avait démontré à plusieurs reprises sa volonté de ne pas honorer ses engagements et il avait ainsi de sérieux doutes quant à son honnêteté envers lui. Il insistait donc pour que B______ mette la villa en vente sans délai afin d'honorer leur contrat.

Il a également relevé qu'il n'avait jamais été question du versement d'un loyer de sa part, car le prêt sans intérêt couvrait largement le montant d'un hypothétique loyer et était lié à une cohabitation des deux familles avec partage de tous les frais. Avaient ainsi été partagés depuis le début de la cohabitation les intérêts hypothécaires, l'assurance bâtiment, l'assurance-ménage et RC, les frais de rénovation du bâtiment et du jardin, ainsi que les charges (électricité, eau, mazout, bois de chauffage).

h. Par courriel du 24 novembre 2021 et courrier du 15 décembre 2021, B______ a demandé à A______ de quitter la villa, rappelant qu'il n'avait aucun droit d'habitation et relevant qu'elle avait pu lui rembourser un total de 223'765 fr. et que les espaces qu'il occupait dans la maison représentaient un manque à gagner important sur une location.

i. Le 3 janvier 2022, les parties ont échangé un certain nombre de courriels; B______ souhaitait que A______ quitte la maison et lui interdisait de rentrer chez elle, alors que ce dernier persistait à vouloir s'y rendre le soir même. Il lui indiquait notamment "rend[s-]moi mon argent et je pars, c'est pas plus compliqué !!!".

j. Par avis officiel du 13 janvier 2022, B______ a résilié le bail de A______ pour le 28 février 2022 en application de l'article 257f al. 3 CO, au motif que les conflits persistants et éreintants qui opposaient les parties rendaient la cohabitation impossible et invivable. L'état de santé de B______ s'était affaibli les semaines précédentes et elle ne pouvait plus continuer à partager son espace de vie de la sorte.

k. Sur demande de A______, B______ a précisé le motif du congé le 15 mars 2022, relevant que le comportement dévastateur de ce dernier envers elle et les rapports entre les parties s'étaient particulièrement aggravés depuis le mois d'avril 2021, ce qui avait conduit à rendre la cohabitation et le partage du logement insupportables. Or, malgré ses nombreuses demandes d'apaiser les tensions et de rétablir un climat serein, A______ avait persisté à manquer d'égards envers elle, notamment en exerçant des pressions psychologiques sur elle, en proférant des menaces à son encontre et en médisant à son sujet auprès de tiers.

l. Par courriel du 7 décembre 2022, adressé à un ami de A______, B______ a notamment indiqué qu'une seule chose les liait encore, à savoir un prêt. Elle lui avait demandé de quitter la maison, car il n'avait aucun droit de rester puisqu'aucun contrat, aucun bail n'existait. Elle sollicitait ainsi du destinataire du courriel qu'il aide A______ à quitter son domicile.

D.           a. Par requête du 28 janvier 2022, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 23 mai 2022 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 20 juin 2022, A______ a conclu, principalement, à l'inefficacité du congé et, subsidiairement, à son annulation.

Il a tout d'abord allégué qu'il avait été convenu entre les parties qu'il prendrait à bail une partie de la maison, soit notamment une chambre à coucher de 17 m2 au 1er étage avec accès à la salle de bains et aux parties communes, l'atelier de 17.6 m2 au rez-de-chaussée, une partie de l'abri antiatomique au sous-sol, une partie de la cabane de jardin, ainsi qu'une place de parking sous l'abri voiture. Le loyer versé consistait en une participation aux frais hypothécaires, aux assurances bâtiments, ménage et RC, ainsi qu'aux charges et frais accessoires usuels. Il a ensuite contesté les accusations portées contre lui par B______ et a considéré que les conditions d'application de l'article 257f al. 3 CO n'étaient pas remplies.

b. Dans sa réponse et demande reconventionnelle du 21 octobre 2022, B______ a conclu, sur demande principale, au rejet de la demande et à l'efficacité, respectivement à la validation du congé et, sur demande reconventionnelle, à l'évacuation immédiate de A______ et à la transmission du dossier au Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'article 30 LaCC, pour le prononcé des mesures d'exécution de l'évacuation.

Elle a relevé que A______ avait fait pression sur elle après la séparation pour occuper seul leur ancienne chambre à coucher. Il liait son départ de la villa à la vente de cette dernière pour obtenir le remboursement du prêt accordé en 2018. Or, le prêt en question ne donnait aucun droit d'habitation. B______ avait demandé à plusieurs reprises à A______ d'arrêter de la harceler, sans succès. La situation était devenue à ce point invivable que le bail de fait - le rapport étant devenu contractuel entre les parties - avait été résilié.

Au sujet de l'allégué de A______ relatif au loyer, B______ a admis qu'il participait à divers frais en contrepartie de son hébergement et de l'usage d'un atelier, la somme versée étant de quelque 300 fr. par mois.

c. Lors de l'audience du 4 avril 2023, A______ a conclu au rejet de la demande reconventionnelle.

B______ a notamment déclaré que, lorsqu'ils avaient emménagé ensemble, il avait été décidé entre eux que A______ paierait la moitié des charges, soit la moitié de toutes les factures de la maison, comprenant l'électricité, le mazout, le bois, les factures des travaux nécessaires, à l'exception des intérêts hypothécaires, lesquels étaient très bas. A______ payait en moyenne 265 fr. par mois pour les charges. Elle lui avait proposé de lui rembourser son argent, car elle ne voyait que cette solution pour qu'il parte, mais il avait refusé. Elle avait finalement commencé à le lui rembourser pour pouvoir se libérer de lui, car il refusait de partir. Il lui restait 141'000 fr. à rembourser, montant qu'elle était en mesure de solder cette année. A______ occupait l'atelier à des fins professionnelles et venait dans la maison uniquement en son absence. Il n'y dormait plus. Il avait changé les serrures de l'atelier et mis une serrure sur la porte de la chambre qu'il occupait. Elle avait un locataire potentiel pour l'atelier. La banque serait d'accord de prolonger sa cédule hypothécaire ce qui lui permettrait de rembourser A______, mais pour cela elle devait démontrer qu'elle pouvait augmenter ses revenus, ce qui serait possible avec la location de l'atelier. Tout était ainsi lié. Son avocate lui avait dit que la situation était difficile à qualifier; pour B______, il n'y avait pas de bail, mais elle avait suivi les conseils et résilié le bail pour justes motifs.

A______ a quant à lui déclaré qu'il refusait de partir, car il était chez lui. Il considérait qu'ils avaient acheté la maison ensemble dans la mesure où il avait acheté la part du mari de B______, laquelle n'avait jamais voulu qu'il soit copropriétaire. Il se considérait comme locataire. Il versait plus de 600 fr. par mois, soit la moitié de tous les frais, comme un copropriétaire. Il considérait que les choses n'avaient pas été faites conformément à la loi et se plierait à une décision conforme à la loi. Tant que cette décision ne serait pas rendue, il resterait à la maison, dans laquelle il était la plupart du temps lorsqu'il lui était permis de rentrer chez lui. B______ lui avait effectivement remboursé une partie du prêt et il était d'accord de partir s'il recevait l'argent.

A l'issue de l'audience, la Tribunal a clôturé l'administration des preuves et fixé aux parties un délai au 15 mai 2023 pour déposer leurs plaidoiries finales écrites.

d. Dans leurs plaidoiries finales du 15 mai 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a notamment persisté à alléguer que A______ s'acquittait d'une somme mensuelle moyenne de 300 fr. à titre de participation à divers frais en contrepartie de son hébergement et de l'usage d'un atelier et que le rapport était devenu contractuel entre les parties.

e. Le 13 juin 2023, la cause a été gardée à juger.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu, sur la base de la théorie des faits doublement pertinents, qu'il était compétent pour se déterminer sur l'existence d'un contrat de bail, puisque A______ avait fondé ses conclusions sur l'existence d'un contrat de bail.

Après examen au fond, il a considéré que B______ s'acquittait seule des intérêts hypothécaires et que la moitié des charges relatives à l'utilisation du bien, dont A______ s'acquittait, ne constituait pas un loyer, dans la mesure où le paiement de ces frais ne représentait pas une contrepartie de la mise à disposition du bien par le bailleur, mais une participation aux frais, comme le prévoyait la disposition légale relative au prêt à usage de l'art. 307 al. 1 CO. Si A______ prétendait se considérer comme locataire, il estimait également avoir acheté la maison avec B______ et payer la moitié de tous les frais comme un copropriétaire. Quant à B______, s'il était fait mention dans ses écritures d'un bail tacite et de relations devenues contractuelles, elle avait indiqué en audience que pour elle, il n'y avait pas de bail, mais qu'elle avait suivi les conseils de son avocate et résilié le "bail". A______, à qui le fardeau de la preuve incombait, n'avait donc pas prouvé l'existence d'un accord sur le paiement d'un loyer, élément caractéristique du contrat de bail à loyer, de sorte que la conclusion d'un tel contrat ne pouvait être retenue. La villa litigieuse avait ainsi été mise à disposition à titre gratuit et les parties n'étaient pas liées par un contrat de bail, mais par un contrat de prêt à usage, de sorte que le Tribunal des baux et loyers n'était pas compétent à raison de la matière. La demande devait ainsi être rejetée.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, ou que le locataire requiert la constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé, la valeur litigieuse équivaut au loyer de la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné. Puisque la contestation émane du locataire, la durée déterminante pour le calcul de la valeur litigieuse ne saurait être inférieure à la période de trois ans pendant laquelle l'art. 271a al. 1 let. e CO consacre l'annulabilité d'une résiliation signifiée après une procédure judiciaire. (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_143/2023 du 10 octobre 2023 consid. 1; 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1).

En l'espèce, le montant payé par l'appelant à titre de "loyer" ne ressort pas clairement de la procédure. Ce dernier a en effet allégué un montant de l'ordre de 600 fr. et l'intimée, bien qu'elle ait évoqué une somme moyenne de 265 fr. en audience, a allégué tant dans sa réponse que dans ses plaidoiries finales que le paiement des frais était d'environ 300 fr. Ce dernier montant apparaît plus crédible que celui de 265 fr., puisqu'il a été évoqué plusieurs fois par l'intimée, y compris après qu'elle ait mentionné la somme de 265 fr. en audience, et qu'il se rapproche davantage du montant allégué par l'appelant. Le "loyer" étant d'au moins 300 fr., la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (300 fr. x 12 mois x 3 ans = 10'800 fr.), sans qu'il ne soit utile d'en déterminer le montant précis. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 Dans sa réponse à l'appel, l'intimée reformule, à titre subsidiaire, ses conclusions de première instance tant sur demande principale que sur demande reconventionnelle.

En tant que ses conclusions excèdent la simple confirmation du jugement entrepris, elles s'apparentent à un appel joint (ATF 121 III 420 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2012 du 27 mai 2013 consid. 4.1), lequel est admissible (art. 313 CPC). Sa recevabilité peut demeurer indécise au vu de l'issue du litige.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

1.5 La procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC ; ATF 142 III 402 consid. 2.5.4) et la maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a et let. b ch. 1 CPC).

2.             Les parties ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la clôture des débats principaux de première instance. En principe, ils sont toujours admissibles dans la procédure d'appel, s'ils sont invoqués ou produits sans retard dès leur découverte. Les faux nova sont les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Leur admission en appel est restreinte en ce sens qu'ils sont écartés si, la diligence requise ayant été observée, ils auraient déjà pu être invoqués ou produits en première instance. Celui qui invoque des faux nova doit notamment exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n'a pas pu invoquer ou produire ces faits ou moyens de preuves en première instance (ATF 143 III 42 consid. 5.3 in SJ 2017 I 460 et les références citées).

2.2 En l'espèce, la demande en exécution du 22 mai 2023 introduite par l'appelant à l'encontre de l'intimée est antérieure à la mise en délibération de la cause par le Tribunal. L'intimée n'expose toutefois pas les raisons pour lesquelles elle n'a pas pu produire cette pièce ni invoquer l'existence de cette procédure plus tôt, de sorte que ce moyen de preuve et le fait y relatif sont irrecevables. A fortiori, la même pièce, produite dans son intégralité par l'appelant, est également irrecevable.

Bien que l'ordonnance du Tribunal de première instance du 21 septembre 2023 soit postérieure au moment où la cause a été gardée à juger par le Tribunal des baux et loyers, elle vise à démontrer l'existence actuelle de la procédure précitée, soit un fait irrecevable. Il n'en sera dès lors pas tenu compte.

Ces trois pièces ne sont en tout état pas déterminantes pour l'issue du litige.

3.             L'appelant se plaint d'une constatation inexacte des faits.

3.1 Il reproche en premier lieu au Tribunal d'avoir omis de constater que le loyer versé par lui consistait en une participation aux frais hypothécaires, aux assurances bâtiment, ménage et RC, ainsi qu'aux charges et frais accessoires usuels, fait pourtant admis par l'intimée.

S'il est vrai que l'intimée a admis cet allégué "s'agissant d'une participation dérisoire de la partie demanderesse à divers frais en contrepartie du logement […]", la qualification de cette participation en "loyer" relève du droit et non du fait. Dans ces conditions, il ne peut être reproché aucune constatation inexacte des faits au Tribunal. Les positions respectives des parties à cet égard figurent néanmoins en tant que telles dans l'état de fait ci-dessus.

3.2 L'appelant reproche ensuite au Tribunal de ne pas avoir constaté que le loyer était également constitué d'une renonciation par lui à percevoir des intérêts pour le prêt accordé à sa bailleresse, ainsi que d'une participation aux frais de rénovation du bâtiment et du jardin.

S'agissant du premier élément, outre le fait qu'il n'a pas fait l'objet d'un allégué régulier en première instance, il n'est pas établi et peut être déduit uniquement du courrier du 5 octobre 2021 de l'appelant, dont le contenu figure tant dans l'état de fait du jugement entrepris que dans celui du présent arrêt. Aucune constatation inexacte des faits ne peut donc être reprochée aux premiers juges.

Il en va de même des frais de rénovation du bâtiment et du jardin, qui ressortent uniquement du courrier précité et n'ont pas été allégués régulièrement. Le contenu de ce courrier figure néanmoins dans l'état de fait du jugement querellé et du présent arrêt, de même que les déclarations de l'intimée au sujet des frais de travaux nécessaire auxquels l'appelant a participé. Partant, le Tribunal des baux et loyer n'a pas constaté les faits de manière inexacte.

4.             L'appelant reproche au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un contrat de bail le liant à l'intimée.

4.1.1 En vertu de l'art. 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.

La conclusion du contrat de bail est soumise aux règles générales des art. 1ss CO. La loi ne prescrit aucune forme pour le contrat de bail (art. 11 al. 1 CO). Il peut être conclu par écrit, oralement ou par actes concluants (art. 1 al. 2 CO; ATF 119 III 78 consid. 3c.; Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 203). Cela étant, pour que tel soit le cas les parties doivent manifester leur volonté de façon concordante sur tous les points essentiels du contrat (art. 1 CO). En matière de bail, le Tribunal fédéral a relevé que la conclusion d'un bail tacite ne doit être retenue qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2015 consid. 3.1.1 et 4.1; 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1). Dans l'analyse que doit conduire la juridiction, l'ensemble des circonstances doit être pris en compte (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 précité consid. 4.1; 4A_247/2008 du 19 août 2008, consid. 3.2.1).

Le loyer est en principe la contrepartie de toutes les prestations du bailleur (cession de l'usage, entretien de la chose dans l'état approprié, obligations accessoires). En plus du loyer, le locataire n'est redevable que des frais  accessoires et de l'accomplissement de ses propres obligations accessoires (Burkhalter/Martinez-Favre, Le droit suisse du bail à loyer, Commentaire, 2011, n. 4 ad art. 257-257b CO). L'accord des parties sur le loyer est un élément essentiel du contrat. A défaut, le bail n'est pas conclu (Burkhalter/Martinez-Favre, op. cit., n. 6 ad art. 257-257b CO).

Sans paiement d'un loyer, il n'y a pas de bail. Le "bail gratuit" est un contrat de prêt à usage (Lachat, op. cit., p. 67).

4.1.2 Selon l'art. 305 CO, le prêt à usage est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à céder gratuitement l'usage d'une chose que l'emprunteur s'engage à lui rendre après s'en être servi. L'emprunteur supporte les frais ordinaires d'entretien (art. 307 al. 1 première phrase CO).

L'entretien normal de la chose prêtée dépasse les menus travaux de nettoyage et de réparation. Par ses dépenses, l'emprunteur doit assurer non seulement l'entretien au sens étroit mais aussi le fonctionnement de l'objet prêté. L'étendue de l'obligation de l'emprunteur dans un cas concret dépend de la durée du prêt et de la valeur de la chose. En cas de prêt d'un bien immobilier, les frais accessoires tels que le chauffage ou l'eau chaude sont, sauf convention contraire, à charge de l'emprunteur. En revanche, des dépenses liées à la détention de la chose, telles que des taxes ou des primes d'assurance, qui ne constituent pas des frais ordinaires d'entretien, ne sont pas couvertes par cette règle et, toujours sauf convention contraire, doivent être supportées par le prêteur (Bovet/Richa, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 3 ad art. 307 CO).

4.1.3 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales - mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2019 précité consid. 5.3.1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure mais doit résulter de l'administration des preuves - qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2019 précité consid. 5.3.2).

4.1.4 Lors de l'examen de la compétence, que le juge effectue d'office in limine litis, les faits doublement pertinents sont réputés vrais et n'ont pas à être prouvés. En s'appuyant sur les allégués, moyens et conclusions du seul demandeur, le juge doit rechercher si ces faits sont concluants, i.e. permettent de déduire juridiquement la qualification de contrat de travail, respectivement de bail, et partant le for invoqué. Si, à ce stade déjà, il aboutit à la conclusion qu'un tel contrat ne peut être retenu, le juge doit déclarer la demande irrecevable. Dans le cas contraire, le procès se poursuit normalement et le juge procède à l'administration des preuves. Si, en examinant le fond de la cause, le juge réalise finalement qu'il n'y a pas de contrat de travail, respectivement de bail, il ne peut rendre un nouveau jugement sur la compétence mais doit rejeter la demande par une décision de fond, revêtue de l'autorité de chose jugée. Le cas échéant, il doit examiner si la prétention repose sur un autre fondement; en effet, en vertu du principe jura novit curia (cf. art. 57 CPC), un seul et même juge doit pouvoir examiner la même prétention sous toutes ses "coutures juridiques" (arrêts du Tribunal fédéral 4A_429/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1; 4A_84/2020 consid. 5.2; 4A_484/2018 consid. 5.2, 5.4 et 5.5).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que l'appelant n'avait pas prouvé l'existence d'un accord sur le paiement d'un loyer. La villa litigieuse avait donc été mise à disposition à titre gratuit, de sorte que les parties n'étaient pas liées par un contrat de bail mais par un contrat de prêt à usage, la participation aux divers frais du logement par l'appelant correspondant ainsi uniquement au paiement des frais d'entretien de la chose prêtée.

Selon l'appelant, la villa n'a pas été mise à sa disposition à titre gratuit, puisque le loyer consistait en une participation aux frais hypothécaires, aux assurances bâtiments, ménage et RC, aux frais de rénovation du bâtiment et du jardin, aux charges et frais accessoires usuels ainsi qu'à la renonciation à percevoir des intérêts du prêt accordé, ce qui dépassait "manifestement les frais ordinaires d'entretien de la chose".

Tout d'abord, la Cour relève que la participation aux frais hypothécaires n'est pas établie. L'intimée a certes admis la participation de l'appelant à divers frais, mais a expressément contesté, lors de l'audience du 4 avril 2023, que cette participation s'étendait aux intérêts hypothécaires. L'appelant n'a pas non plus démontré que la renonciation à percevoir des intérêts sur le prêt octroyé aurait été convenue en contrepartie de la mise à disposition du logement. Le contrat de prêt est en effet muet à cet égard et aucun élément du dossier ne permet d'établir ce fait – qui n'a au demeurant pas été allégué régulièrement en première instance (cf. supra consid. 3.2) – son courrier du 5 octobre 2021 dans lequel il exprime sa position sur ce point n'étant pas suffisant.

S'agissant de la participation aux autres frais, l'appelant n'expose pas pour quel motif le Tribunal aurait erré en retenant qu'elle correspondait au paiement des frais d'entretien de la chose prêtée conformément à l'art. 307 al. 1 CO, se contentant de soulever de manière toute générale que cela dépasserait "manifestement les frais ordinaires d'entretien de la chose" sans autre explication. En particulier et contrairement à ce qu'il soutient, les frais relatifs aux travaux ne peuvent pas être considérés comme excédant l'entretien ordinaire, en l'absence d'éléments sur leur montant et leur nature, étant rappelé que l'entretien ordinaire comprend et dépasse les menus travaux de nettoyage et de réparation.

Le reste de la procédure ne permet pas davantage de retenir que les parties se seraient mises d'accord sur le paiement des frais de la villa à titre de loyer, soit en contrepartie de la mise à disposition d'une partie du bien par l'intimée et aurait ainsi conclu un contrat de bail. Au contraire, il ressort du dossier, en particulier des échanges entre les parties des 30 septembre et 5 octobre 2021, que l'hébergement de l'appelant par l'intimée résultait de leur concubinage, dans le cadre duquel ils s'étaient entendus pour partager les frais communs. Une telle situation ne crée pas de facto un rapport de bailleur-locataire entre les concubins. L'appelant a d'ailleurs précisé dans son courrier du 5 octobre 2021 qu'il n'avait jamais été question du versement d'un loyer.

On ne saurait considérer que le mode de fonctionnement des parties aurait changé du seul fait de leur séparation, aucun élément ne permettant de retenir qu'elles auraient alors eu la volonté de conclure un contrat de bail à loyer.

Au contraire et indépendamment de ce qu'elles affirment en procédure, il ressort de leurs échanges, soit notamment du courrier du 5 octobre 2021 et de l'échange de courriels du 3 janvier 2022, que l'appelant refuse de quitter la villa non pas en vertu de droits tirés d'un contrat de bail, mais afin de s'assurer du remboursement de son prêt par l'intimée et de l'obtention de prétentions financières qu'il estime avoir sur ce bien. De son côté, l'intimée a déclaré lors de l'audience du 4 avril 2023 que pour elle, il n'y avait pas de bail, et l'a également affirmé dans son courriel du 7 décembre 2022 adressé à un ami de l'appelant. Comprenant que ce dernier refusait de quitter la villa en raison du prêt, elle l'a également sommé de quitter ce bien en le rassurant sur ses divers paiements les 7 avril, 24 mai, 24 novembre et 15 décembre 2021 et en lui proposant en outre un plan de remboursement le 24 mai 2021, sans jamais évoquer de bail à loyer. En définitive, ce n'est qu'à partir de la notification de l'avis de résiliation du bail et l'intervention d'avocats dans leurs rapports que les parties ont commencé à évoquer un tel bail, sur lequel elles se focalisent en procédure. Cela ne permet toutefois pas d'établir l'existence d'une réelle et commune volonté des parties de se lier par un tel contrat, au vu des éléments qui précèdent, l'intimée ayant par ailleurs déclaré en audience qu'elle avait résilié le bail uniquement sur conseil de son avocate, utilisant manifestement n'importe quel moyen pour tenter d'obtenir le départ de l'appelant de sa propriété. Enfin et malgré la position qu'il adopte dans ses écritures, l'appelant ne semble pas non plus convaincu personnellement de l'existence d'un bail, puisqu'il a déclaré de manière ambivalente qu'il s'estimait à la fois copropriétaire et locataire de la villa litigieuse lors de l'audience du 4 avril 2023 et qu'il contribuait aux frais du logement comme un copropriétaire.

Au vu de ce qui précède, l'interprétation subjective révèle que les parties n'avaient pas de réelle et commune intention de se lier par un contrat de bail. A l'instar de ce qu'a retenu le Tribunal, le fait doublement pertinent - en l'occurrence l'existence d'un contrat de bail - n'ayant pas été prouvé, la demande doit être rejetée et non déclarée irrecevable.

Les premiers juges n'ont pas examiné si les prétentions présentées devant eux pouvaient se fonder sur un autre fondement juridique, tel que les droits réels. Faute de grief, il n'y a pas lieu d'examiner cette question, les parties persistant uniquement à faire valoir l'existence d'un contrat de bail à l'appui de leurs prétentions respectives.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

5.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er septembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/625/2023 rendu le 4 août 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1902/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC,
Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.