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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13454/2023

ACJC/589/2024 du 13.05.2024 sur JTBL/998/2023 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13454/2023 ACJC/589/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 13 MAI 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 novembre 2023, représentée par Me Sébastien LORENTZ, avocat, rue du Général-Dufour 22, case postale 315, 1211 Genève 4,

et

C______, domiciliée p.a. D______, ______ [GE], intimée, représentée par Me Zena GOOSSENS-BADRAN, avocate, avenue Léon-Gaud 5, case postale, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/998/2023 du 23 novembre 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l'appartement de 3 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'échéance d'un délai de trois mois après l'entrée en force du jugement (ch. 2), précisé que l'évacuation portant sur un logement, l'exécution du jugement par la force publique devrait être précédée de l'intervention d'un huissier judiciaire (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

Il est mentionné au pied de la décision que, s'agissant des mesures d'exécution, la décision peut faire l'objet d'un recours et que pour le surplus elle peut faire l'objet d'un appel.

En substance, les premiers juges ont retenu que le cas était clair. Le bail principal avait été résilié et la résiliation n'avait fait l'objet d'aucune contestation. Le sous-bail ne pouvait perdurer au-delà de la fin du bail principal. L'évacuation de la sous-locataire, qui ne bénéficiait d'aucun titre juridique l'autorisant à demeurer dans les locaux, devait être prononcée.

B. a. Par acte expédié le 14 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : la locataire ou la recourante) a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, elle a conclu nouvellement à ce qu'il soit dit et constaté l'existence d'un bail tacite entre elle et C______.

Elle a formulé des allégués nouveaux (notamment l'existence d'un bail tacite entre les parties) et produit une pièce nouvelle.

b. Par arrêt présidentiel du 28 décembre 2023, la Cour de justice a rejeté la requête d'effet suspensif formée par A______ dans le cadre du recours interjeté le 14 décembre 2023 contre le jugement JTBL/998/2023 du 23 novembre 2023.

c. Dans sa réponse du 28 décembre 2023, C______ (ci-après: la bailleresse ou l'intimée) a conclu à l'irrecevabilité "du recours, voire l'appel", et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a produit des pièces nouvelles.

d. Les parties ont été avisées par pli du greffe du 25 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 29 novembre 1987, la [société immobilière] E______, alors propriétaire, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

Le loyer a été fixé à 585 fr., charges comprises.

b. C______ est devenue propriétaire de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, à une date qui ne ressort pas du dossier.

c. A une date indéterminée, B______ a sous-loué l'appartement précité à A______. Celle-ci a intenté une procédure de réintégrande à l'encontre de B______ le 7 juillet 2021, à laquelle il a été fait droit par ordonnance rendue sur mesures provisionnelles du 21 juillet 2021.

La bailleresse a appris à cette occasion l'existence de la sous-location, qu'elle n'avait pas autorisée.

d. Le bail principal a été résilié par avis officiels de la bailleresse le 13 décembre 2022 pour le 31 janvier 2023, "en application de l'art. 257f al. 3 CO", sans autre précision, et le congé n'a pas été contesté.

e. La bailleresse ayant introduit une requête en cas clair devant le Tribunal, sollicitant l'évacuation avec exécution directe de B______, il a été fait droit à la requête par jugement du 12 octobre 2023 notifié le 26 octobre 2023.

f. Par requête en protection du cas clair expédiée au Tribunal le 19 juin 2023, la bailleresse a par ailleurs sollicité l'évacuation avec exécution directe de A______.

g. Lors de l'audience du 12 octobre 2023, la locataire n'était ni présente ni représentée. La bailleresse a persisté dans ses conclusions, précisant que les indemnités ne lui étaient plus versées depuis plusieurs mois. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

h. Le 23 novembre 2023, le Tribunal a tenu une nouvelle audience, suite à la demande de restitution de la locataire.

Lors de l'audience, la locataire a exposé qu'elle n'avait pas de ressources mais que "lorsqu'elle en avait, elle avait toujours payé le loyer". Elle n'avait pas réussi à "entreprendre des démarches en relation avec son titre de séjour".

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, la locataire conteste la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu du montant du loyer (36 x 585 fr. = 21'060 fr.). La voie de l'appel est dès lors ouverte contre la décision d'évacuation.

1.2 La locataire, assistée d'un avocat, a cependant formé recours contre le jugement d'évacuation. L'intimée soutient qu'il n'y a dès lors pas lieu de convertir l'acte en appel et que le recours doit être déclaré irrecevable.

1.2.1 La conversion des actes de recours erronés se résout, selon l'origine de l'erreur du choix de la voie de droit, à l'aune du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) ou de celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) qui poursuit dans tous les cas les mêmes buts que le premier en tant qu'il sanctionne un comportement abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.3, publié in FamPra.ch 2020 p. 843 et SJ 2020 I p. 345). En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions. Lorsque l'erreur est le résultat d'un choix délibéré d'une partie représentée par un avocat, on retient qu'il n'y a pas de formalisme excessif à refuser la conversion de l'acte en raison de l'erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.2, publié in RSPC 2018 p. 408 n° 2148). A l'inverse, la tendance est de considérer contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de la conversion alors que le choix du moyen de droit recevable présente des difficultés et n'est pas facilement reconnaissable (ATF 113 Ia 84 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_112/2010 du 4 juin 2010 consid. 3.3). En d'autres termes, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

1.2.2 En l'espèce, au regard des principes susmentionnés, le recours interjeté en lieu et place d'un appel, par un avocat, alors que le jugement mentionnait les voies de droit correctes, doit être déclaré irrecevable.

Faudrait-il convertir cet acte en appel que ce dernier devrait de toute façon être rejeté pour les motifs qui suivent.

2. Les allégués nouveaux de la recourante (l'existence d'un bail tacite) et les pièces nouvelles produites par les parties sont irrecevables (arrêts du Tribunal fédéral 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2). Il en va de même des conclusions nouvelles de la recourante (art. 317 al. 2 et 227 al. 1 CPC).

3. La recourante soutient qu'elle est au bénéfice d'un bail tacite avec l'intimée, qui avait connaissance de la sous-location, lequel n'a pas été résilié, de sorte que l'évacuation ne pouvait être prononcée. Le cas ne serait pas clair.

3.1.1 Le contrat de bail peut être conclu oralement de manière tacite ou par acte concluant (art. 1 al. 2 CO). Cela étant, pour que tel soit le cas les parties doivent manifester leur volonté de façon concordante sur tous les points essentiels du contrat. En matière de bail, le Tribunal fédéral a relevé que la conclusion d'un bail tacite ne doit être retenue qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2025, consid. 4.1 et 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1). Dans l'analyse que doit conduire la juridiction, l'ensemble des circonstances doit être pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_247/2008 du 19 août 2008 consid. 3.2.1).

3.1.2 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

3.1.3 Lorsque le bail a pris fin, le bailleur principal peut revendiquer les locaux loués vis-à-vis du sous-locataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_524/2018 du 8 avril 2019; ACJC/1458/2016 du 4 novembre 2016, consid. 2.1.4). Le propriétaire peut intenter l'action en revendication (action pétitoire; art. 641 al. 2 CC) en suivant la procédure du cas clair si les conditions de l'article 257 CPC sont réunies (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2014 du 23 juin 2014, consid. 4.1.2).

3.1.4 Une sous-location sans le consentement du bailleur peut justifier une résiliation anticipée du bail selon l'art. 257f al. 3 CO (Lachat, Commentaire romand, CO I, n. 4 ad art. 262 CO).

3.2 En l'espèce, comme déjà relevé ci-dessus, l'allégation nouvelle selon laquelle les parties seraient liées par un bail tacite est nouvelle et, partant, irrecevable. En tout état, l'argument devrait être rejeté.

En effet, aucun élément concret du dossier ne permet de retenir l'existence d'un bail tacite. Quand bien même la bailleresse semble avoir été informée de la sous-location en 2021, il ne peut être considéré qu'elle aurait consenti à la conclusion d'un nouveau bail avec la recourante, puisqu'au contraire, elle a résilié le bail principal en 2022, vraisemblablement motif pris de la sous-location non autorisée (art. 257f al. 3 CO). La recourante n'a par ailleurs allégué aucun élément de fait permettant de retenir que la bailleresse aurait consenti à ce qu'elle demeure dans l'appartement, étant relevé qu'en octobre 2023 le loyer n'était plus payé depuis plusieurs mois, et que le bail principal avait été résilié en décembre 2022.

Pour le surplus, comme en a jugé à bon droit le Tribunal, le cas est clair. Le bail du locataire principal a été valablement résilié et cette résiliation n'a pas été contestée. Le bail principal ayant pris fin, le contrat de sous-location ne pouvait perdurer. La sous-locataire ne bénéficiait d'aucun titre l'autorisant à rester dans les locaux, de sorte que son évacuation pouvait être prononcée.

Ainsi, l'appel aurait quoiqu'il en soit dû être rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 14 décembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/998/2023 rendu le 23 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13454/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 











 

 

 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.