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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8097/2022

ACJC/458/2024 du 12.04.2024 sur JTBL/907/2023 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8097/2022 ACJC/458/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 12 AVRIL 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 31 octobre 2023, représentée par Me Lida LAVI, avocate, rue Tabazan 9, 1204 Genève,

et

SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______, domiciliée p.a. C______ [agence immobilière], ______, intimée, représentée par Me Jean-Pierre CARERA, avocat, rue des Deux-Ponts 14, Case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/907/2023 du 31 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure simplifiée, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l'appartement de 4 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. 2______, à D______ [GE], ainsi que la place de parking n° 3______ située au sous-sol du même immeuble (ch. 1 du dispositif), a transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel le jugement, au Tribunal des baux et loyers siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu que les conditions formelles d'une résiliation anticipée pour violation du devoir de diligence (art. 257f al. 3 CO) étaient remplies, les nuisances reprochées n'ayant, malgré deux mises en demeure, pas cessé. Les comportements adoptés par le fils de la locataire rendaient la continuation du bail insupportable. Les congés notifiés par la bailleresse étaient dès lors efficaces. Ne disposant plus, depuis l'extinction du contrat, de titre juridique, il se justifiait de prononcer l'évacuation de A______.

B.            a. Par acte déposé le 4 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour, principalement, déclare inefficaces les congés notifiés le 16 décembre 2019 pour le 31 janvier 2020, tant s'agissant de l'appartement que du parking et, subsidiairement, renvoie la cause au Tribunal.

Elle s'est plainte d'une appréciation arbitraire des preuves et des faits, ainsi que d'une violation de l'art. 257f al. 3 CO.

b. Dans sa réponse du 23 janvier 2024, SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par courrier du 20 février 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 21 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. Le 13 septembre 2004, SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______, bailleresse, et E______ et A______ ainsi que F______, locataires, ont conclu un contrat de bail portant sur un logement de 4 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. 2______, à D______.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de deux ans et deux mois, du 1er novembre 2004 au 31 décembre 2006, renouvelable par la suite.

Le loyer, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'152 fr. par mois.

b. L'immeuble est géré par C______ (ci-après la régie).

c. Par avenant du 19 octobre 2012, A______ est devenue seule titulaire du bail.

d. Le 10 février 2014, A______ et la SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______ ont conclu un contrat de bail portant sur une place de parking n° 3______ située au 2ème sous-sol de l'immeuble sis chemin 1______ no. 4______, pour un loyer mensuel de 75 fr.

e. En 2017, A______ a épousé G______.

Par avenant du 15 août 2017, les époux sont devenus cotitulaires du contrat.

f. Par courrier du 18 mai 2016, la régie a fait part à A______ avoir reçu des plaintes de son voisinage, soit qu'elle entreposait des sacs d'ordures dans son jardin durant plusieurs jours, engendrant des odeurs nauséabondes et écoutait de la musique à fort volume, à toute heure. Il était précisé que ses voisins lui avaient déjà communiqué directement leurs doléances, tant oralement que par écrit.

g. Le 3 juillet 2017, la régie a informé A______ avoir constaté la présence de vélos devant sa porte palière et lui a rappelé la teneur des règles et usages locatifs du canton de Genève, interdisant l'entreposage d'objets dans les parties communes de l'immeuble.

h. Le 10 juillet 2018, la régie a fait parvenir à A______ une facture consécutive aux dégâts faits à l'immeuble par son fils, H______, et deux autres jeunes, soit la réparation d'un extincteur qu'ils avaient vidé.

i. Le 19 mars 2019, la régie a informé les locataires avoir constaté qu'un vélomoteur était stationné devant leur porte palière, leur rappelant qu'une telle pratique était intolérable. Ce courrier faisait office d'unique et ultime avertissement suite "aux incivilités relevées dans le parking souterrain", sous menace de résiliation du contrat de bail.

j. Le 21 mars 2019, la régie a adressé aux locataires une facture relative à la réparation des dégâts causés par H______, celui-ci ayant fumé dans le parking et uriné dans la cage d'escalier. Ces faits s'ajoutaient à ceux mentionnés dans la correspondance précitée. Le courrier faisait à nouveau office d'avertissement, sous menace de résiliation du bail.

Le 25 mars 2019, faisant suite à un entretien avec les locataires, la régie leur a transmis un bulletin de versement afin qu'ils s'acquittent des frais de réparation précités.

k. Par courrier du 26 mars 2019, les locataires ont contesté que leur fils ait été impliqué dans les déprédations visées dans les courriers de la régie; il avait toutefois garé son vélomoteur deux heures devant la porte palière, ce dont les locataires s'excusaient.

l. Le 11 avril 2019, la régie a maintenu les termes de ses précédents courriers, deux témoins ayant vu H______ commettre les incivilités reprochées.

m. Le 15 novembre 2019, une plainte pénale a été déposée contre inconnu par la régie pour les dommages à la propriété commis dans le parking de l'immeuble: trois boîtes d'extincteurs avaient été endommagées, l'un des extincteurs avait été utilisé dans le garage et des tags avaient été dessinés sur les murs.

n. Par avis officiels du 16 décembre 2019 envoyés à G______ et à A______, la bailleresse, faisant référence à ses divers courriers recommandés demeurés sans effet, a résilié les baux portant tant sur l'appartement que sur la place de stationnement avec effet au 31 janvier 2020, en application de l'article 257f CO.

o. Ces congés ont été contestés par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après la Commission) par G______ et A______.

p. A l'audience de conciliation du 4 juin 2020, un délai d'épreuve jusqu'au 31 décembre 2020 a été accordé aux locataires.

q. Le 17 février 2020, une voisine s'est à nouveau plainte à la régie du fait que H______ venait avec une bande de copains "peu recommandables" et passait par la fenêtre pour entrer, sa mère ne lui disant rien. La voisine a précisé dans son courrier que "n'étant pas du même côté à part le hall d'entrée, je n'entends pas grand-chose et suis désolée de ne pouvoir mieux vous renseigner".

r. Le 22 mai 2020, le concierge de l'immeuble a rédigé une attestation, à teneur de laquelle il a fait état de ce qu'il était confronté depuis deux ans, à plusieurs actes de vandalisme (occupation du garage et dégradation de celui-ci, soit graffitis, déchets et urine, ampoules cassées, effraction d'un extincteur dans le garage et utilisation de ce dernier pour s'amuser sur le sol et les voitures) de la part de jeunes habitants du quartier, dont H______. Il a précisé que la police et les pompiers avaient déjà dû intervenir et qu'il recevait tous les jours des appels de voisins se plaignant de nouvelles infractions.

s. La régie a mandaté la société I______ SA afin d'assurer la sécurité dans l'immeuble. La société précitée a établi 26 rapports entre mars 2020 et septembre 2021.

Il en ressort que plusieurs habitants et jeunes du quartier, dont H______, faisaient du bruit à des heures tardives, utilisaient et entreposaient un vélomoteur hors des cases réservées à cet effet, laissaient des déchets par terre et occupaient les caves avec une chaise pour fumer des cigarettes et des stupéfiants.

Il ressort également de ces rapports que des encombrants et des trottinettes étaient entreposés dans les communs, que des cordes à sauter, des vêtements et des déchets étaient présents dans la cour de jeux, que des déchets étaient régulièrement trouvés dans la cage d'escaliers, que des lampes et des ampoules étaient régulièrement cassées et que des objets étaient abandonnés en pleine rue, sans que ces faits ne puissent être imputés à H______.

t. Par ordonnance pénale du 4 février 2021, le Tribunal des mineurs a reconnu H______ coupable de brigandage, de détention illicite de stupéfiants, de dommages à la propriété et d'excès de bruit nocturne.

Il ressort de cette ordonnance qu'il était notamment reproché à H______ d'avoir, dans la nuit du 10 au 11 novembre 2019, dans le parking souterrain de l'immeuble, endommagé trois boîtes contenant des extincteurs, vidé un extincteur en sprayant de la poudre dans le garage et dessiné des tags sur les murs. H______ avait reconnu avoir endommagé une seule boîte à extincteur en l'ouvrant avec un pied de biche, assurant qu'il n'avait ni pulvérisé la poudre, ni dessiné des tags, mettant en cause d'autres jeunes pour ces faits. Au final, il a été retenu qu'il avait saccagé une boîte à extincteur de manière puérile et désinvolte.

Pour fixer la peine, le Tribunal des mineurs a tenu compte du fait que H______ connaissait une évolution positive depuis les faits, malgré quelques rechutes, et semblait avoir pris conscience de la gravité de ses actes.

u. A l'audience de conciliation du 19 janvier 2021, aucun accord n'a pu être trouvé. L'autorisation de procéder a été remise aux locataires.

v. Seule A______ a introduit la cause devant le Tribunal. Par jugement JTBL/896/2011 du 27 octobre 2021, le Tribunal a débouté la précitée de ses conclusions (défaut de légitimation active).

Il ressort de cette procédure que G______ s'était constitué un domicile séparé depuis le 1er janvier 2021. Le 22 septembre 2021, il avait informé le Tribunal que, ne vivant plus dans l'appartement, il ne contestait plus le congé extraordinaire notifié par la SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______.

w. Par requête déposée le 25 avril 2022 à la Commission de conciliation, déclarée non conciliée le 23 juin 2022 et portée devant le Tribunal le 20 juillet 2022, la SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______ a conclu à la condamnation de A______ à libérer le logement et la place de parking de sa personne, de tout tiers et de tout bien, et à ce que l'exécution immédiate du jugement soit ordonnée. Les numéros C/8097/2022 et C/8098/2022 ont été attribués à ces causes, l'une portant sur l'appartement et l'autre sur la place de parking.

Par ordonnance du 16 août 2022, le Tribunal a ordonné la jonction des deux causes sous le numéro de procédure C/8097/2022.

x. Par mémoire réponse et demande reconventionnelle du 12 décembre 2022, A______ a conclu, sur demande principale, à ce que le Tribunal déboute la bailleresse de ses conclusions, et sur demande reconventionnelle, à ce qu'il dise et constate l'inefficacité des congés.

y. Le 9 janvier 2023, A______ a introduit une nouvelle requête en contestation des congés de l'appartement et de la place de parking, assignant également G______ aux côtés de la bailleresse. Les numéros de cause C/5______/2023 et C/6______/2023 ont été attribués à ces contestations, qui sont pendantes devant le Tribunal.

z. A l'audience du Tribunal du 10 janvier 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La bailleresse a produit des déterminations sur allégués de la demande reconventionnelle et des photos extraites des vidéosurveillances datant de décembre 2020 et janvier 2021 sur lesquelles apparaissent H______ et d'autres jeunes, fumant et buvant de l'alcool dans les caves de l'immeuble et essayant de forcer la porte d'une cave.

z.a A l'audience du Tribunal du 30 mai 2023, J______, en charge de la gestion de l'immeuble auprès de la régie, entendu en qualité de témoin, a confirmé que H______ faisait partie du groupe de 5 à 6 jeunes causant très régulièrement des dégâts dans l'immeuble le week-end, plus particulièrement en hiver. Le sentiment d'insécurité créé par ce groupe avait engendré l'installation de caméras de surveillance dans les sous-sols. Bien que H______ n'ait pas été le seul jeune à commettre les actes reprochés, il ressortait des vidéos de surveillance qu'il commettait lui-même des actes de déprédation et qu'il était le seul à posséder la clé de la cave, les autres jeunes n'habitant pas l'immeuble. En outre, H______ garait constamment son vélomoteur devant l'immeuble, ce qui était interdit, étant précisé que sur les 22 allées du lotissement et les 210 appartements, il était le seul à se permettre un tel comportement et une dizaine de rapports avait été nécessaire pour qu'il cesse de le faire. J______ a également précisé que la régie avait rencontré des problèmes de déchets avec d'autres locataires, ainsi que des incivilités telles que débris de bouteilles, mégots et autres détritus. Toutefois c'était avec le groupe de jeunes dont faisait partie H______ que la régie rencontrait les plus grandes difficultés et que seul ce groupe se permettait d'endommager les extincteurs et les caméras de surveillance et d'uriner dans les parties communes. Seul le bail de A______ avait été résilié dans la mesure où les autres jeunes n'habitaient pas l'immeuble. Finalement, il a précisé que les incivilités avaient duré jusqu'en 2021 et que la situation s'était améliorée depuis.

J______ a confirmé avoir adressé, en juillet 2018, une facture à A______, H______ ayant été identifié à l'occasion de dommages créés sur un extincteur.

K______, concierge de l'immeuble, entendu en qualité de témoin, a confirmé avoir rencontré des difficultés avec H______ lequel causait de nombreux dégâts dans les immeubles et le parking (néons cassés, extincteurs vidés, détritus). Ces incivilités l'obligeaient à nettoyer tous les jours les sous-sols et les escaliers. La situation s'était calmée, mais il devait encore nettoyer ces endroits une à deux fois par semaine, étant précisé que depuis l'installation des caméras, les jeunes posaient des problèmes à l'extérieur. Il avait encore reçu une plainte le mois précédant au motif que H______ était descendu seul tard dans la nuit dans les sous-sols et que plusieurs néons avaient été cassés. Le locataire en cause n'avait pas vu le précité casser les néons. K______ n'avait pas non plus vu H______ casser les trois portes de buanderie.

Il a confirmé être l'auteur de l'attestation rédigée le 22 mai 2020.

z.b Lors de l'audience du 19 septembre 2023, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389136 III 196 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, en prenant en compte le loyer de l'appartement et du parking durant trois ans, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 CPC, l'appel écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel ayant été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir arbitrairement établi les faits et apprécié les preuves et d'avoir ainsi violé l'art. 257f al. 3 CO.

2.1.1 Selon l'art. 257f al. 2 CO, le locataire d'un immeuble est tenu d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus.

2.1.2 L'art. 257f al. 3 CO précise que lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut, s'il s'agit d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux, résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

La résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes: (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (ATF 132 III 109 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1; 4A_173/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.1; 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 2 et les arrêts cités). 

Le comportement du locataire doit constituer une violation de son devoir de diligence ou un usage de la chose en violation des stipulations du contrat (ATF 132 III 109 consid. 5; 123 III 124 consid. 2a). Le manquement reproché au locataire doit atteindre une certaine gravité (ATF 134 III 300 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2020 précité consid. 4.1.1).

Pour être valable, le congé anticipé doit notamment être précédé d'un avertissement écrit du bailleur, lequel doit accorder au locataire un délai suffisant pour lui permettre de remédier au problème (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 887). Le congé ne doit pas survenir longtemps après cet avertissement (arrêt du Tribunal fédéral 4C_270/2001 du 26 novembre 2001 consid. 3a).

Le manquement doit être expressément mentionné dans la protestation écrite signifiée par le bailleur (DB 2002 n. 5; Wessner, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, n. 32 ad art. 257f CO, Lachat, op. cit., p. 887).

Le comportement que le locataire persiste à adopter doit être en rapport avec les griefs contenus dans la protestation (arrêt du Tribunal fédéral 4C_331/2004 du 17 mars 2005 consid. 1.1.4; Lachat, op. cit., p. 888; Wessner, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d'habitation et de locaux commerciaux, in 14ème Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel, 2006, p. 20).

Le juge apprécie librement, dans le cadre du droit et de l'équité selon l'art. 4 CC, si le manquement imputable au locataire est suffisamment grave pour justifier la résiliation anticipée du contrat, en prenant en considération tous les éléments concrets du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3).

2.1.3 L'examen de la validité d'un congé doit être effectué au moment où celui-ci a été notifié et non ultérieurement (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_596/2019 du 30 juin 2020 consid. 4.1). Rien n'interdit toutefois de prendre en compte des faits postérieurs en vue de reconstituer ce que devait être la volonté réelle de l'expédition du congé au moment où la résiliation a été donnée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2013 du 21 octobre 2013 consid. 2.3).

2.1.4 Les excès de bruit (arrêt du Tribunal fédéral 4C.79/1998 du 4 juin 1998 consid. 2, in SJ 1999 I p. 25 et Pra 1998 n. 153 p. 816) et l'irrespect des règles d'utilisation des parties communes constituent, en cas de persistance malgré avertissement, des motifs typiques de congé pour manque d'égards envers les voisins (ATF 136 III 65 consid. 2.5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_2/2017 du 4 septembre 2017 consid. 3.2; 4A_553/2009 du 13 janvier 2010 consid. 2.5).

Il importe peu que ces excès de bruit – respectivement d'irrespect - soient dus au locataire lui-même ou à des personnes qui occupent son appartement ou à des tiers, dont il répond (arrêts du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1; 4A_296/2007 du 31 octobre 2007 consid. 2.2).

2.1.5 Il appartient au bailleur de prouver la réalisation des conditions de l'art. 257f al. 3 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2023 du 10 octobre 2023 consid. 5.1.2).

2.1.6 Lorsque les conditions de l'art. 257f al. 3 CO ne sont pas remplies, la résiliation anticipée est inefficace, sans conversion possible en une résiliation ordinaire (ATF 135 III 441 consid. 3.3; 121 III 156 consid. 1c/aa; arrêts du Tribunal fédéral 4A_47/2021 du 24 octobre 2022 consid. 1.2.3; 4A_257/2018, 4A_259/2018 du 24 octobre 2018 consid. 4.1; Higi, Zürcher Kommentar, n. 72 ad art 257f CO).

2.1.7 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C_63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; Jeandin, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

Selon la jurisprudence, il n'y a violation du principe de la libre appréciation des preuves que si le juge dénie d'emblée toute force probante à un moyen de preuve ou s'il retient un fait contre son intime conviction; en revanche, une appréciation des preuves fausse, voire arbitraire, ne viole pas le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2.2.2; 4A_165/2009 du 15 juin 2009 consid. 5).

2.2 En l'espèce, l'intimée a adressé le 19 mars 2019 un avertissement à l'appelante, faisant suite à des incivilités relevées dans le parking. Elle a relevé qu'un vélomoteur avait été entreposé devant la porte palière de la locataire, comportement qui n'était pas admis. Le 21 mars suivant, elle a transmis à l'appelante une facture relative au nettoyage de la cage d'escalier, le fils de cette dernière ayant uriné dans celle-ci et fumé dans le parking. Ce courrier valait nouvel avertissement. L'appelante a contesté les reproches formulés à l'encontre de son fils et s'est excusée de la présence du vélomoteur dans les parties communes de l'immeuble. L'intimée a résilié le 16 décembre 2019 les contrats de bail pour violation du devoir de diligence, se référant à ses courriers de mises en demeure. Pour justifier lesdits congés, l'intimée s'est fondée sur des déprédations survenues entre le 10 et le 11 novembre 2019 dans le garage souterrain, soit l'endommagement de trois extincteurs et l'utilisation de l'un d'eux dans le parking, faits pour lesquels plainte pénale a été déposée, le fils de l'appelante ayant été identifié comme l'un des auteurs. Le précité a, par ordonnance pénale du 4 février 2021, été reconnu coupable de brigandage, de détention illicite de stupéfiants, de dommages à la propriété (endommagement d'un extincteur) et d'excès de bruit nocturne concernant les faits précités. Le Tribunal a retenu que les conditions formelles prévues par l'art. 257 al. 3 CO étaient remplies.

Le Tribunal a ensuite considéré que les comportements reprochés au fils de l'appelante étaient d'une gravité suffisante, rendant la continuation des rapports de bail insupportables. Pour ce faire, il s'est fondé sur des faits postérieurs à la résiliation du bail et a retenu que l'intéressé avait persisté à commettre des actes d'incivilités (résultant notamment des images de vidéosurveillance et des rapports d'intervention établis entre mars 2020 et septembre 2021), faits qui permettaient de comprendre les intentions des parties lors de l'envoi du congé.

L'appelante conteste la réalisation des conditions formelles prévues par l'art. 257f al. 3 CO. Elle soutient que la procédure n'aurait pas permis d'établir la réalité des incivilités alléguées commises par son fils les 19 et 21 mars 2019.

La mise en demeure signifiée à l'appelante le 19 mars 2019 fait état d'incivilités dans le garage de l'immeuble, sans autre précision. Elle n'indique en conséquence pas précisément quelle violation était reprochée à l'appelante. Quant à l'avertissement du 21 mars 2019, il mentionne expressément les faits reprochés au fils de la locataire, soit le fait d'avoir fumé dans le parking et d'avoir uriné dans la cage d'escalier. Il pouvait être compris de ce courrier qu'il était requis de l'intéressé de respecter les parties communes de l'immeuble, de même que le garage souterrain. Il est établi que le fils de l'appelante a, entre le 10 et le 11 novembre 2019, endommagé une boîte d'extincteur en l'ouvrant avec un pied de biche, fait qui constitue une violation contractuelle.

Les enquêtes diligentées par le Tribunal n'ont pas permis d'établir que le fils de l'appelante aurait été l'auteur des "incivilités relevées dans le parking souterrain". Le témoin J______ a déclaré que le précité faisait partie d'un groupe de quelques jeunes causant régulièrement des dégâts dans l'immeuble le week-end. En raison du sentiment d'insécurité créé par ce groupe, des caméras de surveillance avaient été installées. Il résulte du dossier que ces dernières l'ont été en avril 2020, soit postérieurement au congé. Ce témoin n'a pas fait état de déprédations qui seraient survenues en mars 2019. Il en va de même du concierge de l'immeuble. Par ailleurs, aucun locataire de l'immeuble n'est venu attester des incivilités alléguées par l'intimée. Le dossier ne comporte pas non plus de déclarations écrites en ce sens. L'attestation établie par le concierge de l'immeuble est postérieure à la résiliation et ne fait état d'aucune date précise quant aux dégâts constatés. Il s'ensuit que les conditions formelles d'une résiliation anticipée pour violation du devoir de diligence ne sont pas réalisées.

En tout état, l'appelante se plaint à raison de ce que le Tribunal a pris en considération des faits postérieurs à la résiliation. En effet, et conformément aux principes rappelés ci-avant, les faits survenus postérieurement au congé ne sauraient être retenus pour examiner l'efficacité de celui-ci. Il n'est en l'espèce pas question de reconstituer la volonté des parties lors de la résiliation, celle-ci étant claire, mais de déterminer si les conditions d'une résiliation anticipée pour violation du devoir de diligence sont réunies.

En conséquence, l'intimée n'a pas prouvé que la poursuite de la relation contractuelle serait insupportable.

2.3 Les congés sont par conséquent inefficaces, ce qui sera constaté. L'appel se révèle ainsi fondé. Le jugement entrepris sera dès lors annulé et l'intimée sera déboutée des fins de sa requête en évacuation de l'appelante.

3.  À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 novembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/907/2023 rendu le 31 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8097/2022.

Au fond :

Annule ce jugement.

Déclare inefficaces les congés notifiés le 16 décembre 2019 par SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______ à A______ concernant l'appartement de 4 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. 2______, à D______, ainsi que la place de parking n° 3______ située au sous-sol de l'immeuble sis chemin 1______ no. 4______, à D______.

Déboute SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATION B______ des fins de sa requête en évacuation.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Madame
Zoé SEILER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.