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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18265/2020

ACJC/271/2023 du 27.02.2023 sur JTBL/295/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18265/2020 ACJC/271/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 27 FEVRIER 2023

 

Entre

CAISSE DE PREVOYANCE A______, ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 avril 2022, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______, intimés, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 3, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 28.02.2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A.           a. Par jugement JTBL/295/2022 du 14 avril 2022, communiqué pour notification le 26 avril 2022 aux parties, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 16'656 fr., charges non comprises, dès le 15 août 2020, le loyer annuel de l'appartement de 5 pièces loué par B______ et C______ au 6ème étage de l'immeuble sis 13 rue 1______ à D______ [GE] (chiffre 1), a condamné la CAISSE DE PREVOYANCE A______ à rembourser à B______ et C______ le trop-perçu de loyer en découlant (ch. 2), a fixé à 1'056 fr. dès le 15 août 2020, le loyer annuel du parking n. 2______ loué par B______ et C______ au 2ème sous-sol de l'immeuble concerné (ch. 3), a condamné la CAISSE DE PREVOYANCE A______ à rembourser à B______ et C______ le trop-perçu de loyer en découlant (ch. 4), a réduit la garantie bancaire à 4'164 fr. et ordonné la libération du solde en faveur de B______ et de C______ (ch. 5), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6), et a dit que la procédure était gratuite (ch. 7).

Le Tribunal a procédé à un calcul de rendement net sur la base d'un montant de 33'862'500 fr. correspondant au prix d'acquisition de l'immeuble, frais de notaires compris, et a considéré que les conditions pour opérer un correctif au prix d'acquisition au sens de la jurisprudence n'étaient pas réalisées en l'espèce.

Par ailleurs, l'autorité précédente a relevé que la clé de répartition proposée par la CAISSE DE PREVOYANCE A______ (ci-après « la bailleresse » ou « la A______ ») ne prenait pas en considération la ventilation devant être opérée entre les appartements et les places de parking.

Quant à la méthode proposée par la bailleresse s'agissant de la prise en considération de la prime à l'étage, le Tribunal a relevé qu'elle n'était pas linéaire et qu'elle ne reposait sur aucun fondement objectif.

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 27 mai 2022, la A______ (ci-après également l'appelante) fait appel de ce jugement et en demande l'annulation. Cela fait, elle conclut à ce que le loyer annuel de l'appartement soit fixé à 26'400 fr., charges non comprises, et le loyer annuel de la place de parking à 1'920 fr., et à ce que B______ et C______ (ci-après « les locataires ») soient déboutés de leurs concluions; subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour une nouvelle décision.

Elle allègue que le Tribunal aurait omis de relever certains faits pertinents pour la résolution du litige, en lien avec le prix d'acquisition de l'immeuble litigieux et avec la typologie des immeubles sis rue 1______.

Elle reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue, en n'expliquant pas les motifs pour lesquels il a considéré que les conditions pour opérer un correctif au prix d'acquisition n'étaient pas réalisées en l'espèce. De la même manière, la bailleresse allègue que son droit d'être entendue aurait été violé par l'autorité précédente, qui n'a pas exposé les raisons pour lesquelles elle a décidé d'écarter la clé de répartition proposée par la bailleresse, ni exposé les fondements sur lesquels elle s'est fondée pour appliquer une forme de linéarité dans l'examen de la question de la prime à l'étage.

Le Tribunal aurait ainsi tenu un raisonnement manifestement erroné.

c. Dans leur réponse déposée au greffe de la Cour le 23 juin 2022, les locataires (ci-après également les intimés) ont conclu principalement à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions. Subsidiairement, ils ont conclu à l'annulation du jugement attaqué, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour complément d'instruction, afin qu'il soit notamment ordonné à la bailleresse ou à des tiers de produire les charges courantes et les charges d'entretien des immeubles sis rue 1______ 3, 5, 7, 9, 11 et 13 à D______, pour les années 2015 à 2019, ainsi que les états locatifs des appartements et des parkings des six allées précitées, mentionnant le loyer de chacun des objets, la période à laquelle il a été fixé et si ladite fixation résulte d'une contestation du loyer initial opérée par les locataires concernés, et à ce que la bailleresse soit déboutée de toutes autres ou contraires conclusions.

Ils font valoir que doit être pris en considération le prix effectivement payé par la bailleresse lors de l'acquisition de l'immeuble, sauf circonstance tout à fait particulière, non établie en l'espèce.

Ils relèvent que selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral a retenu une méthode de ventilation consistant à prendre en considération les loyers effectivement pratiqués par la bailleresse, afin de prendre en compte les particularités des différents logements, ce qui aurait pu être établi en l'espèce, si la bailleresse avait produit les éléments nécessaires pour ce faire. Toutefois, vu les maigres éléments versés à la procédure par celle-ci, sa clé de répartition ne pouvait être retenue.

d. Par acte expédié à la Cour le 2 août 2022, la bailleresse a répliqué, et a conclu à ce que soit déclarée irrecevable la conclusion subsidiaire prise par les locataires dans le cadre de leur réponse à l'appel. Elle a persisté pour le surplus dans ses conclusions.

e. Par acte déposé au greffe de la Cour le 23 août 2022, les locataires ont relevé que l'adaptation du prix de revient, lorsque le bailleur a bénéficié d'un prix préférentiel, n'entre en ligne de compte que si ce prix préférentiel ne résulte pas d'une bonne affaire, mais bien d'une volonté du vendeur de favoriser l'acheteur. Pour le surplus, ils ont relevé que leur conclusion subsidiaire était recevable, et ont persisté dans les termes de leur réponse du 23 juin 2022.

f. Les parties ont été informées le 15 septembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. La A______ est propriétaire de l'immeuble sis 13, rue 1______ à D______, lequel a été construit dans les années 1946-1960.

b. Cet immeuble a été acquis le 17 décembre 2002 par la E______, devenue par suite de fusion en 2014 la A______, dans le cadre d'un achat "en bloc" portant sur les allées rue 1______ 3, 5, 7, 9, 11 et 13 à D______.

Ces immeubles ont été acquis de la caisse de pension de F______, dans le cadre de la liquidation extraordinaire du groupe, pour un montant total de 32'250'000 fr., financé uniquement par des fonds propres. Les frais de notaire lors de l'acquisition se sont élevés à 5% du prix d'achat.

c. Chacune des allées n'est composée que de logements et d'emplacements de parking, à l'exclusion de locaux commerciaux.

Le total des logements représente pour les six allées 8'652 m2, chacune d'entre elle étant composée de 6 étages. L'immeuble du 13 rue 1______ comprend à chaque étage un appartement de 3 pièces, de 50 m2, un de 4 pièces, de 76 m2, et un de 5 pièces, de 90 m2, et d'un 7ème étage comprenant un appartement de 3 pièces, de 61 m2, et un logement de 4 pièces, de 85 m2. La composition des autres immeubles ne ressort pas du dossier.

d. Par contrat du 19 juin 2020, B______ et C______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces au 6ème étage de l'allée no 13 rue 1______ à D______.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de 5 ans, 4 mois et 15 jours, du 15 août 2020 au 31 décembre 2025, renouvelable ensuite tacitement de 5 ans en 5 ans.

Le loyer annuel, réputé indexé à l'Indice suisse des prix à la consommation (ci-après « l'ISPC »), a été fixé initialement à 29'400 fr., soit 2'450 fr. par mois, charges non comprises.

Les locataires se sont engagés à fournir à la bailleresse une garantie de loyer de 7'350 fr.

e. L'appartement comporte trois chambres, un séjour et une cuisine. Traversant, il s'ouvre de chaque côté sur des balcons.

Il est, à teneur du procès-verbal d'état des lieux d'entrée du 14 août 2020, dans un état "en ordre ou d'usure normale", étant précisé que la peinture est neuve sur les murs, plafonds et boiseries de toutes les pièces, que le parquet est imprégné dans toutes les pièces et que les plinthes et les seuils sont neufs. Dans la cuisine, les faces des armoires, le plan de travail et le carrelage sont neufs.

Selon ce même document, la surface de l'appartement est de 90 m2.

f. A teneur de l'avis de fixation du loyer initial du 19 juin 2020, les précédents locataires s'étaient acquittés, depuis le 1er décembre 2009, d'un loyer annuel de 20'988 fr., charges non comprises.

L'avis était motivé comme suit : "Art. 269a lit. a CO : Adaptation du loyer selon les loyers usuels du quartier".

g. Les locataires ont également pris à bail une place de parking n° 2______ sise au 2ème sous-sol de l'immeuble litigieux.

Le bail a été conclu pour une durée de 4 mois et 15 jours, du 15 août 2020 au 31 décembre 2020, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel du parking a été fixé initialement à 1'920 fr., soit 160 fr. par mois.

h. Par requête déposée le 14 septembre 2020 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, amplifiée le 9 novembre 2020, les locataires ont conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné un calcul de rendement net, la bailleresse devant indiquer quelles pièces elle détenait à ce sujet et lesquelles étaient en main de tiers, à ce qu'il soit ordonné à la bailleresse de produire les pièces en sa possession et à ce qu'il soit ordonné aux tiers désignés de produire les pièces en leur possession, sous la menace des peines prévues à l'article 292 CP.

Principalement, ils ont conclu à ce que les loyers de l'appartement et du parking soient fixés respectivement, à 12'168 fr. par an et à 792 fr. par an, charges non comprises, dès le 15 août 2020, sous réserve d'amplification, à ce que la garantie de loyer soit réduite à trois mois du nouveau loyer et le surplus immédiatement libéré en leur faveur, et à ce qu'il soit ordonné à la bailleresse de leur restituer le trop-perçu de loyer.

Les requêtes ont été enregistrées sous les numéros de cause C/18265/2020 (appartement) et C/18266/2020 (parking).

i. Déclarées non conciliées à l'audience de la Commission de conciliation du 12 février 2021, les causes ont été portées devant le Tribunal des baux et loyers le 10 mars 2021, les locataires concluant principalement à ce que les loyers de l'appartement et du parking soient fixés à, respectivement, 16'152 fr. par an et 1'056 fr. par an, charges non comprises, dès le 15 août 2020, sous réserve d'amplification. Ils ont persisté dans leurs autres conclusions prises devant la Commission de conciliation pour le surplus.

A l'appui de leurs conclusions, les locataires ont notamment allégué que les six allées du bloc d'immeubles disposaient de 128 places de parking intérieures et de 8 places extérieures, et ont calculé la quote-part de leurs deux objets (logement et parking) sur la base d'un état locatif théorique calculé selon les loyers fixés par la bailleresse pour les nouveaux baux, ce qui représentait 1,03% de l'ensemble des immeubles concernés. La ventilation entre l'appartement et le parking devait être opérée à raison de 6,13% pour le parking et de 93,87% pour l'appartement. Ils ont également allégué que les charges s'élevaient à 1,5% du prix de revient de l'immeuble (impôt immobilier complémentaire compris).

j. Par ordonnance du 29 mars 2021, le Tribunal a notamment ordonné la jonction des causes C/18265/2020 et C/18266/2020 sous le numéro C/18265/2020.

k. Dans sa réponse du 28 juin 2021, la bailleresse a conclu à la fixation du loyer mensuel initial de l'appartement à 2'450 fr., charges non comprises, et à la fixation du loyer mensuel initial du parking à 160 fr.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment allégué avoir bénéficié d'un prix préférentiel lors de l'achat "en bloc" des six immeubles, de sorte qu'il convenait de prendre en compte des coûts d'investissement effectifs majorés de 25%. Elle a par ailleurs admis que les charges s'élevaient à 1,5% du prix de revient de l'immeuble et a produit l'état locatif de l'allée no 13 en date du 31 décembre 2020, sur lequel ne figurent pas les loyers des appartements. Elle a par ailleurs produit un calcul de rendement net duquel il ressort qu'elle admet la ventilation proposée par les locataires entre le parking et l'appartement. En revanche, elle a procédé à une ventilation par étage concernant le montant admissible pour l'appartement concerné.

l. Par ordonnance du 3 août 2021, le Tribunal a invité la bailleresse à produire toutes les pièces nécessaires au calcul du rendement net de l'immeuble litigieux et, en particulier, l'acte d'acquisition de l'immeuble ou toute pièce permettant d'établir son prix d'achat, ses frais d'acquisition et son financement, les comptes de gestion et de charges et leur relevé détaillé pour les années 2017 à 2019, l'état locatif détaillé pour l'année 2019 ainsi que le bordereau de l'impôt immobilier complémentaire de l'année 2019.

Le Tribunal a par ailleurs attiré expressément l'attention de la bailleresse sur les conséquences qui pouvaient être tirées de son refus de produire ces pièces, à savoir l'indice qu'elle cachait un rendement abusif.

m. Par écritures du 17 septembre 2021, la bailleresse a indiqué ne pas posséder d'autres pièces que celles déjà produites.

n. Les locataires se sont déterminés par écritures du 1er novembre 2021.

o. Lors de l'audience de débats principaux du 3 décembre 2021, les parties ont indiqué ne pas souhaiter compléter leurs allégations et offres de preuve et ont persisté dans leurs conclusions lors des premières plaidoiries qui ont suivi.

Sur quoi, le Tribunal a clôturé la phase d'administration des preuves, les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

S'agissant d'un contrat de bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), la valeur litigieuse déterminante, dans le cadre d'une contestation de loyer initial, doit être établie d'après les dernières conclusions prises devant l'autorité précédente, la différence de loyer sur une année devant être multipliée par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2011 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, les intimés ont conclu en dernier lieu devant le Tribunal à la fixation du loyer mensuel de l'appartement à 12'168 fr., soit une différence de 17'232 fr. (29'400 fr. – 12'168 fr.) sur une année. La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. 2.1 Dans un premier grief, l'appelante se plaint d'une constatation inexacte des faits. Elle considère que le Tribunal aurait dû retenir que par l'achat « en bloc » des immeubles sis rue 1______ 3 à 13 et de la liquidation de F______, l'appelante avait bénéficié d'un prix d'acquisition préférentiel, de sorte que si elle avait dû acheter chaque immeuble individuellement à la valeur du marché d'alors, leur prix aurait été d'au moins 25% supérieur. En ce sens, les coûts d'investissement de l'immeuble sis rue 1______ 13 qu'il conviendrait de prendre en considération dans le cadre du calcul de rendement net serait d'au moins 7'054'687 fr. 50 (soit 33'862'500 fr. divisé par 6, montant auquel s'ajouterait le taux de 25%).

Elle reproche en outre au Tribunal de ne pas avoir retenu le fait que les immeubles sis rue 1______ 3 à 13 ne présentent pas tous une composition identique, de sorte que dans le calcul du rendement net, la ventilation ne pouvait pas se faire à l'échelle de l'entier du bloc, mais devait être établie immeuble par immeuble.

2.2 En l'espèce, il ressort explicitement du jugement entrepris que les immeubles précités ont été acquis par l'appelante dans la liquidation extraordinaire de F______, et qu'il s'agit d'un achat « en bloc ».

Concernant le taux majoré de 25% que l'appelante considère applicable en l'espèce, il ne s'agit que de simples allégations de cette dernière, et non de faits pertinents qui auraient dû être relevés par le Tribunal. En effet, cela ressort des allégués de première instance 6 et 7 de l'appelante, lesquels sont fondés sur la pièce 8 des intimés, soit une réquisition pour le registre foncier concernant l'achat du 17 décembre 2002. Or, il ne ressort nullement de cette pièce les faits allégués par l'appelante. L'appelante n'a ainsi pas démontré la réalité de ses allégations, de sorte que celles-ci ne pouvaient être retenues par le Tribunal comme étant des faits démontrés.

De même pour la composition des immeubles précités ; l'appelante a uniquement versé à la procédure l'état locatif caviardé de l'immeuble sis rue 1______ 13. Par ordonnance du 3 août 2021, l'appelante a été invitée par le Tribunal à produire toutes les pièces nécessaires et utiles au calcul du rendement net. A ce sujet, son attention avait expressément été attirée sur les conséquences qui pouvaient être tirées de son refus de produire ces pièces, à savoir l'indice qu'elle cachait un rendement excessif. De plus, l'appelante n'a ni allégué, et encore moins démontré, que les cinq autres immeubles ne seraient pas composés de manière identique à celui dont est litige. L'état de faits ci-dessus a été précisé en ce sens.

Pour le surplus, le Tribunal a valablement analysé la situation sur la base des pièces qui avaient été produites, et a correctement établi les faits de la présente cause.

3.             L'appelante reproche ensuite au Tribunal la violation de son droit d'être entendue à plusieurs égards. Selon elle, le Tribunal n'aurait pas exposé les motifs pour lesquels il a considéré que les conditions pour opérer un correctif au prix d'acquisition n'étaient pas réalisées en l'espèce. De la même manière, l'autorité précédente n'aurait pas exposé les raisons pour lesquelles elle a décidé d'écarter la clé de répartition proposée par la bailleresse, ni exposé les fondements sur lesquels elle s'est fondée pour retenir une forme de linéarité dans la question de la prime à l'étage.

3.1 Le droit d'être entendu, garanti aux art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, comprend le devoir minimum pour l'autorité d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque le juge ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée d'établir que l'autorité n'a pas examiné certains éléments qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 135 I 187 consid. 2.2).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 135 III 513 consid. 3.6.5; 134 I 83 consid. 4.1). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits mais peut se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 124 II 146 consid. 2). Ainsi, les parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit retenus par le juge pour arriver au dispositif. Une motivation insuffisante constitue une violation du droit d'être entendu, que la juridiction supérieure peut librement examiner aussi bien en appel que dans le cadre d'un recours au sens des art. 319 ss CPC (Tappy, in Commentaire romand du Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 7 ad art. 238 CPC et n. 18 ad art. 239 CPC).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Dans ce cas, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 3.1).

Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174).

3.2 En l'espèce, quand bien même la motivation du Tribunal est succincte, elle est suffisante et l'appelante a été en mesure d'attaquer la décision.

En tout état, la Cour dispose d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit, de sorte qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu pourrait être réparée devant elle.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les conditions pour opérer un correctif au prix d'acquisition au sens de la jurisprudence n'étaient pas réalisées en l'espèce.

4.1 Pour déterminer les coûts d'investissement effectifs (ou le prix de revient) de l'immeuble, il convient de prendre en compte le prix d'acquisition et le coût de la construction ou le prix d'achat de l'immeuble construit, ainsi que les travaux à plus-value (à l'exclusion des coûts d'entretien, qui sont intégrés dans les charges, cf. ATF 141 III 245 consid. 6.6 p. 255). Il n'est pas possible de substituer aux coûts d'investissement d'autres valeurs plus ou moins abstraites, telles que la valeur vénale de l'immeuble, sa valeur fiscale ou sa valeur d'assurance-incendie, celles-ci se référant à des valeurs objectives liées au marché et non aux coûts concrets (ATF 142 III 568 consid. 2.1 p. 575 s.; 122 III 257 consid. 3b/bb p. 259 s.). Un prix d'achat manifestement exagéré doit être réduit au prix normal (cf. art. 269 i.f. CO et art. 10 OBLF; ATF 125 III 421 consid 2b p. 423; arrêt du Tribunal fédéral 4A_465/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.2). La jurisprudence admet un correctif au prix d'acquisition lorsque le bailleur a acquis le bien à un prix préférentiel, par exemple dans le cadre d'une donation mixte, au motif que l'avantage consenti à celui-ci est destiné exclusivement à le favoriser lui, et non pas ses locataires. Dans un tel cas, le calcul de rendement peut se fonder sur la valeur du marché au moment de l'acquisition (arrêts du Tribunal fédéral 4C_285/2005 du 18 janvier 2006 consid. 2.5; 4C_234/1994 du 6 décembre 1994 consid. 3a, approuvé par Beat Rohrer, MRA 2/95, p. 78; plus récemment 4A_276/2011 du 11 octobre 2011 consid. 5.2.4).

En d'autres termes, lorsque le bailleur a reçu l'immeuble en donation ou s'il l'a acheté à un parent à un prix de faveur (donation mixte), il faut retenir sa valeur effective sur le marché, au jour de la transaction, qui devra être établie par une expertise. Dans cette hypothèse, le prix avantageux est destiné à favoriser le bailleur et non ses locataires. Il ne suffit toutefois pas d'être en présence d'un prix d'achat inférieur au marché (élément objectif) pour qu'on puisse recourir à la valeur vénale, car l'acquéreur peut avoir fait une bonne affaire; il faut qu'une condition supplémentaire soit réalisée, à savoir une libéralité (élément subjectif) de l'aliénateur qui a voulu favoriser l'acquéreur. La preuve de ces éléments est à charge du bailleur (Lachat/Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019,
pp. 539-540; arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2011 du 28 avril 2011, consid. 4.2).

4.2 En l'espèce, l'appelante allègue que lors de l'acquisition des immeubles sis rue 1______ 3, 5, 7, 9, 11 et 13 à D______, elle aurait bénéficié d'un prix réduit, en raison de deux éléments : d'une part, la faillite de F______, et d'autre part, car l'achat portait sur des immeubles « en bloc ».

Or, les deux éléments précités ne réalisent nullement les conditions d'application du principe du correctif applicable au prix d'acquisition susmentionné. En effet, il ne s'agit pas d'un cas dans lequel l'appelante aurait acquis les immeubles à un prix de faveur.

Il convient de souligner de plus qu'au niveau des faits, l'appelante n'a pas même allégué que F______ aurait voulu la faire profiter d'un tel prix de faveur.

Il s'agit ici simplement d'une éventuelle bonne affaire, suite à la faillite du vendeur, grâce à laquelle l'appelante a pu acquérir le bloc d'immeubles litigieux à un prix de 32'250'000 fr.

Ainsi, le Tribunal a retenu à raison que les conditions pour opérer un correctif du prix d'acquisition au sens de la jurisprudence n'étaient pas réalisée en l'espèce, « [e]n dépit des allégations de la bailleresse à ce propos ».

Dès lors, ce grief sera écarté.

5. L'appelante reproche au Tribunal la clé de répartition retenue.

5.1 Le calcul du rendement net au sens de l'art. 269 CO s'effectue sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné. Seul est déterminant le rendement net de la chose louée, soit celui du logement ou du local commercial en cause, à l'exclusion du rendement net de l'immeuble entier, voire d'un groupe d'immeubles (ATF 125 III 421 consid. 2d p. 424 s.; ATF 120 II 100 consid. 6c p. 104 s.). En effet, en cas de disparité entre les loyers des différents appartements ou locaux, résultant par exemple de hausses de loyer intervenues à l'occasion de changements successifs de locataires ou à la suite de rénovations de certains logements, le calcul du rendement net sur l'immeuble entier conduirait à des résultats choquants. Dans la pratique toutefois, comme les comptes sont établis pour l'immeuble entier, on commence par déterminer la situation financière de l'immeuble et ce n'est qu'ensuite qu'on ventile le résultat appartement par appartement selon une clé de répartition (arrêts du Tribunal fédéral 4A_554/2019 du 26 octobre 2019, consid. 7.1; 4A_239/2018 du 19 février 2019 consid. 5.2 et les références citées).

Les comptes sont, en règle générale, établis par immeuble. Ils n'individualisent pas les charges relatives à tel logement ou local commercial. De ce fait, il y a lieu de ventiler les comptes objet par objet, selon la clé de répartition applicable aux propriétés par étages (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2019/2007 du 26 novembre 2007, consid. 3.2), au prorata du nombre de pièces (ATF 116 II 184 consid. 3b), ou en fonction de la surface des logements (ATF 116 II 84 consid. 3b), de leur volume (ATF 120 II 100 consid. 6c), voire de leur valeur d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2008 du 13 juin 2008, consid. 4.1) ou du pourcentage que représente le loyer en cause par rapport à l'état locatif, avant majoration (Lachat/Stastny, op cit., p. 533).

Lorsque l'immeuble comprend des parkings ou des locaux commerciaux, il convient de les retrancher de l'état locatif global de l'immeuble (sur la base du dernier état locatif de l'immeuble), pour obtenir le rendement admissible pour les seuls logements (arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 précité; ACJC/127/1998 du 16 février 1998; ACJC/398/2000 du 10 avril 2000). Par ailleurs, lorsque les loyers d'un immeuble présentent des disparités, au-delà de ce qui apparaît justifié par une prime à l'étage, l'état locatif admissible doit être ventilé entre les divers appartements et locaux, selon les clés de répartition usuelles pour les immeubles constitués en propriété d'étages, généralement au prorata de la surface, du volume des logements ou du nombre de pièces. Lorsque la clé de répartition choisie par le bailleur ne répercute pas les coûts selon ces principes, elle est insoutenable et le juge appliquera le système qu'il jugera équitable (ATF 116 II 184; arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 précité; Bohnet/Carron/Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 12ss ad art. 269 CO).

Pour choisir l'une de ces différentes clés de répartition, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, car aucune d'entre elles n'est parfaite (ATF 125 III 421 consid. 2d).

5.2 En l'espèce, l'appelante a, en première instance, proposé de ventiler le rendement admissible selon la valeur donnée aux différents étages de l'immeuble, en alléguant que l'on ne saurait considérer qu'un logement situé au rez-de-chaussée aurait la même valeur qu'un appartement situé au sixième étage d'un immeuble. Ainsi, l'appelante a proposé de considérer que les étages n. 1 à 4 de l'immeuble litigieux représentaient le 40% de son rendement, soit 10% par étage, que le cinquième étage représentait le 15% du rendement, et que finalement, les 6ème et 7ème étages représentaient quant à eux le 45% du rendement de l'immeuble restant, soit 22,5% par étage. De plus, l'appelante a relevé que chaque étage comportait trois appartements, dont les surfaces étaient de 50 m2, de 76 m2, et de 90 m2, soit un total de 216 m2; la surface de l'appartement dont est litige étant de 90 m2, celui-ci représentait ainsi le 41.7% de l'étage.

Ainsi, selon la ventilation appliquée par l'appelante, le loyer admissible annuel du logement litigieux, parking compris, serait de 30'700 fr. 85.

A juste titre, le Tribunal a relevé que la clé de répartition proposée par l'appelante ne tenait pas compte de la ventilation devant être opérée entre les appartements et les places de parking - qui est pourtant exigée par la jurisprudence fédérale susmentionnée - raison pour laquelle l'appelante n'a pas été suivie par l'autorité précédente.

En outre, l'autorité précédente a souligné l'absence de production d'un état locatif complet par l'appelante, comportant en particulier les loyers pratiqués pour les parkings.

S'agissant du calcul de la prime à l'étage proposé par l'appelante, le Tribunal a relevé que celui-ci ne saurait être appliqué, dans la mesure où il n'est pas linéaire et ne repose sur aucun fondement objectif.

En effet, l'appelante ne s'est fondée sur aucune disposition légale, jurisprudence, ou avis doctrinal pour étayer le calcul qui selon elle devait être appliqué en l'espèce pour prendre en considération le fait que le logement litigieux est situé au 6ème étage de l'immeuble.

Il s'agit ainsi simplement d'une proposition de l'appelante. Le Tribunal n'était pas tenu de la suivre, vu l'absence de tout fondement juridique de celle-ci.

Le Tribunal a tout de même admis une prime à l'étage, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation : il a en effet procédé à un calcul ex aequo et bono, en augmentant le montant obtenu au terme de la pondération pour le loyer d'un logement sis au 4ème étage, en le majorant de 2 fr. par m2, et par étage.

Par conséquent, le jugement attaqué n'est nullement vicié. Il sera confirmé sur ce point.

6.             Finalement, l'appelante soutient que le Tribunal aurait tenu un raisonnement manifestement erroné. En ce sens, elle fait valoir que vu les disparités existantes entre les différents immeubles sis rue 1______ 3, 5, 7, 9, 11 et 13, le calcul du rendement admissible de la chose louée aurait dû être établi immeuble par immeuble, et non à l'échelle de l'entier du bloc.

6.1 Le calcul du rendement net au sens de l'art. 269 CO s'effectue sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné. Seul est déterminant le rendement net de la chose louée, soit celui du logement ou du local commercial en cause, à l'exclusion du rendement net de l'immeuble entier, voire d'un groupe d'immeubles (ATF 125 III 421 consid. 2d p. 424 s.; 120 II 100 consid. 6c p. 104 s.). En effet, en cas de disparité entre les loyers des différents appartements ou locaux, résultant par exemple de hausses de loyers intervenues à l'occasion de changements successifs de locataires ou à la suite de rénovations de certains logements, le calcul du rendement net sur l'immeuble entier conduirait à des résultats choquants. Dans la pratique toutefois, comme les comptes sont établis pour l'immeuble entier, on commence par déterminer la situation financière de l'immeuble et ce n'est qu'ensuite qu'on ventile le résultat appartement par appartement selon une clé de répartition (arrêts du Tribunal fédéral 4A_554/2019 du 26 octobre 2020 consid. 7.1; 4A_239/2018 précité consid. 5.2 et les références citées).

Il appartient certes au locataire de prouver que le loyer convenu procure au bailleur un rendement excessif (ATF 124 III 310 consid. 2). Mais selon les principes généraux tirés des règles de la bonne foi, la partie qui n'a pas la charge de la preuve (i. e. le bailleur) doit néanmoins collaborer loyalement à l'administration des preuves et fournir les éléments qu'elle est seule à détenir (ATF 142 III 568 consid. 2.1 p. 576; 115 II 1 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités; 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 3.2 et 3.3; 4A_3/2011 du 28 février 2011 consid. 4). Dès lors que le bailleur détient seul les documents permettant un calcul de rendement, on peut donc attendre de lui qu'il les produise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_3/2011 du 28 février 2011, ibidem; 4C.61/2005 du 27 mai 2005 consid. 4.3.2, in SJ 2006 I p. 34).

En règle générale, le bailleur devra remettre les documents suivants, de manière ordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 5C.134/2004 du 1er octobre 2004, consid. 2.2) et facilement compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2013 du 11 février 2014, consid. 4.2) : (1) l'acte d'achat de l'immeuble ou un récapitulatif de son coût de revient, avec des précisions sur la quotité des fonds empruntés et des fonds propres; si l'immeuble est propriété d'une société anonyme, les bilans; (2) l'état des charges immobilières, pour un nombre d'exercices suffisant, afin de permettre l'établissement de moyennes; si l'immeuble est propriété d'une société anonyme, le bailleur en produira les comptes de pertes et profits; (3) l'état locatif de l'immeuble, c'est-à-dire la liste des loyers qui y sont pratiqués; (4) en cas de disparités dans l'état locatif, le cahier de répartition de l'immeuble ou tout autre document permettant de déterminer la quote-part du tout que représente le local commercial ou le logement en cause (Lachat/Stastny, op cit., p. 535).

Le bailleur est tenu de conserver les pièces comptables depuis la fin de l'année 1980. Il ne peut donc se prévaloir du fait qu'il n'a pas conservé les documents après dix ans (ATF 140 III 433 consid. 3.1.2, JdT 2016 II 363). Dans l'appréciation des preuves, le juge peut tenir compte des manquements d'un bailleur, surtout d'un professionnel, qui n'a pas sauvegardé les documents utiles au calcul de rendement (ATF 142 III 568 consid. 2.1).

6.2 En l'espèce, l'appelante ne démontre pas en quoi le Tribunal aurait violé le droit en procédant au calcul du loyer annuel maximum admissible par m2, en se fondant sur la surface totale des appartements des immeubles, soit 8'652 m2, puis en rapportant le montant ainsi obtenu, au nombre de m2 du logement litigieux.

L'appelante allègue simplement que le Tribunal aurait dû prendre en considération les spécificités et caractéristiques de chaque immeuble, mais relève ensuite qu'il aurait suffi de diviser les coûts d'investissement par six, afin d'obtenir le montant applicable à un seul des immeubles. Dès lors, l'on voit mal en quoi le calcul proposé par l'appelante prendrait en considération les éventuelles disparités entre chaque immeuble, alléguées nouvellement par cette dernière.

De toute évidence, il sied de relever que c'est l'appelante qui avait la charge de fournir les éléments nécessaires au calcul de rendement conformément à une jurisprudence bien établie et qui a violé son devoir de collaboration. Elle ne saurait donc reprocher au Tribunal d'avoir ventilé le rendement admissible sur la base du seul critère fourni par elle, soit la surface habitable par m2.

En effet, l'appelante n'a versé à la procédure qu'un état locatif de l'immeuble sis rue 1______ 13, en ayant pris le soin de caviarder le loyer pratiqué pour chaque logement. Elle a ensuite indiqué avoir acquis six immeubles en un bloc, sans toutefois étayer la composition des cinq autres immeubles.

Ainsi, sur la base des éléments disponibles, le Tribunal a calculé la surface totale des appartements des six immeubles litigieux, soit une surface de 8'652 m2, afin de pouvoir calculer le loyer maximum admissible pour le logement dont est litige.

L'appelante ne saurait reprocher au Tribunal d'avoir procédé de la sorte, se fondant sur le seul document qu'elle produit.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

7. Vu que la cause ne sera pas renvoyée à l'autorité précédente pour complément d'instruction, la Cour ne procédera pas à l'examen de la question de la recevabilité de la conclusion subsidiaire prise par l'intimée dans son mémoire de réponse du 23 juin 2022.

8. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :


A la forme
 :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 mai 2022 par la CAISSE DE PREVOYANCE A______ contre le jugement JTBL/295/2022 rendu le 14 avril 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18265/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïte VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.