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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/859/2025

ATAS/846/2025 du 04.11.2025 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/859/2025 ATAS/846/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 novembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______,

représenté par Me Giuseppe DONATIELLO, avocat

 

 

recourant

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré) né le ______ 1994, célibataire, travaille en qualité de policier à 100% pour l’État de Genève. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance).

b. Par déclaration de sinistre du 22 février 2024, l’assuré a indiqué qu’il avait été victime d’un accident le 23 janvier 2024, ainsi décrit : « À la suite d’un entrainement au sport de combat, j’ai reçu plusieurs coups au visage. À la fin de l’entrainement, dans le vestiaire, ma vision s’est altérée et je vois double », étant précisé que le trouble de la vision touchait les deux yeux.

c. Le 2 février 2024, l’assuré s’est soumis à un scanner et à un bilan orthoptique, réalisé par B______, laquelle a indiqué que le patient, qui ne portait actuellement pas de lunettes, avait reçu un coup de poing à l’œil gauche le 24 janvier 2024 (recte : 23 janvier 2024) à la boxe avec une diplopie. Elle a retenu le diagnostic de parésie du quatrième nerf crânien droit, probablement traumatique.

d. Dans ses notes de suite du même jour, le docteur C______, ophtalmologue, a rappelé que le bilan orthoptique retrouvait une parésie du quatrième nerf crânien droit et prescrit une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM).

e. Par courriel du 12 mars 2024, l’assuré a informé l’assurance qu’à la suite d’une nouvelle consultation avec un ophtalmologue, il avait décidé de se faire des lunettes afin d’apaiser sa vision le temps du rétablissement.

f. Dans des rapports du 21 mars 2024, la docteure D______, spécialiste en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie, a diagnostiqué un strabisme vertical. S’agissant du déroulement de l’accident et des plaintes, l’intéressé avait reçu plusieurs coups de poing au visage lors d’un entrainement de sports de combat dans le cadre de son travail pour la police. Suite à ces coups, il avait présenté une vision double verticale et avait consulté aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), où un arrêt de travail à 100% avait été prescrit dès le 24 janvier 2024 et divers examens pratiqués, soit un scanner orbitaire et une IRM cérébrale qui n’avaient rien révélé. Le traitement, de durée indéterminée, consistait en des prismes sur des verres non corrigés, le patient n’ayant pas besoin d’une correction optique. L’assuré ne pouvait pas effectuer de travail sur le terrain et une reprise d’activité n’était pour le moment pas prévue. Il convenait d’attendre au minimum six mois et à tout le moins une stabilité des valeurs de déviation. Depuis l’accident, la déviation verticale était stable et une intervention chirurgicale devrait être réalisée si ladite déviation ne s’améliorait pas spontanément, étant précisé qu’une déviation et une diplopie dans certaines positions du regard pouvaient persister à long terme.

g. Le 19 mars 2024, l’assuré a répondu à un questionnaire de l’assurance sur les circonstances du sinistre et expliqué : « Dans le cadre de mon cursus de sélection pour l’intégration au groupe d’intervention de la police cantonale genevoise, j’ai reçu plusieurs coups au visage (entrainement dans le cadre du travail). À l’issue de l’entrainement, ma vision s’est altérée et je vois double depuis ce jour ». Aux questions de savoir s’il s’était passé quelque chose de spécial lors du déroulement de cet événement et s’il avait fait un mouvement incontrôlé, il a coché les cases « non ». À celle de savoir si l’activité exercée au moment de l’événement lui était coutumière, il a répondu par l’affirmative, précisant « depuis février 2023 », à une fréquence d’environ trois à quatre fois par mois. Les problèmes de santé s’étaient manifestés pour la première fois « juste après l’entrainement au sport de combat », le 23 janvier 2024. Il a indiqué être en incapacité de travail totale depuis le 11 février 2024.

h. Par courrier du 13 mai 2024, l’assurance a informé l’assuré qu’elle refusait la prise en charge de son dossier, faute d’accident. Le caractère soudain de l’atteinte portée par une cause extraordinaire faisait effectivement défaut, puisqu’il ne s’était rien produit d’inhabituel d’après les déclarations de l’intéressé. Si l’intéressé en faisait la demande, elle confirmerait sa prise de position par une décision formelle susceptible d’opposition.

i. Par courriel du 31 mai 2024, l’assuré a contesté cette position, relevant qu’il s’était blessé dans le cadre d’une sélection au groupe d’intervention. Le programme n’étant pas connu de la part des participants et des épreuves sportives comme l’entraînement de sports de combat étaient autant d’événements consécutifs qui s’enchainaient et qui étaient extérieurs et extraordinaires dans son accident. Il ne s’agissait pas d’activités standards que les policiers effectuaient au sein de ce groupe.

j. Le 25 juin 2024, l’assuré a relevé n’avoir toujours pas reçu de décision formelle quant à son accident professionnel.

k. Le 14 août 2024, l’assurance lui a adressé un courrier identique à celui du
13 mai 2024.

l. Le jour-même, l’assuré a répondu à l’assurance qu’il avait déjà sollicité une décision formelle, demande qu’il maintenait.

m. Par courriel du 13 septembre 2024, l’employeur a constaté que les indemnités journalières n’avaient pas été servies pour les périodes du 11 février 2024 au 13 mai 2024 et a demandé à l’assurance si une éventuelle décision formelle avait été adressée à son collaborateur.

B. a. Par décision du 24 septembre 2024, l’assurance a nié le droit de l’assuré à toutes prestations. Elle a relevé que, d’après le questionnaire complémentaire rempli par l’intéressé le 19 mars 2024, rien d’exceptionnel ne s’était produit. En effet, le fait de recevoir des coups au visage lors d’un entrainement au sport de combat n’était pas extraordinaire. Les règles du sport n’avaient pas été dérogées. De ce fait, il ne s’agissait pas d’un évènement accidentel. Enfin, un strabisme vertical ne faisait pas partie de la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident.

b. En date du 21 octobre 2024, l’assuré a formé opposition à l’encontre de ladite décision. Il a rappelé que durant son mois d’intégration au groupe d’intervention de la police, qui avait débuté le 15 janvier 2024, il avait participé à plusieurs séances obligatoires de sport avec cette unité. Ces entrainements intenses avaient conduit à une fatigue physique et psychique notable. Le 23 janvier 2024, il avait subi plusieurs coups au visage au cours de ces entrainements intensifs. La violence inhabituelle des impacts associée à son état de fatigue avaient causé une parésie du quatrième nerf crânien, aboutissant à un strabisme vertical et à une altération de sa vision pendant cinq mois. Les rapports médicaux détaillaient précisément ses blessures et leurs effets prolongés sur sa capacité de travail et sa vie quotidienne. Ainsi, l’intensité des coups reçus conjuguée à l’épuisement physique avaient dépassé les normes habituelles d’un entrainement de sport de combat, transformant ce qui pouvait être considéré comme une activité régulière en un événement exceptionnel. Son état de fatigue et la gravité des blessures subies dépassaient également les conséquences normales d’une maladie professionnelle. Les lésions au nerf crânien et le strabisme consécutif avaient significativement affecté sa qualité de vie. Son incapacité de travail avait été documentée par ses médecins traitants, ce qui démontrait clairement un lien direct entre cet incident et les exigences physiques de l’entrainement imposé. Il s’agissait donc d’un accident professionnel.

c. Par décision sur opposition du 3 février 2025, l’assurance a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 24 septembre 2024. Elle a notamment souligné que les coups de poing ou de pied portés au niveau de la tête étaient courants et faisaient partie inhérente de la pratique des sports de combat. Recevoir plusieurs coups au visage lors de séances d’entrainement intensif de sports de combat n’avait rien d’inhabituel, conformément à la jurisprudence qui s’était penchée sur le cas d’un assuré blessé lors de la pratique du jujitsu. Seules les conséquences, en l’occurrence le strabisme et la parésie du quatrième nerf crânien droit, étaient inhabituelles. En l’absence de facteur extérieur extraordinaire, la notion d’accident devait être niée. Enfin, les lésions présentées ne faisaient à l’évidence pas partie des lésions pouvant être assimilées à un accident.

C. a. Par acte du 12 mars 2025, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours contre la décision sur opposition du 3 février 2025. Il a conclu, préalablement, à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter son recours et à l’audition des parties, et principalement à l’annulation de la décision litigieuse et à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge les frais médicaux relatifs à l’événement du 23 janvier 2024 et à lui verser les indemnités journalières relatives pour la période d’incapacité de travail. Il a exposé avoir intégré, le 15 janvier 2024, le cursus de sélection du groupe d’intervention de la police cantonale genevoise, unité d’élite spécialisée pour répondre en cas de crises graves. Ce cursus prenait la forme d’un programme intensif visant à tester la résistance des candidats, et était constitué d’activités programmées et d’activités inattendues et extraordinaires particulièrement intensives, pouvant s’étendre sur plusieurs jours et nuits. Des séances obligatoires d’entrainements aux sports de combat faisaient partie de ce cursus, dont le programme était défini unilatéralement par la hiérarchie. Ce programme s’était révélé particulièrement éprouvant et avait entrainé une fatigue considérable, tant sur le plan physique que psychique. L’entrainement du 23 janvier 2024 avait duré plus de deux heures, épuisant les participants et les amenant au bout de leurs ressources. La non-participation à cette activité entrainait l’échec du processus de sélection. Durant cet entrainement, il avait reçu plusieurs coups violents au visage, qu’il n’avait, pour certains, même pas vu venir. Il n’avait pas pu les esquiver, ni les dévier, ni les contenir efficacement. Ces coups avaient provoqué des troubles de la vision, de sorte qu’il souffrait désormais d’un strabisme et voyait double en raison d’une parésie du quatrième nerf crânien droit. Il ne souffrait auparavant d’aucune maladie ayant pu fragiliser ledit nerf. Il avait été en incapacité totale de travail du 24 janvier au 13 mai 2024. À une date inconnue, l’employeur avait résilié le contrat d’assurance le liant à l’intimée, laquelle avait initialement pris en charge le cas. Contrairement à l’arrêt auquel se référait l’intimée, il n’avait pas été blessé en raison d’un mouvement qu’il aurait effectué lui-même, mais en raison de coups reçus par une autre personne. En effet, dans l’arrêt précité, l’assuré s’était retrouvé sous son partenaire d’entrainement lors d’un combat au sol et avait tenté de le pousser vers le haut pour se dégager de lui, ce qui ne constituait pas un mouvement non-coordonné, car le déroulement extérieur du mouvement n’avait pas été perturbé par quelque chose de contraire au programme qui aurait pu entrainer une sollicitation non-physiologique de certaines parties du corps. Dans son cas, l’accident ne résultait pas d’un mouvement de son propre corps et la jurisprudence avait reconnu l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire dans le cas d’un placage en hockey sur glace et d’un joueur de football dont le genou avait été tordu lorsqu’un adversaire lui avait bousculé la jambe. Compte tenu de l’intensité et du caractère imprévisible des activités auxquelles les candidats au recrutement du groupe d’intervention étaient soumis, on ne pouvait en aucun cas, objectivement, qualifier la situation de quotidienne ou d’habituelle. Selon la jurisprudence, un coup de poing asséné par une autre personne qui causait une blessure au visage relevait d’un accident, étant encore relevé que la question de la faute ou de la participation active à l’évènement se posait dans le cas d’accidents non‑professionnels. Il n’était pas fautif d’avoir intégré le cursus de sélection du groupe d’intervention et n’avait pas pris part à la définition dudit programme. Il avait subi les activités imposées par la hiérarchie et ses capacités n’étaient pas suffisantes pour maitriser les événements de cet entrainement. L’intimée avait servi des prestations pendant plus d’une année, avant de nier l’existence d’un facteur extérieur, ce qui consistait à revenir sur la prise en charge et à nier son droit aux prestations de manière rétroactive, à une date située plus d’un an auparavant, ce qui était largement contestable et contraire au droit. En effet, pour mettre fin avec effet rétroactif à son obligation de prester, les conditions d’une reconsidération ou d’une révision procédurale devaient être réalisées. Le fait de couvrir les frais médicaux et de verser des indemnités constituait une décision informelle. Les conditions d’une reconsidération ou d’une révision n’étaient manifestement pas remplies, de sorte que l’intimée ne pouvait pas mettre fin au droit aux prestations de manière rétroactive, à une date antérieure au dernier jour pour lequel des indemnités journalières avaient été versées ou des frais médicaux avaient été pris en charge. Il était évident que la résiliation du contrat d’assurance par l’employeur ne pouvait pas motiver le changement de traitement d’une affaire en cours.

À l’appui de son recours, l’intéressé a notamment produit une attestation du 17 septembre 2024 de la direction des ressources humaines de l’employeur, indiquant qu’il exerçait la fonction de policier 1 sous le grade de F______ à 100% au sein de l’unité de secours d’urgence au poste de E______, étant précisé qu’il avait été, dans l’exercice de sa fonction, détaché au sein de la police genevoise du 15 janvier au 9 février 2024.

Il a également produit un article de presse relatif au groupe d’intervention de la police cantonale genevoise, ainsi que des certificats médicaux attestant d’arrêts de travail du 22 février au 13 mai 2024.

b. Dans sa réponse du 1er avril 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le fait de recevoir des coups lors d’un entrainement aux sports de combat n’avait rien d’extraordinaire, puisqu’il s’agissait du but même de l’activité en question qui consistait à donner et recevoir des coups. C’était indéniablement la conséquence qui en était attendue, même si cet élément n’entrait pas en compte dans l’appréciation de la notion d’accident. La jurisprudence citée par le recourant concernant le joueur de hockey n’était d’aucune utilité puisque le Tribunal fédéral avait pris en considération l’élément extérieur que constituait la bande. Il en allait de même du cas du footballeur, puisque c’était le mouvement de la jambe de l’assuré blessé qui avait été considéré comme non-programmé à la suite de l’intervention d’un tiers. Dans le cas présent, aucun facteur extérieur extraordinaire n’avait été rapporté par le recourant. Par ailleurs, le facteur « surprise » ne pouvait pas non plus être retenu, car l’intéressé mentionnait dans le questionnaire qui lui avait été remis que l’activité lui était coutumière depuis le mois de février 2023 à raison de trois à quatre fois par mois. Contrairement à ce que soutenait le recourant, elle n’avait versé aucune prestation à la suite de l’événement annoncé. Elle avait informé tant l’intéressé que l’employeur, par courrier du 13 mai 2024, qu’elle ne pouvait verser de prestations, en l’absence d’un accident. Par ailleurs, le sort du contrat d’assurance la liant à l’employeur après l’événement du 23 janvier 2024 n’avait aucune influence sur le litige.

c. Dans sa réplique du 22 mai 2025, le recourant a intégralement persisté dans ses conclusions. Il convenait de replacer ses déclarations dans leur contexte. Il s’entrainait effectivement sur son temps libre pour l’exercice de divers sports de combat afin de se préparer en vue du processus de sélection. Il avait ainsi pris des cours privés dans un club de sport, en dehors du travail, pour améliorer sa technique et son endurance. Ces cours privés n’avaient cependant rien à voir avec l’intensité des entrainements auxquels il avait participé dès le 15 janvier 2024, et son niveau de fatigue lors des cours privés n’était de loin par comparable. L’intimée écartait à tort le facteur « surprise » dans le cadre de son examen des critères de la notion d’accident. Le facteur extérieur, à savoir les coups subis par un autre participant, devait dès lors être considéré comme extraordinaire et l’existence d’un accident reconnue. S’agissant de la prise en charge de son cas, il a relevé que ses frais médicaux avaient été facturés et avaient selon toute vraisemblance été couverts par l’intimée, dans la mesure où ils n’avaient pas été pris en charge par l’assurance-maladie obligatoire, comme cela ressortait de son attestation fiscale 2024 récapitulant les frais médicaux ayant fait l’objet d’un décompte par son assureur maladie. Par ailleurs, compte tenu de son salaire brut pour l’année 2023, il avait droit à une indemnité journalière d’un montant de CHF 230.80, soit CHF 18'925.60 pour la période du 22 février au 13 mai 2024
(82 jours à CHF 230.80).

Il a communiqué à la chambre de céans plusieurs factures des HUG, notamment des 26 février 2024 (CHF 357.20 et CHF 622.-), 4 et 11 mars 2024 (CHF 57.25 et CHF 1'441.65), et 2 mai 2024 (CHF 197.60), une attestation fiscale d’ASSURA faisant état de deux factures pour 2024 (facture d’une pharmacie du 2 octobre et du Centre médical de Chêne-Bourg du 31 octobre, pour une somme de CHF 294.90, non prise en charge en raison de la franchise), ainsi que son certificat de salaire pour l’année 2023.

d. Dans sa duplique du 5 juin 2025, l’intimée a également maintenu ses conclusions. Elle a relevé, concernant le montant des indemnités journalières, que ce point n’était pas l’objet de la présente procédure, étant donné que la notion d’accident avait été niée. Par ailleurs, même si par impossible le recourant devait obtenir gain de cause, c’était très certainement son employeur qui bénéficierait du versement desdites indemnités, partant du principe que l’intéressé avait touché son salaire pour la période d’incapacité de travail en question.

e. Le 20 juin 2025, l’intéressé a adressé à la chambre de céans une écriture spontanée, soulignant que l’intimée n’avait pas contesté avoir pris en charge ses frais médicaux découlant de l’accident assuré, à tout le moins jusqu’au
19 avril 2024, reconnaissant ainsi implicitement la qualification d’accident de l’évènement du 23 janvier 2024, du moins dans un premier temps.

f. Le 7 octobre 2025, la chambre de céans a entendu les parties.

Le représentant de l’intimée a confirmé que cette dernière n’avait pas versé d’indemnités journalières pour l’incapacité de travail, ni pris en charge les frais médicaux du recourant. À cet égard, elle a précisé qu’elle avait omis de transmettre à l’assureur-maladie du recourant les différentes notes d’honoraires, pour lesquelles elle avait pourtant reçu des rappels, ce qui expliquait que ces frais médicaux ne ressortaient pas des décomptes produits par l’intéressé. Elle a ajouté que l’employeur ne s’était pas manifesté à réception de sa décision du
24 septembre 2024 et qu’il n’avait, à sa connaissance, pas formé opposition.

Le recourant a déclaré qu’il avait perçu l’intégralité de son salaire durant son incapacité de travail, laquelle avait débuté au mois de février 2024, soit à la fin de son cursus pour l’intégration au Groupe d’intervention, jusqu’au 13 mai 2024, de mémoire. Concernant les factures des frais médicaux, il avait uniquement reçu les factures originales avec la mention « à ne pas payer », mais aucun rappel.

L’avocat du recourant a indiqué modifier les conclusions du recours, en ce sens que le versement des indemnités journalières pour la période d’incapacité de travail du recourant n’était plus sollicité.

Le recourant a expliqué qu’il avait participé à la phase d’intégration du Groupe d’intervention, phase qui durait un mois et qui faisait suite à un programme de sélection qui se déroulait durant une année. Pendant la phase d’intégration, les participants ne savaient pas sur quoi ils seraient évalués. Le 23 janvier 2024, il s’agissait d’une activité « de sports de combat », qui s’était déroulée dans un dojo. Les combattants étaient munis de gants, mais n’avaient pas de casque de protection ce jour-là. L’intensité de l’entrainement avait augmenté au fil des exercices. Ils s’en étaient pris « plein le visage ». Ces entrainements étaient organisés dans les locaux de la police et étaient encadrés par des membres du personnel du Groupe d’intervention, spécialistes dans ce domaine. L’activité en question était de la boxe. Les consignes reçues étaient de changer de partenaire toutes les deux minutes trente. Les participants savaient donc que les règles de l’activité étaient celles de la boxe. Au stade où ils se trouvaient lors de cette sélection, il n’était pas nécessaire de leur préciser quels coups étaient autorisés ou au contraire interdits. Durant l’année de sélection, les participants s’entrainaient de façon personnelle et individuelle, sans entrainement dispensé par l’employeur. À la fin du cursus, chaque candidat avait participé à un combat. Le
23 janvier 2024, il avait reçu plusieurs coups au visage. Ce n’était que lorsque l’adrénaline était redescendue, lorsqu’il était dans les vestiaires, qu’il s’était rendu compte qu’il voyait double. Tout étant chronométré, il estimait à environ deux à trois minutes l’intervalle entre la fin de l’entrainement et les douches dans les vestiaires.

Il avait pu terminer son cursus, mais il n’avait malheureusement pas pu intégrer le Groupe d’intervention puisque sa vue était altérée depuis sa blessure. Son tir n’était plus suffisant. Il était désormais rétabli et avait récupéré 99% de sa vision.

À partir du mois de février 2023, il s’était entrainé de son côté à la boxe, ainsi qu’à d’autres sports de combat puisqu’il ne savait pas sur quel sport il serait évalué. L’intensité de ces entrainements n’était cependant pas comparable à celle lors du cursus, durant lequel les participants étaient épuisés psychologiquement, physiquement et intellectuellement. Les séances du cursus étaient obligatoires. Elles étaient planifiées par le Groupe d’intervention et les participants devaient s’y plier.

Il a précisé, s’agissant des circonstances de l’événement litigieux, que ses mouvements n’avaient pas contribué à la lésion. Il avait pris beaucoup de coups, dont certains qu’il n’avait pas pu voir venir. Il n’avait donc pas pu se protéger efficacement. Il a ajouté qu’aucune maladie ou atteinte à la santé n’avait été diagnostiquée qui pourrait expliquer les troubles de la vision développés le
23 janvier 2024.

Sur questions de l’intimée, il a précisé que la séance du 23 janvier 2024 avait duré environ 1h30. Il a confirmé que les participants changeaient de partenaire toutes les deux minutes trente, avec un bref moment de repos entre deux sessions. Ils avaient des gants et des protège-dents, lesquels étaient obligatoires. Il n’avait subi aucune autre blessure lors de cette séance. L’entrainement avait pris fin vers 17h00 ou 18h00, et avait été suivi d’autres activités. Sa journée de formation avait dû se terminer vers 19h00-19h30.

g. Sur ce, la cause est gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

 

2.              

2.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

La procédure juridictionnelle administrative peut toutefois être étendue pour des motifs d'économie de procédure à une question en état d'être jugée qui excède l’objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins. Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l’objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes : la question (excédant l’objet de la contestation) doit être en état d'être jugée; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l’objet initial du litige; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l’objet de la contestation ne doit pas avoir fait l’objet d'une décision passée en force de chose jugée (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1 et les références).

2.2 Le litige, circonscrit par la décision dont est recours, porte sur la question de savoir si l'événement du 23 janvier 2024 peut être qualifié d'accident.

À toutes fins utiles, il sera relevé que le recourant ne conclut plus au versement des indemnités journalières en sa faveur et que la prise en charge des frais médicaux n’est pas discutée dans la décision litigieuse.

3.             Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

3.1 Le critère de soudaineté fixe un cadre temporel. Si l'atteinte dommageable ne doit pas nécessairement durer un instant seulement, elle doit cependant se produire dans un temps relativement court. Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a pas fixé de durée maximale (ATF 140 V 220 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 3.3.3 et les références).

Pour être soudaine, l'atteinte doit être unique et non consister en des troubles à répétition, par exemple des microtraumatismes quotidiens qui finissent par entraîner une atteinte à la santé nécessitant un traitement. L'unicité de l'atteinte ne saurait être confondue avec la succession, à des espaces rapprochés, de plusieurs événements, qui répondent chacun à la définition de l'accident. Ainsi, l'exposition à un facteur nocif (intoxication gazeuse, irradiation, etc.) répond au critère de soudaineté si l'atteinte se produit pendant un temps relativement court et qu'elle peut être rattachée à un événement unique (arrêt du Tribunal fédéral U 32/07 du 14 juin 2007 consid. 2.2 et la doctrine citée). La soudaineté se rapporte au facteur extérieur qui est à l'origine de l'atteinte, mais non aux conséquences provoquées par celle-ci, qui peuvent se produire seulement à un stade ultérieur (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2016, p. 919 n. 78 s. et les références).

L'ancien Tribunal fédéral des assurances a admis la condition de la soudaineté dans le cas d'un processus d'hypothermie ayant occasionné des engelures à huit doigts en l'espace de quelques dizaines de minutes (arrêt du Tribunal fédéral
U 430/00 du 18 juillet 2001 consid. 4b). Par la suite, le Tribunal fédéral a admis le critère de la soudaineté du seul fait que, selon l'expérience, l'eau chaude qui s'écoulait du robinet provoquait des brûlures après un temps relativement court, de sorte que le temps passé par l'assuré dans sa baignoire en raison d'une alcoolisation massive (une heure et demi) ne justifiait pas de nier le caractère soudain de l'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 4.4.2). Plus récemment, le Tribunal fédéral a nié la soudaineté d'une atteinte (auditive) invoquée dans les suites d'une présence à un concert pendant trente minutes environ (arrêt du Tribunal fédéral 8C_539/2022 du
8 novembre 2022 consid. 4.3). S’agissant d’un assuré ayant ressenti les premiers symptômes d'intoxication à la sortie d’un tunnel, soit après une heure et demi, il a relevé qu’un tel délai n'était pas compatible avec l'exigence légale d'une atteinte soudaine à la santé, qui devait se produire dans un laps de temps relativement court. Même si l'on se fondait sur les allégations ultérieures du recourant, d'après lesquelles il aurait ressenti les premiers troubles d'intoxication et un état de somnolence après une heure d'attente dans le tunnel, cette durée d'exposition aux gaz d'échappement ne répondait pas au critère de soudaineté de l'atteinte. Il n'était pas vraisemblable, par ailleurs, qu'une plus brève exposition dans le tunnel aurait entraîné des problèmes respiratoires durables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2024 du 29 novembre 2024).

3.2 Pour admettre la présence d'un accident, il ne suffit pas que l'atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur, soit une cause exogène au corps humain. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d'extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 134 V 72 consid. 4.1). Le caractère extraordinaire ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Celui-ci doit s'écarter de la mesure ordinaire et normale dans laquelle les influences de l'environnement agissent sur le corps humain (arrêt du Tribunal fédéral 8C_438/2024 du 18 mars 2025 consid. 3.2 et la référence). Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues (arrêt du Tribunal fédéral 8C_275/2023 du 18 octobre 2023 consid. 3.1.2 et les références).

La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive
(ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du
20 août 2019 consid. 3.4).

3.2.1 Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n. U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n. U 345 p. 422 consid. 2b).

Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2).

3.2.2 À titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur
(ATF 130 V 117 précité consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un « saut de carpe » (arrêt du Tribunal fédéral U 43/92 du
14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n. U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n. U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n. 21 p. 67). De même, il a été nié dans le cas d'une assurée qui, selon ses premières déclarations, a exécuté une culbute en arrière sans incidents particuliers et s'est alors blessée au niveau de la nuque et de l'épaule (arrêt du Tribunal fédéral U 322/02 du 7 octobre 2003). Il en est allé de même dans le cas d'une personne qui a exécuté une culbute « ratée » en arrière lors d'un entraînement de jujitsu, le fait qu'elle a roulé non pas par-dessus son épaule, mais par-dessus sa nuque ne constituant pas un mouvement sortant de l'éventail ordinaire des mouvements exécutés dans la pratique de ce sport (arrêt du Tribunal fédéral 8C_189/2010 du 9 juillet 2010). Le Tribunal fédéral a également conclu à l'absence de facteur extraordinaire dans les cas suivants d’une personne qui a trébuché sur une pierre, sans chuter, pendant une séance de nordic walking en extérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_978/2010 du 3 mars 2011 consid. 4.2), d’une assurée qui s'est blessé à la nuque en effectuant une roulade en avant durant une leçon de gymnastique (arrêt du Tribunal fédéral U 98/01 du 28 juin 2002) ou en exécutant de manière légèrement imparfaite une figure de gymnastique ou un autre mouvement dans l'exercice d'un sport (arrêt du Tribunal fédéral U 134/00 du 21 septembre 2001 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.3 cf. pour un aperçu de la casuistique : Martin KAISER /
Javier FERREIRO, Sozialversicherungsrechtliche Aspekte des Unfallbegriffs und des Wagnisses im Sport, in : RSAS 2013 p. 570 ss et 2014 p. 22 ss). De même, dans le cas d’un assuré qui s’était blessé lors d'une descente en rappel sur un rocher du canyon, il a jugé que le fait d'effectuer un mouvement non coordonné à la suite d'un relâchement de la corde, tout en restant sécurisé par celle-ci, faisait précisément partie du risque inhérent à la pratique de l'escalade et devait être considéré comme n'excédant pas ce que l'on pouvait objectivement qualifier de normal et d'habituel dans l'exercice de cette activité sportive. Le facteur extérieur de caractère extraordinaire faisait ainsi défaut (arrêt du Tribunal fédéral 8C_719/2019 du 5 novembre 2020).

3.2.3 La chambre de céans a été amenée à se déterminer sur un événement annoncé par un agent de la police municipale qui portait le grade d'appointé, survenu lors d'un entraînement d'arts martiaux dans le cadre professionnel. Dans le questionnaire relatif au déroulement de l’incident, l’assuré avait répondu, à la question de savoir s'il s'agissait d'une activité habituelle, et dans l'affirmative si celle-ci était exercée à un rythme quotidien, hebdomadaire ou mensuel :
« Effectivement il s'agit d'un entraînement obligatoire dans le cadre de mon activité professionnelle à un rythme d'une fois par mois ». Dans la description des faits, et s'agissant de savoir si quelque chose d'extraordinaire ou si un contretemps s'était produit, tels que coup, chute ou glissade, il avait noté : « Lors de l'amenée au sol, j'ai ressenti de fortes douleurs, craquements et demandé de tout lâcher, et je me suis rattrapé sur les mains en arrivant au sol avec fortes sueurs, des troubles de vue et envie de vomissements ». Elle a considéré que l’événement était survenu lors d'un entraînement professionnel de routine au cours duquel les participants exerçaient en groupe une prise classique d'amenée au sol, sous la forme d'une prise d'étranglement, en cas de nécessité d'interpeller sur la voie publique un individu récalcitrant ou peu collaborant. Elle a rappelé que l'objectif de cette forme d'intervention était précisément de pouvoir neutraliser la personne, sans la blesser. Elle a retenu que la condition de la cause extérieure extraordinaire qui devait être à l'origine de l'atteinte à la santé, pour que l'on puisse qualifier les faits d'accident, faisait défaut en l'espèce, car non seulement l'amenée au sol faisait partie des mouvements habituels et fréquemment exercés professionnellement par le recourant, mais en plus, car il n'y avait pas eu de chute en tant que telle, ni de traumatisme sur la nuque. Partant, elle a nié la cause extérieure en tant que telle (ATAS/521/2016 du 27 juin 2016 consid. 8).

3.2.4 La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a nié l’existence d’un accident au sens des art. 6 LAA et 4 LPGA dans le cas d’un assuré ayant ressenti des douleurs au niveau du genou lors d’un entraînement de self-défense, à l’occasion duquel, selon ses premières déclarations, il n’avait rien ressenti ou remarqué de particulier. Elle a rappelé qu’il ne s’agissait pas de nier l’existence de toutes lésions en relation avec le cours de self-défense auquel l’assuré avait participé, mais plutôt de considérer que celles-ci n’étaient pas constitutives d’un événement unique isolé dans le temps mais résultaient de microtraumatismes répétés de la vie courante, dont la pratique de sport pour un sportif du niveau du recourant faisait partie, et qui menaient, probablement en lien avec les lésions du ménisque constatées déjà dix ans auparavant, peu à peu à une usure (cause AA 90/11 – 98/2012 du 19 octobre 2012).

Dans le cas d’un assuré, qui avait été blessé à la nuque lors d’un entraînement de jujitsu, elle a rappelé qu’un placage au sol, même violent, entrait dans l’activité habituelle d’un tel sport, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de considérer qu’une cause extérieure extraordinaire était à l’origine de la lésion subie par le recourant (cause AA 83/13 - 51/2014 du 20 mai 2014).

Dans une autre affaire, elle a rejeté le recours d’un assuré qui, lors d’un cours de self-défense (en réalité un entraînement de boxe thaïlandaise organisé à l’interne par l’employeur de l’intéressé), avait fait un faux mouvement en faisant une clé de jambe au sol et s’était blessé. La Cour a en effet retenu que l’assuré effectuait
lui-même la clé de jambe, et pouvait donc contrôler la force qu’il exerçait, si bien que son mouvement corporel n’avait pas été influencé par un phénomène
extérieur ; à cela s’ajoutait que rien au dossier n’indiquait que les lésions seraient survenues de manière soudaine lors du mouvement en question (cause AA 62/10 ‑ 118/2011 du 28 octobre 2011).

Examinant la situation d’un assuré, agent de police, qui s’était blessé à l’épaule gauche dans le cadre d’une formation continue obligatoire de self-défense organisée deux fois l’an, le Tribunal vaudois a relevé que l’intéressé ne pratiquait pas le jujitsu, sport dans lequel un placage au sol, même violent, entrait dans l’activité habituelle, et qu’il avait immédiatement ressenti une douleur, qu’il avait attribuée au fait que le moniteur avait mis plus de poids que nécessaire sur la partie supérieure gauche de son corps. Il ne s’agissait pas d’un faux mouvement que l’assuré aurait effectué lui-même, mais bien de l’impact du mouvement
– excessif – d’un tiers sur sa personne, sans que l’intéressé ne puisse le contrôler. Il y avait ainsi lieu de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’exercice de self-défense en cause ne s’était pas déroulé comme prévu, l’atteinte subie par le recourant ne constituant pas un événement usuel lors de la pratique de la self-défense ni la réalisation d’un risque inhérent à cette pratique. Partant, l’événement litigieux répondait à la notion d’accident (cause AA 94/22 - 18/2023 du 13 février 2023).

Récemment, la Cour des assurances sociales du Canton de Vaud a considéré, après analyse des règles du jeu de World Rugby (2023), que le plaquage par l’arrière subi par l’assuré semblait tout à fait règlementaire, puisque l’intéressé n’avait pas été saisi au niveau des épaules, mais bien au niveau inférieur du dos, en direction des hanches. De plus, le fait que l’adversaire lui soit retombé dessus faisait partie des règles du plaquage arrière. Au demeurant, un plaquage au sol, même violent, entrait dans l’activité habituelle d’un sport tel que le rugby, tout comme le fait d’entrer en collision avec un autre joueur lorsqu’on était porteur du ballon, de sorte que l’on ne saurait considérer qu’une cause extérieure extraordinaire est à l’origine de la lésion subie par le recourant. Quand bien même l’intimée avait initialement admis l’existence d’un accident au sens de
l’art. 4 LPGA avant de revenir sur sa position, les conditions de la reconnaissance d’un accident n’étaient pas réalisées en l’espèce, le recourant échouant à prouver, au degré de la vraisemblance prépondérante, avoir été victime d’un accident
(arrêt / 2024 / 193 du 9 avril 2024).

3.3 L’assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et
pro futuro à son obligation d’allouer des prestations, qu’il avait initialement reconnue en versant des indemnités journalières et en prenant en charge les frais de traitement, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale), sauf s’il réclame les prestations allouées (ATF 133 V 57 consid. 6.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_3/2010 du 4 août 2010 consid. 4.1). Ainsi, il peut liquider le cas en invoquant le fait que selon une appréciation correcte de l’état de fait, un événement assuré n’est jamais survenu
(ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral des assurances a précisé en outre que les frais de traitement et l’indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale
(ATF 137 V 424 consid. 3.1 et la référence) ne sont pas applicables
(ATF 133 V 57 consid. 6.7). En revanche, l’arrêt des rentes d’invalidité ou d’autres prestations versées pour une longue période est soumis aux conditions d’adaptation, reconsidération et révision procédurale (ATF 130 V 380
consid. 2.3.1). La jurisprudence réserve les cas dans lesquels le droit à la protection de la bonne foi s’oppose à une suppression immédiate des prestations par l’assureur-accidents (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1).

3.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; 121 V 45 consid. 2a et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du
23 mai 2017 consid. 4.3 ; 8C_438/2024 du 18 mars 2025 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral a admis qu'un questionnaire dépourvu de tout commentaire explicatif, que doit remplir un assuré à la suite d'un accident, ne permet pas d'exclure la survenance d'un événement particulier, même si l'assuré n'en fait pas expressément mention lorsqu'il remplit le questionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2007 du 29 avril 2008 consid. 4). En outre, un document qui fait état d'un renseignement recueilli oralement ou par téléphone ne constitue un moyen de preuve recevable et fiable que s'il porte sur des éléments d’importance secondaire, tels que des indices ou des points accessoires. Si les renseignements portent sur des aspects essentiels de l'état de fait, ils doivent faire l'objet d'une demande écrite (ATF 117 V 282 consid. 4c).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable
(ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

4.             En l’espèce, il convient de déterminer si le recourant a été victime, le
23 janvier 2024, d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

La chambre de céans rappelle que le « sport de combat » auquel le recourant a participé le 23 janvier 2024 était de la boxe. L’intéressé a déclaré que tous les participaient connaissaient les règles à respecter, en particulier les coups autorisés et ceux interdits. Il n’a pas allégué, que ce soit dans sa déclaration d’accident du 22 février 2024, dans le questionnaire du 19 mars 2024, dans ses écritures
par-devant la chambre de céans, ou encore lors de sa comparution personnelle, qu’il aurait été victime de frappes non réglementaires, ni que ses adversaires auraient commis des fautes. Les rapports médicaux des médecins consultés par l’intéressé ne mentionnent pas non plus de circonstances particulières, seuls les coups au visage étant mentionnés. Or, la boxe est précisément définie comme un sport de combat opposant deux adversaires (de la même catégorie de poids) qui se frappent à coups de poing, en portant des gants spéciaux.

Il appert ainsi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’entrainement du 23 janvier 2024 s’est déroulé comme prévu, dans le respect des règles de base et avec l’équipement adéquat obligatoire, et que la succession de coups au visage reçus par le recourant constitue un élément usuel et inhérent à la pratique de la boxe.

Que l’intéressé se trouvait dans un état d’épuisement, tant physique que psychologique et intellectuel en raison de l’intensité du cursus, n’est pas déterminant. Il en va de même du fait qu’il n’a pas participé à l’élaboration du programme et qu’il devait s’y soumettre s’il entendait terminer le cursus. La boxe présente des risques de traumatismes crâniens et de blessures aux yeux, entre autres, ce que l’intéressé ne pouvait ignorer. On relèvera d’ailleurs qu’il était coutumier des sports de combat, auxquels il s’entrainait à titre privé depuis environ une année, à une fréquence d’environ trois à quatre fois par mois, afin de se préparer au mieux au cursus suivi.

Dans ces conditions, il ne peut qu’être constaté que l’événement litigieux ne répond effectivement pas à la notion d’accident.

5.             Partant, le recours doit être rejeté et la décision litigieuse confirmée.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le