Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/840/2025 du 05.11.2025 ( AVS ) , ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/628/2025 ATAS/840/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 5 novembre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Erika ANTILLE, avocate
| recourant |
contre
|
et
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A. a. A______, (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né en 1954, est médecin-dentiste.
b. L’intéressé s’est vu octroyer une autorisation de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle par le canton de Genève en janvier 2013.
B. a. Le 20 décembre 2018, l’intéressé a conclu une convention de collaboration avec le Centre Médical de B______ (ci-après : le centre ou l’appelé en cause), constitué sous forme de société anonyme et représenté par C______, stipulant notamment un statut d’indépendant au regard de l'AVS. Selon ladite convention, l’intéressé était responsable de ses actes dans l'exercice de sa profession et assumait sa responsabilité médicale, le centre lui recommandant vivement de souscrire une assurance couvrant sa propre responsabilité à l'égard des tiers. Cette convention conférait à l’intéressé le droit d'utiliser une salle destinée à des consultations dentaires, celui-ci s'engageant à être présent et exploiter ladite salle conformément aux horaires du centre. Il travaillerait 24 heures par semaine réparties selon un commun accord, toute modification devant faire l'objet d'une autorisation préalable écrite du centre. Dans le cadre de son activité, l’intéressé était autorisé à faire usage du nom, de l’adresse postale, de l’identité visuelle et des supports du centre (cartes de visite, papier à en-tête etc.). Une ligne internet et téléphonique, une imprimante et un ordinateur avec un logiciel pour la gestion des dossiers des patients et la facturation étaient mis à la disposition de l’intéressé. Le centre fournissait les consommables dentaires et le matériel de bureau et assurait les prestations suivantes : réception des appels, prise des rendez-vous et accueil des patients. L’intéressé était responsable de générer ses prestations et ses propres factures. Le centre prenait en charge la gestion de ces factures ainsi que les rappels et les encaissements de celles-ci. La rémunération de l’intéressé était constituée d’une rétrocession de 38% des montants nets encaissés (hors matériels refacturés, frais de laboratoire, TVA et frais de facturation), avec un bonus de 2% en cas de réalisation des buts convenus. La convention précisait que les indemnités de vacances étaient incluses dans cette rémunération, le droit aux vacances étant de 20 jours par année à fixer d’entente avec le centre. Une clause de non-concurrence interdisait à l’intéressé d’agir, directement ou indirectement, dans toute entreprise qui ferait concurrence au centre dans les communes de B______, D______ et E______durant douze mois après la fin de la convention. L’intéressé ne pouvait exercer une activité secondaire rémunérée qu'avec l'accord préalable du centre. Un règlement interne séparé fixait le cahier des charges, l'organisation du travail, ainsi que les règles déontologiques dans le centre, l’intéressé s’engageant à le respecter.
b. Dans ses déclarations fiscales, l’intéressé a déclaré des revenus tirés d’une activité indépendante de respectivement CHF 32'518.-, CHF 46'578.- et CHF 23'343.- pour 2020, 2021 et 2022.
c. Le 28 janvier 2022, le centre a adressé à l’intéressé un relevé des versements pour 2021, mentionnant douze versements mensuels de montants variables, totalisant CHF 58'303.78.
d. Le 7 mars 2022, la caisse cantonale vaudoise de compensation (ci-après : la caisse vaudoise) a indiqué à l’intéressé que selon ses vérifications, il n’était pas affilié en tant qu’indépendant auprès d’une caisse de compensation alors qu’il avait déclaré des revenus réalisés à ce titre aux autorités fiscales en 2020. Elle l’invitait ainsi à déposer une demande d’affiliation.
e. Le 18 mars 2022, l’intéressé a déposé une demande d’affiliation au moyen du formulaire pour les personnes de condition indépendante auprès de la caisse vaudoise, relative à son activité de médecin-dentiste auprès du centre. Il a indiqué travailler à 40%, a estimé le résultat d’exploitation à CHF 32'518.-. Il a précisé qu’il n’occupait pas de personnel et travaillait dans les locaux du centre, qui le rémunérait par des versements mensuels. Il n’avait pas de comptabilité personnelle, n’avait procédé à aucun investissement, n’encourait pas de risque économique, n’était pas assuré pour la responsabilité civile, ne concluait pas de contrats avec la clientèle qu’il ne démarchait pas, et était tenu d’exécuter personnellement son travail. Il ne recevait pas de directives pour l’exécution de son activité, sur laquelle il n’était pas tenu de rendre des comptes.
f. Le 1er avril 2022, la caisse vaudoise a transmis la demande d’affiliation de l’intéressé à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée), dès lors que l’activité était exercée à Genève.
g. Le 25 avril 2022, la caisse a requis de l’intéressé des copies du contrat conclu avec le centre, de son avis de taxation en 2020, de son bilan et de son compte de pertes et profits en 2020.
h. Par décision du 10 juin 2022, la caisse a refusé d’affilier l’intéressé en tant qu’indépendant, les circonstances économiques révélant davantage la situation d’un salarié. En effet, celui-ci n’agissait pas en son propre nom et pour son propre compte, et se trouvait dans un rapport de subordination avec son mandant (sic). Il était tenu d’exercer son activité personnellement, avait un devoir de présence, était soumis à une clause de non-concurrence, n’avait pas opéré d’investissements importants et n’encourait pas de pertes. Il percevait des indemnités de vacances et de déplacement. Il appartenait ainsi au centre d’annoncer l’intéressé comme personne salariée et de verser des cotisations à la caisse de compensation à laquelle le centre était affilié. Dite décision a également été notifiée au centre.
i. Le 7 août 2024, la caisse a communiqué au centre que la caisse cantonale valaisanne de compensation (sic) l’avait informée du fait que l’intéressé ne remplissait pas les conditions pour être reconnu comme indépendant en 2021 et 2022, et il incombait au centre d’adresser à la caisse des déclarations rectificatives sur les salaires qu’il avait versés à celui-ci.
j. Par courrier du 12 août 2024, le centre, sous la plume de C______, a contesté la décision de la caisse. Il a souligné que l’intéressé disposait du numéro de concordat – numéro du registre des codes-créanciers ou RCC (registre des codes-créanciers) – Z1______, « attribué sous réserve de son statut d'indépendant ». Il exerçait en son nom propre, comme l'attestaient les copies de factures de soins dentaires jointes à cet envoi. L’intéressé gérait ses activités pour son propre compte, conformément au contrat signé avec la caisse des médecins pour la gestion de ses factures. Les achats de matériel et les commandes étaient effectués en son nom. Il ne percevait aucune indemnité de vacances. Partant, le centre invitait la caisse à reconsidérer sa décision, qu’il a précisé n’avoir jamais reçue.
Le centre a produit une commande du 21 juin 2021 à un fournisseur mentionnant le compte du centre, l’adresse de contact étant celle de l’intéressé au site du centre, d’autres commandes avec factures groupées adressées à l’intéressé, datées du 30 décembre 2022 et du 30 novembre 2021, quatre notes d’honoraires de l’intéressé établies à son nom et portant son numéro de concordat, et la première page du contrat de service entre la caisse des médecins et l’intéressé portant sur des services de facturation des prestations.
k. Par décision du 22 janvier 2025 adressée au centre, la caisse a admis l’opposition du centre. Elle a annulé sa décision et affilié l’intéressé en qualité d'indépendant, pour son activité de médecin-dentiste auprès du centre dès le 1er janvier 2020. Elle a adressé une copie de cette décision à l’intéressé.
C. a. Par écriture du 24 février 2025, l’intéressé a interjeté recours contre la décision de l’intimée. Il a conclu, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision du 22 janvier 2025, son statut de salarié étant reconnu, et ordre étant donné au centre de déclarer à l’intimée les rémunérations versées au recourant, subsidiairement à l’annulation de la décision et au renvoi à l’intimée pour nouvelle décision au sens des considérants, et à l’octroi de l’assistance juridique gratuite. Il a produit le formulaire de demande correspondant, précisant qu’il était au bénéfice de prestations complémentaires.
Il a indiqué avoir travaillé 25 ans auparavant en qualité de dentiste indépendant exploitant un cabinet dentaire, raison pour laquelle il avait été mis au bénéfice d'une autorisation de pratiquer sur le canton de Genève sous le numéro de concordat Z21______. À la suite de la vente de son cabinet, il avait exercé en tant que salarié auprès de plusieurs dentistes. Il a fait valoir que C______ n'avait jamais été inscrit au registre du commerce en tant qu’organe du centre et n’avait pas justifié de son pouvoir de représentation. Le recourant a détaillé plusieurs critères démontrant son statut de salarié, notamment l’absence de risque économique. Les factures de matériel étaient réglées par le centre. Les notes d’honoraires portaient son nom car il avait prodigué les soins, mais il n’avait pas personnellement émis ces factures et n’avait pas encaissé les montants correspondants. Il a requis la production par le centre de sa comptabilité entre 2020 et 2023 pour démontrer ses dires.
Il a notamment produit un bulletin de salaire de février 2020 établi par le centre, portant sur des indemnités de déplacement de CHF 450.-, sur lesquelles des cotisations sociales paritaires avaient été prélevées.
b. Le 25 février 2025, la chambre de céans a transmis la demande d’assistance juridique de l’intéressé au greffe de l’assistance juridique.
c. Dans sa réponse du 25 mars 2025, l’intimée a conclu, préalablement à l’appel en cause du centre, et principalement au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 22 janvier 2025. Elle a cité la convention de collaboration, dont la signature démontrait que l'intention du recourant était de se lancer dans une activité indépendante et de collaborer avec le centre afin de fournir ses prestations tout en utilisant les locaux de ce centre. Le fait qu'il doive respecter des horaires pour exploiter la salle de consultation ne remettait pas en cause sa liberté organisationnelle, dès lors qu'il était libre de fixer ses rendez-vous et de choisir sa clientèle comme il le souhaitait. Le respect des horaires d'ouverture, de l'organisation et des structures du centre étaient des exigences standards pour un cabinet regroupant plusieurs médecins indépendants. Les quelques conditions imposées au recourant (dont le respect du règlement interne et des règles déontologiques) répondaient à des préoccupations notamment de marketing, afin de s'assurer du maintien de la bonne renommée du centre, et n'étaient pas des instructions données au recourant dans le but d'intervenir dans l'organisation de son activité. La clause de non-concurrence concernait uniquement les communes de B______, D______ et E______. Il n’y avait en réalité pas de rapport de dépendance économique, dès lors que le recourant était libre d'avoir une activité lucrative dans l'ensemble du canton, soit dans les 42 autres communes genevoises, ainsi que le reste de la Suisse. S'agissant de son indépendance économique, le recourant établissait lui-même ses factures et mentionnait à chaque fois son numéro RCC, cet élément plaidant en faveur d'une activité indépendante. Par ailleurs, il avait lui-même effectué des achats de matériel pour son activité de médecin-dentiste. Il supportait les risques de son activité et engageait sa propre responsabilité, et non celle du centre. À l’appui de sa position, l’intimée a cité les noms de quatre médecins et médecins-dentistes travaillant dans le centre en tant qu’indépendants, précisant que ceux-ci n’avaient jamais été déclarés en tant que salariés auprès d’elle, seuls les collaborateurs administratifs étant déclarés à ce titre. Au vu de ces éléments, c’était à juste titre que le recourant avait été affilié en qualité d'indépendant pour son activité déployée auprès du centre.
d. Dans sa réplique du 25 avril 2024, le recourant a indiqué qu’il ignorait avoir déclaré des revenus tirés d’une activité d’indépendant dans ses déclarations fiscales. Le centre occupait bon nombre de médecins qui n’y restaient pas longtemps, car ils ne disposaient pas de contrats de travail en bonne et due forme.
e. Par écriture spontanée du 18 mai 2025, le recourant a informé la chambre de céans qu’il avait été contacté par la section anti-fraudes de la caisse-maladie Groupe Mutuel au sujet de factures à son nom portant son numéro RCC établies après son départ du centre, la dernière datant de 2025. Cela confirmait, selon le recourant, qu’il n’avait ni facturé ni encaissé les prestations fournies dans le cadre de son activité, mais que son numéro RCC avait été utilisé par C______, respectivement son employeur.
Il a produit un courriel du Groupe Mutuel du 9 mai 2025, lui communiquant un extrait de montants facturés en 2022, 2023 et 2024 sous son numéro RCC – lequel était inactif depuis 2016, selon les renseignements obtenus de F______ SA par le Groupe Mutuel –, ainsi qu’une facture établie le 17 mars 2025 sous ce numéro à titre d’exemple. Le Groupe Mutuel invitait le recourant à lui indiquer s’il s’agissait de faux, partant du postulat que son numéro RCC était usurpé.
f. Par ordonnance du 21 mai 2025, la chambre de céans a appelé en cause le centre.
g. Le 27 mai 2025, l’appelé en cause, sous la plume de C______, a conclu implicitement au rejet du recours, soutenant que les allégations du recourant étaient sans fondement et que celui-ci avait lui-même rempli ses déclarations fiscales. Il prenait ses vacances de manière indépendante, sans solliciter d’autorisation, et fixait ses jours de travail de façon autonome, sans demander de validation au centre.
h. Par écriture du 23 juin 2025, l’intimée a retenu que l’appelé en cause confirmait la nature indépendante de l’activité du recourant, si bien qu’elle maintenait sa position.
i. Dans ses déterminations du 2 juillet 2025, le recourant a soutenu que C______ aurait vendu le centre à une date inconnue, si bien qu’il y avait lieu de clarifier la capacité de celui-ci à agir pour le centre. Il a soutenu que ses horaires étaient convenus avec son employeur. Il était possible que sa fiduciaire ait commis une faute professionnelle en déclarant ses revenus à titre d’indépendant. Enfin, il a allégué qu’il avait été contacté par une autre caisse-maladie en lien avec des factures qui auraient été frauduleusement émises en 2024 avec son numéro RCC.
j. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée et à l’appelé en cause le 8 juillet 2025.
k. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur le statut du recourant durant son activité auprès de l’appelé en cause.
3. Il convient en premier lieu d’examiner les griefs du recourant quant à l’absence de pouvoir de représentation de C______. Selon le registre du commerce, celui-ci, signataire de l’opposition, n’a jamais été organe du centre et n’a jamais disposé du droit de l’engager par sa signature
3.1 L'art. 718a du Code des obligations (CO - RS 220) prévoit que les personnes autorisées à représenter la société ont le droit d’accomplir au nom de celle-ci tous les actes que peut impliquer le but social (al. 1). Une limitation de ces pouvoirs n’a aucun effet envers les tiers de bonne foi ; font exception les clauses inscrites au registre du commerce qui concernent la représentation exclusive de l’établissement principal ou d’une succursale ou la représentation commune de la société (al. 2).
Au plan procédural, en matière civile, les organes exécutifs, mais aussi toutes les personnes qui peuvent valablement représenter la société anonyme dans les actes juridiques avec des tiers en vertu des règles du droit civil, peuvent accomplir des actes judiciaires en son nom, comme signer des écritures, donner procuration à un avocat et comparaître aux audiences. Chacune des personnes habilitées à représenter la société en justice doit justifier de sa qualité et de son pouvoir, en produisant soit un extrait du registre du commerce, soit l'autorisation qui lui a été délivrée pour plaider et transiger dans l'affaire concrète dont le tribunal est saisi (ATF 141 III 80 consid. 1.3). En cas de représentation collective, la signature d'un seul représentant ne lie en principe pas la société. Il peut toutefois être remédié ultérieurement au défaut de pouvoir de représentation. L'art. 38 al. 1 CO prévoit expressément la ratification postérieure d'actes juridiques qui auraient été passés par une personne sans pouvoirs de représentation. Cette disposition peut être appliquée par analogie aux organes d'une personne morale. Si une personne qui ne peut engager une société que par une signature collective a agi seule, son acte peut être validé postérieurement par l'approbation de la société représentée ; cette approbation peut aussi être donnée tacitement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_87/2011 du 16 mai 2011 consid. 2.1 et 4A_187/2018 du 21 février 2019 consid. 3.1.3 et 3.1.4 en matière de représentation de la société à responsabilité limitée). En outre, selon un ancien arrêt du Tribunal fédéral en matière de poursuites, une opposition par un employé d'une personne morale, qui, selon l'inscription au registre du commerce, ne possède pas de pouvoir de représentation, n'est pas d'emblée nulle. À la requête du créancier poursuivant, l'office des poursuites, respectivement l'autorité de surveillance, doit examiner si l'employé a agi avec l'autorisation des organes ou si ceux-ci ont au moins approuvé par la suite l'opposition (ATF 97 III 113).
Selon l’art. 37 al. 2 LPGA, l’assureur peut exiger du mandataire qu’il justifie ses pouvoirs par une procuration écrite. Aux termes de l’art. 10 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), l'opposition doit contenir des conclusions et être motivée (al. 1). L'opposition écrite doit être signée par l'opposant ou par son représentant légal. En cas d'opposition orale, l'assureur consigne l'opposition dans un procès-verbal signé par l'opposant ou son représentant légal (al. 4). Si l'opposition ne satisfait pas aux exigences de l'al. 1 ou si elle n'est pas signée, l'assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l'avertissement qu'à défaut, l'opposition ne sera pas recevable (al. 5). L’assureur est ainsi en droit d'exiger une procuration écrite du mandataire de la partie, conformément à l'art. 37 al. 2 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2024 du 31 janvier 2025 consid. 5.3). Un délai doit être imparti pour produire une procuration. Sans demande dans ce sens, eu égard à l’interdiction du formalisme excessif, un assureur ne peut refuser d’entrer en matière sur une opposition au motif que son auteur n’aurait pas justifié de ses pouvoirs de représentation (Philipp GEERTSEN, Kommentar zum ATSG, 5e éd. 2024, n. 22 ad art. 37 LPGA).
3.2 En l’espèce, il ne fait pas de doute que l’appelé en cause était légitimé à former opposition à la décision du 10 juin 2022 de l’intimée, dès lors qu’elle le touchait directement (cf. art. 59 LPGA). On peut s’interroger sur la recevabilité de l’opposition du centre sous l’angle du pouvoir de représentation de C______, celui-ci n’étant pas habilité à l’engager par sa signature. Dès lors que c’est également lui qui a signé l’écriture au nom de l’appelé en cause dans la présente procédure, on ne se trouve pas dans un des cas visés par la jurisprudence citée, dans lesquels un acte au nom d’une société, émanant d’une personne non habilitée à la représenter, est (tacitement) ratifié postérieurement par une personne dotée de pouvoirs de représentation. On doit ici rappeler que l'autorité examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies, elle doit également examiner d'office si l'instance précédente a respecté les conditions de recevabilité qui devaient être remplies devant elle (Pierre MOOR / Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 626). Compte tenu de l’absence de pouvoirs de C______ pour engager le centre par sa signature, il est vrai que l’intimée aurait dû exiger une procuration établie en sa faveur avant d’entrer en matière sur l’opposition. En l’absence d’une telle demande, le défaut de procuration ne saurait toutefois conduire la chambre de céans à constater l’irrecevabilité de l’opposition – ce qui impliquerait l’entrée en force de la décision du 10 juin 2022 –, conformément à l’interdiction du formalisme excessif. Il n’est cependant pas non plus opportun de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle examine les conditions de recevabilité de l’opposition en déterminant si C______ avait le droit de représenter le centre, au vu de l’issue du litige.
4. Pour une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu perçu dans un certain laps de temps ; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 3.1).
4.1 Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé. Quant au revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS). La notion du salaire déterminant au sens de la LAVS est plus large que la notion de salaire selon le droit du travail (chiffre 1030 des Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD] éditées par l’OFAS dans leur version au 1er janvier 2019).
4.2 Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique encouru par l'entrepreneur (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.2 et 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 3.2). Le risque économique de l'entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux. Le risque économique de l'entrepreneur n'est cependant pas à lui seul déterminant pour juger du caractère dépendant ou indépendant d'une activité. La nature et l'étendue de la dépendance économique et organisationnelle à l'égard du mandant ou de l'employeur peuvent singulièrement parler en faveur d'une activité dépendante dans les situations dans lesquelles l'activité en question n'exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d'accorder moins d'importance au critère du risque économique de l'entrepreneur et davantage à celui de l'indépendance économique et organisationnelle (arrêts du Tribunal fédéral 8C_409/2022 du 3 mai 2022 consid. 3.4 et 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.4).
4.3 On est en règle générale en présence d'une activité lucrative indépendante lorsque la personne tenue de cotiser participe, par l'engagement de sa force de travail et de son capital, aux échanges économiques en s'organisant elle-même et de manière visible pour le public afin de fournir des prestations de service ou de créer des produits qui sont utilisés ou acquis au moyen de contre-prestations financières ou pécuniaires (ATF 143 V 177 consid. 3.3). Les critères suivants plaident en faveur d’une activité indépendante d’un assuré : gestion d’une entreprise avec des employés dans ses propres locaux ; rapport d’égalité avec la personne ayant confié le mandat ; possibilité de travailler simultanément pour plusieurs sociétés en son propre nom, sans être dépendant de celles-ci ; prise en charge des frais ; rémunération liée au succès de l’entreprise ; responsabilité à l’égard de tiers ; choix des horaires ; exécution du travail chez soi ; absence d’instructions ; sollicitation au cas par cas ; indépendance prévue par la loi (Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR, vol. XIV, 3e 2016, n. 196). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci et son obligation d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.3). Un autre élément est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur. La possibilité pour le travailleur d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.3).
4.4 Ces principes ne conduisent cependant pas à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances particulières (ATF 144 V 111 consid. 4.2). Le point de savoir si l'on a affaire dans un cas donné à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires (arrêt du Tribunal fédéral 8C_409/2022 du 3 mai 2023 consid. 3.2). Les rapports de droit civil ou sur le plan fiscal ne sont pas non plus décisifs pour savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_302/2016 du 28 février 2017 consid. 5.2). Il n’existe aucune présomption juridique en faveur de l’activité salariée ou indépendante (ch. 1020 DSD). La détermination du statut laisse aux autorités amenées à statuer une large marge d'appréciation. L'interprétation des indices pertinents est rarement univoque, et il y a lieu de décider pour chaque cas particulier en fonction de la prépondérance de certains critères par rapport à d'autres la nature de l’activité (ATF 140 V 108 consid. 6).
5. Depuis le 1er janvier 2018, la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11) établit les règles régissant l’exercice de ces professions sous propre responsabilité professionnelle. Cette notion de propre responsabilité professionnelle a remplacé l’ancien critère « à titre indépendant », lequel posait certains problèmes, notamment le fait qu’il ne tenait pas compte du critère de la responsabilité professionnelle. Ce changement de terminologie a eu pour conséquence d’assujettir au régime de l’autorisation de la LPMéd les personnes jusque-là non considérées comme indépendantes, mais qui exerçaient leur profession à titre d’activité économique privée et sous leur propre responsabilité (Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi sur les professions médicales (LPMéd), FF 2013 5587). Le droit cantonal prévoit à l’art. 73 de la loi sur la santé (LS - K 1 03) qu’une personne n’a le droit de pratiquer une profession de la santé que si elle est au bénéfice d’une autorisation de pratiquer. Le département peut renoncer à délivrer une autorisation de pratiquer aux professions médicales universitaires s’exerçant sous la surveillance professionnelle d’une professionnelle ou d’un professionnel de la santé autorisé à pratiquer la même discipline et qui suivent une formation postgrade (al. 2). Le département peut renoncer à délivrer une autorisation de pratiquer aux autres professions de la santé s’exerçant sous la surveillance professionnelle d’un pair ou d’une supérieure ou d’un supérieur hiérarchique. Dans ce cas, il appartient à l’employeuse ou à l’employeur de s’assurer que la professionnelle ou le professionnel concerné est titulaire des diplômes nécessaires (al. 3).
6. Le numéro RCC est un numéro d'identification unique attribué en Suisse aux fournisseurs de prestations médicales pour simplifier les décomptes avec les assurances-maladies. Ce numéro est octroyé par l’organisme F______ SA pour permettre à la personne admise par l’autorité sanitaire cantonale d'établir des documents (ordonnances, factures) pour les soins pris en charge par l'assurance obligatoire des soins.
Le code RCC est délivré pour une activité indépendante, tant aux individus (personnes physiques) qu’aux institutions (personnes morales), tandis qu’un numéro C est délivré pour une activité en tant qu'employé. Il appartient aux établissements employeurs de demander et gérer les numéros C de leur personnel (cf. sur ces questions https://www.ge.ch/admission-charge-aos-personnes-physiques/faq-admission-charge-aos).
7. On peut rappeler la pratique et la jurisprudence suivante relative au statut d’assurés exerçant la profession de médecin.
7.1 Les chiffres 4051 et suivants DSD traitent de la qualification des revenus des médecins. Il y est précisé au chiffre 4063 que la rétribution d’un médecin hospitalier fait en général partie du salaire déterminant, et au chiffre 4067 que les honoraires que le médecin hospitalier peut directement réclamer au patient et pour lesquels il supporte le risque économique constituent un revenu provenant d’une l’activité lucrative indépendante. Le seul fait que le médecin soit rémunéré à l’acte ne permet pas de dire que l’activité est exercée de manière indépendante.
7.2 Le Tribunal fédéral a considéré dans un arrêt de principe que les honoraires perçus par les médecins-chefs de service et de médecins-chefs de service adjoints, ainsi que les médecins-chefs pour les traitements stationnaires prodigués à des patients de la division privée des établissements hospitaliers du canton de Lucerne relevaient d’un revenu d’une activité dépendante (ATF 122 V 281). Il est parvenu à la même conclusion s’agissant des honoraires réalisés dans le même cadre par les médecins-chefs de service, les médecins-chefs de service adjoints et les médecins-chefs dans le canton de Genève (ATF 124 V 97), tout en précisant dans cet arrêt que les honoraires perçus par les médecins-chefs pour les soins prodigués à la clientèle ambulatoire dans le cabinet privé mis à leur disposition par l'établissement hospitalier constituaient un revenu d’une activité indépendante. Notre Haute Cour a considéré que dans son activité purement hospitalière, lorsqu'il traite des patients privés hospitalisés en chambres privées, le médecin-chef est soumis sur le plan de l'organisation à la commission administrative et à une direction médicale. Il n'est pas libre d'admettre ou de refuser les patients privés hospitalisés, ni de leur consacrer un temps excessif. Il n'a pas le pouvoir de choisir son personnel, de l'engager ou de le licencier ; il ne dispose pas davantage de compétences pour décider d'investissements. Ces éléments plaident en faveur d'une activité lucrative dépendante. Le médecin-chef dans le cas d’espèce n’avait dû consentir aucun investissement et ne supportait aucun risque économique, hormis l'éventualité peu probable d'une perte liée à l'encaissement de ses honoraires. Dans le domaine stationnaire, l'hôpital n’était pas un simple intermédiaire uniquement chargé de l'encaissement et faisait valoir des prétentions propres avec une facture établie à son en-tête. Dans ces conditions, le risque économique du médecin apparaissait tout à fait secondaire. Le médecin était en outre couvert par le contrat d'assurance responsabilité civile conclu par l'hôpital (consid. 6a). S’agissant en revanche de la patientèle ambulatoire, il existait une grande similitude avec le statut d'un médecin ayant son cabinet en dehors de l'hôpital. En particulier, le risque économique relatif aux patients ambulatoires était assumé par le médecin, qui établissait ses notes d'honoraires à titre personnel. Dans la mesure où celui-ci versait à l'hôpital un montant forfaitaire pour chaque consultation, le risque avait trait non seulement à l'encaissement de ses honoraires, mais aussi aux frais encourus. Le caractère indépendant de l'activité dans le cadre ambulatoire ressortait spécialement du fait que le médecin l’exerçait à titre individuel et personnel, alors qu’en cas d'hospitalisation, l'équipe médicale restait à disposition pour pallier toute absence ou faire face aux nécessités. Compte tenu de tous ces éléments, les indices d'une activité dépendante étaient relégués à l'arrière-plan (consid. 6b).
Dans un arrêt ultérieur, le Tribunal fédéral a retenu que l’ensemble de l’activité exercée par un médecin chef du service de radiologie d’un hôpital régional, ainsi que l’activité exercée par ce même médecin dans un hôpital d’arrondissement, devait être qualifiée de dépendante, et que la nature juridique du rapport entre le médecin et le patient n’avait pas de portée déterminante. Il a considéré comme décisif le fait que le médecin concerné n’employait pas son propre personnel infirmier ni son propre secrétariat dans les locaux de l’hôpital, et qu’il ne disposait pas de son propre matériel de radiologie. Il utilisait au contraire les locaux et le matériel de l’hôpital. Il était par ailleurs douteux qu’il fût libre de décider s’il acceptait ou non de traiter des patients à titre privé. Enfin, l’hôpital avait conclu un contrat d’assurance de responsabilité civile couvrant la responsabilité pour le traitement de patients privés du médecin concerné et s’occupait de la facturation, et rien n’indiquait qu’il ne supportât pas intégralement le risque de défaut de paiement (arrêt du Tribunal fédéral H 201/00 du 19 mars 2002 consid. 3b).
La cour des assurances sociales du canton de Vaud a tranché le cas d’un médecin généraliste salarié par un centre médico-chirurgical, ayant ensuite demandé à être affilié en tant qu’indépendant exploitant un cabinet dans ce même centre dès mai 2009. Cet assuré avait précisé que son activité exercée jusqu’au 30 avril 2009 était exercée sous la supervision du médecin-chef du centre, dans l’attente de l’autorisation de pratiquer à titre indépendant. Cette autorisation lui avait été délivrée dès mai 2009 et justifiait le changement de statut. Les juges vaudois ont retenu que les autorisations de pratiquer en tant qu’indépendant n’étaient pas décisives pour qualifier le statut de cotisant à l’AVS, mais uniquement un indice à prendre en compte. Or, les aspects caractéristiques d’une activité dépendante prédominaient dans ce cas. En effet, l’intéressé n’avait engagé aucun investissement et, selon sa propre appréciation, n’encourait pas de risque économique. En cas de non-paiement par un client, il ne supportait pas la perte. Il ne se préoccupait pas de se faire connaître auprès de clients potentiels. Ses factures portaient certes son nom et se faisaient sous son propre numéro de facturation (RCC), mais il ne s’occupait pas de leur envoi ou de leur encaissement. Sous l’angle des rapports de subordination et du pouvoir décisionnel au sein du centre, les caractéristiques d’une activité salariée prédominaient même si l’intéressé prenait ses décisions courantes d’ordre médical sans en référer au médecin-responsable ou à la direction du centre. Le revenu tiré de l’activité dès mai 2009 devait ainsi être considéré comme tiré d’une activité dépendante (arrêt AVS 34/10 - 33/2015 du 26 octobre 2015 consid. 4).
La chambre de céans a quant à elle retenu un statut de dépendant s’agissant d’un ophtalmologue dans le cadre de son activité dans la société d’exercice libéral de médecins à responsabilité limitée en France, dont il était gérant unique et actionnaire majoritaire (ATAS/506/2025 du 30 juin 2025).
Dans le cas d’un médecin s’étant affilié en tant qu’indépendant auprès de la caisse de compensation et qui avait requis la révision de son statut, le Tribunal administratif du canton de Berne a relevé les éléments suivants. L’assuré avait conclu un accord qualifié de contrat d’engagement (Anstellungsvertrag) avec l’entreprise dans laquelle il exerçait son activité. Il avait investi dans cette entreprise un montant de quelque CHF 50'000.-, ce qui ne représentait pas un investissement notable et lui reversait 40% de ses honoraires. Il n’occupait pas son propre personnel et ses consultations se faisaient dans les locaux et avec l’infrastructure de l’entreprise, ce qui plaidait en faveur d’une activité dépendante. Ni l’autorisation de pratiquer ni l’adhésion au contrat collectif entre la société cantonale des médecins et l’association des caisses-maladies n’étaient déterminantes du point de vue de l’AVS. Le seul risque que supportait le médecin était celui lié à la fréquentation de sa consultation. Les factures étaient établies par l’entreprise, et quand bien même le médecin supportait le risque de ducroire, celui-ci devait être relativisé. Toutes les correspondances échangées portaient le logo de l’entreprise. Le risque de l’entrepreneur lié à la couverture de la responsabilité civile incombant au médecin était modeste. En conclusion, l’analyse des différents critères révélait que l’activité exercée était dépendante (arrêt 200 2020 194 du 2 août 2021 consid. 3).
S’agissant d’un médecin affilié à un hôpital (Belegarzt), qui s’était affilié en qualité d’indépendant pour cette activité en 2012, avant que la caisse de compensation ne révise en 2020 son statut en ce sens que sa rémunération à ce titre devait être considérée comme le revenu d’une activité dépendante, le tribunal administratif du canton de Schwyz a souligné que la profession de médecin soulève souvent des difficultés quant à la qualification du statut, mais qu’un médecin affilié à un hôpital y exerce généralement une activité dépendante. Après analyse des différents critères et des conventions passées dans le cas d’espèce, cette instance a considéré que le revenu dès 2020 devait continuer d’être considéré comme tiré d’une activité indépendante, dès lors qu’il s’agissait d’un cas-limite et que la qualification prévalant depuis 2012 n’était pas nécessairement erronée (arrêt II 2022 81 du 14 mars 2023 consid. 4.1, 4.2 et 5).
Le Tribunal fédéral a considéré que l’activité de médecin affilié accrédité dans une clinique pouvait être exercée de manière dépendante ou indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_689/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.2.1).
8. En l’espèce, la chambre de céans retient ce qui suit.
8.1 Il convient en premier lieu de souligner que les déclarations du recourant aux autorités fiscales quant au revenu tiré d’une activité indépendante ne sauraient revêtir une importance décisive ici. Certes, aux termes de l’art. 23 al. 4 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales. Ce caractère contraignant concerne cependant l’assiette du calcul des cotisations, et non le statut de cotisant dépendant ou indépendant. Les caisses de compensation doivent en principe évaluer de manière indépendante s'il existe un revenu provenant d'une activité lucrative et, le cas échéant, s'il s'agit d'une activité lucrative indépendante ou salariée. Toutefois, le parallélisme entre la qualification en matière d’assurances sociales et la qualification fiscale ne doit pas être abandonné à la légère (ATF 145 V 326 consid. 4.2). Dès lors que l’origine du revenu au plan fiscal n’a en l’espèce pas fait l’objet d’un examen approfondi par les autorités compétentes, on peut s’en écarter en matière de qualification de la nature de l’activité du point de vue de l’AVS.
8.2 L'intimée soutient en outre dans le cadre de la présente procédure que le statut d'indépendant auquel elle a conclu dans un second temps est justifié notamment eu égard au fait que quatre médecins et médecins-dentistes du centre n'auraient jamais été déclarés en tant que salariés auprès d’elle. À ce sujet, on rappellera en premier lieu que selon l'art. 33 LPGA, les personnes qui participent à l’application des lois sur les assurances sociales ainsi qu’à son contrôle ou à sa surveillance sont tenues de garder le secret à l’égard des tiers. L'art. 47 al. 1 let. c LPGA confère certes aux autorités habilitées à statuer sur les recours contre des décisions fondées sur une loi sur les assurances sociales le droit de consulter le dossier pour les données nécessaires à l’accomplissement de cette tâche, dans la mesure où les intérêts privés prépondérants sont sauvegardés. Cela étant, cela porte sur le dossier de la personne dont la cause doit être tranchée, et non celui de tiers. Par ailleurs, l'art. 50a al. 4 LAVS prévoit parmi les exceptions à l’interdiction de communication de données que des données peuvent être communiquées à des tiers, en dérogation à l’art. 33 LPGA s’agissant de données personnelles, lorsque la personne concernée y a, en l’espèce, consenti par écrit ou, s’il n’est pas possible d’obtenir son consentement, lorsque les circonstances permettent de présumer qu’il en va de l’intérêt de l’assuré. Le statut de cotisant est indubitablement une donnée personnelle au sens de la définition de l'art. 5 let. a de la loi fédérale sur la protection des données (LPD - RS 235.1). L'intimée ne précise pas si elle a requis le consentement des médecins et médecins-dentistes qu’elle nomme avant de communiquer des informations les concernant à la chambre de céans, informations auxquelles le recourant a eu accès. Il paraît dès lors opportun de lui rappeler ses strictes obligations en matière de secret. Sur le fond, cet argument est en outre dénué de fondement. D'une part, il n'est pas établi que les assurés concernés n'ont pas été affiliés auprès d'une autre caisse, par exemple medisuisse (sur les conditions d'affiliation à une caisse autre que la caisse cantonale de compensation, cf. art. 64 LAVS). D'autre part, on ignore les spécificités des activités de ces médecins, si bien qu’on ne peut analyser le bien-fondé de leur éventuel statut d’indépendant. Enfin, même s'il fallait admettre que leur activité s’exerçait dans des conditions strictement identiques à celles caractérisant la collaboration du recourant avec l’appelé en cause, il y aurait alors lieu de rappeler que le principe de l'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst. - RS 101), commande que soient traitées de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables. Toutefois selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 146 I 105 consid. 5.3.1, arrêt du Tribunal fédéral 9C_676/2024 du 11 mars 2025 consid. 5.1). Ces principes sont a fortiori applicables à une autorité chargée d'exécuter la loi, laquelle ne saurait se prévaloir d'une pratique éventuellement contraire au droit pour justifier une décision dans un cas concret.
8.3 Quant au moyen soulevé par le recourant, qui entend démontrer le caractère dépendant de son activité au motif que c’est à ce titre qu’il avait travaillé avant sa collaboration avec l’appelé en cause, il est sans pertinence. Certes, lorsqu’une personne assurée devient indépendante et continue néanmoins d’être active dans une large mesure pour celui qui était son employeur jusque-là, des exigences élevées doivent être posées s’agissant de la reconnaissance de son statut d’indépendant en relation avec les travaux effectués pour cette personne : les indications en faveur d’une activité indépendante doivent alors être clairement prépondérantes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2011 du 12 avril 2012 consid. 2.3). Ce principe ne s’applique toutefois pas lorsqu’il s’agit d’examiner une activité nouvelle, exercée au sein d’une entité totalement distincte du précédent employeur, comme en l’espèce.
8.4 Il convient ainsi d’analyser la situation concrète du recourant.
La convention de collaboration prévoit certes que celui-ci a le statut d’indépendant. La définition du statut par les parties n’est cependant pas un élément décisif, dès lors qu’il appartient à la caisse de compensation de déterminer ledit statut, et non aux parties, conformément à la jurisprudence. La chambre de céans ajoutera à ce sujet qu’une initiative parlementaire 18.455 « Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties » a été rejetée par le Conseil national le 3 juin 2025 (BO 2025 N 764).
Force est de constater que cette convention, nonobstant le caractère indépendant convenu, présente plusieurs éléments plaidant en faveur d’un statut de dépendant. Elle prévoit notamment une clause de non-concurrence, soit un élément typique du contrat de travail. On ne saurait faire abstraction de cette interdiction de concurrence, comme semble le soutenir l’intimée, au motif que le territoire exclu serait restreint. S’agissant du droit aux vacances, également prévu par la convention, il est lui aussi caractéristique d’un contrat de travail. Le fait que le revenu afférent soit réputé inclus dans la rétrocession formant la rémunération du recourant – ce qui ne paraît pas nécessairement conforme à l’art. 329d CO – n’y change rien. En outre, contrairement à ce qu’a soutenu l’appelé en cause, le recourant ne pouvait fixer ses horaires et ses vacances de manière libre, mais devait le faire en accord avec le centre. Si le fait de s’entendre avec l’appelé en cause sur les horaires n’est en soi pas nécessairement révélateur d’une activité dépendante, dès lors que cela découle de la nécessité logistique de s’assurer de la disponibilité d’une salle de consultation, le fait de devoir obtenir l’aval de l’appelé en cause pour fixer des vacances est en revanche un indice en faveur d’un statut de dépendant. Cette convention interdit en outre toute activité accessoire au recourant sans l’accord du centre, ce qui plaide également en faveur d’une activité dépendante. On note de plus que l’appelé en cause a versé des indemnités kilométriques au recourant, dont il a déduit des charges sociales paritaires, ce qui est pour le moins contradictoire avec le statut d’indépendant stipulé.
Les autres conditions d’exercice de l’activité du recourant se rapprochent des cas dans lesquels la jurisprudence a admis un statut dépendant. Celui-ci n’a en effet opéré aucun investissement dans le centre, n’a pas engagé son propre personnel, et n’avait aucun pouvoir décisionnel concernant la direction du centre. Il ne tenait pas de comptabilité distincte. Il n’encourait guère de risque d’entrepreneur, le seul risque économique étant lié au remplissage de son carnet de rendez-vous et à la conclusion d’une police d’assurance de responsabilité civile et au paiement de la franchise en cas de sinistre. En outre, selon la convention, le centre était responsable de lui procurer le matériel informatique et dentaire – l’appelé en cause n’a produit que de rares factures de matériel pour étayer l’allégation du contraire, ce qui ne suffit pas à démontrer que la convention n’était pas généralement respectée s’agissant de cette obligation du centre de fournir le matériel. Du reste, certaines de ces commandes ou factures portant le nom du recourant mentionnent également le compte du centre, de sorte qu’elles ne suffisent pas à établir que le premier procédait de manière indépendante du centre à la commande du matériel nécessaire à son activité. En ce qui concerne les factures d’honoraires, l’appelé en cause soutient que le recourant les aurait lui‑même établies. Si le recourant les a peut-être générées lui-même, leur gestion incombait néanmoins au centre. La rémunération était d’ailleurs composée d’une rétrocession des montants encaissés par le centre, et on voit mal comment ce mode de rémunération aurait pu être mis en place si le recourant, plutôt que le centre, obtenait directement le paiement de ses honoraires. Selon les pièces au dossier, c’est bien l’appelé en cause qui opérait des versements en faveur du recourant. Au vu de ces éléments, la convention avec la caisse des médecins – dont seule la première page a été produite dans le dossier de l’intimée, si bien qu’on ignore si et à quelle date elle a été signée – ne saurait se voir reconnaître une portée déterminante. Les factures établies portent certes le numéro RCC du recourant, lequel est généralement utilisé dans le cadre d’activités médicales exercées à titre indépendant. Cela étant, cet élément n’est pas décisif selon la jurisprudence. De plus, en l’espèce, il s’agit de l’ancien numéro obtenu par le recourant lorsqu’il exploitait son propre cabinet dentaire, et le courriel du Groupe Mutuel semble suggérer que ce numéro était en réalité inactif depuis 2016 selon l’organisme chargé de l’attribution de tels numéros. Le fait de mentionner dans les notes d’honoraires le nom de la personne ayant dispensé les soins est une pratique courante en matière médicale, même dans un cadre salarié, et ne suffit pas à conclure à une activité indépendante. Le recourant pouvait en outre utiliser l’image, l’adresse et les supports visuels du centre, ce qui suggère dans les rapports avec les tiers que son activité était accomplie pour le centre et tend à infirmer une indépendance par rapport au centre. Le fait que le recourant ait exercé son activité de médecin-dentiste sans en référer au centre et sans instructions de celui-ci n’a pas une portée significative pour définir le statut du point de vue de l’AVS, puisque la responsabilité personnelle dans la fourniture des prestations est une caractéristique des professions libérales et ne suffit pas à exclure une activité dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_308/2017 du 17 mai 2018 consid. 6.3.2). Au sujet des instructions et du rapport de subordination, on relève en outre que le recourant s’engageait à suivre le règlement interne, et qu’aucune des parties n’allègue qu’il avait voix au chapitre au sujet du contenu de ce règlement. Pour le surplus, la question de la responsabilité civile – dont la couverture incombait au recourant selon la convention – est un indice en faveur d’une activité indépendante, mais ne suffit pas à y conclure en l’absence d’autres éléments. Bien que cela soit sans portée dans l’appréciation du statut, il apparaît du reste que le recourant n’a pas contracté de telle police, et que le centre n’a pas vérifié le respect de cette obligation légale, ancrée à l’art. 40 let. h LPMéd.
Compte tenu de tous ces éléments, force est de constater que l’activité déployée par le recourant relève davantage d’un statut de dépendant que d’indépendant, de sorte que la décision sur opposition de l’intimée doit être annulée et la décision du 10 juin 2022 est confirmée.
9. Au vu de l’issue du litige, il est inutile de donner suite à la demande du recourant tendant à la production de la comptabilité de l’appelé en cause entre 2020 et 2023, par appréciation anticipée des preuves (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).
10. Le recours est admis.
Le recourant obtenant gain de cause, il a droit à des dépens à la charge de l’intimée, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA)
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision de l’intimée du 22 janvier 2025 et confirme la décision de l’intimée du 10 juin 2022.
4. Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le