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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1415/2024

ATAS/760/2024 du 04.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1415/2024 ATAS/760/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 octobre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______
représenté par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT)

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. La société B______, en liquidation, inscrite au registre du commerce le 9 octobre 2024 et radiée le 7 juillet 2023, avait pour buts tous conseils dans le domaine juridique, la promotion immobilière, ainsi que l’acte et la vente d’immeubles.

b. Par décision du Tribunal de première instance du 16 février 2023, la société a été dissoute conformément à l’art. 731b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et sa liquidation a été ordonnée selon les dispositions applicables à la faillite.

La procédure de faillite a été clôturée par jugement du 29 juin 2023.

c. Madame C______, épouse de Monsieur D______, en était administratrice avec signature individuelle.

d. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a été engagé pour le compte de cette société en qualité de maçon en classe A à compter du 1er octobre 2019. Par courrier remis le 15 juillet 2021, l’employeur a mis fin aux rapports de travail, invoquant le « contexte sanitaire actuel a[yant] durement touché le tissu économique genevois et en particulier le secteur de la restauration causant ainsi une perte conséquente du chiffre d’affaires ».

B. a. Le 13 avril 2023, l’assuré a adressé à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) une « demande d’indemnité en cas d’insolvabilité »
(ci-après : ICI) de l’assurance-chômage, par suite de déclaration de faillite de la société le 16 février 2021. Il a indiqué que les rapports de travail avaient duré du 1er octobre 2019 au 31 octobre 2021 et qu’il était créancier d’une somme de CHF 20'393.30.

Étaient notamment produits une requête en conciliation devant le Tribunal des prud’hommes du 13 avril 2022, une demande en paiement devant le Tribunal des prud’hommes du 28 juillet 2022, le jugement du Tribunal des prud’hommes du 4 janvier 2023, la réquisition de poursuites émise le 3 juillet 2023 à l’encontre de la société pour un montant de CHF 20'393.30, un courrier du 9 mars 2022 par lequel son syndicat réclamait pour son compte le montant total de CHF 15'782.25 bruts et CHF 2.- nets, soit CHF 3'946.30 à titre de salaire impayé du 1er au 15 juillet 2021, CHF 11'838.95 à titre de délai de congé du 16 juillet au 31 août 2021 et CHF 2.- afférent aux fiches de salaire de juillet à août 2021 et le formulaire de production de créance salariale déposé auprès de l’office cantonal des faillites le 13 avril 2023, réclamant un montant de CHF 20'393.30.

b. Par décision du 4 mai 2023, la caisse a refusé de donner suite à sa demande d’indemnité en cas d’insolvabilité au motif qu’aucune démarche judiciaire n’avait été entreprise entre le 15 juillet 2021, date de son dernier jour au travail, et le 9 mars 2022, date de la mise en demeure.

c. Le 22 mai 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision. Produisant des échanges SMS, il a indiqué n’avoir « eu de cesse » de réclamer son dû à son employeur. Son collègue, Monsieur E______, et lui-même l’avaient fait par appel, et ensuite par SMS.

d. Par décision sur opposition du 26 mars 2024, la caisse a maintenu sa décision. Les échanges Whatsapp ne concernaient pas l’intéressé dès lors que leurs auteurs étaient D______, soit le « patron » de la société et un certain « F______ ». Indépendamment de leurs contenus, ils ne lui étaient d’aucune aide. Le recourant n’avait effectivement entrepris aucune démarche pour obtenir le paiement de son salaire dû entre le 15 juillet 2021 et le 19 mars 2022, date de la mise en demeure de l’employeur par le biais du syndicat, première démarche utile. Il n’avait donc pas démontré de manière non équivoque et reconnaissable pour l’employeur, le caractère sérieux de sa prétention de salaire durant plus de sept mois, alors qu’il devait compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de son employeur et donc avec une augmentation des difficultés, pour l’assurance-chômage, de récupérer les créances issues de la subrogation. Il avait par conséquent violé son obligation de diminuer le dommage.

C. a. Par acte du 26 avril 2024, l’assuré a interjeté recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation. À titre préalable, il a sollicité son audition, ainsi que celle d’E______ et de D______.

Il avait satisfait à son obligation de diminuer le dommage dans les trois mois suivant la fin des rapports de travail, tant par ses propres agissements qu’à travers ceux d’E______. Le 20 août 2021, soit près d’un mois après la fin des rapports de travail, il s’était adressé à son employeur par un message Whatsapp clair et sans équivoque, mentionnant ses créances salariales. Par la suite, son ami et collègue E______ était resté en contact avec l’employeur et faisait valoir leurs créances salariales. Il était sans cesse mis au courant de l’avancement de ses démarches. Bien que la syntaxe utilisée laissait penser qu’E______ n’agissait que pour son cas, tant ce dernier que D______, administrateur de la société, étaient conscients que ces démarches l’incluaient.

La décision entreprise violait l’égalité de traitement, puisque l’intimée avait reconsidéré la décision d’E______, en tous points comparables à la sienne, alors qu’elle avait confirmé le refus dans son cas.

Il a notamment produit des échanges Whatsapp avec son employeur datés du 29 juin 2021 et du 20 août 2021.

b. Par réponse du 23 mai 2024, la caisse a conclu au rejet du recours. Le fait d’envoyer une lettre de résiliation sur l’adresse email d’un collègue n’était pas relevant dans la mesure où il était attendu du recourant qu’il entreprenne personnellement les démarches nécessaires en vue de recouvrer sa créance. L’échange Whatsapp du 29 juin 2021 ne concernait en rien une démarche aux fins d’obtenir le paiement de son salaire, mais bien une demande de documents relative au renouvellement de son permis de séjour. Quant au message du 20 août 2021, il ne changeait rien au fait que la requête suivante était datée du 9 mars 2022 et qu’ainsi plus de six mois s’étaient écoulés. La condition de l’obligation de diminuer le dommage n’était ainsi pas réunie. L’argument selon lequel E______ était un ami proche n’enlevait rien au fait qu’ils devaient chacun défendre leurs droits vis-à-vis de l’employeur. La teneur des messages transmis ne démontrait en rien que son ami agissait également pour son compte. Enfin, les situations de fait n’étaient pas comparables, dès lors qu’E______ avait précisément défendu ses droits. Le recourant avait d’ailleurs attendu le 3 juillet 2023, soit six mois après le jugement du Tribunal des prud’hommes, pour envoyer une réquisition de poursuites, violant par là son obligation de diminuer le dommage. E______ avait quant à lui fait le nécessaire au mois de mars 2023 déjà.

c. Le 3 juin 2024, le recourant a indiqué ne pas avoir de nouveaux arguments à faire valoir.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celle d’E______ et D______.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, le recourant a valablement exercé son droit d'être entendu avant le prononcé de la décision querellée et a pu également exposer son point de vue et ses arguments dans son recours et sa réplique devant la chambre de céans. Il n’explique pas quels éléments utiles autres que ceux déjà exposés dans ses écritures permettraient d’apporter à la solution du litige. S’agissant de l’audition d’E______ et D______, force est de constater que les messages qu’ils ont échangés figurent au dossier, de même que le témoignage d’E______ devant le Tribunal des prud’hommes. Ces éléments suffisent à la chambre de céans pour se prononcer sur les griefs soulevés et trancher le litige en toute connaissance de cause, étant précisé que la valeur probante du témoignage d’E______ devrait en tout état être relativisée puisque, du propre aveu du recourant, « leur relation relève davantage de la fraternité que d’une simple amitié ». Les mesures probatoires requises ne seront donc pas administrées.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimée de nier le droit à une indemnité en cas d’insolvabilité du recourant à la suite de la faillite de l’employeur.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité lorsqu'une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a), ou lorsque la procédure de faillite n'est pas engagée pour la seule raison qu'aucun créancier n'est prêt, à cause de l'endettement notoire de l'employeur, à faire l'avance des frais (let. b), ou lorsqu'ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers leur employeur (let. c).

L’art. 74 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI ‑ RS 837.02 ; intitulé « vraisemblance des créances de salaire ») précise que la caisse – de chômage – n’est autorisée à verser une indemnité pour insolvabilité que lorsque le travailleur rend plausible sa créance de salaire envers l’employeur.

4.2 Conformément à l’art. 52 al. 1 LACI, l’indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d’un même rapport de travail, jusqu’à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l’art. 3 al. 2 LACI. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

Selon l’art. 75a OACI, compte comme même rapport de travail au sens de l’art. 52 al. 1 LACI, également un rapport de travail que : les mêmes parties ont repris dans le délai d’un an (let. a), ou reconduisent dans le délai d’un an après une résiliation pour cause de modification des conditions du contrat (let. b).

La durée de la période couverte par l’indemnité pour insolvabilité est de quatre mois d'un même rapport de travail, indépendamment de la survenance de plusieurs éléments déclencheurs du droit, par exemple un sursis concordataire suivi d’un prononcé de faillite (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur l’assurance‑chômage du 3 septembre 200, FF 2008 7029 ss, spéc. 7051).

4.3 Selon l'art. 55 LACI, dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur, jusqu’à ce que la caisse l’informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l’assister utilement dans la défense de ses droits (al. 1). Le travailleur est tenu de rembourser l’indemnité, en dérogation à l’art. 25 al. 1 LPGA, lorsque sa créance de salaire n’est pas admise lors de la faillite ou de la saisie ou n’est pas couverte à la suite d’une faute intentionnelle ou d’une négligence grave de sa part ou encore que l’employeur a honoré la créance ultérieurement (al. 2).

L’obligation de diminuer le dommage de l’art. 55 al. 1 LACI est fondée notamment sur l’idée que le comportement de l'assuré durant les rapports de travail, après la résiliation de ceux-ci, avant et après l'apparition du motif de versement de l'indemnité pour insolvabilité, peut influencer directement l'étendue de l'indemnisation (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur
l'assurance-chômage, 2014, , n. 1 ad art. 55 LACI).

L'obligation pour l'assuré de réduire le dommage selon l'art. 55 al. 1 LACI s'applique même lorsque le rapport de travail est dissous avant l'ouverture de la procédure de faillite. Dans ce cas de figure, le travailleur qui n'a pas reçu son salaire, en raison de difficultés économiques rencontrées par l'employeur, a l'obligation d'entreprendre à l'encontre de ce dernier les démarches utiles en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité (ATF 114 V 56 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_386/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3.2 ; 8C_367/2022 du 7 octobre 2022 consid. 3.2 ; 8C_814/2021 du 21 avril 2022 consid. 2.2 ; 8C_408/2020 du 7 octobre 2020 consid. 3). Après la résiliation, l'assuré ne peut pas attendre plusieurs mois avant d'intenter une action judiciaire contre son ex-employeur. Il doit en effet compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de l'employeur et donc avec une augmentation des difficultés, pour l'assurance-chômage, de récupérer les créances issues de la subrogation prévue par l'art. 54 LACI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_386/2023 précité consid. 3.2 ; 8C_367/2022 précité consid. 3.2 ; 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.5.3 et les références). Il s'agit d'éviter que l'assuré reste inactif en attendant le prononcé de la faillite de son ex‑employeur (arrêts du Tribunal fédéral 8C_386/2023 précité consid. 3.2 ; 8C_367/2022 précité consid. 3.2 ; 8C_956/2012 du 19 août 2013 consid. 3).

Pour qu'il y ait droit à une indemnité pour insolvabilité pour des créances de salaires en souffrance, il est exigé de l'assuré une poursuite systématique et continue des démarches engagées contre l'employeur, qui doivent déboucher sur une des étapes du droit d'exécution forcée exigées par la loi. Les salariés doivent en effet se comporter vis-à-vis de l'employeur comme si l'institution de l’indemnité en cas d'insolvabilité n'existait pas du tout. Cet impératif n'admet aucune inactivité prolongée. La violation de l'obligation de diminuer le dommage implique que l'on puisse reprocher à l'assuré d'avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave (arrêts du Tribunal fédéral 8C_386/2023 précité consid. 3.2 ; 8C_367/2022 précité consid. 3.2 ; 8C_814/2021 précité consid. 2.2 ; 8C_408/2020 précité consid. 3).

Un assuré qui sait que son employeur n’est pas en mesure de le rémunérer et qui s’en accommode sans prendre de mesures contraignantes, se contentant de réclamations orales ou écrites qui n’offrent aucune garantie, viole son obligation de diminuer le dommage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 367/01 du 12 avril 2002 consid. 2b et 2c ; ATAS/380/2022 du 27 avril 2022 consid. 3.6, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité).

Selon le Tribunal fédéral, de manière générale, l’assuré ne se conforme pas à son obligation de diminuer le dommage lorsqu’il n’a pas obtenu l’exécution du contrat par l’employeur pendant une période de plus de deux à trois mois, sans versement d’un acompte ou d’un paiement partiel, et qu’il ne peut pas tabler sur une amélioration de la situation, et qu’il n’existe pas de raisons objectives justifiant son attente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2011 du 29 août 2011 consid. 4.2 ; ATAS/380/2022 précité consid. 3.6, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité). En effet, on peut notamment considérer que, la période maximale couverte par l'indemnité en cas d'insolvabilité étant de quatre mois (art. 52 al. 1 LACI), l'assuré qui omettra de mettre son employeur en demeure de lui verser les arriérés de salaire, voire de lui demander des sûretés, après le troisième mois sans salaire complet prendra le risque de devoir rester auprès de son employeur, sans être payé, durant une période plus longue que celle couverte par l'indemnité en cas d'insolvabilité. Dès lors, il prendra par la même occasion le risque de ne jamais être désintéressé totalement (cf. Boris RUBIN, op. cit., n. 12 ad art. 55 LACI).

4.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.             En l’occurrence, il est constant qu’entre son licenciement le 15 juillet 2021 et la mise en demeure de son employeur le 9 mars 2022, le recourant s’est limité à envoyer un message Whatsapp à son employeur le 20 août 2021 pour lui réclamer le paiement de ses créances salariales. Il ne saurait ainsi être question d’une « poursuite systématique et continue des démarches engagées contre l’employeur », telle qu’exigée par la jurisprudence précitée.

Devant la chambre de céans, le recourant se prévaut des nombreux messages adressés à l’employeur par son collègue et ami E______. Or, ainsi que l’a relevé l’autorité intimée, le recourant n’est pas inclus dans ses échanges. Quoi qu’en dise ce dernier, les messages envoyés par E______ ont été rédigés à la première personne du singulier : « j’aimerais savoir quand tu pourrais me régler la somme », « je me permets encore une fois de te demander de m’aider financièrement […] réfléchis comment tu pourrais faire, car j’en ai vraiment besoin […] trouve moi un arrangement qui nous convient à nous deux dans un plus bref délai s’il te plait […] tiens moi informé le plus vite possible », « est-ce qu’on peut se fixer un autre rendez-vous dans les plus brefs délais pour que tu puisses me payer au plus vite ». Au vu des termes clairs employés dans ces messages, il est possible de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante applicable en assurances sociales, qu’ils ont été rédigés au nom d’E______ uniquement. Aucun élément ne laisse penser que le recourant a été associé aux démarches entreprises par son collègue. Certes, à une reprise, l’intéressé a employé la troisième personne du singulier pour demander à son employeur si « on pouvait passer (chez lui) ». Or, outre qu’il n’est pas possible, sur la base de l’extrait produit par le recourant, de déterminer à qui le « on » fait référence, ce seul élément ne suffit pas pour en déduire que le recourant ait été associé à l’ensemble des échanges Whatsapp entre E______ et l’employeur. N’est pas non plus déterminant le fait que, comme le soutient le recourant, sa lettre de résiliation aurait été reçue sur la messagerie électronique de son collègue.

De plus, en tant que le recourant fait valoir avoir procédé dans un premier temps à des appels téléphoniques, il perd de vue que, selon la jurisprudence constante, des interventions orales ne suffisent pas pour satisfaire à l'obligation de réduire le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 8C_327/2020 du 17 juin 2020 consid. 6 ; 8C_956/2012 précité consid. 6 et les références). Quant au fait que l’intéressé ait été informé de l’avancement des démarches effectuées par son collègue, il ne change rien au fait qu’il n’y a pas personnellement participé. Enfin, la requête en conciliation auprès du Tribunal des prud'hommes, déposée le 13 avril 2022, soit neuf mois après le licenciement, ne s'avère pas non plus suffisante à l'aune de la jurisprudence précitée (cf. consid. 3.3 supra). Les problèmes financiers, connus du recourant à tout le moins depuis la réception de sa lettre de licenciement, auraient dû l’inciter à entreprendre rapidement des démarches sérieuses en vue de de tenter de récupérer sa créance salariale. Il ne pouvait se contenter de rester inactif pendant plusieurs mois. C’est partant à juste titre que l’intimée a nié son droit aux prestations.

6.             Dans un deuxième grief, le recourant se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

6.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 V 316 consid. 6.1.1). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l'État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais dénie ceux-ci à une autre personne qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les arrêts cités).

6.2 En l’occurrence, le recourant reproche à l’intimée d’avoir traité sa situation de manière différente de celle de son collègue E______. Les deux cas étaient toutefois comparables, tous deux ayant présenté le même argument s’agissant de l’accomplissement de l’obligation d’avoir diminué le dommage.

Or, ainsi qu’il a été exposé supra, les deux situations ne sont pas comparables, puisque les nombreuses démarches pour récupérer les créances salariales ont été entreprises par E______ uniquement. S’ajoute à cela que l’intimée a indiqué, sans avoir été contredite sur ce point, qu’E______ avait rapidement envoyé une réquisition de poursuites, alors que le recourant avait attendu six mois après le jugement du Tribunal des prud’hommes pour ce faire. L’intéressé ne peut donc pas se prévaloir d'une inégalité de traitement, faute de situations comparables.

7.             Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le