Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/566/2024 du 11.07.2024 ( AVS )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1497/2024 ATAS/566/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt incident du 11 juillet 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION
| Intimée |
1. Par décision sur opposition rendue le 18 avril 2024, la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après : la caisse ou l’intimée) a rejeté l’opposition formée le 2 août 2022 par Monsieur A______ (ci-après : l’assuré, l’intéressé ou le recourant), né en 1951 et au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) depuis plusieurs années, contre la décision – initiale – du 27 juillet 2022 par laquelle la caisse compensait sa créance totale de CHF 46'800.55 (en réparation d’un dommage causé par le non‑paiement de cotisations paritaires lorsqu’il était administrateur d’une société à responsabilité limitée) par des retenues mensuelles de CHF 1'000.- sur sa rente dès le 1er octobre 2022, a maintenu ladite décision initiale « sur le principe de la retenue », a retiré l’effet suspensif à l’éventuel recours contre cette décision sur opposition et a dit que la retenue – mensuelle – « sur rente » serait de CHF 500.- à partir du mois de mai 2024.
2. Par acte daté du 2 mai 2024 et posté le lendemain, l’assuré a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition « ainsi que sur le retrait de l’effet suspensif ».
3. Par écriture du 13 mai 2024, l’intimée a conclu au rejet de la requête tendant au rétablissement de l’effet suspensif, et, par réponse du 23 mai 2024, elle a, au fond, conclu au rejet du recours.
4. Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai au 28 juin 2024 octroyé par la chambre de céans pour formuler d’éventuelles observations sur effet suspensif et au fond.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS ne déroge expressément à la LPGA.
3. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours paraît prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
4. a. Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.
Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ‑ RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 - LAI - RS 831.20) et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 - loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30 - dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).
b. Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA.
c. Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).
La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).
L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n’a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).
5. En l’espèce, la retenue mensuelle sur les rentes AVS présentement contestée repose sur l’art. 20 al. 2 let. a LAVS, en vertu duquel peuvent être compensées avec des prestations échues les créances découlant notamment de la LAVS, ici manifestement l’art. 52 LAVS (intitulé « responsabilité »).
L’intimée a un intérêt important à ce que le montant de son dommage – non contesté – de CHF 46'800.55 soit remboursé par le recourant et celui-ci ne fait pas valoir un intérêt suffisamment important pour prévaloir sur celui de la caisse. Au demeurant, la situation matérielle difficile qu’il allègue n’est, quand bien même il ne semble pas être question ici de prestations qui pourraient lui être versées à tort, pas un élément déterminant en sa faveur sous l’angle de l’effet suspensif, vu la jurisprudence citée plus haut. Enfin, sur la base d’un examen sommaire du dossier, et au regard notamment des griefs brefs du recours et de la réponse circonstanciée au fond, il ne peut en l’état pas être considéré que l’intéressé obtiendra sans aucun doute gain de cause dans la présente procédure. Il est au demeurant rappelé que l’intimée a réduit la retenue mensuelle à CHF 500.- à partir de mai 2024.
6. Vu ce qui précède, il ne sera accordé au recourant ni effet suspensif à son recours ni toutes autres mesures provisionnelles.
7. La suite de la procédure est réservée.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE
1. Refuse la restitution de l’effet suspensif au recours ou toutes autres mesures provisionnelles.
2. Réserve la suite de la procédure.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le