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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3768/2023

ATAS/564/2024 du 09.07.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3768/2023 ATAS/564/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 juillet 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______
représentée par Me Florian BAIER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 13 novembre 2019, Madame A______ (ci‑après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1970, divorcée depuis 2004 et mère de deux enfants majeurs (nés en 1997 et 1992), titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C) en Suisse, ayant exercé entre 1994 et 2007 la profession de vendeuse et caissière et depuis lors celle de nettoyeuse, au taux de 100 % à tout le moins auprès de son dernier employeur depuis octobre 2017, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci‑après : AI) pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, en raison de « douleurs et limitations fonctionnelles de l’épaule droite ».

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l'office de l'assurance‑invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé) a reçu dans ce cadre le dossier de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci‑après : la SUVA ou la caisse), dossier dont il ressort notamment ce qui suit.

Selon un rapport établi le 3 mai 2019, à la suite d’un examen clinique du 16 avril 2019, par le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d’arrondissement de la caisse, l’assurée avait, le 9 avril 2018 et alors qu’elle nettoyait une salle d’opération, reçu un bras de radioscope sur l’épaule droite avec un choc direct et des douleurs immédiates – accident pour lequel elle a reçu des indemnités journalières de l’assurance-accidents et des frais de traitement de la part de la caisse à compter du 12 avril 2018 – ; après une consultation dans une permanence médicale et un traitement fonctionnel, elle avait repris le travail le 20 avril 2018, difficilement, en parallèle de quoi le traitement conservateur était poursuivi ; le 8 novembre 2018, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, avait, en raison de diagnostics de fracture distale de la clavicule droite et de bursite sous‑acromiale évoluant défavorablement, procédé à une arthroscopie de l’épaule droite, une bursectomie sous-acromiale et acromioplastie décompressive et une résection acromio-claviculaire ; l’évolution suite à cette opération chirurgicale avait été relativement bonne, mais des douleurs d’allure chronique de 5/10 avait persisté, avec exacerbation nocturne ; depuis six semaines, l’intéressée bénéficiait de séances de physiothérapie deux fois par semaine et effectuait une auto‑rééducation. Le Dr B______ a posé le diagnostic de « fracture clavicule [droite] distale in situ » et a écrit entre autres : « Une reprise de travail à 50 % est attestée dès le 01.05.2019. Cette reprise n’est pas contre-indiquée, mais pour la soutenir, je propose d’augmenter la fréquence de la rééducation, en particulier également le type de rééducation proposant une rééducation fonctionnelle visant à rééquilibrer l’épaule globalement, du fait d’une importante dyskinésie scapulo‑thoracique droite. – Un contrôle aura lieu auprès du Dr C______ le 27 mai 2019, proposition d’une reprise à temps plein à 6 semaines de la reprise à 50 % ».

Le 19 juin 2019, l’assurée a, en raison d’une « douleur de l’épaule [droite post‑opératoire] », fait l’objet d’un examen physique par le service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), selon rapport de ces derniers du 21 juin suivant.

Du 30 octobre au 26 novembre 2019, elle a séjourné au service de réadaptation de l’appareil locomoteur de la Clinique romande de réadaptation à Sion (ci-après : CRR), qui a établi divers documents, dont des rapports de « réadaptation de l’appareil locomoteur » et de « consultation orthopédique ». Le diagnostic principal posé par la CRR dans son rapport – de synthèse – du 5 décembre 2019 consistait en des « thérapies physiques et fonctionnelles pour omalgies droites », et les diagnostics secondaires en « - 09.04.2018 : traumatisme de l’épaule droite ; - 16.05.2018 : fracture non déplacée de l’extrémité distale de la clavicule droite. Tendinopathie du supra-épineux, de l’infra-épineux et du LCB. Bursite sous‑acromiale deltoïdienne (IRM) ; - 19.11.2019 : arthrose acromio-claviculaire débutante droite (IRM) », un surpoids (BMI : 28,7 kg/m2) étant au surplus mentionné comme comorbidité. Selon les médecins de la CRR, « des facteurs contextuels pourraient jouer un rôle important dans les plaintes et limitations fonctionnelles rapportées par la patiente : notamment un catastophisme et une kinésiophobie élevés ainsi qu’une perception du handicap fonctionnel majeur », tout ceci étant associé à une focalisation sur la douleur et à de nombreuses autolimitations. Au vu des nombreuses autolimitations de l’intéressée au sein des ateliers professionnels de la CRR, cette dernière ne pouvait que se baser sur les données objectives afin de définir les limitations fonctionnelles provisoires suivantes du membre supérieur droit : le port de charge répétitive de plus de 10‑15 kg, le travail prolongé et/ou répétitif avec le membre supérieur droit au-dessus du plant des épaules, de même que les activités répétitives de ce même membre en porte-à-faux. La situation était pratiquement stabilisée du point de vue médical. Le pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité de nettoyeuse était actuellement encore défavorable mais favorable, avec une pleine capacité attendue, dans une activité adaptée. Il y avait une incapacité de travail totale du 30 octobre au 27 décembre 2019, « puis à réévaluer ».

À la suite d’un examen clinique effectué le 20 février 2020, le médecin d’arrondissement B______ a, dans un rapport du 28 février suivant, conclu à la stabilisation de l’état de santé de l’intéressée, ainsi qu’à une inexigibilité dans l’activité – habituelle – de nettoyeuse du fait de la persistance des douleurs dans les mouvements extrêmes et de la diminution relative de la force observée, mais à une exigibilité entière, sans limitation de temps ni de rendement, dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles définitives qui consistait en le port répétitif de charges supérieures à 10 kg, le travail prolongé ou répétitif avec le membre supérieur droit au-dessus du plant des épaules et les activités répétitives de ce même membre en porte-à-faux.

Par lettre du 9 avril 2019, la SUVA a informé l’assurée que, l’examen médical récemment subi ayant révélé qu’elle n’avait plus besoin de traitement, il était mis fin au paiement des soins médicaux dès maintenant, hormis la physiothérapie pendant encore trois mois, ainsi qu’au paiement des indemnités journalières avec effet au 31 juillet 2020.

Par décision du 16 novembre 2020 – non contestée par l’intéressée –, la SUVA a nié un éventuel droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents, le revenu sans invalidité selon les statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS ; niveau de compétence 1), de CHF 55'670.-, étant supérieur au revenu sans invalidité de CHF 48'324.-, mais elle a octroyé à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de CHF 7'410.- sur la base d’une diminution de l’intégrité de 5 %.

c. À la suite d’une « détermination du degré d’invalidité – part active » et d’un « rapport de clôture IP en vue de DDP » établis le 30 juin, respectivement 13 juillet 2020 par sa division réadaptation professionnelle, l’OAI a, par projet de décision du 22 juillet 2020, puis, en l’absence de contestation, par sa décision du 2 octobre 2020, rejeté la demande de prestations AI déposée le 13 novembre 2019.

En effet, à l’issue de l’instruction médicale, l’office reconnaissait à l’intéressée, qui avait le statut d’active à 100 %, une incapacité de travail de 100 % dans son activité habituelle dès le 8 (recte : 9) avril 2018 (début du délai d’attente d’un an), mais considérait que sa capacité de travail était entière dans une activité adaptée à partir de février 2020. En mai 2020, mois à compter duquel une éventuelle rente d’invalidité aurait pu être envisageable vu le délai de six mois après le dépôt de la demande AI, l’assurée ne présentait plus de perte de gain, la comparaison des revenus montrant pour 2018 (année prise en compte) un « revenu sans invalidité pour un plein temps » de CHF 44'850.- et un « revenu annuel brut avec invalidité » de CHF 49'213.- sur la base de l’ESS (tableau « TA1_tirage_skill_level », niveau de compétence 1), soit un degré d’invalidité nul, alors que le degré minimal requis pour le droit à une rente était de 40 %. Par ailleurs, des mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans la situation de l’intéressée.

d. Cette décision n’a pas été contestée.

B. a. L’OAI a considéré comme une nouvelle demande de prestations AI déposée le 26 novembre 2021 un questionnaire de demande de « révision » rempli et signé le 24 novembre 2021 par l’assurée, qui faisait valoir, « depuis toujours (partir de 2020) », une aggravation de son état de santé sous forme d’apparition d’un épisode dépressif depuis sa sortie de la CRR en 2020 et d’augmentation des douleurs (« de plus en plus importantes ») au niveau de l’épaule droite, ce à quoi s’ajoutait notamment « l’épuisement du fait d’un sommeil non réparateur ». Elle était au bénéfice de prestations de l’assurance-chômage. Comme remarque, l’intéressée indiquait : « Il serait bien de venir évaluer la situation à mon domicile ».

b. Dans le cadre de l’instruction de cette nouvelle demande, l’office a reçu des rapports et questionnaire AI complétés les 13 septembre et 9 décembre 2021 ainsi que 3 mars 2022 par le docteur D______, son ancien chirurgien orthopédiste (désormais à la retraite), faisant état en particulier d’une « impotence fonctionnelle partielle du membre supérieur droit », le bras droit n’étant « quasi pas utilisable ».

Dans un questionnaire AI rempli le 24 mars 2022, la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitante, a diagnostiqué un trouble dépressif, épisode actuel léger à moyen (CIM-10, F33.1), dont, d’après l’historique anamnestique, la première décompensation était apparue en 2008 (recte : 2018) à la suite de l’accident professionnel subi. Malgré le traitement par le médicament Jarsin 450 mg à raison de deux fois par jour (selon le Compendium consultable sur internet, « Jarsin 300/Jarsin 450 contient un extrait sec quantifié en hypéricine totale des parties aériennes [situées hors du sol] du millepertuis [Hypericum perforatum] récoltées à la floraison. Jarsin 300/ Jarsin 450 s'utilise lors de baisses d'humeur, de labilité de l'humeur, d'apathie, d'instabilité ainsi que lors de tension nerveuse, d'agitation intérieure, d'irritabilité et de troubles de l'endormissement et du sommeil qui les accompagnent »), le dernier status psychiatrique, du 8 mars 2022, faisait avant tout état d’une détresse psychique, étroitement liée au handicap physique présenté actuellement. Les limitations fonctionnelles d’un point de vue strictement psychiatrique étaient : « une humeur dépressive, avec tristesse, très peu de plaisir, pas de projection, réduction du périmètre de sortie » ; « le sommeil est perturbé tant dans sa qualité que sa quantité, une perte de poids relativement importante 10 kg en 7 mois » ; « les émotions sont perturbées précisément avec une irritabilité, un manque de confiance dans toute perspective et pour lesquelles elle doit utiliser le fonctionnement/non fonctionnement du bras droit ». Depuis l’accident de 2018, la capacité de travail de la patiente était nulle dans une activité « strictement adaptée aux limitations fonctionnelles » comme dans l’activité habituelle. La prise du Jarsin permettait d’aider quelque peu son état psychique, mais « l’état de santé physique [l’emportait] nettement sur la stabilisation relative de l’état de santé psychique ». Ce qui précède a été dans l’ensemble confirmé par le questionnaire complété le 26 juillet 2022 par la Dre E______, qui précisait des limitations fonctionnelles et selon laquelle « la médication ainsi que l’espace thérapeutique [permettait] surtout une stabilité psychique de [sa] patiente mais certainement pas de récupérer la fonctionnalité ».

Dans un questionnaire AI complété le 25 avril 2022, le docteur F______, spécialiste FMH en rhumatologie, a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de « status post chirurgie épaule droite non stabilisée » et de « tunnel carpien [droit] en rechute avec résultat ENMG de 02/2022 Dr G______ qui confirme l’atteinte myelnique et sensitivo‑motrice », ainsi que, sans répercussion sur la capacité de travail, de « chirurgie vésicule biliaire le 14/03/2022 ». Concernant l’évolution de l’état de santé, depuis juillet 2021 jusqu’à ce jour, l’état n’était pas stabilisé et il y avait la persistance d’une impotence fonctionnelle de l’épaule droite malgré le traitement médical et chirurgical entrepris. S’agissant des restrictions – ou limitations – fonctionnelles, il fallait éviter « le travail bras en l’air épaule [droite] », le port de plus de 1 ou 2 kg avec le membre supérieur droit, de même que les mouvements répétitifs. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle et une activité adaptée depuis 2018, et une reprise d’activité professionnelle n’était pas envisageable.

Les 21 septembre et 30 décembre 2022, le docteur H______ a réalisé une arthro-IRM de l’épaule droite, respectivement une échographie du cou et de l’abdomen supérieur et inférieur, et a établi des rapports.

Dans un questionnaire AI rempli le 6 décembre 2022, le docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale, a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs droite et de syndrome du tunnel carpien droit. Il n’y avait aucune amélioration depuis 2018. Concernant les restrictions – ou limitations – fonctionnelles, la patiente ne pouvait plus lever le bras droit ni soulever des poids, et la mobilisation du membre supérieur droit était très douloureuse. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail était nulle dans toute activité, et une reprise de travail était inenvisageable de manière définitive.

Dans un questionnaire complété le 22 février 2023, le docteur J______, spécialiste en oncologie et hématologie auprès d’un centre médical et médecin généraliste traitant, a attesté une incapacité totale de travail dans toute activité depuis 2018, sans potentiel de réadaptation, pour raisons rhumatologique et psychiatrique.

c. Entretemps, le 21 juillet 2022, l’Hospice général (ci-après : l’hospice) a demandé à l’office de lui rembourser les avance (aide financière) qu’il accordait à l’intéressée depuis le 1er juillet 2022.

d. À la demande du SMR formulée le 22 décembre 2022, une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique a été mise en œuvre, au sein du centre d’expertise K______ à Fribourg, par les docteures L______, rhumatologue, et M______, psychiatre, qui – sous la « supervision/relecture » du docteur N______, spécialiste FMH en médecine interne générale et expert certifié en appréciation de la capacité de travail SIM – ont toutes deux examiné l’expertisée le 5 avril 2023, pendant 1h15, respectivement 1h25, et rendu leur rapport d’expertise – avec en particulier les volets rhumatologique et psychiatrique séparés et une « évaluation interdisciplinaire (évaluation consensuelle) » – le 16 mai 2023, qu’elles ont complété le 6 juillet 2023 en réponse à des questions posées le 22 mai 2023 par le SMR.

Dans le rapport d’expertise initial (du 16 mai 2023), ont été diagnostiqués (« diagnostics pertinents »), au plan rhumatologique, une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs à droite avec status post arthroscopie en novembre 2018, dans les suites d’un traumatisme du membre supérieur droit du 9 avril 2018 avec fracture non déplacée de l’extrémité distale de la clavicule et tendinopathie fissuraire du sus-épineux (M751) », de même qu’un « tunnel carpien droit documenté sur un ENMG mais non symptomatique (G560) », et, au plan psychiatrique, un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et des « difficultés dans les rapports avec les parents (Z63.1) » (p. 4) ; le diagnostic d’épisode dépressif léger (F32.0) n’était pas retenu par l’experte psychiatre (p. 24).

Du point de vue psychiatrique, il n’y avait ni limitations fonctionnelles ni incapacité de travail dans l’activité habituelle ou une activité adaptée (p. 25), étant en outre relevé que l’experte psychiatre a posé des questions à la Dre E______ dont elle a reçu les réponses le 10 mai 2023 (p. 22 s.).

Du point de vue rhumatologique et en consensus entre les deux expertes, la capacité de travail de l’intéressée était nulle depuis le 9 avril 2018 dans l’activité habituelle de nettoyeuse, mais, dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles consistant en une « absence de sollicitations du membre supérieur droit, absence de manutention, travaux d’écriture, pas d’usage d’outils vibrants et aucun port de charges à droite, adaptation de l’ergonomie du poste de travail », la capacité de travail était de 100 %, mais avec « une perte de rendement de 20 % en lien avec l’intensité des douleurs et la lenteur d’exécution chez une expertisée droitière qui [devait] utiliser préférentiellement le membre supérieur gauche dans une activité adaptée, depuis le 01.12.2019 à l’issue de la prise en charge à la [CRR] », de sorte qu’en définitive la capacité de travail s’élevait à 80 % (p. 5 et 15). Les « limitations fonctionnelles rhumatologiques » susmentionnées étaient justifiées par « les douleurs de l’épaule droite en lien avec la fracture distale non déplacée de la clavicule et la tendinopathie fissuraire de coiffe, opérée par arthroscopie avec bursectomie et résection acromiocalviculaire » (p. 5).

Concernant les « mesures médicales et thérapies ayant une incidence sur la capacité de travail », l’experte rhumatologue soulignait l’intérêt de poursuivre les séances de physiothérapie avec un reconditionnement progressif, travail en mobilisation et réassurance de l’expertisée, discussion de reprendre des séances de physiothérapie en balnéothérapie et d’une nouvelle prise en charge à la [CRR] (p. 5 s. et 15).

Dans leur complément d’expertise du 6 juillet 2023, les expertes ont confirmé que les limitations fonctionnelles dans l’ensemble des activités quotidiennes concernant les tâches ménagères (vaisselle, entretien de domicile, etc.) et les soins d’hygiène corporelle (s’habiller, se laver les cheveux, etc.) étaient identiques à celles relevées – à fin 2019 – par la CRR, étant précisé que l’« état catastrophique (recte : catastophisme), avec kinésiophobie et auto-limitation » mentionné par la CRR persistait encore actuellement. En revanche, alors que les douleurs étaient cotées par la CRR à 5/10, elles l’étaient à 7/10 actuellement ; en outre, la perte de force, alors qu’elle était auparavant quantifiée sur le Jamar à 50 %, était « actuellement à 2 kg à droite soit totalement déficitaire versus 38 kg à gauche normale, chez une expertisée droitière » ; le rapport du Dr B______ du 28 février 2020 mentionnait une articulation libre en passif, ce qui n’était plus le cas actuellement, et on notait par rapport à l’examen effectué le 20 février 2020 par ce médecin d’arrondissement de la SUVA une péjoration de l’ensemble des mobilités. L’ensemble de ces données permettait de conclure à une aggravation, probablement progressive, depuis l’examen clinique effectué le 20 février 2020 par Dr B______ ; une péjoration découlant de surcroît de la comparaison entre les examens d’imagerie du 19 novembre 2019 (IRM de l’épaule droite par l’Hôpital du Valais à la demande de la CRR) et « 19 juillet 2021 » (sic), la date d’aggravation retenue était juillet 2021. Cette péjoration justifiait le fait que les limitations fonctionnelles retenues par les expertes en 2023 étaient plus restrictives que celles admises par ledit médecin d’arrondissement de la SUVA dans son rapport du 28 février 2020, de même que le fait qu’il y avait désormais une perte de rendement.

Par ailleurs, toujours à teneur du complément d’expertise du 6 juillet 2023, le fait que le syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) n’avait pas d’impact sur la capacité de travail s’expliquait notamment par le fait que le contexte émotionnel et de problèmes psychosociaux était suffisamment important pour être considéré par un clinicien comme la cause essentielle du trouble, de même que par le fait que l’assurée n’était ni déprimée ni délirante et présentait seulement une anxiété très modérée, et ne rapportait pas de douleurs qui ralentiraient son fonctionnement psychique mais plutôt des douleurs à l’utilisation de son membre supérieur ; ses douleurs étaient donc plutôt d’ordre fonctionnel physique mais pas psychique, et elles n’étaient pas uniformes « dans toutes les activités de la vie journalières ».

e. En parallèle, les 15 mai et 14 juin 2023, la Dre E______ a adressé un courrier à l’OAI critiquant le rapport d’expertise bidisciplinaire initial susmentionné.

f. Dans un rapport du 17 juillet 2023, le SMR a repris les conclusions et a confirmé une capacité de travail de l’intéressée nulle depuis le 9 avril 2018 dans l’activité habituelle de nettoyeuse, mais entière (100 %) dès le 20 février 2020 puis avec une diminution de rendement de 20 % à partir du 19 juillet 2021 dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles retenues par les expertes.

g. L’OAI, à la suite d’une « note relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité » du 21 juillet 2023 retenant le statut d’active à 100 %, d’une « détermination du degré d’invalide » du 31 août 2023 parvenant à un degré d’invalidité de 9,37 % ainsi que d’un document « mandat de réadaptation » de son équipe réadaptation professionnelle du même 31 août 2023, a, par projet de décision du 5 septembre 2023, puis, après des attestations des 25 septembre et 2 octobre 2023 du Dr J______– selon lequel, notamment, l’assurée avait des douleurs, y compris durant la nuit, et n’arrivait pas à s’habiller, à laver les cheveux, ne pouvait pas accomplir ses tâches ménagères ni ne pouvait lever des poids de plus de 100 g – ainsi qu’une lettre de contestation sans motivation envoyée le 19 octobre 2023 par la Dre E______, par décision du 16 octobre 2023, décidé que des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas indiquées, car ni simple ni adéquate ni de nature à réduire le dommage, et que le droit à la rente d’invalidité n’était pas ouvert, la perte de gain de 9,37 % étant inférieure au minimum de 40 % de degré d’invalidité requis.

C. a. Par acte du 14 novembre 2023 signé par un avocat nouvellement constitué, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre la décision du 16 octobre 2023 précitée, concluant, à la suite d’une motivation très succincte, à l’octroi d’un délai pour compléter le recours et, au fond, à l’annulation de ladite décision et, cela fait, à l’octroi d’une rente AI entière avec effet dès le 26 novembre 2020 ainsi que, si besoin, de mesures professionnelles.

Par écriture – motivée – du 15 novembre 2023, la Dre E______, pour l’intéressée, a également recouru contre la décision du 16 octobre 2023 précitée, avec les mêmes conclusions que celles de l’acte du 14 novembre 2023 sauf concernant les mesures professionnelles mais avec l’ajout d’un renvoi à l’office « pour exécution de ce qui précède ».

Autorisé à compléter son recours, le conseil de la recourante a, par écrit du 12 décembre 2023, fait sienne la motivation de la Dre E______, puis, le 21 décembre 2023, il a apporté une motivation complémentaire à son recours, avec notamment la mention que le document « mandat de réadaptation » du 31 août 2023 de l’intimé relevait que, selon le document « mandat de réadaptation » du 31 août 2023, une atteinte au niveau de la main gauche était signalée, ce dernier point ne figurant toutefois aucunement dans le rapport d’expertise du K______.

b. Par réponse du 22 janvier 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique de son avocat du 15 février 2024, la recourante a persisté dans les conclusions de son recours, produisant en outre un courrier qu’il adressait le même jour à l’office une demande d’allocation pour impotence (ci-après : API) avec effet dès le 1er janvier 2023, en raison d’un empêchement de procéder à la plupart des actes de la vie courante, voire aux actes administratifs de tous les jours pour motifs psychiques, l’envoi d’un formulaire d’API étant à cette fin demandé.

d. Par écritures – spontanées – postée le 21 mars 2024 et sans signature ainsi que du 4 avril 2024, la recourante a fait part à la chambre de céans de ses difficultés et de son souhait que sa cause avance.

e. Ces courriers ont été transmis pour information à son conseil de même qu’à l’intimé.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable sous ces angles (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l'absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l'application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l'examen d'une demande d'octroi de rente d'invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s'applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l'occurrence, un éventuel droit à une rente d'invalidité – et a fortiori à des mesures professionnelles – naîtrait au plus tôt en 2022, dès lors que la nouvelle demande de prestations a été déposée à fin novembre 2021 (cf. art. 29 al. 1 LAI à teneur duquel le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur (en vigueur à partir du 1er janvier 2022).

En revanche, en référence à la modification de l'art. 26bis al. 3 RAI du 18 octobre 2023 (déduction forfaitaire ; RO 2023 635) entrée en vigueur le 1er janvier 2024, et compte tenu des principes généraux de droit intertemporel susmentionnés (cf. aussi Office fédéral des assurances sociales [OFAS], Circulaire sur l'invalidité et les rentes dans l'assurance-invalidité [CIRAI], état au 1er janvier 2024, ch. 9201), le droit éventuel à une rente d'invalidité étant ici né antérieurement au 1er janvier 2024 (cf. art. 29 al. 1 LAI), l'art. 26bis al. 3 RAI sera applicable dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023.

3.              

3.1 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Aux termes de l’art. 88a RAI, si la capacité de gain d’un assuré s’améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès que l’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période ; il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre (al. 1). Si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’aggrave, ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable ; l’art. 29bis RAI est applicable par analogie (al. 2). Selon l’art. 29bis RAI, si la rente a été supprimée du fait de l’abaissement du degré d’invalidité et que l’assuré, dans les trois ans qui suivent, présente à nouveau un degré d’invalidité ouvrant le droit à une rente en raison d’une incapacité de travail de même origine, on déduira de la période d’attente que lui imposerait l’art. 28 al. 1 let. b LAI, celle qui a précédé le premier octroi.

3.2 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important
(ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1). Un changement de jurisprudence n’est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108
consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l’art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l’avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d’invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s’écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2.).

Dans le domaine de l’AI, le point de départ d’une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification paraît durable et par conséquent stable (phr. 1 de l’art. 88a al. 1 RAI) ; on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l’atteinte à la santé, notamment la possibilité d’une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (phr. 2 de la disposition ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137 s.). En règle générale, pour examiner s’il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l’amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1). L’OAI doit réduire ou supprimer la rente avec effet à la fin du mois au cours duquel le délai de trois mois a expiré (voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_900/2013 du 8 avril 2014 consid. 6.5 dans le même sens).

3.3 Selon les règles générales du droit des assurances sociales, l’assureur doit établir les faits pertinents. En vertu du principe inquisitoire énoncé à l’art. 43
al. 1 LPGA, il est tenu de procéder d’office aux investigations nécessaires et de recueillir les renseignements requis, les renseignements fournis oralement devant être consignés par écrit. En principe, il incombe à l’assureur de prouver une modification importante du degré d’invalidité lorsqu’il veut réduire ou supprimer une rente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2013 du 7 novembre 2013 consid. 3.1 non publié in : ATF 139 V 585). Si une modification des faits déterminante pour le droit aux prestations n’est pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante, la situation juridique qui prévalait jusqu’alors est maintenue conformément au principe du fardeau matériel de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2013 du 7 novembre 2013 consid. 2.4 et les références ; pour un cas d’application : cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2015 du 17 juillet 2015 consid. 3.2).

4.              

4.1 L'objet du présent litige porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente d’invalidité, voire – en l’absence d’octroi d’une éventuelle rente entière – des mesures professionnelles, ce qui supposerait ici une aggravation sensible de son état de santé au moment du dépôt de sa nouvelle demande déposée le 26 novembre 2021 – ou dans les trois mois qui la précédaient ou la suivaient (cf. art. 88a RAI) –, le cas échéant jusqu’à la décision du 16 octobre 2023 querellée, par rapport à la situation existant à la date du prononcé de la décision du 2 octobre 2020 de rejet de la première demande AI.

Il est à cet égard rappelé que, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

4.2 Par ailleurs, l’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaquée. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées ; ATAS/742/2021 du 6 juillet 2021 consid. 4a).

Dans le cas présent, la décision querellée ne traite aucunement la question d’un éventuel droit à une API, une telle allocation n’étant du reste évoquée par la recourante – via son avocat – que depuis le 15 février 2024, donc après le prononcé de ladite décision, sans qu’il soit clair si elle formule des conclusions formelles sur ce point devant la chambre de céans. Quoi qu’il en soit, l’intimé ne s’est pas prononcé par décision sur un éventuel droit à une API, la chambre des assurances sociales ne pouvant connaître de cette question que si une décision a au préalable été rendue à ce sujet (cf. notamment art. 56 LPGA), ce qui n’est pas le cas ici. Ainsi, d’éventuelles conclusions portant sur une API ne peuvent qu’être déclarées irrecevables.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle‑ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

5.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

5.3 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c). L'al. 1bis dudit art. 28 LAI – en vigueur depuis le 1er janvier 2022 – dispose qu'une rente au sens de l’al. 1 n’est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l’art. 8 al. 1bis et 1ter LAI n’ont pas été épuisées.

Selon l'art. 28b LAI – entré en vigueur le 1er janvier 2022 –, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d'une rente entière (al. 1). Pour un taux d'invalidité compris entre 50 et 69 %, la quotité de la rente correspond au taux d'invalidité (al. 2). Pour un taux d'invalidité supérieur ou égal à 70 %, l'assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d'invalidité inférieur à 50 %, la quotité de la rente est la suivante : tableau, avec un taux d'invalidité d'au minimum 40 % donnant droit à une rente – la plus basse – de 25 %, jusqu'à un taux d'invalidité de 49 % donnant droit à une rente de 47,5 % (al. 4).

5.4 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références). Cette procédure d’administration des preuves est notamment applicable à la fibromyalgie (cf. ATF 132 V 65 consid. 4.1).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

5.4.1 Ainsi, selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-     Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

Il est notamment relevé que même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

5.4.2 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

5.5 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

5.5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.             En l’espèce, du point de vue médical, il convient de relever et considérer ce qui suit.

6.1 En procédure de recours, les allégations et griefs de la recourante, qu’ils émanent de son conseil ou de sa psychiatre traitante (la Dre E______), à l’encontre de la décision attaquée sont en substance ceux qui suivent.

Au plan somatique, selon son avocat, qui se réfère à l’attestation du Dr J______, médecin généraliste traitant, du 25 septembre 2023, l’intéressée souffre aux deux épaules qui l’empêchent d’accomplir les actes de la vie quotidienne, notamment s’habiller ou se laver seule et assumer ses tâches ménagères. En outre, à la suite de l’accident survenu en avril 2018, elle a durablement perdu l’usage de son bras droit, alors qu’elle est droitière. Enfin, étant donné que l’épargne du bras droit est indispensable, elle a dû fortement solliciter ses épaule, bras et main gauche ; ce point a été signalé à l’office mais n’est pas pris en compte dans le rapport d’expertise du K______, l’équipe réadaptation professionnelle de l’intimé ayant relevé dans le document « mandat de réadaptation » du 31 août 2023 entre autres ce qui suit : « Nouvelle demande le 26.11.2021. Notre assurée signale une atteinte d’ordre psychique ainsi qu’une aggravation au niveau de l’épaule droite. […] Selon document [de l’hospice] du 21.07.2022, aucune activité de réinsertion n’est réalisée. Une atteinte au niveau de la main gauche est signalée. En date du 22.12.2022, le SMR sollicite une expertise rhumato psy ». Le conseil de la recourante déduit de ce qui précède « une impotence marquée et une rente d’invalidité complète », avec impossibilité de reprendre une activité « sur le marché libre du travail » (cf. acte du 14 novembre 2023, p. 1 ; complément de recours, 21 décembre 2023, p. 2 et 3). Dans sa dernière écriture, il ajoute, toujours avec référence au document « mandat de réadaptation » du 31 août 2023 précité : « S’agissant de son atteinte à la main gauche et à l’épaule gauche, il est évident qu’une décharge du bras et de la main droits sur le gauche ne peuvent, à terme, qu’entraîner une surcharge et une importante fatigue de ce dernier, atteinte qui a été dûment signalée à [l’office]. – Dans ces circonstances, il appartient à ]l’intimé] d’instruire ce point également, ce d’autant plus au vu de l’incapacité globale de la recourante d’accomplir les actes de la vie courante, comme écrire ou se laver les cheveux, s’habiller, se déshabiller toute seule » (cf. écriture du 15 février 2024).

D’après la Dre E______, l’accident de 2018 a également d’importantes répercussions sur le plan psychiatrique, l’assurée étant actuellement suivie par ladite psychiatre traitante pour un trouble dépressif récurrent, cet état se caractérisant par « une humeur dépressive, de la tristesse récurrente, peu de plaisir, aucune projection sur l’avenir, un sommeil perturbé, de l’irritabilité et un manque de confiance en soi ». « Il est retenu un syndrome douloureux somatoforme persistant, [la patiente] se plaignant d’une douleur intense et persistante de son épaule droite, accompagnée d’un sentiment de détresse. » « Ainsi, [la Dre E______], Médecin conseil certifiée SSMC et Médecin Experte certifiée SIM, atteste d’une capacité actuelle de travail nulle dans toute activité. » « Pour les détails techniques et médicaux précis et spécifiques, [elle] se permet très respectueusement de renvoyer la Cour au rapport d’expertise du 16 mai 2023, établi par K______ […], document annexé au bordereau de pièces ci-joint » (cf. acte de recours du 15 novembre 2023, p. 2 et 3).

Dans son écriture rédigée par elle-même et postée le 21 mars 2023, la recourante expose ce qui suit. Depuis son opération de l’épaule droite en 2018, elle n’a plus eu toutes les rotations de cette épaule. Elle n’a plus de force avec le bras droit, et elle a beaucoup de douleurs, alors que les infiltrations ne fonctionnent plus du tout et que les médicaments la soulagent sur le moment mais ne tiennent pas dans le temps. L’assurée ajoute : « Les douleurs sont là 24h/24h du matin au soir même en prenant les médicaments, le soir c’est la même histoire donc pour le repos et le sommeil je dois prendre aides et à force ceux-ci ne font plus d’effets. – Pour m’habiller je prends 30 à 40 minutes, je ne peux plus me laver les cheveux ainsi que toutes tâches ménagères, ce sont mes enfants qui le font pour tous les repas que ce soit midi ou le soir. Et ils ne seront malheureusement pas avec moi toutes leurs vies. – Malgré tout ça, je marche énormément car cela me permet de penser et de me vider la tête. Mais je suis à bout physiquement et psychologiquement de toute cette situation. – Tous ces points ont été dits plusieurs fois et annoncés à l’AI et répétés des centaines de fois par écrit des médecins et par téléphone et malgré ma situation invivable on me refuse toutes prestations de l’AI. On m’a envoyé au chômage et ensuite à l’hospice pour ne pas prendre en compte mon dossier ».

6.2 Cela étant, le rapport d'expertise des Dres L______ et M______, établi le 16 mai 2023 et complété le 6 juillet 2023, répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, cette expertise bidisciplinaire a été conduite par des médecins spécialisées dans les deux domaines concernés – rhumatologie et psychiatrie –, en vue d'établir une synthèse des différentes pathologies de l'expertisée, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Les expertes ont personnellement examiné la recourante préalablement à l'établissement de leur rapport d'expertise, et elles ont consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé leurs propres constatations. Elles ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées. Il sied de préciser ici que, comme relevé le 17 juillet 2023 par le SMR, seul le diagnostic de « tendinopathie de la coiffe des rotateurs à droite avec status post arthroscopie en novembre 2018, dans les suites d’un traumatisme du membre supérieur droit du 9 avril 2018 avec fracture non déplacée de l’extrémité distale de la clavicule et tendinopathie fissuraire du sus-épineux (M751) », a une répercussion sur la capacité de travail, sous forme de limitations fonctionnelles et de baisse de rendement. Enfin, les conclusions des expertes sont claires et bien motivées.

6.3 Aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé de ce rapport d’expertise et de ses conclusions, pour les motifs qui suivent.

6.3.1 Au plan somatique, après l’établissement dudit rapport d’expertise, la recourante n’a présenté aucun avis médical contestant les appréciations et conclusions des expertes.

En outre, l’indication du Dr J______ du 25 septembre 2023, confirmée le 21 mars 2024 par l’intéressée, qu’elle a des douleurs, y compris durant la nuit, et n’arrive pas à s’habiller, à laver ses cheveux, ne peut pas accomplir ses tâches ménagères ni ne peut lever des poids de plus de 100 g n’est pas incompatible avec le rapport d’expertise. En effet, à teneur de ce dernier, « les douleurs de l’épaule droite en lien avec la fracture distale non déplacée de la clavicule et la tendinopathie fissuraire de coiffe, opérée par arthroscopie avec bursectomie et résection acromiocalviculaire », justifient les « limitations fonctionnelles rhumatologiques » consistant en une « absence de sollicitations du membre supérieur droit, absence de manutention, travaux d’écriture, pas d’usage d’outils vibrants et aucun port de charges à droite, adaptation de l’ergonomie du poste de travail » (p. 5 et 15). Ces limitations fonctionnelles importantes sont de nature à gêner dans une mesure importante l’assurée dans ses tâches ménagères comme dans un emploi avec des tâches physiques. Du reste, selon le volet rhumatologique dudit rapport d’expertise, l’expertisée « présente actuellement une impotence fonctionnelle complète avec éviction du membre supérieur droit dans le suite d’un traumatisme direct du 9 avril 2018 avec fracture non déplacée de la clavicule et tendinopathie fissuraire du sus-épineux ayant justifié une prise en charge bien conduite médicale » mais sans succès complets (p. 14-15.). Toujours d’après le volet rhumatologique du rapport d’expertise, l’assurée « est autonome pour ses soins d’hygiène corporelle, mais doit solliciter de l’aide pour se laver les cheveux ou le faire à genoux devant la baignoire, elle décrit également des difficultés et la nécessité d’une adaptation pour se rendre aux toilettes, s’habiller et se déshabiller, puisqu’elle utilise exclusivement le membre supérieur gauche » (p. 9) ; concernant les tâches ménagères, ce sont ses deux fils – majeur – « qui réalisent la cuisine », la recourante ne faisant que réchauffer des plats déjà préparés, et ce sont aussi ses fils « qui effectuent l’ensemble des travaux ménagers de poussière, entretien des sols avec aspirateur et serpillère, nettoyage des sanitaires et de l’électroménager et elle pleure en évoquant cette situation », l’expertisée utilisant en outre son bras gauche pour dresser et débarrasser le couvert, remplir et vider le lave-vaisselle et le lave-linge ainsi que faire des courses pour de petits volumes (p. 9-10). Vu cette description non contestée des tâches ménagères et, surtout, le statut d’active à 100 % de l’assurée et le fait que ses revenus sans et avec invalidité sont comparés uniquement en lien avec une activité professionnelle, une enquête ménagère ne serait d’aucune utilité.

Pour le reste, contrairement à ce qu’évoque le conseil de la recourante sans aucun approfondissement, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’elle présenterait une atteinte au bras gauche. De surcroît, l’experte rhumatologue a, dans le cadre de son examen clinique, examiné non seulement le bras droit mais aussi le gauche, en particulier les « épaules » et les « poignets/mains » (p. 12). Il est néanmoins possible que, pour remplacer dans une certaine mesure l’usage du bras droit, ce membre supérieur gauche soit sollicité de manière non négligeable avec un risque de surcharge si la sollicitation est trop importante, ce qui peut d’ailleurs expliquer notamment la limitation fonctionnelle consistant en l’absence de manutention retenue par les expertes.

Enfin, aucun élément factuel, en particulier médical, ne remet en cause la constatation et appréciation de l’experte rhumatologue sous le « status neurologique » (« testing moteur normal au membre supérieur gauche et aux deux membres inférieurs, mais non réalisable au membre supérieur droit [ni au bras, avant-bras ou à la main], du fait d’une anxiété anticipatoire de l’expertisée, avec une sous-utilisation complète du membre supérieur droit sans lien avec la pathologie uniquement proximale d’épaule droite »), ni son appréciation suivante concernant l’« évaluation de la cohérence et de la plausibilité » : « La cohérence n’est pas conservée entre les données anamnestiques, les plaintes de l’expertisée, les constatations à l’examen clinique et les résultats des examens complémentaires, puisqu’il est bien attesté une fracture non déplacée de l’extrémité distale de la clavicule post-traumatique avec une atteinte fissuraire transfixiante du sus-épineux, mais ne justifiant pas une éviction totale de l’usage du membre supérieur droit dans l’ensemble de ses activités. – Cependant, les limitations fonctionnelles sont uniformes dans tous les domaines de la vie puisqu’elle n’a pas repris d’activité professionnelle depuis le traumatisme du 9 avril 2018 mais a exclu totalement son membre supérieur droit chez une expertisée droitière dans l’ensemble de ses activités quotidiennes, n’a plus d’activité de loisirs en-dehors de la marche et a restreint l’ensemble de ses activités ménagères, ainsi que ses soins personnels » (p. 4 et 14).

6.3.2 Au plan psychiatrique, la Dre E______, psychiatre traitante, ne conteste clairement aucun point contenu dans le rapport d’expertise, mais fait uniquement part d’une appréciation différente de celle des expertes en faisant valoir un caractère incapacitant du syndrome douloureux somatoforme persistant ainsi que l’existence d’un trouble dépressif récurrent.

À teneur du complément d’expertise du 6 juillet 2023 – qui confirme sur ce point le rapport d’expertise initial (p. 24) –, le fait que le syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) n’a pas d’impact sur la capacité de travail de l’expertisée s’explique notamment par le fait que le contexte émotionnel et de problèmes psychosociaux est suffisamment important pour être considéré par un clinicien comme la cause essentielle du trouble, de même que par le fait que l’assurée n’est ni déprimée ni délirante et présente seulement une anxiété très modérée, et ne rapporte pas de douleurs qui ralentiraient son fonctionnement psychique mais plutôt des douleurs à l’utilisation de son membre supérieur ; ses douleurs sont donc plutôt d’ordre fonctionnel physique mais pas psychique, et elles ne sont pas uniformes « dans toutes les activités de la vie journalières ».

Ces explications circonstanciées et convaincantes ne sont pas clairement remises en cause par la psychiatre traitante, qui renvoie en outre au rapport d’expertise « pour les détails techniques et médicaux précis et spécifiques ».

Par ailleurs, l’experte psychiatre précise ne pas retenir un épisode dépressif léger (F32.0). En effet, selon elle, l’expertisée n’a pas de tristesse de l’humeur marquée, ni d’anhédonie (puisqu’elle éprouve du plaisir à voir sa petite-fille, à discuter avec ses fils ou à sortir faire sa promenade et également rencontrer le chien de son frère) ; elle a cependant un certain degré d’aboulie ; elle n’a pas de diminution de la concentration ou de l’attention, ni d’idée suicidaire ou de culpabilité ; son appétit est conservé, mais son sommeil est perturbé et elle présente une diminution de l’estime de soi et une attitude morose face à l’avenir (p. 24).

En faisant état, dans son acte de recours, d’un trouble dépressif récurrent, cet état se caractérisant par « une humeur dépressive, de la tristesse récurrente, peu de plaisir, aucune projection sur l’avenir, un sommeil perturbé, de l’irritabilité et un manque de confiance en soi », la Dre E______ ne fait que présenter une constatation et une appréciation légèrement différentes de celles de l’experte psychiatre, la différence portant essentiellement sur l’ampleur de l’humeur dépressive et la tristesse récurrente, qui ne sont pas décrites précisément et concrètement par la psychiatre traitante, laquelle n’explique pas en quoi l’appréciation de l’experte M______ serait selon elle erronée.

Au demeurant, la psychiatre traitante n’atteste en tout état de cause aucun trouble psychique grave de nature à justifier une incapacité de travail, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Pour le surplus, comme indiqué dans le rapport d’expertise, l’assurée a des ressources internes (« connaissances en termes de vente ou de nettoyage ») et externes bien qu’assez restreintes (« aide apportée par ses fils et son frère », une seule amie, et « très peu d’activités de loisirs ou de vie sociale » ; p. 15 et 25). De surcroît, comme indiqué dans le rapport d’expertise (sous « ICF selon LINDEN/BARRON »), l’assurée n’a, notamment, « pas de difficulté à s’adapter aux règles de routine ni à planifier et à structurer des tâches », ou « à prendre des décisions bien qu’elle le fasse plus lentement qu’auparavant » (p. 24). Certes, selon la Dre E______ dans son rapport du 14 juin 2023 : « [La patiente] a beaucoup de peine à s’adapter aux règles de routine. Elle doit aménager du temps et de l’espace pour pouvoir y arriver et par ailleurs parfois elle y arrive, par d’autres non, tellement les douleurs sont importantes. – Toutes les décisions sont mûrement réfléchies avant de les prendre, pour la simple et unique raison que les ressources de son entourage sont précieuses pour arriver à exécuter ou planifier une tâche ». Ce faisant, la psychiatre traitante ne conteste pas entièrement les constatations et appréciation de l’experte psychiatre sur ce point, et ses propres appréciations n’apparaissent pas de nature à exclure l’exercice à 80 % d’une activité professionnelle.

6.4 En définitive, rien ne permet de s’écarter des conclusions des expertes selon lesquelles, du point de vue rhumatologique et en consensus entre elles, la capacité de travail de l’intéressée est nulle depuis le 9 avril 2018 dans l’activité habituelle de nettoyeuse, mais, dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles consistant en une « absence de sollicitations du membre supérieur droit, absence de manutention, travaux d’écriture, pas d’usage d’outils vibrants et aucun port de charges à droite, adaptation de l’ergonomie du poste de travail », la capacité de travail est de 100 %, mais avec une perte de rendement de 20 % en lien avec l’intensité des douleurs et la lenteur d’exécution chez une expertisée droitière qui doit utiliser préférentiellement le membre supérieur gauche dans une activité adaptée.

Ainsi, la capacité de travail s’élève à 80 % dans une activité adaptée à partir de l’aggravation de l’état de santé qui a été fixée au 19 juillet 2021 par les expertes et le SMR de manière convaincante, très probablement en référence à un rapport faisant suite à une IRM de l’épaule droite établi le 21 juillet 2021 par la docteure O______, radiologue (cf. rapport d’expertise, p. 35).

7.              

7.1 Chez les assurés actifs – comme la recourante –, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

7.2 En cas d’absence de désignation des activités compatibles avec les limitations du recourant, le Tribunal fédéral a jugé qu'il eût été certainement judicieux que l'office AI donnât au recourant, à titre d'information, des exemples d'activités adaptées qu'il peut encore exercer, mais qu’il convient néanmoins d'admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on doit convenir qu'un nombre significatif sont adaptées aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 consid. 4).

Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

7.3 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l'appréciation de l'abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Les limitations fonctionnelles justifiant une diminution de rendement déjà prises en compte dans l'évaluation de la capacité de travail n'ont pas à être retenues une seconde fois lors de la détermination de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2020 du 27 août 2021 consid. 6 et la référence). Selon la jurisprudence, lorsqu'une personne assurée est capable de travailler à plein temps mais avec une diminution de rendement, celle-ci est prise en considération dans la fixation de la capacité de travail. Il n'y a pas lieu, en sus, d'effectuer un abattement à ce titre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_780/2023 du 23 avril 2024 consid. 6 et les références).

8.              

8.1 En l’occurrence, dans sa « détermination du degré d’invalide » du 31 août 2023 et sa décision attaquée, l’OAI parvient à un degré d’invalidité de 9,37 %, résultant de la comparaison – ou différence –, pour 2022 – année de naissance d’un éventuel droit à une rente –, entre le « revenu sans invalidité pour un plein temps » de CHF 47’862.- et le « revenu annuel brut avec invalidité » de CHF 43’377.- sur la base de l’ESS 2020 (tableau « TA1_tirage_skill_level », pour les femmes sous « total », donc « tous domaines confondus », niveau de compétence 1, à savoir « tâches physiques ou manuelles simples », salaire mensuel brut [pour 40 heures par semaines] de CHF 4’276.-, ajusté en fonction de la moyenne des heures travaillées en Suisse [41,7 heures], pour le niveau de compétence 1 [tâches physiques et manuelles simples], c'est-à-dire CHF 4’457.-, puis annualisé (x 12) à CHF 53’488.- et indexé selon l'indice suisse des salaires [ISS], soit CHF 54'222.- réduit de 20 %).

Rien ne permet de remettre en doute cette comparaison des revenus sans et avec invalidité, que la recourante ne conteste du reste pas.

8.2 S’agissant de la question du caractère réaliste ou non des possibilités de travail concrètes de l’intéressée compte tenu de sa capacité de travail résiduelle, l’équipe réadaptation professionnelle de l’OAI indique à la fin du document « mandat de réadaptation » du 31 août 2023 : « (…), au vu du large éventail d’activités simples et répétitives que recouvre le marché du travail en général – et le marché du travail équilibré en particulier – on doit admettre qu’un nombre significatif d’entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, sont adaptées au [limitations fonctionnelles] de notre assurée. À titre d’exemples, on peut citer les tâches simples de surveillance, de vérification, de contrôle, ou encore des activités d’accueil ».

D’après le conseil de l’assurée, toute reprise d’une activité professionnelle sur le marché libre du travail est totalement illusoire. Toujours selon lui, concernant les exemples d’activités cités par l’intimé, dans la mesure où les activités à temps plein ou même partiel sur le marché ordinaire du travail requièrent polyvalence et flexibilité, des activités uniquement de réception ou de surveillance ne sont notoirement pas ouvertes à des personnes invalides ; sauf exceptions rarissimes, toutes les activités de surveillance nécessitent une condition physique au moins dans la norme ; l’avocat voit mal quelle activité de vérification pourrait être envisagée pour la recourante « alors qu’elle ne peut même pas écrire » ; les activités de contrôle de marchandises lui sont quant à elles doublement fermées, vu son absence de formation (comme magasinière, logisticienne, douanière, etc.) et son incapacité physique manifeste.

Cela étant, on ne voit pas en quoi des tâches simples d’accueil, de vérification/contrôle ou de surveillance, sans nécessité de formation préalable, n’existeraient pas sur le marché du travail ou seraient exclues pour l’intéressée, qui peut marcher sans restriction. En outre, si les activités de nettoyeuse et de caissière ne sont pas adaptées à sa pathologie rhumatologique selon le rapport d’expertise (p. 15), on ne voit pas pourquoi, par exemple, une activité de vendeuse pour des objets légers pouvant être pris avec la main gauche et sans tâches à la caisse ne pourrait pas être exercée à 80 % par l’assurée, laquelle a du reste, selon son curriculum vitae (CV), entre 1980 et 1990, effectué un « apprentissage d’employée de magasin en alimentation » auprès d’une chaîne de supermarchés « avec obtention du certificat cantonal de capacité ».

Au demeurant, contrairement à ce qu’allègue son conseil, la recourante apparaît pouvoir écrire, surtout dans sa langue maternelle et avec des difficultés en français (cf. rapport d’expertise, p. 15). La mention « travaux d’écriture » comme limitation fonctionnelle selon le rapport d’expertise, alors que pour les empêchements sont utilisé des termes comme « absence », « pas » ou « aucun », n’apparaît pas devoir être comprise comme une exclusion complète de l’écriture.

Il convient donc de conclure que le marché du travail offre à la recourante un éventail suffisamment large d'activités légères.

8.3 La diminution de rendement de 20 % apparaissant, selon le rapport d’expertise, liée aux limitations fonctionnelles, il n’y a pas lieu de procéder à un abattement en raison de celles-ci, et, pour le reste, il n’y a pas d’autres circonstances particulières susceptibles de justifier un abattement.

8.4 En conséquence, le degré d’invalidité est correctement fixé à 9,37 % par l’office, de sorte que, le taux minimal de 40 % pour le droit à une rente n’étant pas atteint, un tel droit est nié à juste titre par l’intimé.

9.             À titre subsidiaire, la recourante conclut à l’octroi de mesures professionnelles.

9.1 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n'est pas lié à l'exercice d'une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L'art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).

Se pose en premier lieu la question de savoir si l'assuré est invalide ou menacé d'une invalidité permanente (cf. art. 28 al. 1 LAI). On rappellera qu'il n'existe pas un droit inconditionnel à obtenir une mesure professionnelle (voir par ex. l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2009 du 13 octobre 2009). Il faut également relever que si une perte de gain de 20 % environ ouvre en principe droit à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 et les références), la question reste ouverte s'agissant des autres mesures d'ordre professionnel prévues par la loi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_464/2009 du 31 mai 2010).

9.2 En vertu de l'art. 15 LAI – dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2022 –, l'assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d'une profession a droit à l'orientation professionnelle et à une mesure préparatoire à l'entrée en formation (al. 1). L'assuré auquel son invalidité rend difficile l'exercice de son activité antérieure a droit à l'orientation professionnelle (al. 2).

L'art. 4a RAI – également en vigueur à compter du 1er janvier 2022 – précise en quoi peut consister l'orientation professionnelle.

Les objectifs de cette mesure sont que grâce au soutien qui leur est offert à travers l'orientation professionnelle, les personnes assurées identifient des formations qui correspondent à leur âge, leur niveau de développement, leurs aptitudes et leurs intérêts, et qu'elles sont en mesure de suivre. Sont concernées les personnes assurées sur le point de suivre une formation professionnelle ou limitées dans le choix professionnel en raison de leur invalidité et ayant par conséquent besoin d'une orientation professionnelle spécialisée (OFAS, Circulaire sur les mesures de réadaptation professionnelle de l'AI [CMRPr], valable dès le 1er janvier 2022, ch. 10.1). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'orientation professionnelle se démarque des autres mesures d'ordre professionnel (art. 16 ss LAI) par le fait que, dans le cas particulier, l'assuré n'a pas encore fait le choix d'une profession. L'art. 15 LAI suppose que l'assuré soit capable en principe d'opérer un tel choix, mais que seule l'invalidité l'en empêche, parce que ses propres connaissances sur les aptitudes exigées et les possibilités disponibles ne sont pas suffisantes pour choisir une profession adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_882/2008 du 29 octobre 2009 consid. 5.1 et les références).

9.3 Conformément à l'art. 17 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée (al. 1). La rééducation dans la même profession est assimilée au reclassement (al. 2).

À teneur de l'art. 6 al. 1 RAI, sont considérées comme un reclassement les mesures de formation destinées à des assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement d'une formation professionnelle initiale ou après le début de l'exercice d'une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer sensiblement leur capacité de gain (al. 1). Sont également considérées comme un reclassement les mesures de formation aboutissant à une formation plus qualifiante que celle dont dispose l'assuré, à condition qu'elles soient nécessaires pour maintenir ou améliorer sa capacité de gain (al. 1bis).

9.4 Aux termes de l'art. 18 al. 1 LAI (mesure d'aide au placement) – dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2022 –, l'assuré en incapacité de travail (art. 6 LPGA) et susceptible d'être réadapté a droit à un soutien pour rechercher un emploi approprié ou, s'il en a déjà un, pour le conserver.

Selon la jurisprudence, les raisons de santé pour lesquelles l'assuré rencontre des difficultés dans la recherche d'un emploi approprié entrent dans la notion d'invalidité propre à l'aide au placement si l'atteinte à la santé occasionne des difficultés dans la recherche d'un emploi au sens large (ATF 116 V 80 consid. 6a). Tel est le cas par exemple si, en raison de sa surdité ou de son manque de mobilité, l'assuré ne peut avoir un entretien d'embauche ou est dans l'incapacité d'expliquer à un employeur potentiel ses possibilités réelles et ses limites (par ex. les activités qu'il peut encore exécuter en dépit de son atteinte visuelle), de sorte qu'il n'aura aucune chance d'obtenir l'emploi souhaité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 421/01 du 15 juillet 2002 consid. 2c in VSI 2003 p. 274 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_859/2010 du 9 août 2011 consid. 2.2).

Lorsque la capacité de travail est limitée uniquement du fait que seules des activités légères peuvent être exigées de l'assuré, il faut qu'il soit entravé de manière spécifique par l'atteinte à la santé dans la faculté de rechercher un emploi (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 421/01 du 15 juillet 2002 consid. 2c, in VSI 2003 p. 274), principe dont la jurisprudence a admis qu'il demeurait valable également après l'entrée en vigueur de la 4ème et de la 5ème révision de l'AI (arrêts du Tribunal fédéral 9C_416/2009 du 1er mars 2010 consid. 5.2 ; I 427/05 du 24 mars 2006, in SVR 2006 IV Nr. 45 p. 162).

10.         En l’espèce, en l'absence d'une perte de gain d'au moins 20 % environ, une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (art. 17 LAI) ne peut pas entrer en considération.

Concernant une éventuelle orientation professionnelle (art. 15 LAI), on ne peut pas retenir qu'au regard de l'existence d’un nombre suffisant d’emplois compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’intéressée, ces limitations l’empêcheraient de choisir une profession adaptée ou rendraient difficile un tel choix, et on ne peut pas retenir non plus que ses propres connaissances sur les aptitudes exigées et les possibilités disponibles ne seraient pas suffisantes pour choisir une profession adaptée.

Pour un motif similaire (nombreux emplois compatibles avec les limitations fonctionnelles), et faute d'être entravée de manière spécifique par l'atteinte à la santé dans la faculté de rechercher un emploi, la recourante ne saurait non plus se voir octroyer une mesure d'aide au placement (art. 18 LAI).

En définitive, l'assurée n'a pas droit à des mesures professionnelles.

11.         Vu ce qui précède, malgré les souffrances et difficultés indéniables de la recourante ainsi que ses limitations fonctionnelles importantes, la décision querellée est conforme au droit, et le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

12.         Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable.

2.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le