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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3976/2023

ATAS/429/2024 du 06.06.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3976/2023 ATAS/429/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 juin 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 22 février 2023, Madame A______ (ci-après : l’assurée) s’est annoncée auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) en annonçant rechercher un poste d’employée de nettoyage et un délai-cadre a été ouvert le même jour en sa faveur.

b. Par courrier du 11 juillet 2023, l’office régional de placement (ci-après : ORP) a assigné à l’assurée un emploi en qualité d’aide à domicile à 80% auprès de l’Institution de maintien, d’aide et de soins à domicile (IMAD) et lui a enjoint d’envoyer son dossier de candidature d’ici au 13 juillet 2023 par le biais du formulaire en ligne, à l’aide du lien fourni, réservé aux candidats de l’OCE. Il ressort de la « visualisation plasta des entretiens de conseil » que le 11 juillet 2023, l’assurée a eu un entretien avec son conseiller, qui lui a demandé de postuler au poste assigné dans les deux jours et de lui envoyer la preuve de ladite postulation.

c. Informée que l’assurée n’avait pas postulé à ce poste, l’autorité lui a demandé des explications.

d. L’assurée, par courriel du 16 août 2023, a transmis à l’OCE un courriel d’accusé de réception de l’IMAD daté du 11 juillet 2023, dans lequel le service de recrutement de l’institution confirmait la réception d’une candidature pour un poste de « ASSC en soins à domicile/80-100%/en CDI », ainsi qu’un courriel du 18 juillet 2018, l’informant que sa candidature à ce poste n’avait pas été retenue.

e. Par décision du 13 septembre 2023, l’OCE a prononcé la suspension de l’exercice du droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de 34 jours au motif qu’elle s’était privée d’un emploi convenable sans justification. Elle avait postulé pour un autre emploi que celui qui lui avait été assigné, soit un poste pour lequel elle n’avait pas le profil, puisqu’elle n’avait pas le certificat fédéral de capacité (CFC) requis.

f. Le 12 octobre 2023, l’assurée s’est opposée à cette décision. Elle a allégué notamment avoir transmis tous les documents utiles à son conseiller en personnel qui lui aurait confirmé que tout était en règle.

g. Renseignements pris auprès du conseiller en personnel de l’intéressée le 2 novembre 2023, il s’est avéré, après vérification des pièces au dossier et du courriel de l’IMAD, que l’assurée avait en réalité postulé pour un autre poste que celui qui lui avait été assigné. Elle n’avait pas suivi le lien qui lui avait été indiqué dans le courriel d’assignation.

h. Par décision du 20 novembre 2023, l’OCE a rejeté l’opposition.

L’OCE a considéré qu’il appartenait à l’assurée de tout mettre en œuvre pour obtenir l’emploi qui lui avait été assigné. Le fait d’avoir postulé auprès du même employeur à un autre emploi ne correspondant pas à son profil (puisqu’il requérait la possession d’un CFC) devait être considéré comme une faute grave de la part de l’intéressée. La sanction était donc justifiée dans son principe.

Elle l’était également dans sa quotité, compte tenu du fait que l’assurée avait déjà été pénalisée par le passé (pour recherches insuffisantes pendant la période précédant le chômage).

B. a. Par écriture du 28 novembre 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

Elle allègue n’avoir pas reçu le courriel d’assignation avec les explications écrites concernant le poste à pourvoir. C’est lors d’un rendez-vous avec son conseiller en personnel, Monsieur B______, le 11 juillet 2023, qu'il lui a été indiqué qu’elle devait postuler à l’IMAD, ce qu’elle a fait le même jour, en se faisant aider dans sa démarche par le personnel administratif du Centre d’intégration culturelle de la Croix-Rouge. Elle pensait alors suivre convenablement les indications de son conseiller.

Le 20 juillet 2023, elle a reçu une réponse à sa candidature.

C’est n’est que par la suite que son conseiller a identifié l’erreur.

La recourante fait remarquer que les deux offres d’emploi figuraient sur le site internet simultanément et que cela aurait induit quiconque en erreur. Elle était absolument convaincue d’avoir envoyé son dossier à la bonne personne et au bon endroit, en temps utile, faisant ainsi, en toute bonne foi, de son mieux pour répondre à ses obligations.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 22 décembre 2023, a conclu au rejet du recours.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 23 mai 2024.

A cette occasion, la recourante a réaffirmé n’avoir jamais reçu l’assignation par courriel. C'est son conseiller qui lui a désigné sur l’écran de son ordinateur le poste pour lequel elle devait envoyer sa candidature à l'IMAD.

Elle s’est alors rendue au Centre d'intégration culturelle de la Croix-Rouge qui a cherché le poste sur internet. Ils l’ont aidée à formuler sa candidature. Elle leur a confié sa clé USB et ce sont eux qui ont envoyé la candidature pour elle.

L’intimé a pour sa part expliqué que le poste assigné était un emploi d’aide à domicile au PCLD (Pool centralisé longue durée), alors que l’assurée a postulé à un emploi d’aide infirmière « ASSC » (= assistant en soins et santé communautaire, poste impliquant d’avoir suivi un apprentissage), ce qui revient à dire que l’emploi auquel l’assurée a postulé était clairement au-dessus de sa formation. Elle n’avait donc aucune chance de l’obtenir, raison pour laquelle l’OCE a qualifié son erreur de grave.

Pour le surplus, l’intimé a indiqué n’avoir aucune preuve du fait que le courrier d’assignation est bel et bien parvenu à sa destinataire.

d. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension, pour une durée de 34 jours, du versement de l’indemnité au recourant, auquel l’OCE reproche de n’avoir pas avoir donné suite, dans le délai qui lui avait été imparti pour ce faire, à l’assignation de poste du 31 octobre 2019.

4.              

4.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage.

L'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi, avoir subi une perte de travail à prendre en considération, être domicilié en Suisse, avoir achevé sa scolarité obligatoire, n'avoir ni atteint l'âge donnant droit à une rente AVS, ni toucher de rente de vieillesse de l'AVS, remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré, être apte au placement et satisfaire aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 LACI).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que - dans les limites d’admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 p. 5 s. et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) en sa qualité d’autorité de surveillance de l’assurance-chômage chargée d’assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l’indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

4.2 L’obligation de satisfaire aux exigences de contrôle rappelée par l’art. 8 al. 1 let. g LACI compte au nombre des devoirs de l’assuré et prescriptions de contrôle prévus par l’art. 17 LACI, lequel impose aux chômeurs des devoirs matériels (al. 1 et 3) - concernant la recherche et l’acceptation d’un emploi, ainsi que la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires - et des devoirs formels (al. 2) – ayant pour objets l’inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 1 ad art. 17).

4.3 La violation de ces obligations expose l’assuré à une suspension de son droit à l’indemnité.

Selon l’art. 30 al. 1 LACI, une telle suspension se justifie notamment lorsqu’il est établi que l’assuré ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente (par exemple en refusant un travail convenable, en ne se présentant pas à une mesure de marché du travail ou en l’interrompant sans motif valable), ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Dans de tels cas, l’assuré adopte un comportement qui, de manière générale, est de nature à prolonger la durée de son chômage. Il n’est en principe pas d’emblée privé de prestations, mais tout d’abord sanctionné en application de l’art. 30 al. 1 let. c ou d LACI, puis, en cas de violations répétées, déclaré inapte au placement, en vertu des art. 8 al. 1 let. f et 15 LACI. Jurisprudence et doctrine s’accordent à dire que, du moins sauf réitérations, la sanction prévue par l’art. 30 al. 1 LACI constitue une manière appropriée et adéquate de faire participer l’assuré au dommage qu’il cause à l’assurance-chômage en raison d’une attitude contraire à ses obligations (ATF 125 V 197 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 208/06 du 3 août 2007 consid. 3; Boris RUBIN, op. cit., n. 3 ad art. 17, n. 5 ad art. 30). La suspension du droit à l'indemnité est soumise exclusivement aux dispositions de la LACI et de ses dispositions d'exécution (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2ème éd. 2007, p. 2424, n. 825).

4.4 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3).

L’OACI distingue trois catégories de fautes - légères, moyennes et graves - et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension : de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI).

Selon l’art. 45 al. 4 OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi (let. a) ou qu’il refuse un emploi réputé convenable (let. b). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, op. cit., n. 114 ss ad art. 30).

En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas d'espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5 ; 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).

Il n’est pas nécessaire qu’un assuré ait été renseigné au sujet de son obligation d’accepter un emploi convenable pour qu’une sanction puisse être prononcée en cas de refus d’emploi (Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 16, n. 63 ad art. 30).

4.5 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessens-unterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessens-missbrauch") de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2 ; 8C_33/2012 du 26 juin 2012 consid. 2.2 ; arrêt 8C_31/2007 du 25 septembre 2007 consid. 3.1, non publié in ATF 133 V 640 mais dans SVR, 2008, ALV, n° 12, p. 35).

Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.2 ; 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Le pouvoir d’examen de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

5.             En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir omis de postuler à l’emploi qui lui avait été assigné. Elle explique cependant s’être trompée en toute bonne foi en déposant sa candidature à un autre poste proposé par l’IMAD. Elle croyait ainsi satisfaire à son obligation.

Dès lors, il est établi que la recourante n’a pas satisfait à l’obligation qu’impose l’art. 17 al. 1 phr. 1 LACI d’entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger d’un assuré pour abréger le chômage.

Ne pas donner suite à une assignation à postuler pour un emploi à repourvoir représente en effet une violation de l’obligation de diminuer le dommage; cela revient à laisser échapper une possibilité concrète - quoique incertaine - de retrouver un travail, le comportement de l’assuré important à cet égard plus que le résultat effectif du dépôt d’une candidature en termes d’obtention ou non d’un engagement (ATF 130 V 125 consid. 1 publié dans SVR 2004 ALV no 11 p. 31 ; ATF 122 V 34 consid. 3b ; DTA 2002 p. 58, arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 436/00 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 3 ; 8C_950/2008 du 11 mai 2009 consid. 2 et 8C_746/2007 du 11 juillet 2008 consid. 2). Aussi le défaut de candidature déposée est-il assimilé, sur le plan du principe, à un refus d’un emploi convenable, autrement dit à la violation d’une obligation qui, à l’instar de celle d’accepter un travail convenable, revêt une importance indéniable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 368/99 du 16 mars 2000 ; ATAS/344/2017 du 2 mai 2017 consid. 5).

Eu égard à ce qui précède, une suspension du droit à l’indemnité de chômage devait être prononcée à l’encontre de la recourante en application de l’art. 30 al. 1 let. c et/ou d LACI.

Reste à en vérifier la quotité.

6.             D’après l’art. 45 al. 4 let. b OACI, le refus, sans motif valable, d’un emploi réputé convenable constitue une faute grave, autrement dit implique normalement le prononcé d’une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée de 31 à 60 jours (art. 45 al. 3 let. c OACI).

Il ne s’ensuit pas qu’un défaut de candidature posée pour un emploi réputé convenable, qui s’apparente à un refus d’un tel emploi, doive systématiquement et forcément être qualifié de grave, bien que la présomption que tel est le cas se fonde non sur des directives administratives, mais bien sur une norme de rang réglementaire édictée par le Conseil fédéral. Le principe est que la durée de la suspension doit être proportionnelle à la gravité de la faute, conformément au principe de rang constitutionnel de la proportionnalité, qui s’applique à l’ensemble des activités étatiques (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). La jurisprudence admet que, même en cas de refus d'un emploi convenable assigné, il n’y a pas forcément faute grave, dans la mesure où l’assuré peut se prévaloir d’un motif valable à l’appui de son refus, à savoir d’un motif lié à sa situation subjective ou à des circonstances objectives qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 20/06 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATAS/788/2016 du 4 octobre 2016 consid. 5a). L’égalité de traitement que des normes telles que l’art. 45 al. 4 OACI ou, à titre de directives administratives, les barèmes établis par le SECO visent à garantir, ne doit pas se réduire à de l’égalitarisme.

En l’espèce, dans l’appréciation de la gravité de sa faute, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances et des différents éléments recueillis lors de l'instruction.

En l’occurrence, la recourante a formellement contesté avoir reçu le document d’assignation, dont il n’a pu être établi s’il lui a été adressé par courriel, par courrier sous pli simple ou remis par son conseiller en mains propres le 11 juillet 2023 – date du courrier et à laquelle elle avait également rendez-vous avec lui. L’intimé a admis n’avoir aucune preuve de la remise dudit document à la recourante, qui a allégué pour sa part lors de son audition que son conseiller s’était contenté de lui indiquer sur son écran d’ordinateur le poste en question. Dans la mesure où il n’a pu être établi que le document en question est bel et bien parvenu à sa destinataire, on ne saurait reprocher à celle-ci de n’avoir pas utilisé le lien internet spécifique qui y était mentionné.

N’étant pas à l’aise avec les outils informatiques – ce qui est corroboré par le fait qu’elle renonce malgré les demandes réitérées de son conseiller à utiliser la plateforme « JobRoom » pour transmettre les preuves de ses démarches mensuelles (cf. résumé des entretiens) -, la recourante s’est alors rendue au Centre d’intégration culturelle de la Croix-Rouge afin qu’ils l’aident dans sa démarche. Après recherches, elle a postulé à un emploi auprès de l’IMAD, emploi d’ « ASSC », acronyme dont on peut douter que la recourante – nettoyeuse ne maîtrisant pas parfaitement la langue française – ait compris la signification. Cela étant, le poste était certainement accompagné d’une description du cahier des charges et des qualités attendues, de sorte qu’en parcourant l’annonce avec l’attention dont elle aurait dû faire preuve, la recourante aurait pu se rendre compte qu’il ne correspondait pas à son profil.

Au vu de ces éléments, on peut considérer que la recourante a violé ses obligations par négligence, de sorte qu'une faute peut lui être reprochée.
Cela étant, on ne saurait la soupçonner, au vu du contexte, d’avoir délibérément postulé à un emploi dont elle savait ne pas remplir les conditions afin de faire échouer sa démarche.

Dans ces conditions et au vu de l’ensemble des éléments, l’évidente bonne foi de la recourante, ses difficultés à maîtriser la langue et les outils informatiques et l’obligation de postuler à un emploi manuel par ce biais, mais aussi le fait qu’elle n’a manifestement pas pris la peine d’examiner la description du poste à laquelle elle répondait et que le poste assigné était de durée indéterminée et aurait pu permettre de réduire durablement le dommage de l’assurance-chômage, enfin, qu’il s’agit du second manquement reproché à l’assurée, la Cour de céans considère que la gravité de la faute commise est atténuée, qu’elle peut être qualifiée de moyenne et que la quotité de la suspension doit être ramenée à 20 jours.

Le recours est partiellement admis et la décision réformée dans le sens précité. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Admet partiellement le recours.

3.        Réforme la décision du 2 novembre 2023 en ce sens que la durée de la suspension du versement de l'indemnité est réduite à 20 jours.

4.        Rejette le recours pour le surplus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le