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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1820/2022

ATAS/289/2024 du 26.04.2024 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.06.2024, 9C_318/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1820/2022 ATAS/289/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 avril 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Marc BALAVOINE, avocat

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1969, a obtenu un certificat fédéral de capacité (CFC) d’étancheur dans l’entreprise appartenant à son père. Il a ensuite travaillé comme mécanicien sur engins lourds pour une succursale de ladite entreprise.

b. Le 10 juillet 2006, l’assuré a été victime d’un accident ayant entraîné une fracture de type Burst de la vertèbre L5 et une incapacité de travail totale.

c. Le 1er décembre 2006, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), en mentionnant un revenu avant invalidité de 4'600.- CHF/mois.

d. Dans un rapport du 2 février 2007, le professeur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué des séquelles de la fracture de la vertèbre, des lombalgies, une ostéoporose diffuse. Il a également mentionné d’anciennes fractures maxillo-faciale en 1987 et du fémur droit en 2004, ainsi qu’un traitement de substitution par méthadone pour une ancienne addiction à l’héroïne. La capacité de travail était nulle depuis l’accident. Il préconisait un reclassement professionnel, les lombalgies empêchaient la reprise de l’activité de mécanicien. Une activité sédentaire sans position particulière avec changements de position pouvait être envisagée, avec, en tout cas dans les premiers temps, une diminution de rendement.

e. Dans son appréciation du 11 octobre 2007, le médecin d’arrondissement de l’assureur-accidents a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : éviter la marche de longue durée, les positions assise ininterrompue et debout de longue durée et les postures en flexion du tronc. Il a émis l’avis que, dans une profession adaptée à ces limitations, l’assuré pourrait travailler à temps complet. En revanche, la profession de mécanicien sur engins lourds ne pourrait être reprise.

f. Le 15 mars 2007, l’employeur a indiqué à l’assureur-accidents un revenu avant atteinte à la santé de CHF 4'600.- versé treize fois l’an.

g. Lors d’un entretien avec l’OAI le 31 janvier 2008, l’assuré a indiqué qu’outre les problèmes de mobilité consécutifs à l’accident, le principal obstacle à sa réinsertion était sa toxicomanie. Il prenait 180 gr de méthadone par jour et ne se sentait pas encore assez stable.

h. Dans un rapport du 19 février 2008, le professeur C______, spécialiste FMH en médecine interne, a fait état d’une toxicomanie active pendant de nombreuses années, ayant conduit à une infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à une hépatite C. La séropositivité ne présentait pas ou peu de symptômes, hormis une participation à la fatigue générale. Il n’y avait aucun symptôme d’insuffisance hépatocellulaire lié à l’hépatite C. L’assuré souffrait d’importantes douleurs lombaires. Le problème principal à l’origine de l’incapacité de travail était la toxicomanie, toujours active, et les troubles psychiatriques liés à celle-ci.

i. Le 3 mars 2008, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine générale, a retenu à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail : une fracture-tassement de la vertèbre L5, un statut après ostéosynthèse d’une fracture en 2003, une ostéoporose diffuse, une toxicomanie, une hépatite C, et une séropositivité. L’assuré présentait des troubles de l’humeur avec agressivité, des relations collégiales perturbées et les risques d’accident étaient élevés. Son état psychique était instable.

j. Le 11 septembre 2009, le docteur E______ a diagnostiqué chez l’assuré un épisode dépressif de gravité moyenne et des troubles mentaux et du comportement. Le pronostic était défavorable ; l’incapacité de travail perdurait.

k. Le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie, a indiqué dans son rapport du 13 février 2010 que l’assuré présentait les atteintes invalidantes suivantes : dépendance à l’héroïne, désormais sous méthadone, trouble de la personnalité de type borderline, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, séropositivité et hépatite C. L’assuré avait débuté la consommation de drogue pendant son adolescence. Il était rapidement devenu dépendant de la cocaïne et, surtout, de l’héroïne. Tout son parcours était déterminé par son addiction. Il n’avait pas réussi à terminer des études et ne maîtrisait pas son abstinence. Les symptômes n’étaient pas tous liés à la dépendance, mais étaient également les manifestations d’un trouble de la personnalité. Le psychiatre a mentionné une impulsivité avec une relation perturbée à la réalité et des troubles de l’attention. L’assuré pouvait se montrer hyperkinétique, hypomane et dépressif durant la même séance.

l. Dans son rapport du 7 juin 2010, le docteur E______ a diagnostiqué une dépendance aux opiacés et benzodiazépines sous traitement de substitution à la méthadone, des troubles mentaux et du comportement, un épisode dépressif de gravité moyenne, une cyphose et une lordose dorsales. Les troubles somatiques n’avaient pas d’incidence sur la capacité de travail de l’assuré.

m. L’OAI a mis en œuvre une expertise de médecine générale, rhumatologie et psychiatrie, qu’il a confiée aux docteurs G______, H______, et I______, respectivement spécialistes FMH en psychiatrie, rhumatologie et médecine interne. Ceux-ci ont rendu leur rapport le 17 septembre 2010.

Ils ont notamment relevé dans l’anamnèse que l’assuré avait obtenu son CFC à 25 ans grâce à la tolérance de son père, qui l’employait et avait accepté ses absences répétées, tout en admettant ne pouvoir compter sur son fils, qu’il estimait inapte à travailler. Les experts ont décrit le parcours de l’assuré, qui a débuté la consommation d’héroïne et de cocaïne à l’âge de 14 ans. Ils ont également noté la prise, de temps en temps, de cannabis, ainsi que d’ecstasy et d’alcool à outrance. L’assuré souffrait depuis des années d’une humeur fluctuante avec des hauts et des bas, qui s’était progressivement aggravée au cours de sa consommation, avec des baisses d’humeur en réaction à l’accumulation de problèmes sur le plan social et de santé, comme des douleurs à la suite de nombreux accidents. Au plan rhumatologique, l’assuré souffrait de lombalgies chroniques liées à d’importants troubles statiques, avec une scoliose et un status après fracture de la vertèbre L5. Les limitations fonctionnelles induites par les problèmes de dos consistaient à éviter les travaux lourds, le port de charges, les positions statiques prolongées, surtout debout ou dans des positions non physiologiques. Au plan somatique, l’assuré ne pouvait plus travailler comme mécanicien, mais pourrait assumer une activité légère, s’exerçant plutôt en position assise, permettant des changements réguliers de position et sans port de charges, probablement à 70%. La séropositivité et l’hépatite C étaient asymptomatiques. Au plan neurologique, le statut évoquait une polyneuropathie sensitive distale des membres inférieurs, qui n’était pas ressentie comme handicapante et n’induisait pas de limitation fonctionnelle. Du point de vue psychique, aucun trouble important de la mémoire, de la concentration ou de l’attention n’était observé chez l’assuré, légèrement ralenti par moments. Celui-ci ne présentait ni angoisse persistante, ni attente craintive, ni attaque de panique, ni phobie. Malgré la description d’une labilité émotionnelle avec des fluctuations de l’humeur depuis des années, il n’y avait pas de perte de l’intérêt, du plaisir, ni abaissement de l’humeur. L’assuré conservait un intérêt pour la littérature, l’histoire, l’aviation et rencontrait avec plaisir sa famille et ses amis. Il décrivait son humeur comme équilibrée. La diminution légère de l’énergie avec un léger ralentissement psychomoteur s’inscrivait dans une consommation importante de substances psychoactives et ne permettait pas de retenir le diagnostic d’épisode dépressif chez l’assuré, qui ne manifestait ni idée de culpabilité, ni attitude morose et pessimiste, ni idée auto-agressive. Le tableau clinique était caractérisé par la présentation typique d’une grave polytoxicomanie avec perte d’une structure de la vie quotidienne et de la capacité à poursuivre de manière stable une activité. L’assuré vivait dans un cadre quasi protégé, dépendant du soutien de son épouse et de sa famille. Pendant son enfance, il avait connu de graves problèmes de discipline et s’était montré incapable de respecter les règles. Son parcours scolaire avait été chaotique et marqué par l’exclusion régulière d’écoles publiques et privées. Depuis l’âge de 13 ans, il n’était pas parvenu à rester abstinent, malgré plusieurs tentatives de sevrage. L’anamnèse montrait cependant une certaine stabilisation de son état, lui ayant permis une formation professionnelle entre 22 et 25 ans. L’expert psychiatre a conclu à la chronicisation d’un trouble hyperkinétique avec des troubles de conduite à l’origine d’une toxicomanie secondaire, comme c’était souvent le cas chez les patients souffrant d’un tel trouble lorsqu’il n’était pas traité. Il présentait en outre une structure de personnalité ressemblant à un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif. Au vu des troubles retenus, le diagnostic d’un trouble spécifique de la personnalité ou d’un trouble dépressif récurrent n’était pas posé. En conclusion, l’assuré avait eu un épuisement progressif, puis complet de ses ressources d’adaptation, dépendant d’un cadre protégé pour maintenir sa vie en dehors d’un cadre institutionnel, après avoir travaillé pendant des années dans un poste quasiment protégé en qualité d’employé de son père.

Les experts ont retenu à titre de diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail : la chronicisation d'un trouble hyperkinétique et trouble de conduite (F 90.1), existant depuis l'enfance, des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples avec un syndrome de dépendance secondaire au trouble hyperkinétique, utilisation continue d'opiacés, d'alcool, de cocaïne et de cannabis malgré un traitement de substitution (F 19.25), existant depuis l'adolescence, des lombalgies chroniques, une scoliose dorsolombaire et un status après fracture de la vertèbre L5. Les atteintes sans répercussion sur la capacité de travail étaient : une infection au VIH depuis 1992, une hépatite C chronique sans complications, ainsi qu’une discrète polyneuropathie sensitive des membres inférieurs. L’incapacité de travail était complète depuis l’accident de juillet 2006. Au plan purement somatique, une activité adaptée était exigible à 70%.

n. Le 29 septembre 2010, le Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) s’est rallié aux conclusions de l’expertise.

o. Par décision du 22 février 2011, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité dès le 1er juillet 2007.

B. a. Une première procédure de révision du droit à la rente a conclu au maintien d’une rente entière suite à un rapport du Dr E______ du 7 janvier 2013 mentionnant un état stationnaire de l’assuré (cf. communication du 7 février 2013).

b. Il en a été de même à l’issue d’une seconde révision du dossier, en 2017, le Dr E______ ayant fait état, dans un rapport du 4 mai 2017 des diagnostics de dépendance aux opiacés et aux benzodiazépines sous traitement de substitution, de troubles mentaux et du comportement (F 14.21), d’épisode dépressif de gravité moyenne (F 32. 1) et de cyphose et lordose dorsales (cf. communication du 6 juin 2017).

c. Une nouvelle révision du droit aux prestations a été initiée en 2020. Interrogé, le Dr E______, dans un rapport du 11 décembre 2020, a indiqué que l’assuré était sevré de son traitement de substitution. Il souffrait encore de lombalgies. Les diagnostics avec effet sur la capacité de travail étaient une cyphose et une lordose (M 40). Le pronostic était défavorable pour les problèmes de dos.

d. Au vu de l’évolution psychiatrique favorable ressortant de ce rapport, le SMR a préconisé une expertise. Celle-ci a été confiée au docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie, qui a rendu son rapport le 15 octobre 2021, à l’issue de deux entretiens de six heures en tout.

Après avoir résumé le dossier de l’assuré et exposé l’anamnèse, l’expert s’est fait le relais de ses plaintes, qui se centraient spontanément et essentiellement sur l’expertise mise en œuvre. L’assuré signalait également des troubles de l’attention avec une importante distractibilité en raison d’une hyperactivité durant l’enfance et au début de l'âge adulte, mais sans manifestation significative à l'âge adulte, sauf lors des prises de cocaïne. Il avait connu un isolement social total avec une rechute dépressive sévère depuis 2007, dans le contexte de l’augmentation de sa consommation de toxiques, avec des troubles de la concentration, une tristesse sévère avec anhédonie, aboulie et une impossibilité à gérer son quotidien. A la suite de l’abstinence, hormis la cocaïne qu'il prenait toujours épisodiquement, il se plaignait d'une tristesse légère, présente la plupart de la journée. Après l’amélioration liée au sevrage, il avait pu arrêter le traitement psychiatrique antidépresseur. Il décrivait des activités variées plaisantes dans le quotidien, et des vacances à l'étranger dès septembre 2020, alors qu’il n’avait pas de telles activités auparavant. Il insistait toutefois à plusieurs reprises sur le fait que sa capacité de travail ne s’était pas améliorée, car il ne pourrait plus jamais retravailler à son âge après une longue pause professionnelle, et il avait besoin de temps pour s'occuper de sa mère après le décès de son père et pour récupérer après ses abus de cocaïne. Accessoirement, il se plaignait de difficultés relationnelles avec une dépendance par rapport à l’avis d'autrui, un manque de confiance en soi avec impulsivité, et une intolérance à la frustration. Le sommeil était difficile. Il avait une vision pessimiste de l’avenir et des idées noires passives. Son isolement social était désormais partiel. Il évoquait une démotivation dans le contexte de la dépendance. Il parvenait à gérer son quotidien : il s’occupait de sa mère, partait en vacances, passait de bons moments en famille et avait des plaisirs, mais il se plaignait de ne pouvoir s’occuper de ses tâches administratives complexes sans l’aide de son amie ou de sa fiduciaire. Il était soutenu par son entourage. Il vivait avec son amie, avec qui il disait partager des moments de bonheur, notamment lors de leurs vacances. Il avait des contacts réguliers avec sa famille et occasionnels avec des amis. Il y avait un retentissement des plaintes dans les activités de la vie quotidienne et du ménage d'un point de vue somatique, car il était limité pour les tâches lourdes physiquement, mais pas au plan psychique. Lors d’une journée typique, il se réveillait entre 11h et midi, et passait un moment avec son amie. Il regardait des émissions historiques à la télévision et lisait des romans durant plusieurs heures, et se promenait avec sa compagne. Il s’occupait de ses deux chats et jouait au poker en ligne. Il aidait sa mère presque tous les jours, faisait une partie du ménage et préparait les repas. Il se disait prêt à reprendre un traitement psychiatrique si cela était nécessaire au maintien de sa rente, mais pas en lien avec un trouble psychique incapacitant.

L’expert ne retenait pas d’incohérences chez l’assuré, hormis la demande de conserver sa rente sans réadaptation professionnelle, en l’absence de limitation fonctionnelle significative du point de vue psychique, hormis pour les tâches administratives complexes. Le dossier ne révélait pas non plus de discordance, dans le sens où des troubles de l’attention avec hyperactivité et une dépendance à plusieurs substances, des troubles dépressifs récurrents et un trouble de la personnalité avaient été retenus. Cependant, l’amélioration décrite depuis septembre 2020 reposait sur des éléments objectifs, avec un arrêt du suivi psychiatrique et des antidépresseurs, des vacances à l’étranger à plusieurs reprises, et une abstinence à toutes les substances hormis la cocaïne épisodiquement. Il y avait également une discordance entre la capacité de travail nulle et les activités possibles lors de la journée-type. L’absence de traitement antidépresseur et de suivi psychiatrique plaidait aussi contre un trouble psychique incapacitant ou une décompensation du trouble de la personnalité. Les troubles de l’attention, de la personnalité et de la dépendance n’étaient pas en soi incapacitants, dès lors qu’ils n’étaient actuellement ni objectivables ni significatifs à l’examen clinique et dans l’analyse du quotidien, hormis lors des abus de cocaïne. Le Dr J______ constatait une thymie légèrement abaissée. Après avoir rapporté les résultats des tests psychométriques, l’expert a conclu à une dépendance à plusieurs substances (cannabis, cocaïne, opiacés, benzodiazépines et amphétamines), avec actuellement une utilisation continue des benzodiazépines et épisodique de la cocaïne. Il s’agissait d’une dépendance primaire, en l’absence d’un trouble psychiatrique entraînant des limitations significatives. Les critères diagnostiques de la CIM-10 pour des troubles dépressifs récurrents légers évoluant depuis septembre 2020 étaient remplis, avec une tristesse modérée n’entravant pas l’assuré dans ses activités. Le critère de l’énergie réduite était partiellement présent, mais uniquement subjectivement, car il n’y avait pas de ralentissement psychomoteur, et l’assuré parvenait à gérer son quotidien sans aide, hormis pour les tâches administratives complexes. Il décrivait une estime de soi faible. Il n’y avait pas de culpabilité et la concentration était cliniquement conservée, au vu des discussions soutenues lors des entretiens d’expertise, et des activités telles que la lecture et les jeux. Malgré les difficultés d’endormissement fluctuantes rapportées, l’expert ne retenait pas de répercussions significatives sur les activités quotidiennes en l’absence d’une somnolence diurne. L’expert, après avoir exposé et commenté les critères diagnostiques d’un trouble hyperkinétique, a conclu que ce trouble n’était plus incapacitant actuellement selon l’anamnèse et la journée-type. Il ne nécessitait en outre pas de prise en charge. Il n’y avait pas de troubles anxieux spécifiques, les symptômes de cet ordre faisant partie des troubles dépressifs récurrents légers depuis septembre 2020. En ce qui concernait l’examen de la personnalité, les critères diagnostiques étaient remplis pour un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieux. L’expert a justifié les éléments anamnestiques fondant ce diagnostic. Ce trouble était non décompensé et ne faisait pas l’objet d’un traitement psychotrope, en dehors de la dépendance aux benzodiazépines.

En conclusion, l’expert a considéré qu’aucune atteinte n’avait d’effet sur la capacité de travail de l’assuré. Il a mentionné, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail : des troubles dépressifs récurrents légers depuis septembre 2020, sans indices de gravité de jurisprudence remplis (F 33.0), un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieux (F 61), non décompensé, une dépendance primaire à plusieurs substances (cannabis, cocaïne et amphétamines, héroïne, benzodiazépines), abstinent depuis plusieurs années, sauf aux benzodiazépines avec utilisation continue et à la cocaïne avec utilisation épisodique (F 19.2) et un trouble de l'attention avec hyperactivité depuis l'enfance (F 90). Le trouble de l’attention, présent surtout durant l'enfance, ne justifiait pas de traitement depuis plusieurs années et n'avait pas empêché un travail dans le passé.

L’expert a analysé les différents indicateurs jurisprudentiels applicables. Les limitations fonctionnelles psychiatriques étaient sans impact sur le quotidien depuis septembre 2020. L’indicateur lié à la gravité de l’atteinte à la santé était également absent. En ce qui concernait l’indicateur lié au succès du traitement et de la réadaptation, une évolution globalement stationnaire depuis septembre 2020 était objectivée, malgré l’absence de traitement pour les troubles dépressifs. La motivation pour une réadaptation professionnelle était nulle, en lien avec les avantages secondaires. Les comorbidités psychiatriques n’entraînaient pas de limitation fonctionnelle significative objectivable. Les troubles de la personnalité et de l’attention n’entravaient pas la gestion du quotidien et n’étaient pas décompensés. Du point de vue du contexte social, l’assuré conservait de bonnes ressources personnelles au moment de l’expertise. Son isolement n’était que partiel. Il existait une bonne cohérence entre la plupart des plaintes et les constats objectifs, avec toutefois un décalage entre la fatigue et les observations de l’expert. Il n’y avait pas d’exagération volontaire des plaintes. Quant à la limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines de la vie, l’expert a répété qu’il n’y avait pas de limitation fonctionnelle psychiatrique objective, hormis pour les tâches administratives complexes. En conclusion, les indicateurs de gravité n’étaient pas remplis depuis septembre 2020. La maladie addictive n’avait pas entraîné de dommages irréversibles chez l’assuré, qui gérait son quotidien, lisait, jouait à des jeux, et avait obtenu un résultat au-dessus de la moyenne à certaines matrices psychométriques.

Le pronostic de reprise professionnelle dépendait de la motivation de l’assuré. Cela étant, du point de vue psychiatrique, la capacité de travail était totale sans baisse de rendement depuis septembre 2020 dans toute activité adaptée au plan somatique et correspondant au niveau d’études. L’expert a néanmoins suggéré un suivi psychiatrique avec un traitement antidépresseur et un sevrage aux benzodiazépines et à la cocaïne. Les capacités intellectuelles de l’assuré étaient au-dessus de la moyenne, bien qu’il n’ait pu se former à la hauteur de son potentiel en raison de sa polytoxicomanie et de son hyperactivité infantile. La capacité de travail pourrait évoluer jusqu’à devenir nulle en cas d’évolution vers un épisode dépressif sévère, probable en l’absence de soutien pour une réadaptation professionnelle et en cas de suppression de la rente. Le pronostic était toutefois positif en cas de réadaptation professionnelle.

e. Le 8 décembre 2021, le SMR a conclu à une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée aux limitations somatiques depuis septembre 2020.

f. Dans une note du 27 janvier 2022, l’OAI a retenu que les conditions d’octroi de mesures de réadaptation n’étaient pas remplies, l’assuré ayant moins de 55 ans et au bénéfice d’une rente depuis moins de 15 ans.

g. Le 22 février 2022, l’OAI a procédé au calcul du degré d’invalidité. Pour le revenu après invalidité, il s’est référé au revenu tiré d’activités simples et répétitives (TA1_tirage_skill_level, ligne Total, niveau 1) selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2018, soit CHF 68'906.- une fois indexé à 2020 et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures en 2020. Compte tenu de la capacité de travail de 70%, le revenu après invalidité s’élevait à CHF 48'234.- Les conditions pour un abattement n’étaient pas remplies. Le revenu sans atteinte à la santé était de CHF 59'800.- en 2005 et de CHF 68'986.- après indexation à 2020. La comparaison de ces revenus aboutissait à un taux d’invalidité de 30.08%.

h. L’OAI a adressé à l’assuré en date du 10 mars 2022 un projet de décision dont il ressortait qu’il envisageait de lui nier le droit à une rente.

i. Dans un courrier reçu le 5 avril 2022, l’assuré a indiqué ne pas comprendre la « décision de l’OAI ». Il a affirmé que l’entretien avec le psychiatre n’avait pas porté sur sa santé physique, mais sur des sujets tels que l’aviation. Ils n’avaient en aucun cas parlé de lui, sauf de l’arrêt de la méthadone, dont il n’avait décroché qu’en 2020. Son père était décédé le 3 décembre 2020, et il avait réussi à ne pas retomber dans l’addiction malgré cet événement. Il n’avait aucun revenu, dès lors qu’il avait été déshérité.

j. Par décision du 5 mai 2022, l’OAI a formellement nié à l’assuré le droit à une rente et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.

C. a. Par courrier du 2 juin 2022 à la Cour de céans, l’assuré a déclaré interjeter recours contre la décision de l’OAI.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 30 juin 2022, a conclu au rejet du recours. Selon lui, l’expertise du Dr J______ doit se voir reconnaître pleine valeur probante et démontre une amélioration de l’état de santé de l’assuré dès septembre 2020.

c. Par écriture du 31 octobre 2022, le recourant a conclu, sous suite de dépens, principalement, à l’octroi d’une rente entière d'invalidité depuis le 10 juillet 2007, subsidiairement au renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire.

Il reproche à l’intimé d’avoir ignoré ses atteintes somatiques et de ne pas avoir instruit la question de son état de santé physique, alors qu’il souffre de lourdes atteintes sur ce plan, entraînant selon lui une invalidité totale. Il ajoute que l’expert psychiatre s’est fondé à tort sur ses déclarations quant à sa capacité à gérer le quotidien, alors que ces démarches sont assumées par sa fiduciaire. Il rappelle qu’il rencontre de graves problèmes de dépendance depuis l'adolescence et fait grief à l’intimé de n’avoir pas analysé l'impact de sa consommation actuelle de cocaïne sur sa santé. Il souligne que l’expert a émis un pronostic défavorable en l’absence de mesures de réadaptation et en tire la conclusion que, puisque l’intimé les lui a refusées, il ne pouvait simplement supprimer la rente et le laisser se réadapter seul, alors qu’il n’a plus travaillé depuis quinze ans et a exercé auparavant une activité protégée dans l'entreprise de son père.

Le recourant produit une lettre de la Fiduciaire de Rive du 24 octobre 2022 attestant qu’elle gère la totalité de ses finances et de ses tâches administratives depuis décembre 2020. Ce système a été mis en place par le père du recourant, qui craignait que ce dernier ne dilapide son argent en finançant sa dépendance. La fiduciaire règle toutes ses factures, ses prestations sociales, ses comptes bancaires, met à sa disposition un montant mensuel pour ses achats et établit sa déclaration fiscale.

Le recourant produit également un certificat du 22 juillet 2022 du Dr E______. Celui-ci y atteste que son patient souffre de troubles dépressifs récurrents (F 33.0), de dépression de gravité moyenne (F 32.2) se manifestant par une tristesse, des idées suicidaires, une perte d’intérêt et de plaisir, des troubles du sommeil et de l’appétit, un sentiment de dévalorisation, de culpabilité, une perte de la libido et des difficultés à se concentrer ainsi que des troubles de la mémoire. Il est en outre la proie de troubles obsessionnels compulsifs. Par conséquent, il n’est pas capable d’exercer une activité professionnelle.

d. Le 1er décembre 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

Il rappelle, s’agissant des mesures de réadaptation, que, selon l’expert, la motivation de l’assuré est nulle, raison pour laquelle il a nié son droit à de telles mesures, vu l’absence d’aptitude subjective, corroborée par le fait que les conclusions du recourant tendent uniquement à l’octroi d’une rente.

e. Dans sa duplique du 19 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il soutient que la procédure de révision a été initiée en raison des manquements dans le rapport du Dr E______, incomplet et que celui-ci a rattrapé cet oubli dans son certificat du 22 juillet 2022. Quant au rapport du Dr J______, il ne respecterait pas les exigences de la jurisprudence en matière d’analyse de l’incidence d’addictions sur la capacité de travail. La dépendance devrait également être réexaminée au vu de son quotidien. Les activités de loisirs décrites dans l’expertise ne sont pas propres à établir sa capacité à gérer le quotidien et une quelconque capacité à reprendre une activité lucrative. En réalité, le recourant n’a aucune activité fixe, aucun cercle social, il fait parfois le ménage et passe la grande majorité de son temps chez sa mère, qu’il n’aide pas. Il se lève tard, car le sommeil est pour lui un refuge. Il a arrêté le traitement antidépresseur qui aggravait sa situation. Le Dr J______ a en outre subordonné sa capacité de travail à des mesures de réadaptation.

Le recourant produit un certificat du Dr E______ du 19 décembre 2022, certifiant que son patient n’est pas capable de gérer ses affaires de manière indépendante, qu’il reste fragile malgré l’arrêt du traitement de substitution à l'héroïne. Ce médecin retient le diagnostic de personnalité émotionnellement labile, type borderline.

f. Le 3 juillet 2023, le recourant a encore produit un certificat du Dr E______ du 30 juin 2023, attestant d’une rechute et de la reprise d’une consommation d’héroïne et de cocaïne « suite à ses problèmes avec l’OAI ». Selon le médecin, le recourant utilise les stupéfiants comme antidépresseurs.

g. La Cour de céans a entendu le Dr J______ en date du 6 juillet 2023.

Le médecin a expliqué qu’il travaille avec une psychologue qui l’a assisté lors des deux entretiens. Il n’a constaté aucune incohérence dans les plaintes, hormis la demande de maintien de la rente en l’absence de limitations, sauf pour les tâches administratives telles que la tenue des comptes, et non le simple règlement de factures. Au vu des constats (loisirs, rencontres, vacances, aide à sa mère), une incapacité de travail totale ne se justifiait plus. Il ne s’est pas écarté des diagnostics des experts de 2010, mais, s’agissant du trouble de la personnalité, il a plutôt mis l’accent sur les traits anxieux et émotionnellement labiles, au lieu de retenir seulement la notion de trouble borderline. A l’époque où le recourant travaillait pour son père, l’expert n’était pas certain qu'il aurait trouvé un emploi ailleurs, au vu des difficultés relationnelles et de l'impulsivité consécutives à ses traits de personnalité. S'agissant de la description de la journée-type, il s’est fié aux déclarations du recourant, qui lui a paru authentique. Ces déclarations concordaient avec celles faites à la psychologue. Il n’a pas le souvenir que le recourant l’ait informé de la gestion administrative par une fiduciaire. Informé de la reprise de la consommation d’héroïne, le Dr J______ a souligné qu’il avait indiqué que cette évolution ne pouvait être exclue. Cela révèle une rechute de la dépression. La capacité de travail a été évaluée dans une activité adaptée et impliquait clairement des mesures de réadaptation et un soutien, même si la motivation du recourant à de telles mesures faisait défaut.

h. Par écritures des 20 juillet et 15 septembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions, en requérant subsidiairement l’octroi de mesures de réadaptation.

i. L’intimé a fait de même.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Déposé dans les forme et délai prescrits par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur la suppression de la rente du recourant, plus particulièrement sur le point de savoir si son état de santé s’est amélioré de manière à influer sur son droit aux prestations en septembre 2020.

5.             La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442).

Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2). Dans les cas de révision du droit aux prestations selon l'art. 17 LPGA, il convient également d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, ce sont les dispositions légales et réglementaires dans leur teneur dès le 1er janvier 2022 qui sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 et 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

Selon cette disposition, si la capacité de gain ou la capacité d'accomplir les travaux habituels de l'assuré s'améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d'aide découlant de son invalidité s'atténue, ce changement n'est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu'à partir du moment où on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (al. 1). Si la capacité de gain de l'assuré ou sa capacité d'accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d'aide découlant de son invalidité s'aggrave, ce changement est déterminant pour l'accroissement du droit aux prestations dès qu'il a duré trois mois sans interruption notable. L'art. 29bis est toutefois applicable par analogie (al. 2).

En l’espèce, bien que la décision dont est recours soit postérieure à l’entrée en vigueur de la modification de la LAI et ne déploie ses effets qu’après le 1er janvier 2022, la modification de l’état de santé déterminante selon l’intimé remonte à septembre 2020, de sorte que l’ancien droit reste applicable, le délai de trois mois prévu à l’art. 88a al. 1 RAI ayant expiré fin 2020.

6.             Jusqu’au 31 décembre 2021, l’art. 17 LPGA prévoyait que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2).

Selon l’art. 17 LPGA dans sa teneur depuis le 1er janvier 2022, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b) (al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2).

7.             L'invalidité est une notion économique et non médicale, où sont prises en compte les répercussions de l'atteinte à la santé sur la capacité de gain (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 15/06 du 21 décembre 2006 consid. 2.2). Aux termes de l'art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité. En vertu de l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

8.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, ATF 122 V 157 consid. 1c).

8.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

9.             Dans un arrêt de principe concernant les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part. Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (F 45.5), qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid.  4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

9.1 Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).

Notre Haute Cour a par la suite modifié à sa jurisprudence en ce sens que des syndromes de dépendance ou des troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués par des spécialistes ne peuvent plus d'emblée se voir nier toute pertinence du point de vue de l'assurance-invalidité, leur incidence sur la capacité de travail devant désormais également être déterminée au moyen de la grille d'évaluation applicable en matière de troubles somatoformes douloureux et de troubles psychiques (ATF 145 V 215 consid. 5.3.3 et consid. 6.2).

Dans ce contexte, le point de départ de l’évaluation de ces troubles est l'ensemble des constatations médicales qui ont été faites par l'expert psychiatre et lui ont permis de poser un diagnostic reposant sur les critères d'un système reconnu de classification, qui doit être motivé de telle sorte que l’autorité soit en mesure de comprendre non seulement si les critères de la classification sont effectivement remplis mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).

10.         L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

10.1 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2).

10.2 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 4 jusqu'à l'ESS 2010 et niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail sur un marché où les places de travail disponibles correspondent à l'offre de main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références).

10.3 Il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b). L'abattement ne peut résulter de déductions distinctes pour des facteurs séparés à prendre en considération. Une telle fragmentation n'est pas compatible avec une évaluation globale des effets des empêchements sur le revenu d'invalide qui suppose un examen des facteurs considérés dans leur ensemble et non pas une addition schématique de pourcentages (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2). Il n'est pas justifié de quantifier séparément chacun des facteurs de réduction entrant en ligne de compte et de les additionner, car on perdrait ainsi de vue les effets réciproques (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb).

10.3.1 Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

10.3.2 Les tribunaux cantonaux des assurances au sens de l'art. 57 LPGA, qui constituent l'autorité de recours ordinaire dans la très grande majorité des cas relevant des assurances sociales, doivent disposer d'un pouvoir d'examen identique à celui du Tribunal administratif fédéral, et ce notamment au regard du principe constitutionnel de l'égalité de traitement de tous les assurés. Cela s'impose d'autant plus que le domaine des assurances sociales comprend de nombreuses situations – dont l’abattement sur le revenu d'invalide en matière d'assurance-invalidité constitue un exemple flagrant – dans lesquelles l'administration dispose d'une marge d'appréciation importante, dont l'application doit pouvoir être contrôlée par l'autorité de recours de première instance (ATF 137 V 71 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est ainsi pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (Angemessenheitskontrolle). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans un cas concret dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le juge des assurances sociales ne peut sans motif pertinent substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_690/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.2 et 9C_855/2014 du 7 août 2015 consid. 4.2 et 4.3).

10.3.3 Selon la jurisprudence, il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations, même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels ; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 5.3). De plus, le critère du taux d'occupation réduit peut être pris en compte pour déterminer l'étendue de l'abattement à opérer sur le salaire statistique d'invalide lorsque le travail à temps partiel se révèle proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps. A cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement proportionnellement mieux rémunéré que le travail à temps partiel; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence. Cela étant, le travail à temps partiel peut, selon les statistiques, être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs de sexe masculin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_18/2022 du 9 novembre 2022 consid. 3.2 et les références).

11.         En l’espèce, l’octroi d’une rente entière en 2007 reposait sur les conclusions du Dr G______, lequel avait conclu à un épuisement des ressources dans le cadre de la polytoxicomanie alors active du recourant. En 2020, ce dernier a cependant réussi à se sevrer de la plupart des substances qu’il consommait, comme l’a indiqué le Dr E______, ce qui a justifié la révision du droit aux prestations.

L’expertise établie dans ce cadre par le Dr J______ répond aux exigences dégagées par la jurisprudence pour se voir reconnaître valeur probante. En particulier, elle se prononce de manière fiable et convaincante sur les indicateurs déterminants selon la jurisprudence. En effet, ce psychiatre et la psychologue avec qui il collabore ont eu deux longs entretiens avec le recourant, qu’ils ont interrogé sur ses plaintes. L’expert a exposé ses constatations cliniques après avoir pris connaissance de l’ensemble du dossier médical et de l’historique du recourant, et ses diagnostics sont motivés à satisfaction de droit, de même que les conclusions qu’il tire des répercussions de ces diagnostics sur la capacité de travail et de gain du recourant. Le Dr J______ a bien expliqué les motifs qui justifient que son appréciation diffère de celle du Dr G______ en 2010. Une des divergences entre leurs évaluations respectives porte sur le caractère primaire ou secondaire de la polytoxicomanie, laquelle n’a toutefois plus la même portée au vu des modifications de la jurisprudence en matière de caractère incapacitant d’addictions et n’est pas déterminante ici, puisque le recourant était sevré dès septembre 2020. En outre, l’expert a exposé de manière détaillée les éléments objectifs qui lui permettaient d’exclure tout retentissement fonctionnel significatif des atteintes retenues, en se référant notamment aux activités de loisirs auxquelles le recourant s’adonne. Il a retenu une amélioration de l’état de santé dès septembre 2020, et le sevrage réussi à cette date plaide effectivement en faveur d’une telle amélioration. S'agissant de la consommation de cocaïne, elle est épisodique, de sorte que le fait que le Dr J______ n’ait pas retenu d’incidence dans le fonctionnement du recourant au quotidien ne prête pas le flanc à la critique. L'épuisement relaté par le Dr G______ dans le cadre de la consommation de toxiques, se traduisant notamment par une inaptitude à fonctionner au quotidien, n’était plus constaté lors de l’examen par le Dr J______.

Les critiques du recourant sur le contenu de cette expertise tombent à faux. Contrairement à ce qu’il soutient, l’expert a bien détaillé les critères diagnostiques justifiant les atteintes retenues, en exposant en particulier pour quels motifs le trouble hyperkinétique et le trouble de la personnalité, non décompensés au moment de l’expertise, n’entraînent pas de limitations au quotidien. La date erronée mentionnée par l’expert relative au début de l’incapacité de travail relève d’un détail qui ne saurait invalider l’ensemble de l’expertise. Quant à l’impossibilité de gérer le quotidien dès 2007 rapportée par l’expert, elle figure dans la partie du rapport relatant les plaintes passées, et n’est donc pas en contradiction avec le fait que celui-ci a plus loin noté la capacité actuelle du recourant à gérer son quotidien. Au sujet de l’aide à sa mère, le Dr J______ n’a pas soutenu qu’elle consistait en démarches administratives. Le recourant reproche également à l’expert d’avoir conclu à une amélioration liée à l’arrêt du suivi psychiatrique, prétendant n’avoir jamais eu de tel suivi dans les années précédant l’expertise. Or, d’une part, l’expert psychiatre ne s’est pas expressément référé à un traitement psychothérapeutique, mais aux antidépresseurs, que le recourant ne prend en effet plus depuis la réussite du sevrage. De plus, il y avait bien un suivi à l’époque de l’expertise du Dr G______, comme cela ressort du rapport du Dr F______. Même si le traitement psychothérapeutique a pris fin plusieurs années avant l’examen du Dr J______, son arrêt suggère bien une amélioration de l’état de santé depuis l’octroi de la rente. On ajoutera enfin que l’affirmation du recourant, selon laquelle les antidépresseurs auraient été arrêtés car ils aggravaient son état, n’est pas attestée médicalement. A l’instar de l’arrêt du traitement de substitution par méthadone et de la réussite du sevrage, l’absence de tout traitement psychiatrique en septembre 2020 relève ainsi bien d’une amélioration de l’état de santé. L’absence de traitement est en outre un indicateur pertinent selon la jurisprudence pour déterminer la gravité d’une atteinte. Enfin, même si le recourant bénéficiait d’une activité « protégée » jusqu’en 2006, on ne saurait considérer que seule une activité de cet ordre serait possible après l’amélioration admise dès septembre 2020. En effet, selon les constatations du Dr J______, le recourant était abstinent à cette date. De plus, ses troubles de la personnalité n’étaient pas décompensés, de sorte qu’on ne voit pas pour quels motifs il ne pourrait se plier aux exigences de rapports de travail sur le marché du travail ordinaire.

Le recourant entend invalider les conclusions de l’expert au motif que ses déclarations à celui-ci seraient erronées. Sur ce point, il sied en premier lieu de relever que le recourant paraît concéder qu’il a bien les activités de loisirs rapportées par le Dr J______, mais soutient qu’elles ne suffisent pas à établir une pleine capacité de travail. Or, selon la jurisprudence, l’absence de limitations dans les fonctions de la vie courante est précisément pertinente pour analyser la capacité de travail d’un assuré présentant des atteintes sans substrat organique. De plus, ces activités révèlent l’existence de ressources, notamment cognitives, du recourant – en particulier s’agissant de la lecture et des émissions historiques suivies. Le recourant s’en prend essentiellement à l’assertion selon laquelle il serait capable de gérer son quotidien administratif simple. Or, on peine à comprendre pour quels motifs il aurait sciemment donné de fausses informations à l’expert sur ce point. Il convient de rappeler ici que conformément au principe des déclarations de la première heure, en cas de déclarations successives contradictoires entre elles par un assuré, il convient de retenir la première explication, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être - consciemment ou non - le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2). Par ailleurs, l’attestation de la fiduciaire ne suffit pas à susciter des doutes importants sur l’aptitude du recourant à assumer des tâches administratives simples, dès lors qu’elle indique que la prise en charge des tâches administratives du recourant a débuté en décembre 2020 seulement, soit après l’amélioration objectivée par l’expert. En outre, ce suivi administratif a selon cette fiduciaire été mis en place non pas en raison de l’inaptitude du recourant, mais a été ordonné par son père pour éviter une dilapidation de ses ressources pour financer sa consommation de toxiques. Enfin, en toute hypothèse, les seules difficultés à s’occuper de démarches administratives simples, fussent-elles en lien avec des atteintes à la santé – ce qui n’est pas clairement établi en l’espèce, notamment au vu des capacités intellectuelles du recourant – ne suffisent pas à exclure toute capacité de travail dans une activité simple et répétitive, ni à établir une inaptitude à fonctionner normalement au quotidien.

S’agissant des rapports du Dr E______, en premier lieu, ils ne sont pas formellement conformes aux réquisits jurisprudentiels rappelés ci-dessus, et ne sont en particulier guère motivés. On relève par ailleurs que les diagnostics posés par ce médecin varient passablement – notamment celui de troubles obsessionnels compulsifs qu’il avance dans son certificat du 22 juillet 2022, dans lequel il ne mentionne plus de trouble borderline –, ce qui suscite quelques doutes sur la fiabilité de ses rapports. S’agissant du trouble dépressif récurrent, il s’agit d’un diagnostic discuté par l’expert, qui a exposé pour quels motifs il n’entraînait pas de limitations fonctionnelles dans la capacité de gain. On notera enfin que les seuls diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail selon le rapport du Dr E______ de décembre 2020 étaient d’ordre somatique, ce qui correspond aux constatations de l’expert. Quant à la rechute de la consommation signalée par le Dr E______ en juin 2023, elle est postérieure à la décision attaquée. Or, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions entreprises, en principe, d'après l'état de fait existant lors de la clôture de la procédure administrative (ATF 148 V 21 consid. 5.3), les faits survenus par la suite et ayant modifié cette situation devant normalement faire l'objet d'une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_384/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.2).

Compte tenu de ces éléments, l’expertise du Dr J______ doit se voir reconnaître une pleine valeur probante. La Cour de céans se ralliera ainsi à la capacité de travail totale admise au plan psychique dans une activité adaptée dès septembre 2020.

Le recourant fait encore valoir que ses troubles physiques n’ont pas été pris en considération. Cette argumentation est cependant erronée. En effet, l'intimé a bien tenu compte de la capacité de travail de 70% à laquelle concluaient les experts sur ce plan en 2010. En l'absence de nouveau diagnostic d’ordre somatique, ou d'évolution défavorable des atteintes physiques constatées en 2010, c'est à juste titre que l'intimé n'a pas repris l'instruction sur ce plan. On ajoutera du reste que les médecins qui se sont prononcés après l'accident de 2006 concluaient eux-mêmes à une pleine capacité dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles résultant des atteintes somatiques, sous réserve d’une éventuelle baisse de rendement initiale. 

12.         Reste à vérifier le calcul du degré d’invalidité.

Le revenu sans invalidité correspond au montant communiqué par l’employeur, soit 13 mensualités de CHF 4'600.-, ou CHF 59'800.- par an en 2005. Une fois indexé à 2020 en fonction de l’indice suisse des salaires, ce revenu est de CHF 69'067.60. S’agissant du revenu sans invalidité, c’est à juste titre que l’intimé a appliqué la valeur statistique correspondant aux activités simples et répétitives selon l’ESS de 2018, soit CHF 5'417.- pour un homme. Indexé et adapté à la durée normale de travail, ce revenu s’élevait à CHF 68'924.- par an en 2020, ou CHF 48'247.- à 70%. On peut s’interroger sur l’absence d’abattement, au vu des circonstances. Cela étant, même en appliquant une réduction statistique de 10% pour tenir compte des limitations fonctionnelles et de l’activité possible seulement à temps partiel, le degré d’invalidité résultant de la comparaison des revenus serait de 37.13%, ce qui reste insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

Le calcul de l’intimé doit ainsi être confirmé dans son résultat.

13.         Il convient encore d’examiner le droit à des mesures de réadaptation, dès lors que le degré d’invalidité dépasse le seuil de 20% ouvrant en principe le droit à une mesure de reclassement selon la jurisprudence (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2018 du 8 février 2019 consid. 4.2).

C’est cependant à juste titre que l’intimé a nié le droit à de telles mesures dans le cas d’espèce. En effet, selon la jurisprudence, en l'absence d'aptitude subjective à la réadaptation, c'est-à-dire lorsque la volonté de se réadapter n'existe pas pour des raisons étrangères à l'invalidité, la rente peut être réduite ou supprimée sans examen préalable de mesures de réinsertion et sans qu'il soit nécessaire d'engager préalablement une procédure de mise en demeure avec un délai de réflexion au sens de l'art. 21 al. 4 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_407/2021 du 17 mai 2022 consid. 6.3 et les références).

Or, la motivation du recourant à suivre de telles mesures est inexistante, comme cela ressort du rapport d’expertise. Celui-ci a notamment expressément manifesté sa volonté de conserver sa rente, sans mesures de réadaptation, dans le cadre des entretiens d’expertise. L’expert a confirmé lors de son audition l’absence de motivation, ce que le recourant ne conteste du reste pas réellement. S’il s’est prévalu du fait que le Dr J______ a subordonné le succès d’une reprise du travail à l’octroi de mesures de réadaptation, c’est en réalité la suppression de la rente qu’il conteste, mais non le refus de telles mesures, dont il n’a pas demandé à bénéficier. Le fait qu’il ait conclu – subsidiairement et à un stade avancé de la procédure – à leur octroi ne suffit pas à se convaincre du contraire, cette conclusion ayant été formulée seulement une fois que l’intimé a souligné que des mesures de réadaptation n’avaient pas été requises.

Dans ces conditions, force est de constater que l’aptitude subjective du recourant à la réadaptation fait défaut, de sorte que c’est à juste titre que l’intimé a nié le droit à ces mesures.

Certes, le Dr J______ a pronostiqué l’échec d’une tentative de réinsertion si le recourant ne bénéficiait pas de mesures de réadaptation. Leur refus ne suffit toutefois pas à maintenir le droit à la rente, dès lors qu’il découle d’un manque de volonté du recourant en lien avec des facteurs étrangers à l’invalidité – par exemple le souhait d’entourer sa mère. Dans le cas contraire, il suffirait à un assuré de refuser de se soumettre à des mesures de réadaptation objectivement exigibles au plan médico-théorique pour conserver une rente, ce qui ne serait pas compatible avec le principe selon lequel la réadaptation prime la rente.

14.         Le recours est rejeté.

Le recourant n’a pas droit à des dépens.

La procédure en matière d’octroi de prestations d’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), il supporte l’émolument de CHF 200.-.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le