Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/159/2024 du 11.03.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3808/2023 ATAS/159/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 11 mars 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______
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recourant |
contre
CAISSE DE CHÔMAGE UNIA
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intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1971, marié, père de trois enfants, un né en 2017 et des jumeaux nés en 2022, s’est inscrit à l’office régional de placement le 15 décembre 2022 et a requis auprès de la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse) le versement de l’indemnité journalière.
b. Par décision du 22 juin 2023, la caisse a rejeté la demande d’indemnité de l’assuré à partir du 2 février 2023, faute de perte de travail à prendre en considération.
B. a. Par courrier recommandé remis à la poste le 30 septembre 2023, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, en langue anglaise, qu’il a daté du 21 août 2023.
b. Le 2 octobre 2023, la caisse a imparti à l’assuré un délai au 12 octobre 2023 pour expliquer la tardiveté de son opposition.
c. Par courrier du 10 octobre 2023, envoyé par voie recommandée le 11 octobre 2023, l’assuré a indiqué qu’il avait dû, à la suite de la décision litigieuse, comprendre le contexte de celle-ci et contacter un conseiller juridique ; par ailleurs, il avait installé sa famille, pour des questions de coût de la vie, en Inde pour quelques mois et il était en recherche d’emploi.
d. Par décision du 16 octobre 2023, la caisse a déclaré l’opposition de l’assuré irrecevable pour tardiveté ; l’assuré avait indiqué dans son opposition que la décision lui avait été notifiée le 28 juin 2023, de sorte que le délai pour faire opposition venait à échéance le 29 août 2023 ; un motif de restitution de délai n’était pas donné.
C. a. Le 16 novembre 2023, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en langue anglaise.
b. À la demande de la chambre de céans, le recourant a communiqué le 8 décembre 2023 un recours en français signé, lequel concluait à l’octroi d’indemnités de chômage.
c. Le 4 janvier 2024, la caisse a conclu au rejet du recours.
d. Le 27 janvier 2024, le recourant a répliqué, en relevant qu’un délai d’opposition raisonnable était de 90 jours, ce d’autant que l’intimée avait mis plus de cinq mois pour rendre sa décision de rejet d’indemnités, ce qui constituait une discrimination.
e. À la demande de la chambre de céans, l’assuré a précisé le 17 février 2024 qu’il confirmait avoir reçu le 28 juin 2023 la décision du 22 juin 2023, qu’il lui avait fallu quelques jours pour comprendre cette décision et consulter un avocat (dans la semaine du 1er juillet), qu’il était parti en Inde le 11 juillet 2023, qu’il s’était opposé à cette décision avant le 30 septembre 2023, par téléphone, par lettres et par courriers électroniques. Il avait appelé la caisse plusieurs fois pour comprendre la raison du rejet ; personne ne lui avait répondu, malgré ses appels. Il avait envoyé une lettre le 21 août 2023, un courriel le 19 septembre 2023 qui avait reçu une réponse le 12 octobre 2023 et, finalement, un courrier recommandé d’opposition le 30 septembre 2023.
f. Le 27 février 2024, la caisse a persisté dans sa décision.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
3. Le litige porte sur le bien-fondé de l’irrecevabilité de l’opposition du recourant.
4.
4.1 Selon l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure.
Selon l’art. 38 al. 4 let. b LPGA, les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 15 juillet au 15 août inclusivement.
Selon l’art. 41 LPGA, si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l’acte omis.
4.2 Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (art. 43 LPGA ; ATF 145 V 90 consid. 3.2 ; ATF 138 V 218 consid. 6). Cette règle n'est toutefois pas absolue. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Cela comporte en partie l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi la partie concernée s'expose à devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (ATF 145 V 90 consid. 3.2 ; ATF 138 V 218 consid. 6 ; ATF 115 V 133 consid. 8a), sauf si l'impossibilité de prouver ce fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 138 V 218 consid. 8.1.1).
À cet égard, il est possible de s’inspirer du principe général consacré à l’art. 8 CC selon lequel chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (ATF 138 V 218 consid. 6 ; en ce sens également : ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; ATF 145 V 90 consid. 3.2 ; ATF 115 V 133 consid. 8a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2011, du 30 avril 2012 consid. 3.2). En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, alors que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l'empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue (ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1 ; ATF 139 III 7 consid. 2.2). Dans le même sens, le Tribunal fédéral a récemment précisé que la partie qui se prévaut d'une exception à la règle générale doit prouver les faits qui fondent ladite exception (ATF 147 III 393 consid. 6.3.1).
5. En l’espèce, le recourant a indiqué avoir pris connaissance de la décision de l’intimée du 22 juin 2023 en date du 28 juin 2023, de sorte que le délai pour faire opposition, compte tenu de la suspension des délais précitée, venait à échéance le 29 août 2023. Postée par voie recommandée le 30 septembre 2023, l’opposition du recourant est tardive.
Le recourant allègue cependant s’être opposé antérieurement au 30 septembre 2023 à la décision du 22 juin 2023. À cet égard, le recourant a communiqué un courrier d’opposition daté du 21 août 2023. Toutefois, la preuve de son envoi n’est établie que par courrier recommandé du 30 septembre 2023. Le dossier du recourant ne comporte pas de trace d’appels téléphoniques mentionnant une volonté de faire opposition, ni de courriels qui auraient été transmis dans le délai d’opposition.
En conséquence, le recourant, qui supporte le fardeau de la preuve de l’envoi de son opposition, à tout le moins au degré de la vraisemblance prépondérante, échoue à prouver l’envoi d’une opposition dans le délai du 29 août 2023, que ce soit par courriel ou courrier, voire même par appel téléphonique mentionnant sa volonté de faire opposition.
Partant, son opposition est tardive.
Enfin, aucun motif de restitution du délai n’est réalisé, le recourant ayant d’ailleurs précisé avoir pu consulter un avocat avant le 11 juillet 2023, date de son départ en Inde, ce qui lui laissait le temps de motiver son opposition, voire de déléguer celle-ci à un tiers.
6. Au demeurant, le recours ne peut qu’être rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le