Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/160/2024 du 11.03.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3499/2023 ATAS/160/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 11 mars 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représentée par ses parents et curateurs B______ et C______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 2005, souffre d'une affection congénitale (troubles envahissants du développement et retard mental léger), qui s'est caractérisée notamment par des troubles alimentaires et vomissements itératifs, des troubles de la communication avec une attitude presque mutique en dehors du cercle familial, un retrait et une inhibition importante, des troubles relationnels avec une difficulté à entrer en interaction avec autrui, et des angoisses avec impact négatif sur ses capacités cognitives et scolaires. Elle a bénéficié de mesures de pédagogie spécialisée. Depuis le 1er avril 2015, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : OAI) prend en charge des mesures médicales (psychothérapie ambulatoire, contrôles médicaux, traitement médicamenteux).
b. Par décision du 4 octobre 2017, l'OAI, en se fondant sur un rapport d'enquête à domicile du 29 août 2017, a octroyé à l'assurée une allocation d'impotence pour mineurs de degré moyen dès le 20 mars 2016, un an avant le dépôt de la demande de cette prestation. L'assurée avait besoin d'une aide importante et régulière pour accomplir quatre actes ordinaires de la vie quotidienne (préparer les vêtements, faire sa toilette, laver le corps / contrôler la propreté après avoir été aux toilettes, et se déplacer à l'extérieur / entretenir des contacts sociaux) ainsi que d'une surveillance personnelle permanente.
c. À la rentrée 2021, l'assurée a fréquenté l'école secondaire spécialisée de la D______.
d. Par ordonnance du 23 mai 2023 (DTAE/4043/2023), le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l'assurée, et désigné les parents aux fonctions de curateurs, lesquels pouvaient se substituer l'un à l'autre dans l'exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs de représentation.
B. a. Dans le cadre de la révision de l'allocation pour impotent, dans un rapport d'évaluation du 4 juillet 2023, l'infirmière évaluatrice, qui s'était rendue au domicile de l'assurée la veille, a conclu que les conditions d'octroi de cette prestation n'étaient plus remplies, l'assurée, tout juste majeure, étant devenue indépendante pour tous les actes de la vie quotidienne. Elle n'avait par ailleurs besoin ni d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie ni d'une surveillance personnelle.
b. Dans un projet de décision du 3 août 2023, l'OAI a nié le droit de l'assurée à une allocation pour impotent adulte.
c. Le 21 août 2023, l'assurée a intégré un atelier de production adaptée du pôle restauration de la D______.
d. Par courrier du 13 septembre 2023, l'assurée, représentée par Pro Infirmis et son père, en tant que curateur, a contesté le projet de décision, en sollicitant l'octroi d'une allocation d'impotence de degré faible en raison de son besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. Certes, elle avait réalisé des progrès importants au niveau de son autonomie. Toutefois, elle souffrait toujours d'une efficience mentale faible, raison pour laquelle une curatelle de représentation et de gestion avait été instituée. Sa pédiatre attestait d'une incapacité de discernement et d'un besoin d'assistance pour toutes les prises de décisions importantes de la vie. Son père alléguait qu'elle avait besoin de consignes pour certains actes de la vie quotidienne et qu'elle n'était pas en mesure de se déplacer seule lors de trajets inconnus ou de créer des contacts avec des personnes inconnues. La psychologue de la D______ confirmait par ailleurs qu'elle n'avait pas le potentiel pour entreprendre une formation et/ou intégrer le marché ordinaire de l'emploi.
e. Par décision du 25 septembre 2023, l'OAI a refusé une allocation pour impotent adulte à l'assurée.
C. a. Par acte du 25 octobre 2023, l'assurée, par l'intermédiaire de ses curateurs, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à l'octroi d'une allocation pour impotent de degré faible.
Elle a exposé avoir besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, compte tenu de son handicap (déficience intellectuelle et troubles des interactions sociales). L'intimé avait procédé à une nouvelle évaluation lors de son accession à la majorité. Ses parents étaient fiers de ses progrès et avaient sans doute valorisé son autonomie. Cependant, elle n'était pas à même de gérer ses affaires administratives, ni de prendre elle-même ses rendez-vous médicaux, ni de se rendre seule à ses rendez-vous si elle ne connaissait pas exactement le trajet.
b. Dans sa réponse du 23 novembre 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, en s'appuyant sur le rapport d'évaluation du 4 juillet 2023, tout en ajoutant avoir adressé à la recourante un projet de décision par lequel il entendait lui octroyer une rente entière d'invalidité dès le 1er mai 2023.
c. Dans sa réplique du 21 décembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Elle a déclaré que ses capacités avaient été surévaluées lors de la dernière enquête à domicile. Ce n'était qu'après avoir été accompagnée pendant six mois aux séances de psychomotricité qu'elle suivait à raison de deux heures par semaine qu'elle pouvait finalement s'y rendre seule. De plus, il était nécessaire de lui rappeler régulièrement ce rendez-vous pour ne pas l'oublier. Sans l'incitation régulière de ses parents, elle ne pourrait pas assumer seule tous ses rendez-vous médicaux. Par ailleurs, ses parents lui rappelaient quotidiennement l'importance de fréquenter l'atelier protégé de la D______.
d. Dans sa duplique du 5 février 2024, l'intimé a maintenu sa position, en précisant que même si le besoin d'aide de la recourante pour les trajets hors du domicile et l'aide indirecte pour les rappels de rendez-vous devaient être admis, cela ne suffisait pas pour lui ouvrir le droit à une allocation pour impotent.
e. Copie de cette écriture a été transmise à la recourante pour information.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 25 octobre 2023) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4.
4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications du 19 juin 2020 de la LAI sont entrées en vigueur (développement de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).
4.2 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 146 V 364 consid. 7.1 et les références).
4.3 En l'occurrence, la décision litigieuse a été rendue après le 1er janvier 2022 et, il n'existe pas de dispositions transitoires s'agissant des allocations d'impotence en cours à l'entrée en vigueur de la modification de la LAI du 19 juin 2020. Comme la modification du degré d'impotence de la recourante s'est produite après le 1er janvier 2022, comme on le verra plus loin, les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
5. Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de 30 (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.
6. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur le droit de la recourante, ensuite de son accession à la majorité, à une allocation mensuelle de l'assurance-invalidité pour une impotence de degré faible. Il s'agit singulièrement d'examiner si la recourante, en raison d'une atteinte à sa santé, a durablement besoin d'un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie.
7.
7.1 Selon l’art. 42 al. 1 1re phrase LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent.
7.2 Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). Ces actes sont ceux que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA désignait par « actes ordinaires de la vie » (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 10 ad art. 42 LAI).
7.3 Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie. Si l’atteinte à la santé est uniquement psychique, la personne n’est réputée impotente que si elle a droit à une rente. Si une personne n’a durablement besoin que d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l’impotence est réputée faible (art. 42 al. 3 LAI).
8.
8.1 La loi distingue trois degrés d’impotence : grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI).
Le degré d’impotence se détermine en fonction du nombre d'actes (associés éventuellement à une surveillance personnelle permanente ou à un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie) pour lesquels l’aide d’autrui est nécessaire (cf. art. 37 RAI). L’évaluation du besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie constitue donc une appréciation fonctionnelle ou qualitative de la situation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.2 et la référence).
8.2 L’art. 37 al. 1 RAI prescrit que l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle.
8.3 L’art. 37 al. 2 RAI stipule que l’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin : d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a) ; d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b) ; ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (let. c).
8.4 L’art. 37 al. 3 RAI dispose que l’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin : de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a) ; d’une surveillance personnelle permanente (let. b) ; de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c) ; de services considérables et réguliers de tiers lorsqu’en raison d’une grave atteinte des organes sensoriels ou d’une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d) ; ou d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (let. e).
9.
9.1 Selon la jurisprudence, les actes élémentaires de la vie quotidienne se répartissent en six domaines : 1. se vêtir et se dévêtir ; 2. se lever, s’asseoir et se coucher ; 3. manger ; 4. faire sa toilette (soins du corps) ; 5. aller aux toilettes ; 6. se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2014 du 16 octobre 2015 consid. 3.3 et les références).
9.2 L’aide est régulière lorsque l’assuré en a besoin ou pourrait en avoir besoin chaque jour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références). C’est par exemple le cas lors de crises pouvant ne se produire que tous les deux ou trois jours, mais pouvant aussi survenir brusquement chaque jour ou même plusieurs fois par jour (RCC 1986 p. 510 consid. 3c ; circulaire sur l'impotence établi par l'Office fédéral des assurances sociales, valable à partir du 1er janvier 2022, dans son état au 1er juillet 2023 ici applicable [CSI], ch. 2010).
9.3 L’aide est importante lorsque l’assuré ne peut plus accomplir seul au moins une fonction partielle d’un acte ordinaire de la vie (ATF 121 V 88 consid. 3c et les références ; ATF 107 V 136 consid. 1b) ; lorsqu’il ne peut le faire qu’au prix d’un effort excessif ou d’une manière inhabituelle ou que, en raison de son état psychique, il ne peut l’accomplir sans incitation particulière (ATF 106 V 153 consid. 2a et 2b) ; lorsque, même avec l’aide d’un tiers, il ne peut accomplir un acte ordinaire déterminé parce que cet acte est dénué de sens pour lui (par ex. si l’assuré souffre de graves lésions cérébrales et que sa vie se trouve réduite à des fonctions purement végétatives, de sorte qu’il est condamné à vivre au lit et qu’il ne peut entretenir de contacts sociaux (ATF 117 V 146 consid. 3b).
9.4 Il y a aide directe de tiers lorsque l’assuré n’est pas ou n’est que partiellement en mesure d’accomplir lui-même les actes ordinaires de la vie (CSI, ch. 2015).
9.5 Il y a aide indirecte de tiers lorsque l’assuré est fonctionnellement en mesure d’accomplir lui-même les actes ordinaires de la vie, mais qu’il ne le ferait pas, qu’imparfaitement ou de manière inhabituelle s’il était livré à lui-même (ATF 133 V 450 consid. 7.2 et les références).
L’aide indirecte, qui concerne essentiellement les personnes affectées d’un handicap psychique ou mental, suppose la présence régulière d’un tiers qui veille particulièrement sur elles lors de l’accomplissement des actes ordinaires de la vie concernés, en les enjoignant à agir, en les empêchant de commettre des actes dommageables ou en leur apportant son aide au besoin (CSI, ch. 2018). Elle peut aussi consister en une simple surveillance de l’assuré pour l’accomplissement des actes ordinaires de la vie (RCC 1990 p. 49 consid. 2b) comme, par exemple, lorsqu’il suffit que le tiers l’invite à accomplir un des actes qu’il omettrait à cause de son état psychique (RCC 1987 p. 113 consid. 1 et les références).
10.
10.1 Aux termes de l’art. 38 al. 1 RAI, le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 42 al. 3 LAI, existe lorsque l’assuré majeur ne vit pas dans une institution mais ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé : vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. a) ; faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. b) ; ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (let. c).
10.2 Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes : structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples), et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers ; ATF 133 V 450 consid. 10). Selon la jurisprudence, la nécessité de l'assistance d'un tiers pour la réalisation des tâches ménagères peut justifier à elle seule la reconnaissance du besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.2 et la référence). La personne qui accompagne l’assuré peut aussi accomplir elle-même les actes nécessaires lorsque malgré ses instructions, sa surveillance ou son contrôle, l’assuré n’est pas en mesure de le faire à cause de son atteinte à la santé (ATF 133 V 450 consid. 10.2). Le fait déterminant n’est donc pas la manière dont l’aide du tiers est apportée, mais la circonstance que, grâce à elle, la personne puisse acquérir l’indépendance nécessaire dans son habitat (arrêt du Tribunal fédéral I. 1013/06 du 9 novembre 2007 consid. 5.4).
10.3 Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.1 et la référence).
10.4 Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par-là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.2).
10.5 La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de l’assuré concerné, indépendamment de l’environnement dans lequel celui-ci se trouve ; seul importe le point de savoir si, dans la situation où il ne dépendrait que de lui-même, cet assuré aurait besoin de l’aide d’un tiers. L’assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l’obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape (arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2023 précité consid. 2.3 et les références).
10.6 L’art. 38 al. 3 1re phrase RAI précise que n’est pris en considération que l’accompagnement qui est régulièrement nécessaire et lié aux situations mentionnées à l’al. 1. Selon le chiffre 2093 de la CSI, l’accompagnement est régulier au sens de l’art. 38 al. 3 RAI lorsqu’il est nécessité en moyenne au moins deux heures par semaine sur une période de trois mois. Le Tribunal fédéral a reconnu que cette notion de la régularité était justifiée d’un point de vue matériel et partant conforme aux dispositions légales et réglementaires (ATF 133 V 450 consid. 6.2 et les références).
10.7 L’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI ne comprend ni l’aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie, ni les soins ou la surveillance personnelle. Il représente bien plutôt une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme d’une aide directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé physique, psychique ou mentale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 précité consid. 4.1 et les références). Ainsi, l’aide déjà prise en compte sous l’angle du besoin d’assistance pour accomplir les actes ordinaires de la vie ne peut fonder un droit à une allocation au sens de l’art. 38 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_688/2014 du 1er juin 2015 consid. 3.6 et les références).
Il n’est pas nécessaire que l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie soit assuré par un personnel d’encadrement qualifié ou spécialement formé (arrêt du Tribunal fédéral I.652/06 du 25 juillet 2007 consid. 5.2).
10.8 Les activités de représentation et d’administration dans le cadre des mesures de protection de l’adulte au sens des art. 390 à 398 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ne sont pas prises en compte dans l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (art. 38 al. 3 2e phrase RAI).
L'aide fournie par un curateur dans la gestion des affaires administratives de l'assuré ne constitue pas un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI. Seule est déterminante l'aide qui n'est pas déjà apportée par le curateur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 précité consid. 6.2 et la référence).
11. Le droit à l’allocation pour impotent s’éteint dès que l’assuré mineur ne présente plus une impotence de degré faible au moins et, au plus tard, à sa majorité. Au vu des règles différentes en matière d’octroi de l’allocation pour impotent, le passage de l’allocation pour impotent selon l’art. 42bis LAI (relatif aux conditions spéciales applicables aux mineurs) à celle de l’art. 42 LAI lorsque l’assuré atteint sa dix-huitième année constitue un motif de révision (VALTERIO, op. cit., n. 8 ad art. 42bis LAI). En d’autres termes, l’accession à l’âge de la majorité ne doit pas être considérée comme la survenance d’un nouveau cas d’assurance, si bien que le droit à une allocation pour impotent mineur ne peut pas être examiné librement et complètement à la majorité mais uniquement sous l’angle d’une révision au sens de l'art. 17 al. 2 LPGA. Le moment d’une éventuelle diminution ou suppression de l’allocation pour impotent se détermine par conséquent selon l’art. 88bis al. 2 RAI (ATF 137 V 424 consid. 3).
Selon l'art. 17 al. 2 LPGA, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement.
Selon la jurisprudence, cette disposition est notamment applicable pour la révision du droit à une allocation pour impotent (arrêts du Tribunal fédéral 9C_653/2012 du 4 février 2013 consid. 4 ; 9C_168/2011 du 27 décembre 2011 consid. 2.2).
12. En règle générale, le degré d’impotence d’un assuré est déterminé par une enquête à son domicile. Cette enquête doit être élaborée par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s’agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place. Le seul fait que la personne désignée pour procéder à l’enquête se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de l’office AI ne permet pas encore de conclure à son manque d’objectivité et à son parti pris. Il est nécessaire qu’il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l’impartialité de l’évaluation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 2 et les références). Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision, le juge ne saurait remettre en cause l’appréciation de l’auteur de l’enquête que s’il est évident qu’elle repose sur des erreurs manifestes (ATF 130 V 61 consid. 6.1.2).
13. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
14.
14.1 En l'occurrence, il convient de comparer la situation telle qu'elle se présentait lors de la décision litigieuse du 25 septembre 2023, rendue à la suite du dix‑huitième anniversaire de la recourante, avec celle qui prévalait au moment de la décision du 4 octobre 2017 octroyant à celle-ci, alors mineure, une allocation pour impotence de degré moyen, et déterminer s'il y a eu dans l'intervalle un changement notable des circonstances au sens de l'art. 17 al. 2 LPGA.
14.1.1 La décision initiale est fondée sur le rapport d'enquête à domicile du 29 août 2017, dont il ressort que la recourante, à cette époque, avait besoin d'une aide importante et régulière pour :
- préparer les vêtements : elle ne savait pas choisir ses habits en fonction du temps ni les prendre de son armoire ;
- faire sa toilette : elle lavait ses dents et mains, puis prenait sa douche sur injonctions, sa mère la coiffait, et la lavait une fois par semaine « à fond » pour assurer une hygiène de base ;
- aller aux toilettes (laver le corps, contrôler la propreté) : sa mère l'essuyait systématiquement et lui mettait les serviettes hygiéniques ; et
- se déplacer à l'extérieur et entretenir des contacts sociaux : elle ne sortait qu'avec ses parents, en restant collée à eux, car elle était très angoissée. Elle avait une peur panique des chiens, des chats, ou des oiseaux. À l'école, on la tenait toujours par la main, car si elle voyait un animal, elle partait en courant sans s'arrêter. Elle comprenait le français et le somalien, mais restait mutique en classe, et parlait avec autrui de façon inaudible.
Par ailleurs, elle avait besoin d'une surveillance personnelle permanente. Elle était angoissée au quotidien et était perturbée par diverses phobies (animaux, balcon, etc.), ce qui la paralysait et l'énervait au point de devenir agressive avec autrui. Elle criait et tapait, vomissait très souvent, raison pour laquelle elle n'allait pas à l'école. Elle n'était jamais seule à la maison. Elle restait au maximum cinq minutes avec ses quatre frères et sœurs.
Sur cette base, l'intimé lui a octroyé une allocation pour impotence pour mineurs de degré moyen à compter du 20 mars 2016, un an avant le dépôt de la demande.
14.1.2 La décision litigieuse du 25 septembre 2023 repose quant à elle sur le rapport d'évaluation du 4 juillet 2023, qui a été établi par une spécialiste en la matière (infirmière), ayant eu connaissance de la situation personnelle et médicale de la recourante, ainsi que de la situation locale et spatiale. Les observations de l'évaluatrice, basées nommant sur les indications données par la recourante et ses parents, sont clairement décrites et motivées. Il en ressort que la recourante est autonome pour :
- se vêtir, se dévêtir : elle choisit dorénavant ses vêtements, elle peut les mettre le matin et se déshabiller le soir ;
- se lever, s'asseoir, se coucher, changer de position : elle peut se lever seule le matin avec l'alarme de son téléphone, mais il faut lui dire d'aller se coucher le soir, ce qu'elle fait seule ensuite ;
- manger : elle mange ce qu'on lui sert, peut se préparer le petit-déjeuner, couper les aliments dans son assiette, et cuisiner pour la famille ;
- faire sa toilette : elle peut prendre sa douche et se laver, cheveux y compris ;
- aller aux toilettes : elle peut aller aux WC et se nettoyer ensuite ; et
- se déplacer (dans le logement ou à l'extérieur), entretenir les contacts sociaux : elle peut lire et écrire des phrases simples, la lecture lui demande un certain effort. Le calcul est difficile, mais elle trouve des astuces pour éviter de devoir en faire. Elle va seule à la D______ et aux commerces du quartier. Elle peut prendre le bus ou le tram lorsqu'elle sort avec une amie. Durant l'évaluation, elle a fait l'effort de communiquer avec l'évaluatrice, a pu répondre à la plupart des questions avec parfois une certaine hésitation. Elle était rassurée que ses parents assistent à l'entretien.
Par ailleurs, selon l'évaluatrice, la recourante n'a pas besoin d'un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie. Celle-ci sait gérer le temps et son réveil, part à temps pour prendre le bus et est à l'heure à l'école. Elle range et nettoie sa chambre qu'elle occupe seule. Elle participe à l'entretien du logement. Elle a appris à cuisiner et peut confectionner plusieurs plats. Elle a une curatelle pour ses affaires administratives. Elle fait seule les commissions dans son quartier et utilise la carte bancaire de ses parents au moyen du code pour ne pas calculer l'addition ni le change. Elle doit être accompagnée pour des rendez-vous avec de nouvelles personnes mais va seule aux rendez-vous habituels, comme la psychomotricité. Elle vit en famille et a quelques amies. Elle a certes un léger retard mental et reste en retrait des personnes qui ne lui sont pas familières, mais montre de bonnes facultés d'adaptation et des ambitions personnelles. Elle va travailler un an au restaurant de la D______ car elle veut devenir cuisinière. Ce cadre lui est familier et elle y interagit de façon autonome. Elle veut également obtenir son permis de conduire. Elle a réussi l'examen théorique du premier coup. Elle conduit avec son père et prend des cours de conduite avec un professeur.
En outre, d'après l'évaluatrice, la recourante n'a pas besoin d'une surveillance personnelle. Elle peut rester seule à la maison une demi-journée sans aucun problème et peut prendre seule le bus. Son père relatait des crises de colère occasionnelles causées par des disputes entre frères et sœurs, ce qui n'arrivait pas en dehors du cercle familial. Dans ces moments, elle va dans sa chambre, claque la porte, crie et se calme toute seule.
14.1.3 Force est de constater que depuis la décision du 4 octobre 2017, qui avait mis la recourante au bénéfice d'une allocation d'impotence pour mineurs de degré moyen dès le 20 mars 2016, l'état de fait déterminant s'est modifié notablement, dès lors que la recourante, en tout cas depuis l'évaluation du 3 juillet 2023, ne rencontre pas d'obstacle dans l'accomplissement des actes ordinaires de la vie et ne nécessite pas une surveillance personnelle permanente, ce qu'elle ne conteste pas.
En revanche, elle soutient avoir besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie.
Or, l'incapacité de la recourante à gérer ses affaires administratives et à prendre ses rendez-vous médicaux ne peut pas, comme elle le voudrait, être prise en compte dans l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, puisque cette aide est fournie par ses parents, qui ont été désignés curateurs à cette fin par le TPAE (cf. art. 38 al. 3 RAI). À cet égard, l'ordonnance de cette autorité du 23 mai 2023 mentionne précisément que les curateurs doivent en particulier représenter la recourante dans ses rapports avec les tiers en matière d'affaires administratives et juridiques, et veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d'incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical.
Quant à l'accompagnement pour les activités hors du domicile (cf. art. 38 al. 1 let. b RAI), en particulier pour des rendez-vous avec des personnes inconnues, ce dont l'évaluatrice a tenu compte, cette dernière a indiqué que l'aide apportée n'atteint pas deux heures par semaine. Aussi un besoin d'accompagnement au sens de l'art. 38 RAI ne peut-il être retenu. De même, les rappels des rendez-vous médicaux (cas échéant habituels, comme la psychomotricité) et les injonctions à fréquenter quotidiennement la D______ ne sauraient représenter, selon l'expérience générale de la vie, un investissement temporel de plus de deux heures par semaine. Autrement dit, ces rappels en soi ne constituent pas un accompagnement régulier.
Enfin, la recourante n'est pas exposée à un risque important de s'isoler durablement du monde extérieur (cf. art. 38 al. 1 let. c RAI), dans la mesure où elle est entourée des membres de sa famille, a des amies et fréquente la D______.
En conséquence, la recourante n'a pas besoin d'un accompagnement régulier pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI.
14.2 À toutes fins utiles, même dans l'hypothèse où l'on admettait un besoin d'aide indirecte lorsque les parents invitent la recourante, qui souffre d'une affection mentale légère, à se coucher le soir, cela ne suffit pas pour lui reconnaître une impotence faible, faute d'avoir besoin de l'aide d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (cf. art. 37 al. 3 let. a RAI). Il sera rappelé qu'elle peut se déplacer seule à l'extérieur ainsi qu'entretenir des contacts sociaux avec ses amies et à la D______, sans qu'on puisse voir le besoin d'une aide régulière pour les trajets qu'elle ne fait pas seule en cas de rendez-vous inhabituels, puisque par essence elle n'en a pas besoin chaque jour.
14.3 Ceci étant dit, l'intimé a mis un terme à l'allocation pour impotent pour mineurs de degré moyen à la fin du mois au cours duquel la recourante a atteint l'âge de 18 ans, en avril 2023. Or, la suppression de cette allocation ne pouvait intervenir qu'à partir du deuxième mois suivant la notification de la décision du 25 septembre 2023 lui refusant une allocation pour impotent pour adultes (cf. art. 88bis al. 2 let. a RAI ; consid. 11 ci-dessus), soit dès le 1er novembre 2023.
15. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, et la décision du 25 septembre 2023 réformée en ce sens que le droit de la recourante à l'allocation pour impotent pour mineurs de degré moyen est supprimé avec effet au 1er novembre 2023.
16. La recourante, représentée par ses parents, eux-mêmes curateurs, n'a pas droit à des dépens, le temps consacré à la défense de ses droits ne présentant pas un caractère extraordinaire dépassant la mesure de ce qu'un particulier peut ordinairement et raisonnablement prendre sur lui, qui justifierait de lui allouer exceptionnellement des dépens malgré l'absence de représentation par un mandataire professionnel (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2007 du 22 octobre 2008 consid. 6.1 et 6.2).
17. Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Réforme la décision du 25 septembre 2023 en ce sens que le droit de la recourante à l'allocation pour impotent pour mineurs de degré moyen est supprimé avec effet au 1er novembre 2023.
4. Met un émolument de CHF 200.- à charge de l'intimé.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le