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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1829/2023

ATAS/22/2024 du 15.01.2024 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.02.2024, rendu le 06.08.2024, REJETE, 8C_121/2024, 2354.67/11
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1829/2023 ATAS/22/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 janvier 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représenté par l’Association permanence défense des patients et assurés, mandataire

 

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1969, a travaillé en qualité de peintre, formellement employé par sa propre société à responsabilité limitée B______, créée le 3 septembre 2002, dont il a été l’associé gérant unique dès 2009 et dont il détient l’intégralité des parts sociales. À ce titre, il est assuré contre les accidents auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

b. Le 8 mars 2014, alors qu’il se trouvait sur un chantier, l’assuré a été agressé par un carreleur qui lui a asséné un coup de poing à l’œil droit. Il a subi une fracture des os propres du nez qui a conduit à une intervention chirurgicale le 18 mars suivant. Par la suite, l’assuré a présenté une atteinte à ses fonctions olfactive, visuelle et gustative.

c. Par courrier du 6 avril 2017, la SUVA a annoncé à l’assuré qu’elle mettrait un terme à la prise en charge du traitement médical et au versement des indemnités journalières au 31 juillet 2015.

d. Par décision du même jour, la SUVA a refusé de prester au-delà du 24 juillet 2015 pour les troubles olfactifs et cognitifs de l'assuré, au motif qu'il n'existait alors plus de lien de causalité certain ou probable entre ceux-ci et l’accident. Elle a confirmé cette décision sur opposition le 7 juin 2017.

e. Saisie d’un recours contre cette décision, la chambre de céans l’a partiellement admis par arrêt du 18 décembre 2017 (ATAS/1157/2017) et a renvoyé la cause à la SUVA pour mise en œuvre d’une expertise comprenant notamment des volets neurologique et oto-rhino-laryngologique et nouvelle décision concernant les troubles visuels de l’assuré.

B. a. À la suite de cet arrêt, la SUVA a confié une expertise à la Policlinique médicale universitaire (PMU), qui dans une appréciation interdisciplinaire du 23 avril 2019 a posé les diagnostics de probable affection du nerf olfactif sur traumatisme crânio-cérébral (G 52.0), de lésions contusionnelles fronto-basale et temporo-polaire droites non datables (S 06.2), d’amputation concentrique du champ visuel de l’œil droit d’origine fonctionnelle (H 53.1), de dysgueusie d’origine fonctionnelle (R 43.8) et de dysthymie (F 34.1). L’assuré ne pouvait exercer une activité reposant sur une bonne olfaction. Dans son métier de plâtrier-peintre, l’odorat était nécessaire à l’ajustement des couleurs et à la détection des pigments périmés. Cette activité restait cependant adaptée, dès lors que ces tâches pouvaient être déléguées à un tiers. La capacité de travail était de 80% dans toute activité, une baisse de rendement de 20% étant retenue en raison de la dysthymie et des troubles de la concentration qu’elle entraînait.

b. Par décision du 13 juin 2019, confirmée le 16 décembre suivant sur l’opposition de l’assuré, la SUVA a admis un lien de causalité entre l’accident et les troubles olfactifs mais nié un tel lien avec les lésions contusionnelles fronto-basale et temporo-polaire droites, l'amputation du champ visuel de l'œil droit et la dysgueusie. La dysthymie n’était pas en lien de causalité adéquate avec l’accident. Une capacité de travail totale était admise dès le 1er août 2015, les troubles olfactifs n’entraînant pas de restriction sur ce plan.

c. Saisie d’un recours de l’assuré, la chambre de céans l’a rejeté par arrêt du 28 juin 2021 (ATAS/691/2021), considérant notamment que les atteintes de l’assuré ne relevaient pas de lésions traumatiques objectivables et qu’elles n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec l’accident.

d. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral l’a partiellement admis par arrêt du 20 avril 2022 (8C_580/2021). Il a retenu que seule la question du droit à des prestations d'assurance au-delà du 31 juillet 2015 en raison des troubles olfactifs restait litigieuse. Il a considéré que l’atteinte olfactive reposait bien sur un substrat organique médicalement objectivé. Dès lors que certaines tâches de l’activité de plâtrier peintre requéraient une bonne olfaction et que l’assuré ne pouvait plus les assumer, une incapacité de travail partielle devait être admise. Si celui-ci devait rémunérer un intérimaire pour s’acquitter de ces tâches, il y avait lieu d’examiner les répercussions concrètes des troubles olfactifs sur sa capacité de gain. La cause a été renvoyée à la SUVA pour qu’elle instruise cette question.

C. a. En juillet 2022, la SUVA s’est procuré l’extrait de compte individuel de l’assuré, affichant des revenus soumis à cotisation de CHF 20'499.- en 2006, CHF 38'730.- en 2007, CHF 22'115.- en 2008, CHF 55'746.- en 2009, CHF 55'471.- en 2010, CHF 55'471.- en 2011, CHF 53'692.- en 2012, CHF 74'136.- en 2013, CHF 24'510.- en 2014, CHF  5'013.- en 2015, CHF  7'616.- en 2016, CHF  9'703.- en 2017, CHF  9'113.- en 2018, CHF  6'760.- en 2019 et CHF 6'579.- en 2020.

Elle a également analysé la comptabilité de la société.

b. Dans une note du 12 août 2022, la SUVA a retenu que l’assuré avait un statut d’indépendant. Au vu des fortes fluctuations des salaires déclarés, le revenu sans invalidité devait être calculé sur une moyenne. Elle l’a fixé à CHF 60'387.-, ce qui correspondait à la moyenne des revenus de 2010 à 2013, chacun indexé à 2015. Le revenu d’invalide était basé sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2014 (TA1_tirage_skill_level, hommes, niveau 1), soit CHF 5'312.- par mois, et s’élevait à CHF 66'652.40 une fois adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures par semaine et indexé à 2015. Aucun abattement n’était justifié. La comparaison des revenus ne révélait aucune perte de gain.

c. Par décision du 15 août 2022, la SUVA a repris son calcul d’invalidité, lequel excluait le droit à une rente d’invalidité.

d. L’assuré s’est opposé à cette décision le 15 septembre 2022. Il a contesté les revenus avant et après invalidité et a conclu à une rente d’un taux d’au moins 50%. Dans son complément d’opposition du 23 novembre 2022, il a reproché à la SUVA d’avoir tenu compte uniquement de son extrait de compte individuel AVS pour le revenu sans invalidité. Or, il avait enregistré un bénéfice dans son entreprise en 2013 et 2014, ainsi qu’avant 2011. Il en était le seul ayant droit économique et il convenait d’ajouter ces bénéfices à ses revenus. Le revenu sans invalidité ne tenait pas compte des limitations fonctionnelles en lien avec la perte du goût et les atteintes oculaires. Ces atteintes réduisaient sa capacité de travail de 50% au moins dans une activité adaptée, que ce soit en rendement ou en taux d'activité. Son revenu d'invalide devait dès lors être réduit en proportion. Un abattement de 25% se justifiait pour tenir compte des atteintes à la santé et des circonstances personnelles, notamment son âge et ses faibles possibilités de réinsertion.

e. Par décision du 27 avril 2023, la SUVA a rejeté l’opposition. Elle a exposé les principes régissant la détermination du revenu sans invalidité d’indépendants, dont faisaient partie les assurés employés d'une société anonyme ou d'une société à responsabilité limitée qui en détenaient la majorité des participations. C’était de manière conforme à ces principes qu’elle n’avait pas tenu compte des données comptables. C’était également à juste titre qu’elle n’avait pas tenu compte des troubles oculaires, sans lien de causalité adéquate avec l’accident et n’entraînant du reste pas d’incapacité de travail. Le revenu d’invalide était fondé sur un salaire statistique, au motif que l’activité de peintre n’exploitait pas entièrement la capacité de travail de l’assuré. En ce qui concernait l’abattement, les faibles possibilités de réinsertion n’étaient pas un critère de réduction. L’assuré n’avait que 45 ans le 1er août 2015, date à laquelle le droit à la rente devait être examiné. Les limitations fonctionnelles, soit l’exclusion des activités nécessitant une bonne olfaction, ne justifiaient pas non plus de réduction. En revanche, le critère de la nationalité et de l’autorisation de séjour entraînait un abattement de 5%, dès lors que l'assuré, de nationalité portugaise, arrivé en Suisse à l'âge de 19 ans, habitait désormais en France voisine, ce qui entraînait en moyenne une rémunération inférieure. Le revenu d'invalide de l’assuré devait ainsi être fixé à CHF 63'319.49. La comparaison des revenus ne montrait pas de perte de gain.

D. a. Par écriture du 30 mai 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition de l’intimée du 27 avril 2023 auprès de la chambre de céans. Il a conclu, sous suite de dépens, à son annulation et à l’octroi d’une rente d'invalidité de 75% dès le 1er août 2015. Il a reproché à l’intimée d'avoir examiné son droit à la rente de manière purement théorique, sans tenir compte des conséquences de l'accident sur sa capacité de travail et de gain, et d'avoir refusé un abattement sur le revenu d'invalide. Compte tenu d’un abattement de 25%, il considérait qu’une rente de 50% au moins devait lui être allouée, dont le taux exact devrait être déterminé aussi concrètement que possible selon la méthode de la comparaison des revenus. Par sécurité, il concluait en l'état à l'octroi d'une rente de 75%.

b. Par écriture du 27 juin 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Dans ses déterminations du 27 juillet 2023, le recourant, représenté par un nouveau mandataire, a persisté dans ses conclusions. Il a soutenu que, selon les dispositions réglementaires, son revenu de valide devait être fixé en fonction du salaire réalisé l’année avant l’accident, soit CHF 74'136.- Il a affirmé que le Tribunal fédéral avait admis un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et la dysthymie. Il ne contestait pas la fixation du revenu d’invalide sur la base des ESS, ni le principe de l'abattement de 5%, mais soutenait qu’un abattement de 20% supplémentaire se justifiait en raison de la dysthymie.

d. Le 16 août 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions. La disposition invoquée par le recourant s’appliquait non pas à la détermination du revenu de valide, mais à celle du gain assuré. Le Tribunal fédéral n’avait en outre pas admis de lien de causalité entre la dysthymie et l’accident.

e. Par écriture du 25 septembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a admis que la dysthymie ne devait pas être prise en compte dans l'établissement du revenu d'invalide. S’agissant du revenu de valide, c’était le salaire réalisé en 2013 qui devait être pris en compte, qui correspondait en outre au salaire prévu par la convention collective de travail du second œuvre pour un chef d’équipe, soit CHF 73'697.- par an. Sa société avait réalisé un bénéfice d'exploitation de CHF 92'141.70 en 2013, et de CHF 27'635.41 en 2012.

f. Par écriture du 23 octobre 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

g. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant le 24 octobre 2023.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

4.             Le litige, tel que circonscrit par l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, porte uniquement sur le degré d’invalidité du recourant en lien avec ses troubles olfactifs.

Il n’est à ce stade plus litigieux que l’intimée ne doit pas répondre de l’éventuelle incapacité de gain qu’entraînent les autres atteintes du recourant, en particulier la dysthymie.

5.             Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

En vertu de l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2).

6.             L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

6.1 Dans le cas d'un assuré de condition indépendante, on peut exiger, pour autant que la taille et l'organisation de son entreprise le permettent, qu'il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l'entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d'une entreprise artisanale, un transfert de tâches d'exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l'atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_147/2014 du 9 mai 2014 consid. 7.2.1). Aussi, lorsque l'activité exercée au sein de l'entreprise après la survenance de l'atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle de l'assuré, celui-ci peut être tenu, en fonction des circonstances objectives et subjectives du cas concret, de mettre fin à son activité indépendante au profit d'une activité salariée plus lucrative (arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 4.3). L'effort à consentir par l'assuré est d'autant plus important que la diminution du dommage escomptée est substantielle, l'ensemble des circonstances devant être pris en considération (arrêts du Tribunal fédéral 8C_771/2011 du 15 novembre 2012 consid.3 et 8C_878/2010 du 19 septembre 2011 consid. 4.2). Lorsqu’un changement d’activité professionnelle est raisonnablement exigible, compte tenu de la diminution importante du dommage que l’on peut en attendre, il y a lieu d’appliquer la méthode ordinaire de comparaison de revenus (arrêts du Tribunal fédéral 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 4.2.2 et 9C_609/2009 du 15 avril 2010 consid. 7.3).

6.2 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2). Un assuré employé par une société anonyme dont il est l’actionnaire unique dispose d’une influence déterminante sur l’entreprise en sa qualité d’actionnaire unique, et doit ainsi être qualifié d’indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_346/2012 du 24 août 2012 consid. 4.3). Selon l’art. 25 al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à l’exclusion de certains éléments non pertinents en l’espèce. Le revenu sans invalidité peut ainsi être déterminé sur la base du salaire soumis à cotisation, ce tant pour les assurés de condition indépendante que pour les assurés employés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_576/2008 du 10 février 2009 consid. 6.2 et les références). Si le revenu réalisé jusqu'à la survenance de l'invalidité présente des fluctuations importantes de durées relativement courtes, il faut se baser sur le gain moyen réalisé sur une période plus longue (arrêts du Tribunal fédéral 9C_651/2019 du 18 février 2020 consid. 6.2 et 9C_428/2009 du 13 octobre 2009 consid. 3.2.1). Pour un assuré ayant la qualité d'ayant droit économique d’une société, les bénéfices commerciaux font certes en principe aussi partie du revenu de valide. Toutefois, le bénéfice réalisé par une société anonyme ne peut pas être simplement assimilé au revenu de l'activité lucrative de l'actionnaire unique travaillant dans l'entreprise ou de l'ayant droit économique de la société (en déduisant le salaire propre perçu). En effet, cela reviendrait à attribuer à ce dernier la part du bénéfice d'exploitation qui, selon les dispositions impératives du droit de la société anonyme, doit rester dans la société en tant que capital de réserve et ne peut pas être distribuée sous forme de dividendes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_328/2020 du 3 septembre 2020 consid. 4.2.2 et les références). Ce principe s’applique également à une société à responsabilité limitée, l’art. 672 al. 1 du Code des obligations (CO – RS 220) prévoyant l’affectation de 5% du bénéfice de l’exercice sont affectés à la réserve légale. Le bénéfice d’une société ne peut ainsi simplement être assimilé au revenu de celui qui en est l’actionnaire – ou l’ayant droit économique – unique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2009 du 21 juillet 2009 consid. 2.1.2).

6.3 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui, on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l’invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner le point de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2015 du 26 avril 2016 consid. 3.2.2). L'évaluation de l’invalidité s'effectue en effet à l'aune d'un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-accidents. Elle présuppose un équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre d'une part et un marché du travail structuré permettant d'offrir un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques d'autre part. Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (Ligne Total du tableau TA1_skill_level de l'ESS, niveau 1) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). Ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d'expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n'est une phase initiale d'adaptation et d'apprentissage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit découler de l'atteinte à la santé, puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l'invalidité (art. 7 et 8 LPGA), et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels étrangers à la définition juridique de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_286/2015  du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références). Le seuil à partir duquel on peut exclure une possibilité réaliste d'exploiter la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré a été considéré comme non atteint pour des assurés âgés de 58 ans (arrêts du Tribunal fédéral 9C_695/2010 du 15 mars 2011 consid. 6.2 et 9C_1043/2008 du 2 juillet 2009 consid. 3.3), ainsi que pour un assuré âgé de 60 ans au moment de la décision litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_651/2008 du 9 octobre 2009 consid. 6.2.2.2).

6.4 Il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b).

7.             L’intimée a nié toute incapacité de gain en lien avec les troubles olfactifs du recourant.

7.1 S’agissant du revenu d’invalide, le recourant ne conteste à juste titre pas qu’il soit fixé en référence à l’ESS. Il est en effet exigible de celui-ci, en vertu de son obligation de diminuer le dommage, qu’il renonce à l’exploitation de son entreprise de peinture. En effet, au vu des revenus soumis à cotisation réalisés après l’accident, force est d’admettre que cette activité ne suffit pas à mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle, qui – sous réserve de la dysthymie dont l’intimée ne répond pas – est complète dans toute activité qui n’exige pas un odorat intact. À défaut de compétences ou de circonstances particulières, il ne se justifie pas en l’espèce de s’écarter de la ligne Total du tableau TA1_skill_level de l’ESS, qui représentait CHF 5'312.- par mois et CHF 63'744.- par an en 2014, soit CHF 66'652.- une fois indexé et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures en 2015.

7.2 L’abattement de 5% consenti par l’intimée pour tenir compte du statut de frontalier du recourant ne prête pas non plus le flanc à la critique. Les autres critères pertinents pour définir l’étendue de l’abattement ne sont en effet pas remplis. S’agissant des limitations fonctionnelles dont répond l’intimée, soit les troubles olfactifs, elles sont compatibles avec l’exercice de nombreux métiers. Quant au manque d'expérience dans une nouvelle profession, il ne s’agit pas d’un facteur susceptible de jouer un rôle significatif sur les perspectives salariales d’un assuré lorsque les activités adaptées envisagées sont simples et répétitives et ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_131/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). En ce qui concerne le critère des années de service, son incidence est moins élevée lorsque le profil d'exigences est bas. Ce paramètre n'est pas pertinent s'agissant des activités de niveau 1 de l'ESS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_874/2014 du 2 septembre 2015 consid. 3.3.2 et les références). Quant à l’âge, la jurisprudence retient que les emplois non qualifiés (qui correspondent à ceux du niveau de compétence 1) sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge d’un assuré sur un marché du travail équilibré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2022 du 21 mars 2023 consid. 4.2.3). Partant, l’intimée est restée dans les limites de son pouvoir d’appréciation en appliquant au revenu d’invalide une réduction de 5%.

Le revenu d’invalide est ainsi de CHF 63'319.78.

7.3 En ce qui concerne le revenu sans invalidité, c’est de manière conforme aux principes dégagés par la jurisprudence que l’intimée a établi le revenu en fonction des salaires soumis à cotisation sur une période de trois ans, au vu des fluctuations importantes de ces revenus. On ajoutera que le choix d’une période de trois ans courant dès 2010, plutôt qu’une période plus longue, est favorable au recourant dès lors que les salaires soumis à cotisation durant les années précédentes étaient largement inférieurs, hormis en 2009.

S’agissant de la prise en compte dans le revenu sans invalidité des bénéfices de la société, on rappellera qu’il n’y a pas lieu de les assimiler au salaire conformément à la jurisprudence citée. De plus, le recourant allègue que les bénéfices de la société pour 2012 et 2013, qu’il chiffre à respectivement CHF 27'635.41 et CHF 92'141.70, doivent être ajoutés à ces revenus. Or, les bilans comptables de sa fiduciaire auxquels il se réfère sur ce point révèlent en réalité un déficit de CHF 125'624.84 en 2012 et un bénéfice d’exploitation de CHF 30'915.- en 2013 – ce dernier montant étant également celui retenu par l’intimée dans son analyse comptable. Par ailleurs, selon les chiffres compilés par l’intimée, la société a essuyé des pertes importantes en 2011 (CHF 213'139.-) et en 2012 (CHF 145'625.-). Elle a certes réalisé un bénéfice de CHF 44'613.- en 2010, qui selon l’analyse de l’intimée a toutefois servi à partiellement éponger la perte de 2011. Le bénéfice de CHF 30'915.- en 2013 a également été porté en déduction des pertes de la société. Dans ces circonstances, on ne saurait imputer les gains de la société de 2010 et 2013 sur les revenus du recourant, même partiellement.

Il y a ainsi lieu de confirmer le revenu sans invalidité fondé sur la moyenne des salaires AVS de 2010 à 2013, ce qui représente après indexation à 2015 CHF 60'805.75. Ce revenu étant supérieur à celui que le recourant réalisait avant l’accident, il n’y a en l’espèce pas de perte de gain liée aux suites de cet événement.

C’est ainsi à juste titre que l’intimée a nié le droit du recourant à une rente d’invalidité.

8.             Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le