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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1959/2023

ATAS/953/2023 du 07.12.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1959/2023 ATAS/953/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 décembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), étancheur, né en ______ 1987, a été victime d’un accident en date du 13 février 2019 ; il est tombé d’une échelle de 2 m de haut alors qu’il travaillait sur un chantier. Son employeur a annoncé le sinistre à la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée), qui a accepté de prendre en charge les suites de l’accident et a décidé de lui verser, depuis le 16 février 2019, une indemnité journalière (ci-après : IJ) de CHF 155.10.

b. Dans la déclaration de sinistre, il est mentionné comme blessure un déboîtement de l’épaule gauche, le travail interrompu à la suite de l’accident et les premiers soins prodigués par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

c. L’arthro-IRM de l’épaule gauche effectuée en date du 21 février 2019 à l’Institut d’imagerie de Carouge centre permettait de constater qu’il n’y avait pas de rupture transfixiante ou partielle des tendons du supra épineux et de l’infra épineux ; que le tendon petit rond était intègre ; qu’il n’y avait pas de désinsertion ou de clivage intra tendineux du tendon sub-scapulaire ; que le tendon du long biceps était en place dans sa gouttière, qu’il n’y avait pas de chondropathie ouverte glénoïdienne antéro inférieur ; on constatait une absence d’anthésopathie sous acromiale ; une absence d’amyotrophie ou d’involution graisseuse des muscles de la coiffe des rotateurs et une absence d’arthropathie acromio – claviculaire œdémateuse. Il était également constaté qu’il existait une encoche postéro-supéro-latérale (encoche de Hill-Sachs) de la tête humérale, associée à un œdème osseux médullaire ; le labrum glénoïdien antéro – inférieur n’apparaissait plus en place, étant désinséré, déplacé médialement et de signal hétérogène ; il existait une association à une désinsertion glénoïdale du faisceau antérieur du ligament gléno – huméral inférieur, qui était épaissi et en hypersignal DP. Le docteur C______, spécialiste FMH en radiologie, indiquait dans ses conclusions des stigmates de luxation antéro – inférieure de la tête humérale avec une désinsertion du labrum glénoïdien antéro-inférieur, associée à une désinsertion sur le versant glénoïdal du faisceau antérieur du ligament gléno – huméral inférieur, ainsi qu’une encoche de Hill-Sachs associée un œdème osseux. Il n’y avait pas de lésion associée de la coiffe des rotateurs.

d. L’assuré a subi une opération, en date du 21 mars 2019. Le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur et médecine du sport, a rédigé un rapport opératoire du 22 mars 2019 indiquant une intervention sous la forme d’une suture de Bankart avec un diagnostic de déchirure du bourrelet glénoïdien antéro – inférieur de l’épaule gauche. Dans la description de l’opération, le médecin notait que le bourrelet glénoïdien était stable et bien en place, qu’un contrôle des plaies serait effectué à 24 heures et l’ablation des fils à 14 jours. Le même médecin a complété un rapport médical intermédiaire en date du 20 juin 2019 dans lequel il a présenté comme diagnostic une luxation de l’épaule avec une bonne évolution postopératoire et un pronostic favorable. Le traitement actuel se déroulait sous la forme de séances de physiothérapie pour une durée prévisible de six mois.

e. À la demande de la SUVA, l’assuré a été convoqué chez le médecin d’arrondissement, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui l’a examiné en date du 11 juillet 2019. Dans son rapport du 25 juillet 2019, il a constaté que la mobilité de l’épaule gauche restait réduite, en antépulsion, en rétropulsion, en rotation externe I et II, concluant globalement à des douleurs à la mobilisation de l’épaule gauche, conséquence du traumatisme. Il a considéré objectivement qu’il existait des limitations fonctionnelles de l’épaule gauche en conséquence de l’intervention chirurgicale réalisée suite à la luxation de l’épaule et que l’incapacité de travail restait justifiée.

f. Dans son rapport médical intermédiaire du 26 octobre 2019, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a constaté une évolution lente avec raideur de l’épaule et diminution de la mobilité, ce qui entraînait un pronostic réservé. Le traitement actuel se poursuivait sous la forme de physiothérapie et il était proposé une rééducation à la clinique romande de réadaptation de Sion (ci-après : CRR).

g. L’assuré a été examiné à nouveau, par le médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr E______, en date du 28 octobre 2019. Selon le rapport médical du 1er novembre 2019, il était constaté une évolution favorable de la mobilité de l’épaule gauche avec une légère douleur à la mobilisation passive. Les tests fonctionnels de la coiffe des rotateurs montraient que ceux-ci étaient normaux à ce jour aussi bien à droite qu’à gauche. Compte tenu de l’amélioration, le médecin pensait que sur le plan de la mobilité, il serait probablement possible que l’assuré puisse retourner à son ancienne activité professionnelle, mais suggérait une évaluation du cas après le séjour à la CRR, afin de pouvoir vérifier les capacités fonctionnelles, dans la perspective de la clôture du cas.

h. Dans son rapport médical intermédiaire du 29 novembre 2019, le Dr G______ a constaté une évolution lente, avec un pronostic réservé et une persistance du problème due à des douleurs chroniques ; il suggérait une évolution vers un changement de métier de l’assuré.

i. Après un séjour à la CRR, du 18 décembre 2019 au 22 janvier 2020, le docteur H______, médecin assistant aîné, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a envoyé un rapport médical daté du 24 janvier 2020 au médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr E______. Il considérait que l’évolution subjective et objective était légèrement favorable, que la participation du patient à la thérapie avait été considérée comme élevée et qu’aucune incohérence n’avait été relevée. Des limitations fonctionnelles provisoires avaient été retenues soit : pas de port de charges supérieures à 5 kg, pas de ports de charges répétés, pas de travail prolongé avec le membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules, pas d’activités nécessitant de la force ou des mouvements répétés du membre supérieur gauche, pas de position en porte-à-faux prolongée du membre supérieur gauche. La situation n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles, car la poursuite d’un traitement de physiothérapie pouvait permettre d’améliorer la mobilité, la force, les douleurs et l’intégration du membre supérieur gauche et donc d’améliorer les aptitudes fonctionnelles avec une stabilisation médicale attendue dans un délai de quatre mois. Le consultant spécialisé en chirurgie de l’épaule qui l'avait examiné pendant son séjour avait constaté la persistance d’une raideur de l’épaule gauche mais un bilan radiologique rassurant. Il proposait la poursuite de la physiothérapie et des exercices autonomes chez un patient qui présentait des autolimitations et qu’il fallait encourager à utiliser son membre supérieur gauche. Le pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité d’étancheur était défavorable, en lien avec les facteurs médicaux retenus après l’accident et facteurs non médicaux. Le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles était théoriquement favorable mais les facteurs personnels et contextuels pourraient interférer avec le processus de réorientation, notamment l’absence de formation professionnelle, une focalisation sur la douleur, une kinésiphobie modérée à sévère et un catastrophisme élevé, chez un patient anxieux. L’incapacité de travail dans la profession actuelle d’étancheur se poursuivait à 100%, du 18 décembre 2019 au 23 février 2020.

j. Dans son rapport intermédiaire du 18 mai 2020, le Dr D______ indiquait un pronostic très réservé avec une proposition de changer de métier pour rejoindre le monde du travail, ajoutant que le traitement se poursuivait sous forme de physiothérapie mais sans reprise du travail.

k. À la demande du Dr E______, qui voulait un second avis, l’assuré a été examiné par le professeur I______, chef du service d’orthopédie et traumatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne, en date du 9 juin 2020. Dans son rapport médical du 10 juin 2020 adressé au Dr E______, le prof. I______ a repris l’anamnèse de l’assuré, puis son status, indiquant une coiffe des rotateurs compétente, avec une excellente force en rotation interne, abduction et rotation externe. Il a décrit l’arthro-IRM de l’épaule gauche, réalisée en postopératoire le 26 décembre 2019, puis a conclu que, sur le plan objectif, l’épaule était souple, qu’il n’y avait pas d’évidence de pathologie orthopédique intercurrente et que l’examen neurologique orienté était dans les limites de la norme. Le prof. I______ n’avait donc pas d’explication orthopédique aux douleurs résiduelles et ne retenait pas d’indication à une révision chirurgicale. Il mentionnait encore que « la poursuite de la prise en charge conservatrice plus ou moins mesures professionnelles » semblaient donc être les options à privilégier actuellement.

l. L’assuré a été vu, une nouvelle fois, par le médecin d’arrondissement de la SUVA, en date du 7 septembre 2020. Dans son rapport du même jour, le Dr E______ a constaté une amélioration de la mobilité de l’épaule mais la présence d’autolimitations. Il estimait que les douleurs que l’assuré évoquait étaient en relation de causalité pour le moins probable avec l’accident mais que l’incapacité totale de travail n’était plus justifiée à l’heure actuelle et qu’une reprise de l’activité professionnelle était tout à fait envisageable. L’activité habituelle n’était pas envisageable, mais l’assuré pouvait travailler dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, qui étaient décrites comme suit : éviter le port de charges supérieures à 15 kg, ainsi que le port de charges répété ; éviter le travail prolongé avec le membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules ; les positions en porte-à-faux du membre supérieur gauche sont également à éviter. En respectant ces limitations l’assuré pouvait reprendre rapidement une activité à temps complet à plein rendement. Le médecin d’arrondissement considérait qu’il n’y avait pas lieu de proposer une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI), car il n’était pas prévu d’avoir une modification durable de l’état de l’épaule gauche ; une réévaluation de la situation pourrait se faire dans cinq ans, afin de juger de l’évolution à distance de l’atteinte actuelle.

B. a. Se fondant sur le rapport médical de son médecin d’arrondissement, la SUVA a considéré que l’assuré n’avait plus besoin de traitement, suite au sinistre du 13 février 2019, et l’a informé, par courrier du 15 septembre 2020, qu’elle mettait fin au versement des IJ avec effet au 30 novembre 2020. La SUVA a confirmé sa position par décision du 6 avril 2022, niant le droit de l’assuré, tant à une rente invalidité qu’à une IPAI.

b. Par courrier de son mandataire du 23 mai 2022, l’assuré s’est opposé à la décision du 6 avril 2022 en relevant que ses douleurs actuelles étaient en lien de causalité avec son accident, ce qui était confirmé par le rapport du Dr E______ du 7 septembre 2020, date depuis laquelle son dossier médical n’avait plus été examiné par la SUVA. La comparaison des revenus qui avait été faite sur la base des ESS était erronée car il fallait se fonder sur le salaire que l’assuré réalisait en qualité d’étancheur, soit CHF 70'761.10. Son salaire actuel dans une activité adaptée était de CHF 55'319.- avec une perte de gain de 22%, ce qui devait entraîner une rente invalidité du même taux. Enfin, il convenait de lui octroyer une IPAI de 30%.

c. L’opposition de l’assuré à la décision du 6 avril 2022 a été rejetée par la SUVA, par décision sur opposition du 10 mai 2023, reprenant l’argumentation de la précédente décision et spécifiant que l’effet suspensif était retiré à un éventuel recours contre ladite décision sur opposition.

C. a. Dans l’intervalle, la SUVA est revenue sur le montant des IJ versées à l’assuré pendant son incapacité de travail ; après avoir vérifié les fiches de salaire de l’assuré, la SUVA a constaté une nette différence entre le revenu annoncé et celui finalement perçu par l’assuré.

b. Par décision sur opposition du 16 juillet 2021, la SUVA a ordonné à l’assuré de lui rembourser le montant de CHF 51’044.70 au titre des IJ indûment perçues. Sur recours de l’assuré, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre de céans) a déclaré le recours irrecevable, par arrêt daté du 6 octobre 2022 (ATAS/869/2022) et entré en force.

c. Par décision du 7 décembre 2022, la SUVA a rejeté la demande de l’assuré de remise de son obligation de rembourser le montant de CHF 51'044.70. Ce dernier a fait opposition, qui a été rejetée par décision sur opposition de la SUVA du 11 mai 2023.

D. a. Par acte de son mandataire posté le 9 juin 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 11 mai 2023 (refus de remise) auprès de la chambre de céans en concluant à son annulation. Une procédure numéro A/1959/2023 a été ouverte en lien avec ce recours. L’assuré reprochait à la SUVA de ne pas avoir reconnu sa bonne foi alors qu’il pensait que les indemnités reçues étaient correctes dans la mesure où les montants avaient été versés par son employeur, qui les recevait de l’autorité compétente. De surcroît, il n’avait reçu aucune communication de la SUVA concernant son salaire ou la détermination du montant des IJ, raison pour laquelle il ne pouvait pas se rendre compte de la prétendue surindemnisation, et concluait à l’annulation de la décision et à ce que la remise de la somme de CHF 51’044.70 lui soit accordée.

b. Par acte de son mandataire, posté le 12 juin 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 10 mai 2023 (refus de rente et IPAI) auprès de la chambre de céans. Il a conclu préalablement à ce que la restitution de l’effet suspensif au recours soit ordonnée, et principalement à ce que la décision soit annulée et à ce qu’une rente mensuelle ainsi qu’une IPAI lui soient allouées, sous suite de frais et dépens. Une procédure numéro A/1987/2023 a été ouverte en lien avec ce recours. Selon l’assuré, tous les éléments du dossier démontraient l’invalidité dont il était victime et il était choquant que l’autorité intimée ne le reconnaisse pas. De surcroît, la SUVA aurait dû prendre en compte un salaire sans invalidité d’étancheur, à hauteur de CHF 70'761.10, et un salaire avec invalidité d’employé de voirie, à hauteur de CHF 58'720.-, ce qui aboutissait à une perte de gain et à un taux d’invalidité de 17%. Enfin, il avait droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité de 30%, reprenant l’argumentation déjà exposée au niveau de l’opposition.

c. Par ordonnance de jonction du 20 juin 2023, les causes numéros A/1959/2023 et A/1987/2023 ont été jointes sous numéro de procédure A/1959/2023.

d. Par réponse du 28 juin 2023, la SUVA a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif concernant la décision du 10 mai 2023, ainsi que, sur le fond, au rejet des deux recours.

e. S’agissant de la demande de rente invalidité (décision du 10 mai 2023), la SUVA a considéré que les appréciations de son médecin des assurances présentaient une pleine valeur probante, ce d’autant plus que contrairement à ce que prétendait le recourant, celui-ci avait été personnellement examiné. En ce qui concernait la critique du revenu sans invalidité retenu par l’intimée, le recourant ne présentait aucun argument et la SUVA ne voyait aucune raison de revenir sur le montant retenu. En ce qui concernait le revenu avec invalidité, le revenu provenant de l’activité d’employé de voirie ne pouvait pas être retenu, dès lors que le recourant était encore en période d’essai, raison pour laquelle le revenu allégué ne se fondait pas sur des rapports de travail particulièrement stables. Enfin, en ce qui concernait la demande d’IPAI, il n’appartenait ni à l’assuré ni à son mandataire, qui ne disposaient pas de connaissances particulières dans le domaine médical, de recommander quels examens devaient être accomplis. Par ailleurs, le taux de 5% qui avait été fixé correspondait aux lésions de l’assuré et il n’y avait aucune raison d’augmenter ce taux.

f. En ce qui concernait la demande de remise (décision du 11 mai 2023), l’assuré considérait que la SUVA avait failli à son devoir d’instruction en ne requérant pas ses fiches de salaire immédiatement et qu’elle ne l’avait pas informé de son obligation de renseigner. La SUVA considérait que le recourant savait ne pas avoir droit à plus de 80% de son dernier salaire dès lors qu’il était en incapacité de travail totale ; de surcroît, il ne pouvait pas décemment penser qu’il était conforme qu’il reçoive des indemnités aboutissant à un montant de CHF 1'800.- de plus, par mois, que quand il travaillait, alors même qu’il se trouvait en incapacité de travail. Partant, la bonne foi de l’assuré ne pouvait être invoquée.

g. Par arrêt incident du 7 août 2023 (ATAS/585/2023), la chambre de céans a refusé la demande de restitution de l’effet suspensif déposée par le recourant.

h. Par courrier du 9 août 2023, la chambre de céans a invité le recourant à répliquer.

i. Par acte de son mandataire, daté du 31 août 2023, le recourant a considéré que l’intimée n’émettait que des remarques générales visant à contredire des faits prouvés par pièces et soutenait son argumentation sur des lacunes que le dossier ne permettait pas de combler, raison pour laquelle il persistait intégralement dans les termes de son recours.

j. L’intimée, qui a reçu copie de la réplique du recourant, n’a pas réagi.

k. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

l. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le litige porte, d’une part, sur les droits de l’assuré à des prestations en rapport avec l’accident du 13 février 2019 (décision du 10 mai 2023) et d’autre part, sur la bonne foi de l’assuré dans le cadre de sa demande de remise d’une obligation de rembourser (décision du 11 mai 2023).

6.         

6.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 et les références).

6.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références ; ATF 129 V 402 consid. 4.3.1 et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et la référence ; ATF 129 V 402 consid. 2.2 et les références).

6.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2019 du 7 septembre 2020 consid. 3 et les références). La simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2).

7.        L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA).

8.

8.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1) ; seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain ; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).  

8.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant qu’elle ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du 23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). L'amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d'un résultat positif de la poursuite d'un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures - comme une cure thermale - ne donnent droit à sa mise en oeuvre. Il ne suffit pas non plus qu'un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée. Dans ce contexte, l'état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2 et les références). Il faut en principe que l’état de santé de l’assuré puisse être considéré comme stable d’un point de vue médical (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2022 du 14 juillet 2023 consid. 3.2 et la référence).

Dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, il appartient à l'assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu'aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ATF 134 V 109 consid. 4.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.2 et les références).

9.         

9.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

9.3. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes mêmes faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.6).  

9.4 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2020 du 26 mai 2021 consid. 3.2 et les références). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

9.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

10.     

10.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).

10.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

10.3 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide (arrêt du Tribunal fédéral 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.1 et la référence).

10.4 Le salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré comprend tous les revenus d'une activité lucrative (y compris les gains accessoires et la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants. En effet, l'art. 25 al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201) établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l'AVS et le revenu à prendre en considération pour l'évaluation de l'invalidité ; le parallèle n'a toutefois pas valeur absolue. Cette réglementation est applicable par analogie dans le domaine de l'assurance-accidents, dès lors que la notion d'invalidité y est la même que dans l'assurance-invalidité. On rappellera cependant que l'évaluation de l'invalidité par l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents de même, l'assurance-invalidité n'est pas liée par l'évaluation de l'invalidité de l'assurance-accidents. Pour établir le salaire réalisé en dernier lieu et son évolution subséquente, on se fondera en premier lieu sur les renseignements fournis par l'employeur. Tant pour les personnes salariées que pour celles de condition indépendante, on peut également se référer aux revenus figurant dans l'extrait du compte individuel de l'AVS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2020 du 1er juillet 2021 consid. 5.1 et les références).

Est déterminant, pour fixer (de manière hypothétique) le revenu réalisable sans invalidité et le revenu d'invalide, le gain que cette personne pourrait obtenir en exerçant une activité raisonnablement exigible, compte tenu des possibilités que lui offre un marché du travail équilibré (ATF 114 V 310 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 9.1, non publié in ATF 148 V 419).  

10.5 On évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 139 V 592 consid. 2.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). 

Selon la jurisprudence, la preuve de l'existence d'un salaire dit « social » est soumise à des exigences sévères, car on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 et la référence). Les informations fournies par l'employeur doivent être évaluées de manière critique, car il se peut qu'il ait un intérêt propre à faire valoir un salaire social. La jurisprudence reconnaît notamment comme indices du versement d'un salaire social une longue durée des rapports de travail ou des liens de parenté avec la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2021 du 27 juin 2022 consid. 6.4.3 et les références).

10.6 En l'absence d'un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les références ; ATF 143 V 295 consid. 2.2 et les références).

Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178). Lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières ; tel est notamment le cas lorsqu'avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.1 et la référence). Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne « total secteur privé » lorsque l'assuré ne peut plus raisonnablement exercer son activité habituelle et qu'il est tributaire d'un nouveau domaine d'activité pour lequel l'ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1 et les références). En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon les branches économiques dans le secteur privé) pour se référer à la table TA7 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon le domaine d'activité dans les secteurs privé et public ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible. C'est le lieu de préciser que les tables TA1, T1 et TA7 des ESS publiées jusqu'en 2010 correspondent respectivement aux tables TA1_skill_level, T1_tirage_skill_level et T17 des ESS publiées depuis 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.2 et les références). La valeur statistique – médiane – s'applique, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.6).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a récemment estimé qu’il n'y a pas de motif sérieux et objectif de modifier la jurisprudence selon laquelle la détermination du revenu d'invalide sur la base des valeurs statistiques se fonde en principe sur la valeur centrale, respectivement médiane, de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 9.2.3 et 9.2.4).

10.7 Depuis la 10ème édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 9C_370/2019 du 10 juillet 2019 consid. 4.1 et les références).

10.8 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; ATF 146 V 16 consid. 4.1 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 3.3 et les références).

À cet égard, le pouvoir d'examen de l’autorité judiciaire cantonale n'est pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le tribunal des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 et la référence).  

10.9 Concernant l'abattement pour les limitations fonctionnelles, on rappellera qu'une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (ATF 148 V 419 consid. 6 et les références).

11.    Le taux d'invalidité doit être arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur selon les règles mathématiques reconnues. Si le résultat est inférieur ou égal à x.49...%, il convient donc de l’arrondir à x%. Cela vaut également dans l'assurance-accidents, même si l'arrondi à l'unité supérieure ou inférieure (hormis la valeur de référence de 10% [cf. art. 18 al. 1 LAA]) représente une perte ou un gain de quelques francs sur le montant mensuel de la rente (ATF 131 V 121 consid. 3.2. et 3.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2022 du 18 août 2022 consid. 5.4).

12.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

13.    En ce qui concerne la première décision sur opposition du 10 mai 2023, soit le refus de rente invalidité et d’IPAI, le recourant fait valoir, dans un premier grief, que la fixation de son taux d’invalidité par la SUVA est erronée, dès lors que l’intimée a pris en considération un salaire statistique basé sur l’ESS, alors qu’il fallait déterminer le salaire en fonction de la situation professionnelle concrète du recourant.

La SUVA de son côté, précise que pour fixer le salaire sans invalidité, elle s’est fondée sur les déclarations de l’ancien employeur du recourant, ainsi que sur les fiches de salaire des années 2020 et 2021. Pour le salaire avec invalidité, la SUVA rappelle qu’elle n’est pas tenue de reprendre le revenu arrêté par l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) dans la mesure où l’évaluation de l’invalidité par l’OAI n’a pas de force contraignante pour l’assurance-accidents. La SUVA considère que l’activité d’employé de voirie exercée par le recourant ne repose pas sur des rapports de travail particulièrement stables, ne met pas pleinement en valeur sa capacité travail résiduelle, et n’est pas adaptée à son état de santé, raison pour laquelle elle n’a pas retenu le salaire en question et s’est fondée sur un revenu avec invalidité déterminé sur la base de l’ESS.

13.1 Comme le relève à juste titre l’intimée, il apparaît que nul ne conteste le fait que l’état de santé du recourant était stabilisé au 30 novembre 2020.

Étant précisé que la stabilisation a été confirmée aussi bien par les médecins de la CRR (rapport du 24 janvier 2020), par le prof. I______ (avis médical du 10 juin 2020) et par le médecin conseil de la SUVA, le Dr E______ (rapport d’examen du 7 septembre 2020).

Dès lors, il s’agit d’examiner si le revenu avec invalidité et sans invalidité a été correctement déterminé par la SUVA.

13.2 En ce qui concerne le revenu sans invalidité fixé par la SUVA, on rappellera qu’il faut partir de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références).

Conformément à la jurisprudence susmentionnée, la SUVA a pris en compte les derniers salaires réalisés par l’assuré. L’intimée a retenu un revenu annuel de CHF 69’288.95 en se fondant sur un tarif horaire de CHF 30.-/heure, majoré de 10.64% pour tenir compte d’un droit aux vacances de cinq semaines et de 8.33% en guise de 13ème salaire.

Ce calcul est conforme au contenu du courrier du 30 avril 2021 contresigné par le responsable d’Isotoiture, ancien employeur de l’assuré, confirmant que pour les années 2020 et 2021, le salaire horaire était de CHF 33.19 × 41 heures par semaine plus 8.33% (13ème salaire).

Le montant calculé par la SUVA à titre de revenu sans invalidité correspond ainsi aux derniers salaires réalisés par le recourant auprès de son employeur, avant l’accident, et ne prête pas le flanc à la critique.

13.3 En ce qui concerne le revenu avec invalidité, il convient tout d’abord d’écarter le grief du recourant qui allègue que l’intimée aurait dû reprendre le revenu avec invalidité établi par l’OAI, soit CHF 55'319.-. En effet, comme le Tribunal fédéral l’a rappelé dans son arrêt du 26 novembre 2018 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2018, consid. 5.2) « Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intimée au sujet du principe d'uniformité de la notion d'invalidité dans l'assurance sociale, l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368). Il est donc admissible d'évaluer l'invalidité de l'intimée indépendamment des décisions rendues en matière d'assurance-invalidité ».

Le recourant reproche également à la SUVA de ne pas avoir repris, à titre de revenu avec invalidité, le montant correspondant à son activité d’employé de voirie exercée pour le compte de la Commune de Thônex, depuis le 1er juin 2022, soit un salaire annuel de CHF 58'720.- pour un travail à plein temps, selon le contrat de travail du 31 mai 2022.

Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide.

La SUVA expose que le contrat en question ne peut pas être considéré comme se fondant sur des rapports de travail particulièrement stables dès lors qu’il prévoit un temps d’essai allant du 1er juin 2022 au 31 mai 2025, pendant lequel l’engagement pourra être résilié de part et d’autre moyennant un délai d’un mois pour la fin d’un mois pendant la première année d’activité, puis de deux mois pour la fin d’un mois dès la deuxième année d’activité, étant spécifié que ce n’est qu’au terme de la période probatoire de trois ans que le conseil administratif se déterminera sur la nomination de l’assuré en qualité de fonctionnaire.

On ne saurait suivre l’intimée dans son argumentation dès lors qu’il ne s’agit pas d’un contrat de durée déterminée, et qu’en dépit de la formulation quelque peu ambiguë « Temps d’essai », il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un contrat de durée indéterminée, qui pourrait fort bien se prolonger au-delà de la période probatoire de trois ans, quand bien même l’assuré ne serait pas nommé en qualité de fonctionnaire. Partant, la chambre de céans considère que la condition de la stabilité du contrat est remplie.

La SUVA estime également que l’activité en question ne met pas pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle exigible et n’est pas adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant dès lors que ce dernier devrait effectuer des travaux de voirie, soit notamment du balayage, du nettoyage, du transport de containers, toutes activités incompatibles avec ses limitations fonctionnelles.

Il est exact que les médecins consultés, soit ceux du CRR, le prof. I______ et le Dr E______, ont retenu des limitations fonctionnelles qui sont : éviter le port de charges supérieures à 15 kg, ainsi que le port de charges répété ; éviter le travail prolongé avec le membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules ; éviter les positions en porte-à-faux du membre supérieur gauche.

Comme le souligne l’intimée, l’activité du recourant au sein du service de la voirie ne paraît pas mettre pleinement en valeur sa capacité résiduelle et n’est clairement pas compatible avec ses limitations fonctionnelles. Ce dernier fait valoir dans son mémoire de recours qu’il a obtenu de ne pas exercer d’autres activités que la conduite du camion de la voirie, ce qui n’est toutefois ni démontré par témoignage, ni par document. Le contrat de travail mentionne comme activité « Employé de voirie à plein temps au service des routes », il n’est nulle part fait mention d’une activité de conducteur de camion ou d’un cahier des charges ne prévoyant que la conduite de véhicules. Dès lors, on ne saurait se fonder sur cette allégation, non démontrée, pour admettre que l’activité au sein du service de la voirie est compatible avec les limitations fonctionnelles du recourant. Même si l’on devait admettre que son employeur ait accepté de limiter l’activité du recourant au sein de la voirie, à la conduite de véhicules (ce qui n’est pas démontré), il n’en resterait pas moins qu’une telle limitation de la part de l’employeur pourrait être qualifiée de mesure sociale ; dans un tel cas, l’autorité ne peut pas retenir un salaire dont une composante est de toute évidence une composante de salaire social.

Compte tenu de ce qui précède, c’est à bon droit que la SUVA n’a pas tenu compte de l’activité d’employé de voirie et s’est fondée sur l’ESS pour établir le salaire avec invalidité. Dès lors que depuis la décision du 6 avril 2022, l’ESS 2020 a été publiée, c’est sur cette base qu’il convient de calculer le salaire avec invalidité. En l’absence de formation particulière du recourant, on se réfère au niveau de compétences TA1_skill_level, pour les hommes, soit un salaire mensuel de CHF 5’261.-, correspondant à 40 heures par semaine, qui, une fois réévalué à 41.7 heures par semaine, aboutit à un salaire annuel de CHF 65’815.11. Après indexation du montant à l’évolution des salaires nominaux pour les hommes en 2021, suite à la stabilisation de l’état de santé au 30 novembre 2020, c’est un salaire avec invalidité de CHF 65’354.40 qu’il convient de retenir.

13.4 S’agissant de l’abattement, la SUVA estime que les conditions ne sont pas remplies pour les raisons suivantes : en ce qui concerne la nationalité kosovare et le fait que l’assuré soit arrivé en Suisse en 2010 et soit titulaire d’un permis C, il apparaît qu’il n’a subi aucun préjudice de ce fait, notamment quant à la fixation de son salaire chez son précédent employeur Isotoiture. S’y ajoute le fait que l’assuré est jeune (né en 1987), et qu’il n’a travaillé pour Isotoiture que pendant deux ans au moment de l’accident ; de plus, selon les pièces médicales considérées comme probantes par la chambre de céans, il est apte à travailler à 100%, sans baisse de rendement, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, s’agissant d’activités simples et répétitives.

Le recourant ne critique en aucune façon l’absence d’abattement dans le calcul de la SUVA et ne fait valoir aucun élément qui serait susceptible d’entraîner l’application d’un abattement. Partant, la chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le salaire sans invalidité et que le salaire avec invalidité ont été calculés correctement par la SUVA.

13.5 À l’aune de ce qui précède, la comparaison des revenus fait apparaître le taux d’invalidité suivant : [69'288.95 – 65'354.40] / 69'288.95 x 100 = 5.68% arrondi à 6%, étant encore précisé que, comme le relève la SUVA, même si l’on avait tenu compte du revenu sans invalidité allégué par le recourant, soit CHF 70'761.10, cela ne changerait rien à l’issue du litige dès lors que le taux d’invalidité serait alors de 7.64%, arrondi à 8%, ce qui serait encore inférieur au taux minimum de 10%.

La décision de la SUVA étant bien-fondée, quant au calcul du taux d’invalidité, le recours sera rejeté sur ce premier grief.

14. En ce qui concerne le second grief, relatif au refus de la SUVA de lui accorder une IPAI, le recourant estime avoir droit à une IPAI de 30%, en se fondant sur l’annexe 3 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) qui prévoit qu’en cas de perte totale d’un bras, au niveau du coude, l’indemnité s’élève à 50%, alors qu’en cas de luxation récidivante de l’épaule, l’indemnité est de 10%. S’agissant des constatations de l’expert, le recourant les réfute en considérant qu’il était nécessaire de réaliser une IRM pour constater une éventuelle fracture et que des examens complémentaires seraient nécessaires.

14.1 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phr.) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2ème phr.). Elle est également versée en cas de maladie professionnelle (cf. art. 9 al. 3 LAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).

L'indemnité pour atteinte à l'intégrité vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). Elle se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel. En cela, elle se distingue de l'indemnité pour tort moral du droit civil, qui procède de l'estimation individuelle d'un dommage immatériel au regard des circonstances particulières du cas. Cela signifie que pour tous les assurés présentant un status médical identique, l'atteinte à l'intégrité est la même, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (ATF 115 V 137 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.2 et les références ; 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références).  

L'atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).

Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi 125 II 169 consid. 2d).

La réglementation prévue à l'art. 24 al. 2 LAA suppose que les conditions d'octroi de chacune des prestations soient réunies au même moment (ATF 113 V 48 consid. 3). Il peut toutefois arriver que l'indemnité pour atteinte à l'intégrité ne puisse pas être allouée en même temps que la rente d'invalidité, parce que, au moment de la fixation de la rente, il n'est pas encore possible de se prononcer avec certitude sur les conditions du droit à l'indemnité (ATF 119 V 131 consid. 3c).

14.2 Selon l’art. 36 OLAA, édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phr.) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2ème phr.). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phr.).

Cette disposition a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5% selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI et Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).

Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 p. 415 ; arrêt du Tribunal fédéral U 134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2).

Depuis le 1er janvier 2008, le montant maximum du gain assuré s’élève à CHF 126'000.- par an et CHF 346.- par jour (art. 22 al. 1 OLAA). Entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2007, ce montant s'élevait à CHF 106'800.- par an et CHF 293.- par jour (art. 22 al. 1 aOLAA ; RO 1998 2588).

14.3 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).

L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1 de l'annexe 3).

Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui-ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).

La division médicale de la SUVA a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.SUVA.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).

14.4 Aux termes de l'art. 36 al. 4 OLAA, il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité ; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible. S'il y a lieu de tenir équitablement compte d'une aggravation prévisible de l'atteinte lors de la fixation du taux de l'indemnité, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et - cumulativement - l'importance quantifiable. Le taux d'une atteinte à l'intégrité dont l'aggravation est prévisible au sens de l'art. 36 al. 4 OLAA doit être fixé sur la base de constatations médicales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.3 et les références). 

À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a nié le caractère prévisible d'une aggravation en fonction de l'indication du médecin selon laquelle « il n'était pas impossible » que l'affection (périarthrite scapulo-humérale) entraînât « d'ici quelques années » une arthrose moyenne (RAMA 1998 p. 602 consid. 3b) ; à l'inverse, il a admis l'aggravation prévisible d'une arthrose du genou dans le cas où le médecin a fait état d'une telle aggravation « en raison de l'évolution toujours défavorable de l'arthrose » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2008 du 4 février 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 UV n° 27 p. 98).

14.5 Dans le cas d’espèce, le recourant perd de vue qu’il ne lui appartient pas de déterminer quels sont les examens médicaux qui sont nécessaires pour évaluer ses troubles physiques, car ce rôle est dévolu au médecin. Son affirmation selon laquelle la détermination de la SUVA ne peut être suivie car « il est notoire qu’il est nécessaire de réaliser une IRM » [qui n’a pas été effectuée] et que le rapport radiographique est incomplet, ne repose sur aucun avis d’un médecin spécialisé, pas même son médecin traitant, mais sur sa seule appréciation personnelle.

À cet égard, et en ce qui concerne les appréciations du médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr E______, il sied de rappeler qu’il dispose des connaissances et d’expériences particulièrement développées en traumatologie ; les compétences des médecins d’arrondissement des assureurs ont d’ailleurs été reconnues par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 novembre 2022, 8C_355/2022 consid. 7.2 « Denn praxisgemäss sind die Kreisärzte nach ihrer Funktion und beruflichen Stellung Fachärzte im Bereich der Unfallmedizin. Da sie ausschliesslich Unfallpatienten, Körperschädigungen im Sinne des Art. 6 Abs. 2 UVG (früher : unfallähnliche Körperschädigungen gemäss Art. 9 Abs. 2 aUVV) ».

Compte tenu de ces éléments, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé.

Le recourant opère un calcul de comparaison en estimant que son atteinte se situe entre les deux atteintes citées, soit celle entraînant une indemnité à 50% et l’autre entraînant une indemnité de 10% ; cette appréciation, toute personnelle, n’est en aucun cas partagée par le médecin d’arrondissement, qui l’a estimée à 5%.

À défaut de connaissances médicales, la comparaison que le recourant opère ne se fonde que sur sa propre appréciation et ne saurait en aucun cas être suivie contra l’avis du médecin d’arrondissement de la SUVA.

Étant encore précisé que le recourant ne produit aucun avis médical d’un médecin traitant qui pourrait supporter ses allégations quant à la comparaison à laquelle il se livre, entre l’IPAI pour une perte du bras au niveau du coude et l’IPAI pour une luxation de l’épaule.

14.6 Dès lors que l’appréciation du Dr E______ n’est pas contredite par celle d’un médecin traitant, pas plus qu’elle ne serait entachée de contradictions, la chambre de céans considère qu’elle présente une valeur probante et qu’il y a lieu de la retenir. Le taux d’atteinte à l’intégrité de 5% sera ainsi confirmé, ce qui n’ouvre pas le droit à une IPAI.

Le recours sera donc également rejeté sur ce second grief.

15.     

S’agissant de la seconde décision sur opposition du 11 mai 2023, soit le refus de remise de l’obligation de rembourser, le recourant allègue n’avoir pas eu de comportement dolosif et n’avoir pas participé à la détermination de son revenu, ni au calcul des IJ ; il expose avoir fait confiance, aussi bien à son employeur qu’à la SUVA, lorsqu’il a commencé à recevoir les indemnités.

L’intimée, de son côté, rappelle que l’ignorance relative à la perception indue de prestations ne suffit pas, à elle seule, pour admettre l’existence de la bonne foi. Elle rappelle que sa situation financière s’est grandement améliorée depuis son accident, son revenu moyen s’élevant à CHF 4'717.69 alors qu’il gagnait en moyenne, sur les douze derniers mois avant son accident, CHF 2'932.74 par mois. Selon la SUVA, une telle différence en faveur de l’assuré devait l’amener à se poser des questions et à prendre contact avec la SUVA pour l’informer de cette irrégularité manifeste.

15.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

Le destinataire d'une décision de restitution qui entend la contester dispose de deux moyens qu'il convient de distinguer de façon claire : s'il prétend qu'il avait droit aux prestations en question, il doit s'opposer à la décision de restitution dans un délai de 30 jours ; en revanche, s'il admet avoir perçu indûment des prestations, mais qu'il invoque sa bonne foi et des difficultés économiques qu'il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise. La demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue faisant l'objet d'une procédure distincte. On précisera encore que selon l'art. 4 al. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), une telle demande doit être déposée au plus tard 30 jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution. Ainsi, il n’est pas possible d’examiner en même temps le bien-fondé de la restitution et les conditions de la remise de l’obligation de restituer (arrêt du Tribunal fédéral 8C_814/2017 du 11 mars 2019 consid. 6 et les références).

15.2 Selon l’art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l'obligation d'informer l'assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l'octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).

15.3 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

15.4 La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

15.5 On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi, en particulier, examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

15.6 En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

15.7 En l’espèce, le recourant prétend ne pas avoir été mis au courant des calculs effectués entre son employeur et la SUVA, raison pour laquelle sa responsabilité n’est pas engagée.

Il sied toutefois de constater que même s’il n’était pas au courant de ces discussions, le recourant n’a pas pu ignorer que les versements qu’il a reçus après son accident étaient bien supérieurs aux salaires qu’il touchait auparavant.

La chambre de céans considère qu’une telle anomalie est de nature à faire naître des doutes chez son bénéficiaire, même si ce dernier n’a pas de connaissances particulières en matière d’assurances. Toute personne capable de discernement et constatant une augmentation de ses revenus de plus de 30% alors qu’elle ne travaille plus et perçoit des IJ, ne peut ignorer, raisonnablement, qu’elle bénéficie d’un montant auquel elle n’a pas droit. Dans tous les cas, le bon sens et la prudence devraient l’amener à contacter l’assureur, pour signaler cette situation pour le moins insolite.

À cet égard, le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 25 avril 2019 (9C_16/2019 consid. 4 in fine et 6), n’a pas tenu compte des arguments d’un assuré qui plaidait « ses qualités humaines, (…) sa naïveté et (…) sa maladresse » pour reconnaitre sa bonne foi et a rappelé qu’il y a « négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d p. 181 ; SYLVIE PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, ch. 63 ss ad art. 25) ».

Quelle que soit l’argumentation du recourant, quant à son manque de connaissances ou à ce qu’il pouvait imaginer, il n’en reste pas moins que l’on revient, inexorablement, au constat qu’une personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances, n’aurait pas manqué de reconnaître le caractère insolite de la situation et aurait contacté, sans retard, la SUVA, afin de clarifier la quotité des prestations auxquelles elle avait droit.

On ne saurait suivre le recourant, qui reproche à la SUVA d’avoir continué à verser des indemnités trop élevées pendant deux ans alors que, précisément, le recourant percevait ces dernières sans réagir. Ce serait ainsi retourner l’équation que de reprocher à la SUVA d’avoir trop versé alors que le comportement dolosif visé par la loi et la jurisprudence est celui de la personne qui ne peut raisonnablement ignorer qu’il est anormal de percevoir des indemnités d’assurances bien supérieures au salaire qu’elle percevait lorsqu’elle travaillait.

Au regard de ces éléments et de l’importance des montants perçus, sans droit, chaque mois, ainsi que de la durée pendant laquelle le recourant a profité de ces montants indus, soit près de deux ans, sa faute ne peut pas être considérée comme légère et sa bonne foi ne peut être reconnue.

15.8 Partant, dès lors que la condition indispensable de la bonne foi fait défaut, la décision sur opposition du 11 mai 2023 sera confirmée et le recours du 9 juin 2023 sera rejeté.

16. Entièrement mal fondés, les recours sont rejetés.

17. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le