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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/40/2023

ATAS/922/2023 du 29.11.2023 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/40/2023 ATAS/922/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 novembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

Madame A______

représentée par Me Jean-Michel DUC, avocat

 

 

recourante

 

contre

BÂLOISE ASSURANCE SA

représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le
______ 1997 et domiciliée à Annemasse (France), a travaillé comme infirmière auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : l'employeur ou les HUG) depuis le 8 février 2021 et était assurée à ce titre contre les risques accidents auprès de la BÂLOISE ASSURANCE SA (ci-après : l'assurance ou l'intimée).

b. Selon une déclaration d'accident du 17 décembre 2021, l'assurée avait ressenti une forte douleur dans l'épaule en aidant une collègue à remonter un patient dans son lit avec l'aide d'un drap en date du 25 novembre 2021.

c. Par certificat médical du 25 novembre 2021, le docteur B______, médecin interne au sein du département de médecine de premier recours des HUG, a attesté que l'assurée était totalement incapable de travailler du 26 au 30 novembre 2021.

d. Le 1er décembre 2021, le docteur C______, médecin radiologue en France, a constaté, après avoir effectué une échographie de l'épaule droite de l'assurée, une probable tendinopathie limitée à la partie antérieure et distale du tendon sus-épineux, sans rupture ou d'irrégularité des bords.

e. L'arrêt de travail de l'assurée a été prolongé jusqu'au 12 décembre 2021 par la docteure D______, médecin généraliste en France, puis par différents spécialistes jusqu'au 3 mai 2022.

f. Le 5 janvier 2022, le docteur E______, médecin radiologue en France, a effectué une nouvelle échographie de l'épaule droite et a conclu à une tendinopathie de supra-épineux sans signe de fissuration, ni signe de bursopathie associée. Au vu de la persistance de la symptomatologie clinique malgré un traitement anti-inflammatoire et une kinésithérapie bien conduite, le spécialiste restait à disposition pour effectuer une infiltration échoguidée.

g. Le 13 janvier 2022, la docteure F______, médecin radiologue en France, a effectué une IRM de l'épaule droite et a conclu à une tendinopathie non fissuraire du supra-épineux et petite bursite sous-acromio-deltoïdienne adjacente.

h. Le 21 janvier 2022, l'assurée a bénéficié d'une infiltration de la bourse sous-acromio-deltoïdienne droite effectuée par le docteur O______, médecin radiologue en France.

i. Le 17 février 2022, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur, a constaté une lésion de l'ancre du biceps et a proposé une arthro-IRM de l'épaule droite de l'assurée qui a été effectuée le 28 février 2022 par le docteur H______, spécialiste FMH en radiologie. Ce dernier a conclu à une fissuration labrale aux dépens du versant articulaire du labrum, à la limite entre le labrum antérieur et antéro-supérieur, ainsi qu'à une minime irrégularité à peine perceptible du versant articulaire du labrum supérieur, une absence de franche lésion de type SLAP, un aspect hétérogène du labrum postéro-supérieur qui présentait une augmentation de son signal et une discrète tendinopathie du tendon supra-épineux.

j. Le 11 avril 2022, le Dr G______ a constaté que l'infiltration
gléno-humérale effectuée le 4 mars 2022 n'avait pas aidé l'assurée qui avait toujours mal et présentait des douleurs persistantes à la mobilisation nocturne et au repos après que le bras avait été beaucoup sollicité. L'intéressée n'avait pas pu effectuer son programme de renforcement en raison de la douleur.

k. Le 12 avril 2022, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de l'assurance, a retenu, à titre de diagnostic, une tendinopathie du supra et de
l'infra-épineux, une bursite sous-acromio-deltoïdienne et une fissuration du labrum de l'épaule droite. Il a estimé que ces lésions ne correspondaient pas à une lésion assimilée à un accident.

l. Un questionnaire de l'assurance, daté du 12 avril 2022 et destiné à recueillir des informations complémentaires de la part de l'assurée, figure au dossier de l'assurance.

m. Par rapport du 25 avril 2022, le docteur J______, spécialiste FMH en médecine générale, a mentionné que l'intéressée présentait une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec une fissuration labrale de son épaule droite d'évolution défavorable malgré deux infiltrations. Ces symptômes avaient débuté de manière aiguë suite à un mouvement inhabituel au travail en remontant un patient dans son lit. Les douleurs de l'assurée étaient, à ce jour, toujours très invalidantes et l'avaient empêchée de reprendre son activité professionnelle. Il était prévu qu'elle reprenne les séances de physiothérapie de manière intensive et un nouveau rendez-vous chez un spécialiste de l'épaule était prévu pour le mois suivant.

n. Par courrier du 26 avril 2022 adressé à l'assurée, l'assurance a indiqué qu'« en aidant une collègue à remonter un patient dans son lit avec l'aide d'un drap, elle avait ressenti une forte douleur dans l'épaule droite ». La notion de cause extraordinaire faisant défaut, son cas n'était pas couvert dans le cadre de l'assurance-accident. Son employeur avait toutefois conclu une police complémentaire qui couvrait ce genre d'événement pendant une durée de
douze semaines consécutives, de sorte que le traitement médical et l'incapacité de travail seraient pris en charge au maximum jusqu'au 16 février 2022.

o. Le 5 mai 2022, l'assurée a bénéficié d'une échographie et d'une infiltration de l'épaule droite effectuées par le docteur K______, spécialiste FMH en radiologie.

p. Selon un rapport du 25 mai 2022, le docteur L______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, avait vu l'assurée à deux reprises pour ses douleurs à l'épaule droite. En soulevant un patient, cette dernière avait ressenti un craquement douloureux dans son épaule droite avec, depuis lors, des douleurs importantes antérieures qui persistaient malgré une échographie montrant une lésion du sus-épineux traitée par physiothérapie et une infiltration sous-acromiale n'ayant eu aucun effet. Une IRM, puis une arthro-IRM avaient finalement mis en évidence une déchirure du labrum supérieur qui corrélait au mécanisme lésionnel évoqué par l'assurée. La situation restait difficile avec une incapacité à retourner à ses activités sportives et professionnelles. À l'examen clinique, le spécialiste avait constaté une douleur importante à la palpation du biceps. Les amplitudes articulaires étaient préservées, ainsi que la présence d'une légère hyperlaxité bilatérale et d'une dyskinésie secondaire de l'omoplate qui s'était corrigée suite à l'infiltration du biceps. Dans ce contexte et au vu du jeune âge de l'assurée, ainsi que de la durée de son traitement, le
Dr L______ a suggéré de pratiquer un geste de réparation avec ténodèse arthroscopique du long chef du biceps. Le spécialiste a en outre indiqué que
« le lien de causalité entre l'accident déclaré tout de suite, le bilan lésionnel et la clinique [lui] paraiss[ait] tout à fait plausible ».

q. Le 27 mai 2022, le Dr L______ a adressé à l'assurance une demande de garantie pour une intervention chirurgicale (geste de réparation avec ténodèse arthroscopique du long chef du biceps) prévue le 17 juin 2022.

r. Le 2 juin 2022, sur demande de l'assurance, le Dr I______ a indiqué que le rapport du Dr L______ du 25 mai 2022 ne modifiait pas ses conclusions
« dans la mesure où l'administration de la Bâloise Assurance SA [avait] nié la notion d'accident » et en raison du fait qu'une tendinopathie du supra et de l'infra-épineux, une bursite sous-acromio-deltoïdienne et une fissuration du labrum de l'épaule n'étaient pas des lésions corporelles selon l'art. 6 al. 2 LAA.

s. Par courriel du 7 juin 2022, l'assurance a informé le Dr L______ que la prise en charge de l'intervention prévue le 17 juin 2022 était refusée.

B. a. Par décision datée du 10 juin 2022 et notifiée à l'assurée le 29 août 2022, l'assurance a refusé de prendre en charge les troubles au niveau de l'épaule droite de l'assurée. Les faits survenus le 25 novembre 2021 n'étaient pas constitutifs d'un accident au sens de la loi, le facteur extérieur et son caractère extraordinaire faisant défaut. Il ne s'agissait pas non plus d'une lésion assimilée à un accident. Le cas relevait de la compétence de l'assurance-maladie et l'assurée était invitée à adresser une copie de la décision à l'organisme compétent en France qui disposait des mêmes voies de droit en matière d'opposition.

b. L'assurée a été opérée le 17 juin 2022 par le Dr L______.

c. Le 28 septembre 2022, l'assurée a formé opposition à la décision de l'assurance du 10 juin 2022. En substance, elle a fait valoir que l'assurance ne lui avait pas adressé de formulaire afin de l'interroger sur les circonstances détaillées de l'événement et s'était uniquement fondée sur la déclaration d'accident de son employeur, laquelle ne lui permettait pas de se déterminer. En outre, le fait d'avoir supporté seule le poids du patient en raison de la carence de sa collègue caractérisait un mouvement non maîtrisable en lien avec une circonstance extérieure. C'était donc à tort que l'assurance avait contesté le caractère accidentel de l'événement du 25 novembre 2021 et avait refusé de prendre en charge les conséquences de l'accident survenu à cette date, notamment les indemnités journalières et les frais médicaux.

d. Le 12 octobre 2022, le Dr L______ a adressé à l'assurance la copie d'un compte rendu de consultation établi à l'attention du Dr J______ constatant que l'évolution était excellente. L'assurée ressentait encore quelques tensions musculaires mais avait repris la majeure partie de ses activités et estimait la fonction de son épaule à « quasi-100% ». À l'examen clinique, les amplitudes étaient complètes et il n'y avait pas de douleur à la palpation. Par ailleurs, la force était bonne et les manœuvres provocatrices du labrum étaient négatives. Dans ce contexte, le spécialiste a indiqué être arrivé en fin de traitement et ne prévoyait pas de contrôle d'office. Concernant la prise en charge assécurologique, le lien de causalité paraissait évident au vu de l'apparition des symptômes suite au traumatisme décrit par la recourante, de la lésion labrale constatée à l'IRM et confirmée à l'arthroscopie, ainsi qu'en raison de la résolution rapide des symptômes après l'opération du 17 juin 2022.

e. Le 16 novembre 2022, l'assurance a transmis une copie du dossier à l'assurance-maladie de l'assurée, à savoir HELSANA ASSURANCES SA.

f. Par décision sur opposition du 6 décembre 2022, l'assurance a rejeté l'opposition de l'assurée au motif que l'événement du 25 novembre 2021 ne pouvait être considéré comme un accident, les circonstances telles que décrites par l'assurée ne faisant pas état d'un événement extraordinaire. Rien de particulier n'était survenu dans l'activité habituelle de l'assurée et le fait que cette dernière aurait supporté seule le poids du patient, ce qui représentait un état de fait nouveau par rapport à la description de l'événement contenue dans la déclaration de sinistre, ne suffisait pas à justifier la notion d'accident en l'absence d'un autre élément caractérisant la notion accidentelle. En outre, le médecin-conseil de l'assurance avait retenu le diagnostic de tendinopathie du supra et de l'infra-épineux, bursite sous-acrimio-deltoïdienne et fissuration du labrum de l'épaule droite qui était un diagnostic de nature maladive et ne faisait pas partie de la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées. Par ailleurs, l'intéressée n'apportait pas d'élément permettant de contredire les conclusions du médecin-conseil de l'assurance. Enfin, la caisse-maladie de l'assurée ne s'était pas opposée à la décision du 10 juin 2022, de sorte qu'elle reconnaissait le caractère maladif de la problématique présentée par l'assurée.

C. a. Le 6 janvier 2023, l'assurée, représentée par un avocat, a formé recours contre la décision du 6 décembre 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, principalement et sous suite de frais et dépens, à la condamnation de l'intimée à prendre en charge l'accident du 25 novembre 2021, en particulier au versement d'indemnités journalières et à la poursuite de la prise en charge des frais de traitement. Subsidiairement, l'intéressée a conclu au renvoi de la cause à l'intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision.

En substance, elle a tout d'abord relevé que l'intimée s'était uniquement fondée sur la déclaration d'accident adressée par l'employeur qui ne lui permettait pas de se déterminer. Elle aurait ainsi dû l'interroger sur les circonstances détaillées de l'accident avant d'en contester la qualification. Cette manière de procéder démontrait la volonté de l'intimée de se désengager de ses obligations sans même instruire les circonstances de l'accident ce qui constituait une violation de son devoir d'instruction. Les faits de la cause démontraient un mouvement non coordonné entre la recourante et sa collègue qui avait conduit la première à supporter seule le poids entier du patient. Ce défaut de coordination était inhabituel et procédait d'une carence de sa collègue. En outre, l'intimée s'était uniquement fondée sur l'appréciation de son médecin-conseil alors que les pièces médicales figurant au dossier permettaient de retenir l'origine traumatique des atteintes invalidantes dont souffrait la recourante.

b. L'intimée a répondu au recours le 3 février 2023, concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens. Les faits n'étaient pas constitutifs d'un facteur extérieur de caractère extraordinaire, de sorte que l'événement du 25 novembre 2021 ne pouvait être qualifié d'accident. En particulier, les déclarations de la recourante, postérieures à la décision du 10 juin 2022, étaient sujettes à caution, ce d'autant plus qu'elle n'avait pas retourné le questionnaire relatif aux circonstances de l'événement qui lui avait été adressé le 12 avril 2022. Par ailleurs, cet événement ne présentait aucun caractère accidentel, le fait de remonter un patient dans un lit à l'aide d'un drap étant une activité banale et habituelle. Selon les propres déclarations de la recourante, il n'y avait eu ni choc, ni chute, ni glissement. L'intéressée avait, tout au plus, tiré le drap sans pour autant soulever le patient, ce dernier ayant probablement légèrement pivoté du fait de la traction du drap d'un seul côté. Cet effort était bien inférieur à celui nécessaire au soulèvement d'un patient, même en étant assistée par une collègue, et n'entrainait pas une sollicitation de l'organisme plus élevée que la normale.

c. La recourante a répliqué le 27 février 2023. Les jurisprudences citées par l'intimée n'étaient pas transposables au cas d'espèce et cette dernière n'avait pas démontré avoir adressé le questionnaire du 12 avril 2022. La recourante a en outre relevé qu'en forçant pour relever le patient, le mouvement naturel de son corps avait été contrarié par la survenance d'un fait extérieur extraordinaire consistant en l'absence de réaction de sa collègue, ce qui caractérisait un mouvement non coordonné réunissant tous les critères afférents à la notion d'accident.

d. L'intimée a dupliqué le 4 avril 2023. La recourante alléguait pour la première fois, au stade de la réplique, ne pas avoir reçu le questionnaire du 12 avril 2022. Par ailleurs, l'intéressée n'avait allégué qu'au stade de l'opposition la présence d'un tiers lors de l'événement, la pratique professionnelle, ainsi que le fait qu'au moment de soulever le drap du patient, sa collègue n'aurait pas réagi et qu'elle aurait donc supporté seule le poids en soulevant le drap. Par conséquent, ces déclarations de la recourante, postérieures à la décision du 10 juin 2022, étaient dénuées de force probante.

e. Par écriture spontanée du 21 avril 2023, la recourante a indiqué qu'elle n'avait fait part des circonstances de l'accident qu'au stade de l'opposition dès lors que l'intimée ne l'avait pas interrogée à ce propos auparavant. Elle a en outre relevé que les pièces médicales citées par l'intimée avaient été rédigées par des médecins pour lesquels il était inutile et sans objet d'apporter des détails précis quant aux circonstances de l'accident. Il appartenait en réalité à l'intimée de l'interroger sur les circonstances de l'accident, ce qu'elle n'avait pas fait.

f. Dans sa détermination spontanée du 2 mai 2023, l'intimée a fait valoir que les circonstances détaillées de l'événement ressortaient des anamnèses recueillies par les médecins traitants figurant au dossier dont aucune ne faisait état d'un quelconque mouvement non-coordonné, ni d'une quelconque « pratique professionnelle », ni de l'absence de réaction de sa collègue. Il était ainsi peu plausible qu'aucun des médecins traitants n'ait retranscrit correctement ses déclarations. L'intimée a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

g. Par écriture spontanée du 17 mai 2023, la recourante a précisé avoir indiqué ne pas avoir reçu le questionnaire du 12 avril 2022 sur les circonstances de l'accident pour la première fois au stade de l'opposition et non pas dans sa réplique. Par ailleurs, il n'était pas étonnant que les pièces médicales ne fassent pas état d'un mouvement non-coordonné, dès lors qu'il ne s'agit que d'une considération juridique dont le médecin n'a aucun intérêt à retranscrire ou dont le patient ne fait pas état spontanément. La recourante a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

h. Le 15 août 2023, la chambre de céans a demandé à la recourante de lui communiquer le nom et l'adresse de sa collègue présente lors de l'événement du 25 novembre 2021.

i. Le 17 août 2023, sous la plume de son conseil, la recourante a indiqué qu'elle ignorait le nom de cette collègue. Elle avait cherché à obtenir l'identité de celle-ci et le planning de la journée du 25 novembre 2021 auprès de sa supérieure hiérarchique de ce jour, Madame M______ (ci-après : la responsable hiérarchique), qui avait toutefois refusé d'accéder à sa demande, lui indiquant qu'elle devait s'adresser à son supérieur hiérarchique. Ce dernier a informé la recourante qu'afin de protéger ses employés, les HUG ne pouvait transmettre les informations demandées qu'à la requête d'une autorité judiciaire.

j. Le 29 août 2023, la chambre de céans a demandé aux HUG le nom et l'adresse de la collègue de la recourante présente lors de l'événement du 25 novembre 2021 pour pouvoir l'entendre en qualité de témoin.

k. Le 8 septembre 2023, les HUG ont répondu qu'il n'avait pas été possible d'identifier la personne concernée et ont communiqué la liste des onze personnes employées présentes dans l'unité de soins le 25 novembre 2021.

l. Le 26 septembre 2023, sur question de la chambre de céans, la recourante a indiqué ne pas connaître le nom de la collègue concernée et ne pas être en mesure de l'identifier dans la liste des noms communiquée par les HUG le
8 septembre 2023.

m. Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le
1er novembre 2023, à laquelle l'intimée a été dispensée de comparaître personnellement.

-          Lors de cette audience, la recourante a indiqué que, le jour de l'événement, une collègue lui avait demandé de venir l'aider pour remonter un de ses patients dans son lit. La pratique consistait à ce qu'elles se mettent chacune de part et d'autre du lit du patient et qu'elles le fassent glisser sur le matelas, en se servant du drap sur lequel il était, pour le remonter dans le lit. Elle a précisé qu'il leur arrivait fréquemment de remonter ainsi les patients ou de les réinstaller dans le lit. Elle a décrit les gestes effectués en les termes suivants : « on se positionne au niveau du bassin de part et d'autre du lit. On met le lit totalement à plat pour faciliter. Je ne peux pas affirmer que le patient était à plat à ce moment-là, mais c'est la pratique en général car on baisse la tête de lit, sauf indication médicale stipulant qu'on ne peut pas le faire. On donne la même impulsion en soulevant le drap au niveau du bassin et en l'amenant dans le sens des pieds vers le haut du lit. Je précise que nous ne bougeons pas d'abord les pieds et que nous soulevons le corps à partir du bassin. Je le faisais régulièrement ainsi que ma collègue. On opère un décompte pour avoir un mouvement synchronisé. Ce jour-là, on a compté jusqu'à trois mais on n'a pas fait le mouvement en même temps. J'ai entendu un claquement dans mon épaule droite au moment où j'ai donné de la force. J'ai eu une décharge, une forte douleur. Je l'ai immédiatement dit à ma collègue. Elle a fini d'installer seule le patient. Nous avions réussi à remonter le patient de quelques centimètres comme cela se doit, mais avec un temps de retard de ma collègue. Je suis partie consulter aux urgences ».

La douleur avait été très présente immédiatement et elle n'arrivait pas à tenir son bras. L'événement avait été traumatisant. Elle ne se souvenait pas exactement du déroulement des faits, elle avait des flashs, des ressentis, comme le fait qu'il lui semblait que sa collègue était de couleur. Elle se souvenait en revanche clairement du fait que cette dernière n'avait pas démarré en même temps qu'elle. Quant au patient concerné, il pesait 80 kg et n'était donc pas particulièrement lourd en comparaison avec d'autres patients de plus de 100 kg qui devaient parfois être remontés dans leur lit. Il s'était laissé faire.

Enfin, la recourante a expliqué avoir décrit pour la première fois l'événement à une collègue, puis aux médecins des urgences et à son employeur pour la déclaration d'accident. La description contenue dans cette dernière correspondait à ce qu'elle croyait avoir dit, étant précisé qu'on ne lui avait pas posé de question ni demandé de détails. Elle avait contacté l'intimée à mi-avril et cette dernière lui avait dit qu'elle ne prendrait pas en charge son cas car ce n'était pas un accident. L'assurance lui avait indiqué que son dossier allait être envoyé au médecin-conseil et qu'elle recevrait un formulaire pour décrire l'accident. La recourante n'avait pas reçu ce formulaire, l'avait réclamé et l'avait finalement obtenu après avoir reçu la confirmation par téléphone que l'intimée refusait de prendre le cas en charge au motif qu'une tendinite ne pouvait être associée à un accident. L'intéressée avait contacté un conseil pour contester la décision. Elle n'avait pas complété ledit formulaire sur les recommandations de son conseil.

-          Toujours le 1er novembre 2023, la responsable hiérarchique de la recourante au moment de l'événement du 25 novembre 2021, a été entendue en tant que témoin. Elle a expliqué qu'en général « on remonte un patient dans le lit au minimum à deux, idéalement à trois personnes, avec une personne qui se met au niveau de la tête devant le lit. Cette dernière tire le drap du dessous des épaules vers le bout du lit, soit vers elle. On s'aide du drap. On essaie de se coordonner en équipe. Les deux personnes se mettent de chaque côté au niveau des bras ou des épaules. Il faut s'assurer que le lit est à la bonne hauteur et avoir les genoux fléchis pour ne pas se faire mal. Si c'est un matelas à air, on le met en position dure. Il y a un réel risque de se faire mal lorsqu'on mobilise un patient ». Le témoin a précisé que « si on est à deux, chacun met une main au niveau de l'épaule et l'autre au niveau de la main du patient. Les mains tiennent le drap et ne touchent pas le patient. On déplace le patient en faisant glisser le drap sur le matelas. On compte jusqu'à trois et on agit ensemble, sinon cela ne marche pas. À défaut de coordination, il y a un risque de blessure ». Le témoin a en outre indiqué que, dans le service où a eu lieu l'événement, les patients sont remontés plutôt à deux qu'à trois.

n. À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l’assurance-accidents pour les suites de l’événement du 25 novembre 2021.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort
(art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable; le caractère soudain de l'atteinte; le caractère involontaire de l'atteinte; le facteur extérieur de l'atteinte; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF
129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 3.1).

4.2 L'exigence d'un facteur dommageable extérieur n'est pas remplie lorsque l'assuré fait état de douleurs, apparues pour la première fois, après avoir accompli un geste de la vie courante (en se levant, en s'asseyant, en se couchant, en se déplaçant dans une pièce, etc.), à moins que ce geste n'ait requis une sollicitation du corps, en particulier des membres, plus élevée que la normale du point de vue physiologique et dépasse ce qui est normalement maîtrisé de ce point de vue. La notion de cause extérieure suppose en effet un événement générant un risque de lésion accru. Tel est le cas, notamment, lors d'un changement de position du corps, qui est fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles selon les constations de la médecine des accidents (brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, accomplissement d'un geste violent ou d'un mouvement en étant lourdement chargé, changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l'influence de phénomènes extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral
U 315/03 du 23 novembre 2004).

4.3 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

4.4 Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un mouvement non coordonné. Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). À titre d'exemple, le fait de sauter instinctivement d'une échelle qui menace de tomber pour parer au danger constitue un mouvement non coordonné qui, s'il entraîne une atteinte à la santé (interne) en raison du choc à l'arrivée au sol doit être qualifié de facteur extérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_781/2007 du 20 mars 2008 consid. 3). En revanche, une mouvement d'hyperflexion de la nuque lors d'un freinage d'urgence d'un véhicule sans collision ne constitue pas un facteur extérieur extraordinaire, parce qu'il s'agit d'un déroulement habituel du mouvement corporel dans le domaine concerné (cf. Jean-Maurice FRÉSARD, Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht (SBVR), 3ème éd. 2016, n. 99 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_325/2008 du
17 décembre 2008).

Le point de savoir si le caractère extraordinaire du facteur extérieur est donné dans une situation particulière doit être examiné de manière objective. Les facultés et capacités individuelles de l'individu concerné ne doivent pas être prises en considération ; en particulier, on ne saurait nier le facteur extraordinaire au seul motif que l'intéressé a l'habitude d'exercer l'activité en cause dans le cas particulier ou s'entraîne à éviter une conséquence dommageable pour son intégrité corporelle. Il faut réserver les cas dans lesquels la lésion est la conséquence d'un simple effort consenti dans une activité ordinaire ou habituelle par l'assuré. Le fait, par ailleurs, qu'une lésion se produit fréquemment dans une activité déterminée ne suffit pas pour en nier le caractère extraordinaire (cf. Jean-Maurice FRÉSARD, Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht (SBVR), 3ème éd. 2016, n. 95 et les références citées).

4.4.1 Dans l'arrêt 8C_404/2020, le Tribunal fédéral a admis l’existence d’un accident dans le cas d’un chauffeur poids-lourd qui, occupé à livrer une porte chez un client, et alors qu’il tenait celle-ci avec l’aide du client, a reçu tout le poids de la porte qui s’était décalée sur son bras gauche ; en voulant la stabiliser, le chauffeur poids-lourd s’était blessé à l’épaule gauche. Selon la Haute Cour, on se trouvait en présence d'un mouvement non programmé et non maîtrisé qui avait présenté une certaine intensité permettant de retenir qu'il y avait eu une sollicitation de l'organisme plus élevée que la normale et de conclure à l'existence d'une cause extérieure extraordinaire à l'origine des douleurs de l'épaule annoncées par le recourant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du
11 juin 2021 consid. 5.3).

Dans l'arrêt 8C_791/2018 du 19 août 2019, le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un facteur extraordinaire dans le cas d'un monteur-électricien qui, en voulant extraire un câble électrique d'une prise, avait rencontré une certaine résistance, laquelle avait cédé soudainement, provoquant un mouvement latéral brusque et violent de son bras gauche. On se trouvait ainsi clairement en présence d'un mouvement non maîtrisable d'un point de vue physiologique, soit un empêchement non programmé et lié à l'environnement extérieur (l'effet de résistance) entravant le déroulement naturel du mouvement corporel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_791/2018 du 19 août 2019 consid. 5.2).

Dans le cas d'un assuré qui avait retenu un gaufrier qui avait basculé hors de la table, les bras vers l'avant et le dos penché, et l'avait replacé sur la table, le Tribunal fédéral a confirmé la notion d'accident retenue par les premiers juges au motif que le mouvement corporel de l'intéressé avait été interrompu par un phénomène non programmé, à savoir la chute subite du gaufrier. Cette chute avait provoqué chez l'assuré un mouvement brusque et incontrôlé au niveau du dos. Ce mouvement non coordonné avait présenté une certaine intensité, compte tenu de sa soudaineté, de la position de l'assuré et surtout du poids du gaufrier, ce qui avait résulté en une sollicitation du corps plus importante que la normale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_579/2014 du 28 novembre 2014 consid. 6.3).

Dans le cas d'une aide-soignante qui s'était blessée à l'épaule alors qu'elle remontait un patient dans son lit et que ce dernier s'était complètement laissé aller et s'était agrippé à son épaule alors qu'il lui avait préalablement indiqué qu'il allait lui prêter main forte, le Tribunal cantonal vaudois a admis la survenance d'un facteur extérieur extraordinaire. Le fait d'aider un patient à se repositionner dans son lit relevait certes du travail quotidien d'un(e) aide-soignant(e). Toutefois, en l'occurrence, le patient de l'assurée s'était tout à coup laissé complètement aller, alors même qu'il avait annoncé vouloir l'aider, et l'intéressée s'était soudainement retrouvée à devoir supporter tout le poids de ce patient pour le retenir. Dans ces conditions, l'assurée avait subitement été confrontée à un transfert de charge auquel elle ne pouvait s'attendre dès lors que le patient avait agi en contradiction avec les informations qu'il venait de lui donner. Le patient s'était de surcroît agrippé à son épaule, de sorte que l'intéressée n'avait eu d'autre choix que de fournir un effort violent et improvisé pour résister et éviter de tomber sur ce dernier, ce qui avait eu pour effet d'entrainer un mouvement non coordonné
(arrêt AA 42/11 - 71/2012 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 17 juillet 2012 consid. 3b).

4.4.2 Le Tribunal fédéral a en revanche nié l'existence d'un accident concernant un infirmier qui s'était fait mal au niveau des cervicales en se retournant brusquement pour tenter de retenir une patiente qui s'était levée de sa chaise roulante. Il a considéré que si la condition du facteur extérieur était réalisée au travers du mouvement de torsion brusque effectué par l'infirmier, ce mouvement ne revêtait pas un caractère extraordinaire justifiant d'admettre la survenance d'un accident. Notre Haute Cour a en particulier relevé que la rotation effectuée dans la précipitation pour retenir une patiente n'était pas inhabituelle pour un infirmier et il n'apparaissait pas non plus que le mouvement corporel se fût déroulé de manière non programmée, en tant qu'un fait extérieur particulier serait venu interférer avec celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2009 du 30 avril 2010 consid. 5).

Dans l'arrêt 8C_1019/2009 du 26 mai 2010, le Tribunal fédéral n'a pas non plus retenu la notion d'accident dans le cas d'une aide-soignante qui s'était blessée à l'épaule en rattrapant une caisse de livres qui lui avait glissé des mains au motif que le déroulement naturel du mouvement corporel n'avait pas été modifié par un phénomène non programmé. Rien n'indiquait non plus une sollicitation de l'organisme plus élevée que la normale. Enfin, le facteur extérieur n'était pas suffisamment inhabituel pour supprimer l'influence de l'élément endogène, à savoir une instabilité chronique de l'épaule (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1019/2009 du 26 mai 2010 consid. 5.1.2).

Le Tribunal fédéral a aussi nié la survenance d'un accident, en l'absence d'un facteur extérieur de caractère extraordinaire, dans un arrêt concernant une aide-soignante qui avait retenu un patient ayant perdu l'équilibre pour l'empêcher de chuter, ce qui avait provoqué le craquement de son épaule. Même en retenant les explications complémentaires de l'assurée, à savoir que son bras se trouvait en porte-à-faux et qu'elle avait eu un mouvement réflexe, le Tribunal fédéral a retenu que le déroulement de l'événement ainsi décrit ne permettait pas de conclure à l'existence d'une cause extérieure générant un risque de lésion accru. Même en admettant que l'activité de déplacer un patient d'un fauteuil vers un lit – ou inversement – constituait une suite d'activités complexes, celle-ci n'avait pas été influencée par la survenance d'une circonstance rendant incontrôlable un geste qu'une aide-soignante était fréquemment appelée à accomplir dans le cadre de son activité. Dans le cas particulier, il était constant que ce geste n'avait pas été effectué dans une position instable susceptible d'entraîner un mouvement violent non maîtrisé et il n'était pas non plus question d'un changement de position du corps brusque ou incontrôlé, apte à provoquer une lésion corporelle selon les constatations de la médecine des assurances (arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2020 du 8 juin 2021 consid. 4.3).

Dans un arrêt du 22 mai 2006, le Tribunal fédéral des assurances a nié l'existence d'un accident. Il s'agissait d'une assistante médicale de 52 ans qui avait ressenti une douleur intense à l'épaule en retenant un patient qui s'affaissait. Les médecins avaient diagnostiqué l'existence d'une tendinite et d'une bursite dans le cadre d'un conflit sous-acromial. Le mouvement consistant à tendre rapidement les bras vers l'avant (pour retenir un patient) faisait partie des gestes de la vie courante et correspondait à une utilisation certes intense, mais normale de l'organisme, qui n'était guère susceptible de générer un risque de lésion accru, faute de mouvement non programmé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U220/05 du
22 mai 2006).

5.              

5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.2 Celui qui réclame des prestations de l'assurance-accidents doit rendre plausible que les éléments d'un accident sont réunis. S'il ne satisfait pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblable l'existence d'un accident, l'assurance n'est pas tenue de prendre en charge le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_832/2017 du
13 février 2018 consid. 3.2). S'il y a litige, il appartient au juge de dire si les diverses conditions de l'accident sont réalisées. Lorsque l'instruction ne permet pas de tenir un accident pour établi ou du moins pour vraisemblable, il constatera l'absence de preuves ou d'indices pertinents et, par conséquent, l'inexistence juridique d'un accident (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 316/00 du
22 mars 2001 consid. 2a).

5.3 Les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient en contradiction avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 4.3 ; 8C_26/2019 du
11 septembre 2019 consid. 3.2).

6.              

6.1 En l’espèce, l'intimée met en doute les déclarations de la recourante faisant valoir que, jusqu'à l'opposition du 28 septembre 2022, cette dernière n'avait jamais allégué la présence d'un tiers lors de l'événement, de pratique professionnelle et le fait qu'au moment de soulever le drap du patient, sa collègue n'avait pas réagi, de sorte que l'intéressée aurait donc supporté seule le poids du patient en soulevant le drap, ce qui constituerait un défaut de coordination devant être qualifié de mouvement non coordonné (cf. mémoire de duplique, p. 5).

La chambre de céans examinera donc en premier lieu les circonstances de l'événement du 25 novembre 2021.

Il ressort de la déclaration d'accident établie le 17 décembre 2021 par l'employeur qu'« en aidant une collègue à remonter un patient dans son lit avec l'aide d'un drap [la recourante] a ressenti une forte douleur dans l'épaule » (cf. pièce 6 – Intimée). Cette même formulation a ensuite été reprise par l'intimée dans les formulaires adressés à son médecin-conseil le 12 avril 2022 et le 1er juin 2022 (cf. pièces 25 et 34 - Intimée), ainsi que dans sa décision du 26 avril 2022 (cf. pièce 29 – Intimée). Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimée, la présence d'un tiers lors de l'événement lui était déjà connue avant de prendre connaissance de l'acte d'opposition du 28 septembre 2022. Son argumentation sur ce point tombe donc à faux.

Quant aux rapports médicaux figurant au dossier, ils font état d'une « douleur épaule droite post effort sans déformation ni tuméfaction » (cf. rapport de la Dre N______ du 26 novembre 2021, pièce 2 – Intimée), d'une « douleur après faux mouvement » (cf. rapport du Dr C______ du 1er décembre 2021, pièce 4 – Intimée), de « douleurs d'épaule droite depuis le 25 novembre 2021 après avoir transféré un patient dans un lit au travail » (cf. rapport du Dr G______ du 17 février 2022, pièce 12 – Intimée), d'une description en les termes « alors qu'elle est au travail, en remontant un patient dans le lit, la patiente ressent de manière aiguë une douleur vive au niveau de l'épaule et décrit un clic au niveau de son épaule D. » (cf. rapport du Dr J______ du 25 avril 2022, pièce 28 – Intimée) et « […] en soulevant un patient elle a ressenti un craquement douloureux dans son épaule avec depuis des douleurs importantes antérieures qui persistent […] » (cf. rapport du Dr L______ du 25 mai 2022, pièce 32 – Intimée). Par la suite, dans son opposition du 28 septembre 2022, la recourante a indiqué qu'en sa qualité d'infirmière, il lui incombait notamment de « remonter » régulièrement les patients vers la tête de leur lit. Pour ce faire, la pratique professionnelle consistait à ce que deux infirmières, face à face, en soulevant le drap de manière simultanée, remontent le patient vers la tête du lit. Les deux infirmières procèdent donc à un décompte pour coordonner l'impulsion afin que la charge se répartisse entre elles. La pratique professionnelle ainsi décrite par la recourante a ensuite été confirmée par sa responsable hiérarchique lors de son audition en qualité de témoin. Dans son opposition, puis lors de cette audience, la recourante a en outre expliqué qu'au moment de soulever le drap du patient pour le remonter dans son lit, sa collègue n'avait pas réagi à la fin du décompte, de sorte que qu'elle avait dû supporter seule le poids du patient en soulevant le drap. En raison de ce défaut de coordination, la recourante avait effectué un mouvement non coordonné et ressenti une forte douleur à l'épaule droite qui avait craqué (cf. opposition du 28 septembre 2022,
p. 2 et procès-verbal de l'audience du 1er novembre 2023). Il est ainsi constaté que les explications quant au déroulement de l'événement données par la recourante dans son opposition et lors de l'audience ne sont pas en contradiction avec les descriptions figurant dans le formulaire de déclaration d'accident. On ne voit pas non plus d'incohérence avec les circonstances décrites dans les rapports médicaux susmentionnés. Au contraire, elles s'inscrivent manifestement dans la continuité des déclarations initialement faites par la recourante et viennent préciser les circonstances de l'événement, de sorte qu'elles ne constituent pas de nouvelles allégations. Il sera au demeurant relevé qu'il n'est pas évident pour une personne non juriste qu'un mouvement corporel puisse dans certaines circonstances remplir les conditions légales d'un accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du
11 juin 2021 consid. 5.2), de sorte qu'il est compréhensible qu'un assuré et des médecins amenés à se prononcer sur les circonstances médicales ne décrivent pas le déroulement d'un événement de manière à expliciter les conditions légales d'un accident.

S'agissant du formulaire daté du 12 avril 2022 et figurant au dossier de l'intimée, la recourante a expliqué lors de l'audience qu'elle l'avait reçu après que l'intimée l'avait informée par téléphone de son refus de prendre en charge son cas. Dans ces circonstances, il ne saurait lui être reproché de ne pas l'avoir complété, dès lors que son exposé des faits et des détails du déroulement de l'événement du
25 novembre 2021 pouvaient, à ce stade, légitimement être réservés au mémoire d'opposition. Il ne ressort d'ailleurs pas du dossier que l'intimée ait interrogé la recourante sur les circonstances précises de l'événement avant de lui communiquer sa décision de refus de prise en charge, de sorte que l'intimée a vraisemblablement pris sa décision sans chercher à connaître le déroulement exact des faits.

Au vu des éléments qui précèdent, il sera retenu que les déclarations de la recourante sont concordantes et crédibles, étant rappelé que les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Dès lors, la chambre de céans tiendra pour établi que, le
25 novembre 2021, en aidant sa collègue à repositionner un patient dans son lit à l'aide du drap sur lequel celui-ci était couché, la recourante s'est blessée à l'épaule droite car cette collègue n'a pas soulevé le drap en même temps qu'elle.

6.2 Les circonstances de l'événement du 25 novembre 2021 étant établies, il s'agit de déterminer si celles-ci répondent à la notion d'accident au sens de
l'art. 4 LPGA, ce qui suppose la réalisation de cinq conditions devant être cumulativement réalisées (cf. considérant 4.1 ci-dessus). En l'occurrence, est litigieuse la question de l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire.

Pour rappel, lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur, à savoir la modification entre le corps et l'environnement extérieur, constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement.

En l'espèce, il ressort des explications données lors de l'audience du
1er novembre 2023 par la recourante et le témoin, que l'action de « remonter » un patient dans son lit se fait de la manière suivante : « on se met chacune de part et d'autre du lit du patient et on le fait glisser sur le matelas, en se servant du drap sur lequel il est, pour le remonter dans le lit […] on se positionne au niveau du bassin du patient de part et d'autre du lit […] on met le lit totalement à plat pour faciliter […] on donne la même impulsion en soulevant le drap au niveau du bassin et en l'amenant dans le sens des pieds vers le haut du lit […] » (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 1er novembre 2023, pp. 1-2). De même, le témoin a exposé à la chambre de céans que « les deux personnes se mettent de chaque côté au niveau des bras ou des épaules. Il faut s'assurer que le lit est à la bonne hauteur et avoir les genoux fléchis pour ne pas se faire mal. Si c'est un matelas à air, on le met en position dure […] chacun met une main au niveau de l'épaule et l'autre au niveau de la main du patient. Les mains tiennent le drap et ne touchent pas le patient. On déplace le patient en faisant glisser le drap sur le matelas […] il est exact que la main du bas est à peu près au niveau de la hanche du patient et l'autre main au niveau de l'épaule » (cf. procès-verbal d'enquêtes du 1er novembre 2023, p. 2). On comprend ainsi que le patient est en position couchée et que les deux personnes font glisser latéralement le drap sur lequel celui-ci est couché, en l'amenant dans le sens des pieds vers le haut du lit, la main du bas tenant le drap au niveau des hanches et la main du haut tenant le drap au niveau de l'épaule. Il apparaît ainsi que ce n'est pas un soulèvement, mais un mouvement latéral du haut du corps et des bras qui est effectué pour repositionner le patient dans son lit.

Par ailleurs, la recourante a indiqué qu'elle et sa collègue effectuaient régulièrement ce mouvement, de sorte qu'il est admis que le fait de repositionner un patient dans son lit fait partie des tâches habituelles d'une infirmière. La recourante et sa responsable hiérarchique ont d'ailleurs décrit la pratique professionnelle pour « remonter » un patient dans son lit, à savoir qu'il faut être au minimum deux, qu'il faut se coordonner et qu'« on compte jusqu'à trois et on agit ensemble, sinon cela ne marche pas ». Lors de son audition, le témoin a par ailleurs relevé qu'il existe un réel risque de se faire mal lors de la mobilisation d'un patient et qu'à défaut de coordination, il y avait un risque de blessure
(cf. procès-verbal d'enquêtes du 1er novembre 2023, p. 2).

Or, le 25 novembre 2021, contrairement à la pratique habituelle rappelée
ci-dessus, la recourante et sa collègue se sont certes positionnées de part et d'autre du lit du patient, ont compté jusqu'à trois en vue d'effectuer le mouvement de manière coordonnée, mais n'ont toutefois pas effectué ledit mouvement en même temps dès lors que la collègue l'a exécuté avec un temps de retard. La recourante a donc effectué seule, contrairement à son habitude et à la pratique en vigueur dans la profession, le mouvement consistant à faire glisser à l'aide du drap le patient du bas du lit vers le haut du lit. C'est donc de manière subite et sans qu'elle ne s'y attende, dès lors qu'elles avaient toutes deux compté jusqu'à trois pour effectuer le mouvement en même temps, que la recourante a dû forcer brusquement son geste pour parvenir à repositionner le patient. L'inertie de la collègue de la recourante a ainsi modifié de manière anormale le déroulement naturel du mouvement qui devait être exécuté par la recourante avec l'aide de cette dernière, ce qui a eu pour effet d'entraîner un mouvement non coordonné. Ce mouvement non coordonné a par ailleurs présenté une certaine intensité, compte tenu de sa soudaineté, étant rappelé qu'aux dires du témoin, un défaut de coordination entre les deux personnes est susceptible de générer un risque de blessure.

6.3 Il doit donc être constaté que le cas d'espèce diffère des exemples jurisprudentiels cités par l'intimée. En effet, il ne saurait être tenu compte du cas de l'infirmier qui avait effectué une rotation dans la précipitation pour retenir une patiente, dès lors que, selon le Tribunal fédéral, aucun fait extérieur particulier n'était venu interférer avec le mouvement corporel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2009 du 30 avril 2010 consid. 5). Il en va de même concernant le cas d'une aide-soignante qui s'était blessée à l'épaule en rattrapant une caisse de livres qui lui avait glissé des mains, dès lors que, selon le Tribunal fédéral, le déroulement naturel du mouvement corporel n'avait pas été modifié par un phénomène non programmé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1019/2009 du
26 mai 2010 consid. 5.1.2).

Le présent cas n'est pas non plus comparable aux arrêts cantonaux cités par l'intimée qui concernent des cas de lésions dues à l'effort. Ainsi, dans l'arrêt
ATA Genève D. du 19 décembre 1995 concernant un chauffeur-livreur qui avait retenu avec le bras une caisse de courrier de 40 kg, le Tribunal a retenu que le fait de déplacer un objet n'a pas un caractère exceptionnel à moins que cet effort ne soit manifestement excessif compte tenu de la constitution physique et des habitudes professionnelles de l'intéressé. Dans l'ATA/327/1999 du 31 mai 1999 concernant un infirmier ayant dû retenir une patiente de 60 kg qui s'évanouissait, le Tribunal a retenu qu'il n'était pas victime d'un accident au motif qu'il était en bonne forme et qu'un tel poids n'excédait pas les charges habituellement soulevées par l'intéressé. Enfin, l'ATA/845/2003 du 18 novembre 2003, cité par l'intimée et ayant pour objet le cas d'une aide-soignante qui avait souffert de dorsalgie après avoir déplacé une patiente d'un lit à une chaise, a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral U 9/04 du 15 octobre 2004, à teneur duquel notre Haute Cour a admis le caractère accidentel de l'événement au motif que les circonstances excédaient le cadre habituel de l'activité de la recourante, justifiaient d'admettre la survenance d'un facteur extérieur extraordinaire et, partant, d'un événement accidentel (arrêt du Tribunal fédéral U 9/04 du 14 octobre 2004 consid. 5).

La jurisprudence susmentionnée n'est donc pas transposable au cas d'espèce dès lors qu'elle porte sur des cas concernant des lésions dues à l'effort. Or, comme il a été démontré ci-dessus (cf. considérant 6.2), le cas d'espèce entre dans la catégorie des mouvements du corps.

6.4 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans retiendra que l'absence de réaction de la collègue de la recourante au moment convenu pour repositionner le patient dans son lit constitue un facteur extérieur extraordinaire au sens de
l'art. 4 LPGA, de sorte que le caractère accidentel de l'événement du
25 novembre 2021 doit être reconnu.

7.             Le caractère accidentel de l'événement du 25 novembre 2021 étant reconnu, l'examen du lien de causalité naturelle et adéquate entre cet accident et l'atteinte à la santé de la recourante devra encore être examiné par l'intimée.

À ce propos, la chambre de céans observe qu'à teneur de la décision litigieuse, l'intimée semble contester le lien de causalité en se fondant sur l'appréciation de son médecin-conseil, le Dr I______, qui retient le diagnostic de « tendinopathie du supra et de l'infra-épineux, bursite sous-acromio-deltoïdienne et de fissuration du labrum de l'épaule D. » de nature maladive. En revanche, dans son mémoire de recours, la recourante fait valoir l'existence du lien de causalité en se référant au rapport du 25 mai 2022 établi par son médecin traitant, le Dr L______.

7.1 La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2).

Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans les assurances sociales (ATF 142 V 435 consid. 1).

7.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si l'on peut admettre qu'un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2008 du 2 février 2009 consid. 2.3). Aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_781/2017 du 21 septembre 2018 consid. 5.1 et 8C_714/2013 du 23 juillet 2014 consid. 3.2).

Notre Haute Cour a retenu que le statu quo sine ne peut être atteint avant une intervention chirurgicale visant à traiter une lésion préexistante à l’accident, lorsque les troubles ayant nécessité cette opération ont été déclenchés par l’accident (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 532/06 du 13 mars 2007 consid. 4.2.3).

Déterminer l'avènement du statu quo sine d'une manière abstraite et théorique en se référant au délai de guérison habituel d’une lésion ne suffit selon la jurisprudence pas à établir au degré de la vraisemblance prépondérante l'extinction du lien de causalité, à défaut d'autres éléments objectifs dans le dossier médical (arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 et 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).

7.3 Il ne suffit pas que l'existence d'un rapport de cause à effet soit simplement possible. Elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l'accident doit être nié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_383/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.1). L'examen de l'existence de la causalité naturelle revient à se demander si l'accident a causé une aggravation durable de l'état maladif antérieur ou une nouvelle atteinte durable dans le sens d'un résultat pathologique sur la partie du corps déjà lésée. Le point de savoir si l'atteinte est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus doit être tranché en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2017 du 26 novembre 2017 consid. 3.2). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_383/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.2). En revanche, le statu quo ante ne peut être exclu sans autre motivation uniquement en raison du fait que la personne assurée ne subissait aucune limitation ni douleur avant l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_861/2018 du 14 juin 2019 consid. 5.2.1). En effet, le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_117/2020 du
4 décembre 2020 consid. 3.1 et les références).

8.              

8.1 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins des assureurs aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions soient sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permette de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 216/04 du 21 juillet 2005 consid. 5.2).

8.2 L'art. 43 LPGA consacre la maxime inquisitoire et impose à l’assureur de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires. L’obligation d’instruire d’office les aspects médicaux est violée notamment lorsqu’aucune expertise n’a été réalisée ou lorsque l’expertise est lacunaire (Cristina SCHIAVI in Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 3
ad art. 43 LPGA). Par analogie, on peut douter que l’assureur qui se fonde sur un avis émis sur un formulaire dénué de toute explication ait correctement instruit l’aspect médical sous-tendant le droit aux prestations (ATAS/645/2022 du
11 juillet 2022 consid. 9.1).

8.3 Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). La jurisprudence a posé le principe que le seul fait que les médecins de l'assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l'existence d'une prévention et d'un manque d'objectivité. Si un cas est jugé sans rapport d'un médecin externe à l'assurance, l'appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L'existence d'un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements. Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l'assurance sont à prendre en considération tant qu'il n'existe aucun doute, même minime, sur l'exactitude de leurs conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 8C_429/2014 du 23 mars 2015
consid. 4.2 et les références). Il convient d'ordonner une expertise par un médecin externe à l'assurance si des doutes, mêmes faibles, subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées à l'interne (ATF 135 V 465 consid. 4). Cette expertise doit être réalisée par un médecin indépendant et mise en œuvre conformément à la procédure prévue à l’art. 44 LPGA (Jacques Olivier PIGUET in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 32 ad art. 43 LPGA).

9.              

9.1 En l'occurrence, il ressort des pièces soumises à la chambre de céans que l'appréciation du médecin-conseil de l'assurance, contenue dans un formulaire du 12 avril 2022, se limite à la mention du diagnostic de « tendinopathie du supra et de l'infra-épineux, bursite sous-acromio-deltoïdienne et de fissuration du labrum de l'épaule D. » et à une réponse par la négative à la question de savoir si la lésion de la recourante constituait une lésion corporelle assimilée à un accident selon l'art. 6 al. 2 LAA (cf. pièce 25 – Intimée). Par ailleurs, lorsque le médecin-conseil de l'intimée s'est prononcé sur le rapport du Dr L______ du 25 mai 2022, il a expliqué que ce rapport ne modifiait pas ses conclusions « dans la mesure où l'administration de [l'intimée] a nié la notion d'accident et qu'une tendinopathie du supra et de l'infra-épineux, une bursite sous-acromio-deltoïdienne et une fissuration du labrum de l'épaule ne sont pas des lésions corporelles selon l'article 6 alinéa 2 LAA » (cf. rapport du Dr I______ du 2 juin 2022, pièce 34 – Intimée). Le Dr I______ a ainsi fait référence à la position de l'assurance, qui constitue une appréciation juridique, pour motiver une appréciation d'ordre médical. Il est donc permis de douter de l'objectivité de l'appréciation faite par le Dr I______ et exclusivement contenue dans deux formulaires établis par l'assurance, sans aucune motivation. Il ne ressort pas non plus du dossier que l'intimée aurait demandé à son médecin-conseil d'étayer ses conclusions.

9.2 Quant aux rapports des médecins traitants de la recourante, en particulier le rapport du Dr J______ du 25 avril 2022 (cf. pièce 28 – Intimée) et ceux du Dr L______ du 25 mai 2022 et du 12 octobre 2022 (cf. pièces 32 et
43 – Intimée), leur teneur permet également de faire douter de leur force probante. En effet, le Dr J______ a certes indiqué que « les symptômes ont débuté de manière aiguë suite à un mouvement inhabituel au travail en remontant un patient dans son lit », mais il ne s'est toutefois pas prononcé sur la question du lien de causalité. Quant au Dr L______, il a écrit que « le lien de causalité entre l'accident déclaré tout de suite, le bilan lésionnel et la clinique me paraissent tout à fait plausible ». Or, les termes « tout à fait plausible » ainsi utilisés sont sujets à interprétation, de sorte qu'il apparaît douteux qu'un lien de causalité puisse être valablement démontré sur cette base. Il en va de même de la formulation ressortant de son second rapport, à savoir qu'au vu de l'apparition des symptômes suite au traumatisme décrit, la lésion labrale constatée à l'IRM et confirmée à l'arthroscopie, et au vu de la résolution rapide des symptômes après l'opération,
« le lien de causalité accidentelle parait évident ».

9.3 Au vu de l'ensemble de ces éléments, la chambre de céans doute de la valeur probante qui semble pouvoir être accordée aux rapports du médecin-conseil de l'intimée et à ceux des médecins traitants de la recourante. Il apparaît donc qu'une instruction complémentaire, en vue de l'examen de la question du lien de causalité, serait souhaitable.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis.

11.         Étant donné que la recourante obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA).

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition de l'intimée du 6 décembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l'intimée à verser à la recourante une indemnité de dépens de
CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le