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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2540/2022

ATAS/878/2023 du 09.11.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2540/2022 ATAS/878/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2023

3ème Chambre

 

En la cause

A______
représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après l'assurée), née en 1972, originaire du Portugal, arrivée en Suisse en juin 1993, a travaillé comme employée dans l'agriculture, puis a exercé les professions de femme de chambre à 100% de 1996 à 1997, d'aide boulangère à 100% de 2000 à 2004, puis d'employée polyvalente dans la restauration (caisse, service, nettoyage et buffet) à 80%, de juin 2008 à février 2009.

b. Le 10 septembre 2009, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après OAI) en invoquant une dépression.

c. Par décision du 26 août 2011, l'OAI l'a reconnue totalement inapte à exercer son activité habituelle à 80% et lui a octroyé une rente entière à compter d'avril 2010. Le service médical régional (ci-après : SMR) notait alors l'existence d'un épisode dépressif sévère avec tentative de suicide.

B. a. Une révision du dossier a été initiée en avril 2012. Le psychiatre traitant ayant fait état d'une péjoration de l'état de sa patiente, la rente, par décision du 24 avril 2013, a été reconduite sans modification (cf. décision du 24 avril 2013).

b. Une nouvelle révision du dossier a débuté en juin 2016, qui s'est clôturée, le 10 novembre 2016, par la décision de reconduire la rente sans modification.

La docteure B______, médecin traitant, avait conclu à un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et à un trouble de la personnalité borderline. Les symptômes suivants étaient rapportés : anxiété, instabilité d'humeur, fatigue et troubles de la concentration.

Le centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci‑après : CAPPI) de la Jonction avait retenu, lui, les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et de trouble de la personnalité sans précision, depuis le début de l'âge adulte. Le tableau clinique était stationnaire, avec tristesse, anxiété importante, ruminations anxieuses, vulnérabilité psychique au stress associée à une labilité affective et émotionnelle rendant difficile toute adaptation aux éventuels changements dans la vie. Étaient également relevées une aboulie, une fatigue et des difficultés de concentration, de mémorisation et de prise de décision. Le tableau clinique comportait aussi une tendance à la baisse de l'élan vital, de l'estime de soi, de la capacité à ressentir du plaisir et des idées de mort fluctuantes passives. S'y ajoutaient un seuil bas de tolérance à la frustration et une labilité affective et émotionnelle dans le cadre du trouble de la personnalité. Le CAPPI concluait à une totale incapacité de travail.

C. a. Une nouvelle procédure de révision a débuté en janvier 2020.

Ont alors été recueillis, notamment, les éléments suivants :

-          Dans un rapport du 1er avril 2020, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a conclu à une totale incapacité à exercer l’activité habituelle. Les diagnostics étaient les suivants : trouble dépressif récurrent, trouble de la personnalité borderline, status post‑remplacement de l’aorte ascendante proximale et plastie valvulaire pour anévrisme fin janvier 2020, discopathies protrusives L4-L5 et L5‑S1, trouble ventilatoire obstructif de degré léger depuis janvier 2020.

-          Dans un rapport du 12 mai 2020, la docteure D______, du CAPPI de la Jonction, a indiqué que sa patiente, depuis son opération cardiaque, se sentait mieux au niveau de l’humeur et ne rapportait pas de symptôme dépressif. Était retenu le diagnostic de trouble dépressif majeur, épisode récurrent en rémission partielle. Selon le médecin, l’opération de chirurgie cardiaque avait en revanche entraîné des limitations sur le plan physique, auxquelles il convenait de se référer à l'avis du cardiologue.

-          Dans un rapport du 12 août 2020, le docteur E______, du service de chirurgie cardio-vasculaire des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a confirmé le status post-remplacement de l’aorte ascendante et hémi-arche et plastie de la valve aortique, le 31 janvier 2020. Le médecin a précisé que, deux mois après l’opération, les patients pouvaient normalement continuer leur vie normalement. Il n’y avait aucune répercussion dans les domaines courants de la vie. Du point de vue strictement cardio-vasculaire, l’assurée était apte à reprendre une activité professionnelle à 100% et ce, deux mois après la chirurgie.

-          Le 9 mars 2021, le SMR a considéré qu’il n’y avait aucune raison de s’écarter des conclusions des médecins traitants et qu’il fallait donc admettre une capacité de travail de 50% dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles, vu l’amélioration des atteintes psychiques et le fait que la chirurgie cardiaque n’avait entraîné aucune incapacité de travail au-delà de deux mois. Les atteintes du rachis lombaire ne justifiaient que des limitations fonctionnelles d’épargne du dos. L’amélioration datait de novembre 2019, date à compter de laquelle la capacité de travail avait été de 50%, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Il y avait eu incapacité totale de travail du 31 janvier 2020 (date de l’intervention cardio‑vasculaire) jusqu’au 31 mars 2020, date au-delà de laquelle la capacité de travail était revenue à 50%. Les limitations fonctionnelles consistaient, sur le plan psychique, en une diminution de la résistance au stress et en des troubles mnésiques modérés, et, s’agissant du dos, à l’obligation d’éviter le port de charges de plus de 5 kg, les positions penchée en avant ou en porte-à-faux, la station debout, la marche prolongée et dans la nécessité de pouvoir alterner les positions assise et debout.

-          Dans un questionnaire concernant son statut, l’assurée a indiqué avoir divorcé en 2016 et vivre avec son fils âgé de 15 ans. Elle n’a en revanche pas répondu à la question de savoir à quel taux elle aurait travaillé si son état de santé le lui avait permis.

-          Dans une note de travail du 18 mai 2021, l'OAI a considéré qu'il y avait lieu de confirmer le statut mixte de personne active à 80% retenu lors de l’octroi de la rente, en 2011. En effet, bien que l’assurée soit divorcée, elle bénéficiait d’une pension alimentaire et son loyer était modéré. D'ailleurs, elle n'avait contracté aucune dette. Constatant par ailleurs que les limitations fonctionnelles étaient peu importantes et que l’assurée vivait avec son fils âgé de 15 ans – dont il était exigible qu'il participât aux tâches domestiques –, l'OAI a estimé qu'il n’y avait pas lieu de retenir d’empêchement dans la sphère ménagère. Le degré d’invalidité était évalué à 46% après comparaison du revenu avant invalidité, soit CHF 55'223.- (Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018, TA1_tirage_skill_level, niveau 1 = 4'371.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 4'557.- CHF/mois pour 41,7 h./sem. = CHF 54'681.- en 2018 = CHF 55'222.- en 2020), au revenu après invalidité, de CHF 23'469.- (ESS 2018, TA1_tirage_skill_level, niveau 1 = 4'371.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 4'557.- CHF/mois pour 41,7 h./sem. = CHF 54'681.- en 2018 = CHF 55'222.- en 2020 = CHF 23'469.- à 50% et après déduction supplémentaire de 15% pour tenir compte des limitations fonctionnelles).

b. En cours de procédure de révision, le 17 avril 2020, l’OAI a rendu une décision fixant les montants de la rente d’invalidité entière allouée à l’assurée et de la rente complémentaire pour enfant. Cette décision – qui intervenait suite au changement d'état civil de l'assurée, changement impliquant un recalcul de rente – indiquait expressément remplacer une décision antérieure du 26 août 2011.

c. Le 20 mai 2021, à l'issue de la procédure de révision initiée début 2020, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de remplacer sa rente entière par un quart de rente correspondant à un degré d’invalidité de 46%.

d. Le 31 mai 2021, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne et cardiologie, a adressé à l’OAI un courrier pour lui rappeler que sa patiente souffrait de multiples problèmes médicaux, en particulier un état anxio-dépressif réactionnel, que sur le plan cardiologique, elle avait subi une intervention de remplacement de la valve aortique, qu’elle avait également subi une hystérectomie totale en 2019, des césariennes en 1990 et en 2005 et qu'elle avait aussi souffert d'une thrombose veineuse profonde post-fracture du pied droit. Elle se plaignait également de troubles abdominaux en cours d’investigation et se déclarait incapable de tout travail.

e. Par courrier du 8 juin 2021, l’assurée a contesté le projet de décision de l’OAI en alléguant être dans l’impossibilité de travailler, que ce soit d’un point de vue physique ou psychologique.

f. Le 16 juin 2021, le docteur G______, médecin interne au CAPPI (ayant succédé à la Dre D______ en mai 2021), a indiqué que, sur le plan psychiatrique, la symptomatologie correspondait à celle d’un trouble dépressif récurrent épisode moyen avec syndrome somatique. La thymie était abaissée, avec anhédonie et aboulie fluctuantes, idées noires épisodiques, troubles de la mémoire et de la concentration, troubles du sommeil, asthénie. Il y avait également une importante manifestation anxieuse récurrente (inquiétudes et ruminations). La patiente continuait un traitement psychothérapeutique avec entretien médical une fois par mois et médication, ainsi que des activités de groupe au sein du CAPPI. La symptomatologie anxio-dépressive semblait durable et entravait toute activité professionnelle. Le pronostic était réservé.

g. Le SMR a considéré pour sa part que l'assurée présentait un état de santé compatible avec une capacité de travail de 50% (épisode dépressif moyen).

h. Par décision du 20 juillet 2021, annulant et remplaçant celle du 17 avril 2020, l'OAI a modifié le montant alloué à la recourante en tenant compte d'une part, des bonifications pour tâches éducatives dans la détermination du revenu annuel moyen et, d’autre part, du nouveau degré d’invalidité, réduit à 46%, ramenant la rente entière à un quart de rente dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision, étant précisé qu’un recours contre celle-ci n’aurait pas d’effet suspensif.

D. a. Le 14 septembre 2021, l'assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à la mise sur pied d’une expertise psychiatrique et d’une enquête ménagère.

b. Le 14 octobre 2021, le SMR a considéré, au vu des éléments amenés dans le cadre du recours, qu'il était souhaitable de poursuivre l’instruction sur le plan somatique en interrogeant la Dre C______, médecin traitant, et en obtenant un rapport complet du Dr G______.

c. L’OAI ayant suggéré que la cause lui soit renvoyée pour instruction complémentaire, la Cour de céans, par arrêt du 28 octobre 2021 (ATAS/1118/2021), a admis partiellement le recours, annulé la décision du 20 juillet 2021 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

E. a. L'instruction complémentaire de l'OAI a consisté à interroger la Dre C______.

b. Cette dernière a répondu qu'elle suivait la patiente depuis janvier 2019. Celle-ci avait subi une hystérectomie en 2019, une opération de chirurgie cardiaque en 2020, avait souffert de troubles digestifs dans les suites opératoires ; les investigations avaient mis en évidence, en 2021, un diverticule duodénal ne nécessitant finalement pas de chirurgie. Elle se plaignait également de lombosciatalgies occasionnelles et d’un asthme bronchique.

D’un point de vue somatique, la patiente était limitée dans sa mobilité et dans le port de charges. Ses troubles digestifs s’étaient améliorés progressivement.

Sur le plan psychiatrique, il convenait de se référer à l’avis du psychiatre traitant. La Dre C______ disait toutefois avoir constaté que le moral de sa patiente s’était péjoré depuis la fin de l’été. Elle ne se prononçait pas sur la capacité de travail, se contentant d'émettre l'opinion qu'à son avis, sa patiente ne pouvait exercer plus d’une heure une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles lui semblaient découler des atteintes psychiques. Sa patiente lui décrivait d’importants troubles de la concentration et une importante fatigabilité. Elle ne pouvait ni porter de charges, ni mobiliser sa paroi thoracique. Dans la sphère ménagère, elle profitait d'une aide à domicile, car elle ne pouvait assumer de tâches ménagères plus de trente minutes sans être épuisée. Elle faisait ses courses souvent accompagnée et sortait son chien tous les jours.

c. En cours d'instruction, le 15 février 2022, une décision a été rendue, « annulant et remplaçant celle du 20 juillet 2021 » (sic). Il a été noté qu’un nouveau degré d’invalidité avait été déterminé suite à l’arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021 (100%) et que des bonifications pour tâches éducatives avaient été prises en compte pour la détermination du revenu annuel moyen.

d. L'instruction consécutive à l'arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021 s'est parallèlement poursuivie, avec l'interrogatoire de la docteure H______, (ayant succédé au Dr G______ en novembre 2021 au CAPPI de la Jonction), qui, dans un rapport du 14 mars 2022, a conclu à un trouble dépressif récurrent et à un trouble de la personnalité sans précision.

e. Le 28 mars 2022, le SMR a considéré que son avis du 9 mars 2021 restait valable (capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle en raison des atteintes somatiques, mais de 50% dans une activité adaptée, dès le 1er avril 2020).

f. Le 7 avril 2022, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait, suite à l’instruction complémentaire menée, de lui reconnaître le droit à un quart de rente justifié par un degré d’invalidité de 46%.

g. Par décision du 24 juin 2022, remplaçant celle du 15 février 2022, l'OAI a remplacé la rente entière allouée jusqu’alors à l’assurée par un quart de rente, justifié par un degré d’invalidité de 46%, en précisant que la réduction serait effective dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision et qu’un recours contre celle-ci n’aurait pas d’effet suspensif.

L'OAI, s'il a admis la totale incapacité de l'assurée à exercer son activité habituelle d’employée polyvalente, a considéré qu'elle avait recouvré une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis avril 2020 et que, « dans cette situation particulière », il n’y avait pas lieu de retenir d’empêchement dans la sphère ménagère.

F. a. Par écriture du 11 août 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant, préalablement, à ce que l’effet suspensif soit restitué à son recours, à ce que soit mise sur pied une expertise psychiatrique et, principalement, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, avec suite de frais et dépens.

La recourante s'étonne tout d'abord que, par décision du 15 février 2022, l’OAI lui ait reconnu le droit à une rente entière, avant de revenir sur sa position et de la réduire à un quart de rente, alors même que, selon elle, sa situation est demeurée inchangée, ce qu'une expertise psychiatrique permettrait de confirmer. Elle s'insurge que l'OAI ait conclu à une invalidité de 46% sur la seule base du certificat de la Dre D______ du 12 mai 2020. Elle lui reproche aussi de ne pas avoir pris en considération l’avis du Dr I______, qui considérait, lui, que les atteintes psychiques dont elle souffre entravaient toute activité professionnelle.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 25 août 2022, a conclu au rejet du recours et de la demande de restitution de l’effet suspensif.

L’intimé fait valoir que la décision litigieuse se fonde principalement sur les constatations cliniques des médecins de l’assurée.

c. Par arrêt incident du 13 septembre 2022 (ATAS/795/2022), la Cour de céans a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif.

d. Par écriture du 17 octobre 2022, la recourante conteste toute amélioration de son état de santé.

Elle reproche à l’intimé de s’être basé sur les avis des Dres H______ et D______ et d’avoir écarté tous les rapports médicaux faisant état d’une incapacité de travail, ce qu’elle considère comme un manque d’objectivité.

À cet égard, elle se réfère à un rapport du Dr G______, du 11 juin 2021 qui indique que la symptomatologie anxio-dépressive est durable dans le temps et entrave toute activité professionnelle (dossier AI p. 289). Elle estime que l’appréciation du Dr G______ est plus récente que celle de la Dre D______ et apparaît en outre plus fournie.

Selon elle, l’intimé lui aurait donné gain de cause par décision du 15 février 2022. Elle s’étonne dès lors qu’il ait changé d’avis par la suite, son état étant le même que celui qui prévalait en février 2022. Qui plus est, l’intimé ne saurait réduire sa rente en se basant sur des rapports antérieurs à février 2022.

e. Par écriture du 7 novembre 2022, l’intimé a fait remarquer qu’une simple lecture du dossier permettait de constater que la décision de février 2022 visait simplement à rétablir le droit de l’assurée à la rente suite au renvoi par la Cour de céans. Dite décision ne faisait qu’appliquer le jugement de la Cour de céans en attendant une instruction portant sur l’éventuelle évolution de l’état de santé de l’assurée.

f. Par écriture du 11 novembre 2022, la recourante a campé sur ses positions.

Elle note que la décision du 15 février 2022 comportait la motivation suivante : « suite à l’arrêt du 28 octobre 2021 de la Cour de justice, un nouveau degré d’invalidité a été déterminé par l’office AI, ce qui entraîne un changement du montant des prestations AI ».

Elle considère que, dans la mesure où l’OAI n’indique pas que cette décision est rendue dans l’attente d’un complément d’instruction, elle ne pouvait que comprendre que l’instruction complémentaire ordonnée par la Cour avait permis de lui donner gain de cause.

g. Invitée à produire tout document permettant d’appuyer sa demande de mise sur pied d’une expertise judiciaire psychiatrique, la recourante a produit, en date du 13 juillet 2023, un rapport tronqué du docteur J______, médecin dont elle a demandé l’audition.

Dans ce rapport (incomplet) du 28 juin 2023, le médecin explique avoir repris le suivi de la patiente en novembre 2021. Selon lui, elle présente un état globalement dysthymique avec une anhédonie, une asthénie et une perte d’élan vital. Elle est sujette à des attaques de panique à l’extérieur, sans pour autant remplir les critères d’une agoraphobie. Elle verbalise également des plaintes algiques qui la limitent dans son quotidien.

h. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 14 septembre 2023, au cours de laquelle a été entendu le Dr J______, qui suit l’assurée depuis novembre 2022 au CAPPI de la Jonction et l’y reçoit en consultation à raison d'une fois toutes les deux à trois semaines.

Le diagnostic est celui d'épisode dépressif d'intensité moyenne dans le cadre d'un état dépressif récurrent.

Le témoin a indiqué que, depuis qu’il suit l’assurée, son état est globalement assez stable, avec une humeur assez basse, une anxiété verbalisée et observable et des attaques de panique décrites par l’intéressée.

À son avis, depuis le dernier rapport du CAPPI de 2021 (celui de la Dre H______), la situation s'est légèrement péjorée, avec des ruminations importantes concernant sa situation financière.

Selon le témoin, la recourante est apte à travailler à 25% tout au plus, d'un point de vue strictement psychiatrique.

S'agissant de l'évaluation de la Dre D______ de 2020, le témoin a précisé qu’il ne s'agit plus d'un épisode dépressif majeur, mais bien d'un épisode dépressif moyen, ce qui rejoint sa conclusion de trouble dépressif majeur en rémission partielle.

Actuellement, la recourante est sous une dose d'antidépresseurs maximale, avec des anxiolytiques et benzodiazépines en réserve. Il s'agit d'un traitement correspondant à un épisode dépressif d'intensité modérée à sévère.

Selon le témoin, depuis 2020, l'état de l’assurée est entretenu, voire péjoré par de multiples problèmes somatiques ayant suivi son opération et des soucis financiers récurrents.

Le témoin a expliqué que si un programme plus intensif destiné à mobiliser le patient sur le plan social et consistant à le rencontrer trois fois par semaine n’a pas été suggéré à l’assurée, c’est en raison de ses problèmes somatiques et attaques de panique.

Le témoin a suggéré que l’exercice d’une activité permettrait à la recourante de diminuer ses ruminations. Il faudrait commencer à 25% et voir ce que cela donne.

Il a ajouté que la recourante est très limitée en termes de ressources. Elle n'a ainsi pas de moyens de faire face aux divers aléas de l'existence et son état est susceptible de se péjorer rapidement.

La description des attaques de panique faite par la patiente est convaincante. Elle est d’ailleurs venue plusieurs fois accompagnée de sa voisine.

Aucun dosage médicamenteux n'a été fait pour vérifier la compliance.

Au vu de la durée de l'atteinte psychique, il y a une certaine forme de cristallisation, même si personnellement, le témoin se dit convaincu que les états dépressifs sont toujours réversibles. Un facteur de mauvais pronostic est l'existence de traits de personnalité pathologiques. C'est le cas de la recourante, qui présente des traits de personnalité dépendante et limite.

L’intimé a précisé que le SMR a retenu une capacité de travail de 50% sur la base du rapport de la Dre H______ du 14 mars 2022.

i. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance‑invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité (ci-après : AI), à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 précité consid. 2.2.2).

En l’occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, il n’est pas contesté que la modification de circonstances litigieuses invoquée par l’intimé à l’appui de la réduction de rente est supposée remonter à avant cette date. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé du 24 juin 2022 de réduire la rente entière allouée jusqu’alors à la recourante à un quart de rente. En d’autres termes, il convient de vérifier si, comme le retient l’intimé, l’état de santé de l’assurée s’est amélioré au point d’augmenter sa capacité de gain et de réduire son taux d’invalidité.

7.              

7.1 Lorsqu'une modification de l'état de fait déterminante sous l'angle du droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur les faits) survient après le prononcé d'une décision initiale exempte d'erreur, une adaptation peut, le cas échéant, être effectuée dans le cadre d'une révision de la rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA.

7.2 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

7.3 Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

7.4 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.             En l’occurrence, se pose préalablement la question de savoir quels états de fait doivent être comparés. En effet, la recourante persiste à arguer que c’est en date du 15 février 2022 que l’intimé aurait tranché, pour la dernière fois avant la décision litigieuse du 24 juin 2022, la question de son degré d’invalidité.

L’intimé explique, lui, que la décision du 15 février 2022 n’a pas été rendue suite à un nouvel examen du droit aux prestations, mais dans les suites de l’arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021, tout simplement pour rétablir le droit à la rente durant l’instruction complémentaire ordonnée par la Cour de céans.

La position adoptée par la recourante est insoutenable. Comme le lui a déjà expliqué la Cour de céans dans son arrêt incident du 13 septembre 2022, la recourante se fourvoie quant au déroulement des faits et plus particulièrement sur l'incidence des différentes décisions rendues successivement à son encontre.

Si la décision litigieuse du 24 juin 2022 annonce effectivement remplacer formellement celle du 15 février 2022, cette dernière n'a pas été rendue suite à un nouvel examen du droit aux prestations à proprement parler. Cette décision du 15 février 2022 ne faisait en réalité que rétablir le droit à la rente antérieur et tenir compte des bonifications pour tâches éducatives (suite au changement d'état civil de la recourante) évoquées dans la décision antérieure du 20 juillet 2021 annulée par la Cour de céans par arrêt du 28 octobre 2021. En d'autres termes, elle n'avait donc d'autre but que de rétablir le droit de l'assurée à une rente entière dans l'attente de la décision qui serait rendue à l'issue de l'instruction complémentaire initiée suite à l'arrêt de la Cour de céans.

Force est de constater que l’instruction complémentaire suggérée par l’intimé et pour laquelle il avait demandé que la cause lui soit renvoyée – qui consistait, selon sa proposition du 14 octobre 2021, formulée au cours de la procédure précédente, à interroger non seulement la Dre C______, médecin traitant, mais également le Dr G______ –, n’avait pas été menée à son terme au moment où a été rendue la décision du 15 février 2022, puisque seule la médecin traitante avait été interrogée. Cela ne pouvait échapper à l’assurée, puisque l’intimé avait clairement annoncé ses intentions préalablement.

Le fait que l’instruction n’avait pas encore été menée à son terme était d’autant plus évident que, s’agissant d’une atteinte en premier lieu psychiatrique, l’assurée ne pouvait décemment s’attendre à ce que l’OAI statue à nouveau sur son degré d’invalidité avant d’avoir obtenu les renseignements supplémentaires requis du psychiatre traitant, le Dr G______.

Enfin, comme le fait remarquer la recourante elle-même, aucun projet de décision ne lui a été signifié avant la décision du 15 février 2022.

Il découle de l’examen de l’ensemble des circonstances, et notamment des éléments susmentionnés, que la décision du 15 février 2022 n’avait – comme déjà dit – d’autre but que de rétablir le droit à la rente de l’assurée durant la procédure d’instruction complémentaire, dans l’attente d’une nouvelle décision statuant sur son degré d’invalidité. En effet, la décision du 20 juillet 2021, annulée par la Cour de céans au terme de son arrêt de renvoi du 28 octobre 2021, avait non seulement pour objectif de réduire la rente allouée jusqu’alors à l’assurée, mais également de recalculer le montant de sa rente en tenant compte des bonifications pour tâches éducatives dans la détermination du revenu annuel moyen. L’annulation pure et simple de cette décision par la Cour de céans avait eu pour conséquence de supprimer ce recalcul de rente.

En conséquence, malgré les termes – il est vrai – peu clairs dans lesquels a été rédigée la décision du 15 février 2022, on ne saurait raisonnablement soutenir que celle-ci a été rendue après un nouvel examen du degré d’invalidité.

En d’autres termes, la question d’une éventuelle amélioration de l’état de santé de la recourante doit être examinée en comparaison avec la situation qui était la sienne lors de la dernière révision entrée en force, clôturée par la décision du 10 novembre 2016.

9.              

9.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

9.2 L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 2 LAI).

9.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

9.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenver-sicherung, 1997, p. 8).

10.          

10.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

10.2 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

10.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

10.4 Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

10.5 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’AI, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

10.6 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

10.7 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

11.          

11.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

11.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

11.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards – ou n'en suit pas exactement la structure – ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins‑conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4). 

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

12.          

12.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

12.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

12.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise s’il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

13.          

13.1 L’intimé, suivant en cela l’avis du SMR, considère que l’état de santé psychique de l’assurée s’est amélioré depuis 2016, au point de lui avoir permis de recouvrer une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée et ce, dès le 1er avril 2020.

13.2 La recourante conteste toute amélioration de son état de santé. Elle reproche à l’intimé d’avoir privilégié l’avis émis par la Dre D______ en mai 2020, alors même que le Dr I______, considérait, lui, dans une appréciation plus récente et plus détaillée que celle de la Dre D______, que les atteintes psychiques dont elle souffre entravent toute activité professionnelle. Elle rappelle également que le Dr F______ préconisait la mise sur pied d’une expertise psychiatrique.

13.3 Il convient tout d’abord de rappeler quel était l’état de santé de la recourante en novembre 2016, à l’issue de la dernière révision menée à terme avant que ne soit rendue la décision litigieuse.

La Dre B______, médecin traitant, concluait alors à un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et à un trouble de la personnalité borderline, se manifestant par une anxiété, une instabilité d'humeur, une fatigue et des troubles de la concentration. Ces diagnostics étaient confirmés par le CAPPI (trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et trouble de la personnalité sans précision), qui, de manière plus détaillée, décrivait comme suit le tableau clinique : tristesse, anxiété importante, ruminations anxieuses, vulnérabilité psychique au stress associée à une labilité affective et émotionnelle rendant difficile toute adaptation aux éventuels changements dans la vie, aboulie, fatigue et difficultés de concentration, de mémorisation et de prise de décision, baisse de l'élan vital, de l'estime de soi, de la capacité à ressentir du plaisir et idées de mort fluctuantes passives, seuil bas de tolérance à la frustration et labilité affective et émotionnelle. Le CAPPI concluait à une totale incapacité de travail.

Depuis le début de la procédure de révision initiée en janvier 2020, divers rapports ont été recueillis.

Le 1er avril 2020, la Dre C______, nouveau médecin traitant de l’assurée, a confirmé la totale incapacité de sa patiente à exercer son activité habituelle en raison d'une asthénie, d'un trouble dépressif récurrent, d’un trouble de la personnalité borderline et de douleurs post-opératoires suite à une intervention pour un anévrisme de l’aorte (remplacement de l’aorte ascendante proximale et plastie valvulaire, fin janvier 2020). Le médecin mentionnait également des discopathies protrusives L4-L5 et L5-S1 et un trouble ventilatoire obstructif de degré léger depuis janvier 2020. Invitée à décrire les limitations fonctionnelles de sa patiente, la docteure s’est contentée d’indiquer que celle-ci n’avait pas travaillé depuis de nombreuses années et ne pouvait, compte tenu de son status post-opératoire « pas faire grand-chose », elle bénéficiait même d’une aide au ménage.

Dans un rapport du 12 mai 2020, la Dre D______, du CAPPI, s’est en revanche montrée beaucoup plus optimiste que sa consœur quant à l’état de l’assurée, qui, depuis son opération cardiaque, se sentait mieux au niveau de l’humeur et ne rapportait pas de symptôme dépressif. La psychiatre, si elle a confirmé le diagnostic de trouble dépressif majeur, a précisé que celui-ci était en rémission partielle. Le constat de la psychiatre était le suivant : « La présentation est soignée, l’hygiène est correcte. La patiente est bien orientée dans le temps et l’espace. Durant les entretiens, elle est calme, collaborante ; nous n’observons pas de ralentissement, ni d’agitation psychomotrice. La thymie est neutre, les affects sont congruents à l’humeur et mobilisables. Le discours est spontané, cohérent, structuré. Nous ne relevons pas de symptôme dépressif. Nous notons des ruminations et de l’anxiété. Il n’y a pas d’idées suicidaires, ni d’idées noires. L’appétit et le sommeil sont conservés. Nous ne relevons pas d’éléments de la ligne psychotique. Nous notons des troubles mnésiques, mais pas de trouble de l’attention. Comparativement à 2016, nous notons une amélioration de la symptomatologie anxio-dépressive ; cependant, elle reste fragile face aux facteurs de stress et présente une baisse de la thymie et une majoration des ruminations et de l’anxiété lors de l’apparition de facteurs de stress. Les symptômes actuels sont de l’anxiété et des ruminations vis-à-vis de son fils, ainsi que des troubles mnésiques ». Bien plus, la psychiatre, en charge de l’assurée depuis le 8 novembre 2019, a répondu par l’affirmative à la question de savoir si la capacité de travail dans l’activité habituelle s’était améliorée depuis la dernière décision, expliquant que les circonstances médicales avaient évolué, avec la disparition des symptômes dépressifs quelques mois auparavant. D’un point de vue strictement psychique, les limitations consistaient dans la faible résistance au stress, les troubles mnésiques et la fatigabilité. La capacité de travail, d’un point de vue strictement psychiatrique, était de 50% depuis novembre 2019, dans toute activité ; un environnement de travail peu stressant était préconisé.

Sur le plan physique, le cardiologue a été clair sur le fait qu’il n’y avait aucune restriction à l’exercice d’une activité lucrative d’un point de vue cardio‑vasculaire, à compter de deux mois après l’intervention.

Se basant sur le rapport, clair, du psychiatre traitant, l’intimé a donc considéré qu’il fallait admettre une capacité de travail de 50% dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles, vu l’amélioration des atteintes psychiques et le fait que la chirurgie cardiaque n’avait entraîné aucune incapacité de travail au-delà de deux mois. Les atteintes du rachis lombaire ne justifiaient que des limitations fonctionnelles d’épargne du dos. L’amélioration datait de novembre 2019, date à compter de laquelle la capacité de travail avait été de 50%, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Il y avait eu incapacité totale de travail du 31 janvier 2020 (date de l’intervention cardio-vasculaire) jusqu’au 31 mars 2020, date au-delà de laquelle la capacité de travail était revenue à 50%. Les limitations fonctionnelles consistaient, sur le plan psychique, en une diminution de la résistance au stress et en des troubles mnésiques modérés, et, s’agissant du dos, dans l’obligation d’éviter le port de charges de plus de 5 kg, les positions penchée en avant ou en porte-à-faux, la station debout, la marche prolongée et la nécessité de pouvoir alterner les positions assise et debout.

Le Dr F______, cardiologue, dont la recourante invoque l’avis, a certes rappelé que sa patiente avait souffert de multiples problèmes médicaux. Cela n’est cependant pas contesté. On relèvera que ce médecin, dont la psychiatrie n’est au demeurant pas la spécialité, ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail de sa patiente, dont il s’est contenté de relater qu’elle se déclarait incapable de tout travail.

Le 16 juin 2021, le Dr G______, psychiatre traitant ayant succédé à la Dre D______ en mai 2021, a indiqué que, sur le plan psychiatrique, la symptomatologie correspondait à celle d’un trouble dépressif récurrent épisode moyen avec syndrome somatique. La patiente souffrait d’une thymie abaissée avec anhédonie et aboulie fluctuantes, idées noires épisodiques, troubles mnésiques et de la concentration, troubles du sommeil, asthénie, ainsi qu’une importante manifestation anxieuse récurrente (inquiétudes et ruminations). La symptomatologie anxio-dépressive semblait durable et entravait toute activité professionnelle. Le pronostic était réservé.

Force est de constater que l’amélioration documentée par la Dre D______ en mai 2020, n’a pas été confirmée par son successeur une année plus tard. Cela est corroboré par le médecin traitant, qui a indiqué avoir constaté une péjoration de l’état de sa patiente sur le plan psychique, sans autre précision.

La Dre H______, psychiatre traitant ayant succédé au Dr G______ en novembre 2021, interrogée dans le cadre de l'instruction complémentaire initiée par l'arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021, a conclu, en mars 2022, à un trouble dépressif récurrent et à un trouble de la personnalité sans précision. Le statut psychiatrique décrit était le suivant : « Tenue et hygiène soignées, faisant son âge biologique, sans trouble de la vigilance ou de l’attention, orientée aux quatre modes. Discours clair, cohérent et informatif. Absence d’altération du cours et du contenu de la pensée, moins centrée sur ses pathologies somatiques. Calme mais anxiété rapportée. Thymie globalement abaissée, affect congruent, mobilisables. Anhédonie sous-jacente sans aboulie, maintien de l’élan vital, absence d’idées noires ou suicidaires présentes, s’engage à faire appel. Appétit stable et sommeil perturbé, amélioré toutefois sous quétiapine. Anxiété éprouvée, observée, tension interne apparente et bien présente (nervosité). Absence de signes de la lignée psychotique. Absence de consommations annexes et/ou signes de sevrage. Absence d’altération mnésique franche apparente. Nosognosie préservée ». La psychiatre concluait à une symptomatologie anxio-dépressive fluctuante, dans le contexte d’un trouble dépressif récurrent et d’un trouble de la personnalité mixte. La symptomatologie anxieuse associée, inquiétudes et ruminations, entravait le fonctionnement global de la patiente, en limitant ses relations sociales et ses activités occupationnelles. Depuis la chirurgie subie en janvier 2020, elle montrait aussi une exacerbation des plaintes somatiques, engendrant une grande inquiétude chez elle. La patiente avait peu de réseau social, celui-ci étant composé principalement de son compagnon, son fils et une voisine. Pour le reste, elle était assez isolée, passait la plupart du temps à la maison et ne rapportait pas d’activités en dehors du foyer familial. D’un point de vue strictement psychiatrique, les atteintes ayant un impact sur la capacité de travail étaient une faible résistance au stress, des troubles mnésiques et une fatigabilité. La psychiatre concluait à une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle et de 50% dans une activité peu stressante. L’évolution était qualifiée de plutôt stationnaire depuis novembre 2021, date à laquelle elle avait repris le suivi de la patiente.

L’appréciation de la Dre H______ rejoint donc celle de la Dre D______, étant précisé que, comme elle l’admet elle-même, l’état psychique de l’assurée est fluctuant. La Dre H______ s’est prononcée sur ce qu’elle avait pu constater depuis le début de son suivi, sans revenir sur la période durant laquelle l’assurée avait été suivie par le Dr I______. Dans ces conditions, il n’est pas exclu que l’état de l’assurée ait fluctué entre 2020 et fin 2021, s’améliorant, avant de se péjorer pour s’améliorer à nouveau. L’appréciation de la Dre H______ ne saurait être qualifiée d’appréciation divergente d’une même situation. Sa position est corroborée par ses observations cliniques, qui montrent des différences notables, en mars 2022, par rapport à la situation décrite précédemment par le Dr I______, dont les constatations cliniques, elles, s’écartaient considérablement de celles de la Dre D______.

Quant au Dr J______, nouveau psychiatre traitant, qui suit l’assurée depuis novembre 2022, il a confirmé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, qu’il a qualifié, pour sa part, d’intensité moyenne, avec une humeur assez basse, une anxiété verbalisée et observable et des attaques de panique décrites de manière convaincante par sa patiente. Le psychiatre a indiqué qu’au vu du dossier, la situation s'était légèrement péjorée depuis le suivi de la Dre H______. Il a émis l’avis que la recourante était apte à travailler à 25% tout au plus.

Ce nouvel éclairage d’un spécialiste vient confirmer que l’état psychique de la recourante, de par la nature même de l’atteinte, fluctue au fil du temps. Des différents avis recueillis auprès des psychiatres traitants s’étant succédés auprès de la recourante et dont aucun élément ne permet à la Cour de céans de favoriser l’un plutôt que l’autre, on peut conclure que l’amélioration constatée début 2020 n’a pas duré dans le temps. Elle a été suivie d’une péjoration, à tout le moins depuis mai 2021 – date du début du suivi par le Dr I______ –, puis d’une nouvelle amélioration – attestée en mars 2022 par la Dre H______, en charge de la recourante à compter de novembre 2021 –, suivie à nouveau d’une péjoration, à tout le moins depuis novembre 2022 – date du début du suivi par le Dr J______.

À ce stade, il y a lieu de relever que l’avis du Dr J______, tout comme celui des psychiatres du CAPPI l’ayant précédé, n’évalue pas la capacité de travail de l’assurée à l’aune des indicateurs jurisprudentiels. Cela étant, dans la mesure où les incapacités de travail induites par les atteintes psychiques reposent sur des rapports probants émis par des spécialistes, on peut renoncer en l’occurrence à apprécier la situation selon la grille normative établie par la jurisprudence.

Il est vrai que les fluctuations de la capacité de travail de l’intéressée attestées par les psychiatres traitants successifs ne sont pas très précisément déterminées dans le temps. Cela étant, la mise sur pied d’une expertise ayant pour objectif de déterminer, a posteriori, l’évolution précise de la capacité de travail de l’assurée dans le temps semble hasardeuse.

La Cour de céans se basera donc sur les rapports des spécialistes pour retenir qu’à compter de fin mars 2020 – deux mois après l’intervention cardiaque de fin janvier 2020 après laquelle la Dre D______ a indiqué que l’état de sa patiente s’était amélioré sur le plan de l’humeur –, l’assurée a recouvré une capacité de travail de 50%, réduite à néant à tout le moins à compter de mai 2021 – date du début du suivi par le Dr I______ –, réaugmentée à 50% attestée en mars 2022 – selon l’attestation de la Dre H______ –, diminuée à 25%, à tout le moins depuis novembre 2022 – date du début du suivi par le Dr J______.

Il en découle que le degré d’invalidité de la recourante a fluctué de la manière suivante : 46% à compter du 1er juillet 2020, 80% à compter du 1er août 2021, 46% à nouveau à compter du 1er juin 2022.

Il semble que le degré d’invalidité de la recourante ait à nouveau augmenté par la suite, vu le témoignage du Dr J______ et son évaluation de la capacité de travail de sa patiente à 25% tout au plus, mais la Cour ne statuera pas sur ce point, qui excède l’objet du litige puisque postérieur à la décision litigieuse.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis et la décision du 24 juin 2022 annulée, la cause étant renvoyée à l’intimé pour calcul des prestations dues. La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Dit que le droit de la recourante à une rente d’invalidité doit être fixé sur la base des degrés d’invalidité suivants : 46% à compter du 1er juillet 2020, 80% à compter du 1er août 2021, 46% à nouveau à compter du 1er juin 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour calcul des prestations dues.

5.         Condamne l’intimé à verser à la recourante la somme de CHF 3’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le