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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4343/2021

ATAS/522/2023 du 29.06.2023 ( LPP ) , ADMIS PARTIEL

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : AI(ASSURANCE);LF SUR LA PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE VIEILLESSE; SURVIVANTS ET INVALIDITÉ;PRÉVOYANCE PLUS ÉTENDUE;INCAPACITÉ DE GAIN;INCAPACITÉ DE TRAVAIL;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPP.23; LPP.49.al2
Résumé : L’art. 34 des statuts de la défenderesse, en vigueur dès le 1er janvier 2008, prévoit une notion de l’invalidité plus large que celle qui résulte de la LAI, en tant qu’il reconnaît l’existence d’une invalidité lorsque l’assuré n’est plus en mesure d’exercer sa fonction ou toute autre fonction pouvant raisonnablement être exigée de lui au sein du secteur public uniquement, en tenant compte de ses connaissances et de ses capacités. En outre, selon cet article, le droit à une rente d’invalidité dépend d’une incapacité de travail et non d’une incapacité de gain. L’interprétation faite par la défenderesse de l’art. 35 de ses statuts étant incompatible avec le principe de l’égalité de traitement auquel doit se conformer toute institution de prévoyance professionnelle, la chambre de céans a retenu que cette disposition doit être interprétée dans le sens que la qualité de salarié et d’assuré dans le domaine de la prévoyance professionnelle étendue doit exister au début du délai d’attente d’une année exigée par l’assurance-invalidité pour la reconnaissance de l’invalidité conformément à l’art. 28 al. 1 let. b LAI.
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4343/2021 ATAS/522/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 juin 2023

En la cause

A______
représenté par Me Caroline RENOLD, avocate

 

 

demandeur

 

contre

CAP FONDATION DE PRÉVOYANCE INTERCOMMUNALE DE DROIT PUBLIC DE LA VILLE DE GENÈVE, DES SIG ET DES COMMUNES GENEVOISES AFFILIÉES
représentée par Me Anne TROILLET, avocate

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le demandeur), né le ______ 1956, a été engagé en 2003 par la Ville de Genève, puis par la Ville de B______ en qualité de responsable de la piscine dès le 1er juin 2009. À ce titre, il était affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse d'assurance du personnel de la Ville de Genève et des Services industriels de Genève (ci-après : CAP).

b. Le 26 mars 2012, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

c. Le contrat de travail de l'assuré auprès de la Commune de B______ a pris fin le 31 juillet 2012.

d. Au 1er janvier 2014, CAP Fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des Services industriels de Genève et des communes genevoises affiliées (ci-après : CAP Prévoyance ou la défenderesse) a repris, par succession universelle, l'ensemble des actifs et des passifs de la CAP, en particulier les rapports de prévoyance en faveur des assurés actifs, les pensionnés, ainsi que les rapports d'affiliation avec les employeurs découlant de la loi ou des conventions d'affiliation. Depuis le 1er janvier 2014, la Commune de B______ et ses employés assurés, dont l'assuré fait partie, sont donc affiliés auprès de CAP Prévoyance et, en son sein, auprès de la caisse de prévoyance interne « Ville de Genève et les autres communes genevoises ».

e. Dans un avis du 9 avril 2014, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR) a constaté que l'assuré souffrait d'un épisode dépressif sévère dans le cadre d'un trouble dépressif récurrent. Le début de la longue maladie remontait au 18 novembre 2011. L'assuré, inapte à exercer son activité habituelle, pouvait travailler dans une activité adaptée à 50% sans responsabilité ni investissement affectif. Le début de l'aptitude à la réadaptation était fixé au 30 octobre 2012.

f. Par décision du 4 décembre 2014, l'OAI a mis l'assuré au bénéfice d'un trois-quarts de rente, fondée sur un degré d'invalidité de 66%, dès le 1er novembre 2012.

g. Par courriel du même jour, l'assuré a requis de CAP Prévoyance l'octroi d'une rente du 2e pilier, décision de l'OAI à l'appui.

B. a. Par pli du 10 février 2015, CAP Prévoyance a reconnu le droit de l'assuré à des prestations d'invalidité rétroactivement au 1er novembre 2012.

b. Le 2 mars 2015, CAP Prévoyance a informé l'assuré que la rente d'invalidité s'élevait à CHF 1'017.50.

c. Par courrier du 15 avril 2019, CAP Prévoyance a informé l'assuré notamment qu'elle s'était rendue compte lui avoir versé une rente correspondant à un degré d'invalidité de 100% et non une rente à 75% correspondant à un degré d'invalidité de 66%. Le montant indûment perçu serait compensé avec la prestation de sortie de 25% encore due à l'assuré.

d. Le 11 juillet 2019, l'assuré s'est enquis auprès de CAP Prévoyance du calcul relatif au montant de sa rente d'invalidité qu'il estimait bas.

e. Le 23 août 2019, CAP Prévoyance lui a répondu qu'il ne pouvait pas prétendre aux prestations relevant de la prévoyance surobligatoire conformément aux statuts applicables, et a détaillé le calcul du montant de la rente d'invalidité à laquelle il avait droit.

f. Le 6 novembre 2019, l'assuré a contesté la lecture des statuts effectuée par CAP Prévoyance au sujet de la rente statutaire.

g. Par courrier du 12 novembre 2019, CAP Prévoyance a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 30 juin 2020, pour autant qu'elle ne soit pas déjà acquise à cette date.

h. Le 25 juin 2020, CAP Prévoyance a maintenu sa position. Toutefois, elle s'était rendue compte d'une erreur dans le calcul du trois-quarts de rente. Le montant de celle-ci s'élevait, après correction à CHF 1'049.30 dès le 1er novembre 2012. Les créances afférentes à la période antérieure à septembre 2014 étant prescrites, l'assuré avait ainsi encore droit à la somme complémentaire de CHF 6'044.75.

i. Le 17 mai 2021, l'assuré a invité CAP Prévoyance à revoir sa position.

C. a. Par acte du 23 décembre 2021, l'assuré, par l'intermédiaire de son avocate, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d'une demande en paiement à l'encontre de CAP Prévoyance, en concluant, sous suite de dépens, au versement d'une rente d'invalidité correspondant aux prestations prévues par les statuts (prévoyance obligatoire et plus étendue) dès le 1er novembre 2012, sous déduction des montants déjà versés, avec intérêts à 5%.

b. Par réponse et demande reconventionnelle du 31 mars 2022, la défenderesse a conclu, sous suite de dépens, au rejet de la demande et, à titre reconventionnel, à la condamnation du demandeur à lui restituer le montant de CHF 15'261.- au titre de rentes d'invalidité allouées indûment, qu'elle compenserait avec les rentes d'invalidité qui lui étaient versées mensuellement. La demande reconventionnelle est fondée sur le fait que la caisse avait versé à tort au demandeur une rente d'invalidité entière fondée sur un degré d'invalidité de 100%, en lieu et place du degré d'invalidité retenu par l'OAI de 66%.

c. Dans sa réplique et réponse sur demande reconventionnelle du 2 juin 2022, le défendeur reconventionnel a conclu au déboutement de la demanderesse reconventionnelle, en faisant valoir que cette dernière avait commis une erreur de calcul, et qu'elle lui devait un complément de rentes à hauteur de CHF 3'694.50 depuis novembre 2012, sous déduction des créances prescrites.

À l'appui de sa demande, le demandeur a sollicité les documents suivants :

‒      tous les procès-verbaux de sessions du groupe de travail chargé de la révision des statuts en 2008, et notamment les procès-verbaux des séances des 18 novembre 2004, 7 janvier et 4 février 2005 ;

‒      tous les procès-verbaux des séances de la commission technique et juridique relatifs à la modification des statuts en 2008, et notamment les procès-verbaux des séances des 3 mars et 6 avril 2006 ;

‒      tous les procès-verbaux du comité de gestion relatifs à la modification des statuts en 2008, et en particulier les procès-verbaux des séances des 16 juin, 22 septembre, 3 novembre et 7 décembre 2006 ; et

‒      tout autre document démontrant que la prétendue modification de la définition de l'événement assuré dans les statuts de 2008 aurait été évoquée puis acceptée par le Conseil d'État, le Conseil municipal de la Ville de Genève et le conseil d'administration des Services industriels de Genève.

d. Dans sa duplique du 2 août 2022, la défenderesse a renoncé à ses conclusions reconventionnelles, maintenu ne pas devoir verser au demandeur des prestations d'invalidité réglementaires, et a relevé lui avoir d'ores et déjà versé en juillet 2020 la somme de CHF 6'044.75 au titre d'arriérés de rentes d'invalidité (obligatoire) pour la période de septembre 2014 à juin 2020.

Elle a produit :

‒      les procès-verbaux des séances du groupe de travail chargé de la révision des statuts des 18 novembre 2004, 7 janvier, 4 février, 4 mars, 8 avril, 24 mai, 4 juillet et 6 septembre 2005 ;

‒      les procès-verbaux des séances de la commission technique et juridique des 2 septembre 2004, 3 mars, 6 avril, 5 mai, 11 septembre et 18 octobre 2006 ;

‒      le procès-verbal de la séance extraordinaire du comité de gestion du 16 juin 2006 ; et

‒      les procès-verbaux (caviardés) des séances du comité de gestion des 22 septembre 2006, 3 novembre et 7 décembre 2006.

e. Dans sa détermination du 27 septembre 2022, le demandeur a persisté dans ses conclusions, tout en admettant avoir reçu le 24 juillet 2020 un rétroactif de rentes de CHF 7'095.10 (comprenant les intérêts moratoires). Cependant, les documents produits par la défenderesse étaient incomplets.

f. Dans ses observations du 18 novembre 2022, la défenderesse a également persisté dans ses conclusions, et indiqué avoir produit tous les documents requis en sa possession, les notes internes et autres documents de travail étant exclus du droit d'accès selon la loi.

g. Le 14 décembre 2022, le demandeur a invité la chambre de céans à se référer à ses précédentes écritures, et exposé que les annexes (non produites) auxquelles les procès-verbaux versés au dossier faisaient référence n'étaient pas exclues du droit d'accès.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.2 La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie.

Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 125 V 168 consid. 2 ; 122 V 323 consid. 2b et les références).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit (ATF 128 V 254 consid. 2a). Il s’agit des institutions de prévoyance enregistrées qui participent au régime de l’assurance obligatoire (art. 48 al. 1 LPP), avec la possibilité d’étendre la prévoyance au-delà des prestations minimales (institutions de prévoyance dites « enveloppantes » ; art. 49 al. 2 LPP) ; ces institutions doivent revêtir la forme d’une fondation ou d’une société coopérative, ou être une institution de droit public (art. 48 al. 2 LPP et art. 331 al. 1 CO ; arrêt du Tribunal fédéral B.95/02 du 5 juin 2003 consid. 3.2).

1.3 Selon l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

1.4 En l'espèce, la demande en paiement du 23 décembre 2021 porte sur le versement d'une rente d'invalidité découlant de la prévoyance professionnelle surobligatoire. Par ailleurs, tant le siège de la défenderesse, qui revêt la forme d'une institution de droit public (art. 1 al. 1 des statuts de la CAP entrés en vigueur le 16 novembre 2013), que le lieu de l’exploitation dans laquelle le demandeur avait été engagé se situent dans le canton de Genève. Partant, la compétence de la chambre de céans à raison de la matière et du lieu est établie.

2.             L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (ATF 117 V 329 consid. 4).

L’art. 73 al. 2 LPP se limite à fixer des règles-cadres de procédure. Celle-ci doit être simple, rapide et, en principe, gratuite. Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et plus particulièrement par les art. 89A et ss.

La demande en paiement du 23 décembre 2021 respecte en l’espèce la forme prévue à l'art. 89B LPA.

Par conséquent, elle est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit du demandeur à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle plus étendue de la part de la défenderesse à compter du 1er novembre 2012.

4.             Dans le système de la prévoyance professionnelle, la LPP (pour le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle), respectivement le règlement de prévoyance (lorsque l’institution de prévoyance a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi) détermine les conditions auxquelles les différentes prestations sont allouées (ATF 138 V 409 consid. 3.1).

En matière de prévoyance obligatoire, les conditions d'octroi de prestations d’invalidité sont décrites aux art. 23 ss LPP.

4.1 Selon l’art. 23 LPP (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2005), ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (let. a).

En vertu de l’art. 26 LPP, les dispositions de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI - RS 831.20 ; art. 29 LAI) s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d'invalidité (al. 1).

D’après l’art. 29 LAI (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008), le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l'assuré (al. 1). La rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance (al. 3).

4.2 Comme cela ressort du texte de l'art. 23 LPP, les prestations sont dues par l'institution de prévoyance à laquelle l'intéressé est - ou était - affilié au moment de la survenance de l'événement assuré. Dans la prévoyance obligatoire, ce moment ne coïncide pas avec la naissance du droit à la rente de l'assurance-invalidité selon l'art. 28 al. 1 let. b LAI, mais il correspond à la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. Sinon, il subsisterait dans bien des cas des lacunes dans la couverture d'assurance, notamment lorsque l'employeur - en raison justement de la maladie - résilie les rapports de travail avant l'écoulement de la période de carence d'une année instituée par l'art. 28 al. 1 let. b LAI. Ainsi donc, pour que la protection d'assurance découlant du deuxième pilier ne soit pas dépourvue de son efficacité, le risque d'invalidité doit également être couvert lorsqu'il survient après une longue maladie, et cela indépendamment du maintien de la couverture légale d'assurance ; si l'institution de prévoyance a déjà effectué le transfert de la prestation de libre passage, elle n'est pas, pour autant, libérée de l'obligation éventuelle de verser ensuite une rente d'invalidité (ATF 123 V 262 consid. 1b). En d’autres termes, l'institution de prévoyance qui assurait l'intéressé lors de la survenance de l'incapacité de travail déterminante est tenue de prendre en charge aussi l'aggravation de l'invalidité (ATF 136 V 65 consid. 3.1).

4.3 Les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance plus étendue, à tout le moins en l'absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 136 V 65 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_155/2014 du 27 mars 2014 consid. 4.3.1 ; 9C_1036/2010 du 12 septembre 2011 consid. 2.1).

5.              

5.1 La défenderesse est une institution de prévoyance de droit public dite « enveloppante », en ce sens qu'elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues. Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_249/2016 du 1er mars 2017 consid. 3.1 et les références).

Dans les faits, une institution de prévoyance « enveloppante » propose, en général, un plan de prestations unique qui inclut les prestations minimales et les améliore, sans opérer de distinctions entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2010 du 6 octobre 2010 consid. 4.4).

5.2 Dans la prévoyance professionnelle obligatoire, la notion d'invalidité est la même que dans l'assurance-invalidité. C'est pourquoi l'institution de prévoyance est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité fédérale, sauf lorsque cette estimation apparaît d'emblée insoutenable. En matière de prévoyance plus étendue, en revanche, il est loisible aux institutions de prévoyance, en vertu de l'autonomie qui leur est conférée par l'art. 49 al. 2 LPP, d'adopter dans leurs statuts ou règlements une notion différente. Elles peuvent ainsi accorder des prestations à des conditions moins strictes que dans l'assurance-invalidité, par exemple en cas d'invalidité dite « professionnelle » (c'est-à-dire en cas d'incapacité d'exercer l'activité habituelle) ou d'incapacité d'exercer un groupe de professions en rapport avec la formation apprise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_249/2016 du 1er mars 2017 consid. 3.2 et les références).

Si l'institution de prévoyance adopte une définition de l'invalidité qui ne concorde pas avec celle de l'assurance-invalidité, par exemple en cas d'invalidité dite « professionnelle » (c'est-à-dire en cas d'incapacité d'exercer l'activité habituelle), il lui appartient de statuer librement, selon ses propres règles. Elle pourra certes se fonder, le cas échéant, sur des éléments recueillis par les organes de l'assurance-invalidité, mais elle ne sera pas liée par une estimation qui repose sur d'autres critères. Toutefois, lorsque l'institution de prévoyance s'en tient à ce qu'ont décidé les organes de l'assurance-invalidité quant à la fixation du degré d'invalidité ou se fonde même sur leur décision, la force contraignante, voulue par le législateur et exprimée dans les art. 23 ss LPP, s'applique, sous réserve du caractère d'emblée insoutenable de la décision de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_866/2018 du 11 juin 2019 consid. 3.2 qui concerne le cas d'une institution de prévoyance dite enveloppante).

5.3 La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l'art. 49 al. 2 LPP n'implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu'elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d'évaluation, elles doivent se conformer, dans l'application des critères retenus, aux conceptions de l'assurance sociale ou aux principes généraux. Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d'une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2021 du 7 septembre 2022 consid. 3.1 et les références).

6.             Il n'est pas contesté par les parties ni contestable que les statuts de la CAP en vigueur dès le 1er janvier 2008 (adoptés par le Conseil d'État de la République et Canton de Genève le 7 mars 2007, le Conseil d'administration des Services industriels de Genève le 1er février 2007 et le Conseil municipal de la Ville de Genève le 7 novembre 2007 ; ci-après : statuts-2008) sont applicables au présent litige (cf. ATF 122 V 316 consid. 3c ; 121 V 97 consid. 1). Ils prévoyaient notamment :

« Art. 34 Définition de l'invalidité

L'invalidité est une atteinte durable à la santé physique ou mentale du salarié assuré entraînant une incapacité partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction pouvant raisonnablement être exigée de lui.

Art. 35 Invalidité selon l'AI

Le salarié assuré reconnu invalide par décision exécutoire de l'AI l'est également par la Caisse. Le degré d'invalidité est celui reconnu par l'AI.

Art. 36 Invalidité décidée par le Comité de gestion

1. Le Comité de gestion se prononce sur l'invalidité au sens de l'article 34 et en détermine le degré, selon une procédure fixée par règlement, dans les cas suivants :

a. en cas de refus de rente ou d'octroi d'une rente qui n'est pas entière de la part de l'AI ;

b. lorsque le degré d'invalidité est inférieur au minimum requis par l'AI ;

c. lorsque l'intéressé accepte, en raison de son invalidité, d'être déplacé dans une autre fonction moins rémunérée. La pension est calculée sur la différence entre l'ancien et le nouveau salaire assuré, à taux d'activité identique.

2. Pour les cas découlant de l'alinéa 1 lettres a et b, un degré d'invalidité est pris en considération dès 25%.

3. Pour les cas découlant de l'alinéa 1 lettre c, aucun minimum n'est requis.

4. Une décision d'invalidité par le Comité de gestion ne peut être prononcée que pour autant qu'une demande auprès de l'assurance-invalidité ait été déposée au préalable.

Art. 37 Naissance du droit

1. En cas d'invalidité selon l'AI, le droit à la pension naît en même temps que le droit à la rente de l'AI.

2. En cas d'invalidité décidée par le Comité de gestion, le droit naît à la date d'introduction de la demande pour les lettres a et b, et à la date du changement de fonction pour la lettre c.

3. En cas de retraite anticipée, l'assuré ne peut plus être reconnu invalide par la Caisse, à moins que l'incapacité n'ait débuté avant la mise à la retraite anticipée.

4. La pension est allouée à la demande de l'intéressé ou de l'employeur ».

Le règlement d'application des statuts de la CAP en vigueur dès le 1er janvier 2008 stipulaient :

« Art. 28 Invalidité selon l'AI

1. Le salarié assuré reconnu invalide par décision exécutoire de l'AI l'est également par la Caisse. Le degré d'invalidité est celui reconnu par l'AI.

2. La rente d'invalidité est allouée proportionnellement au degré d'invalidité reconnu par l'AI. L'assuré a donc droit :

a. à une rente entière s'il est invalide à raison de 70% au moins au sens de l'AI ;

b. à trois quarts de rente s'il est invalide à raison de 60% au moins au sens de l'AI ;

c. à une demi-rente s'il est invalide à raison de 50% au moins au sens de l'AI ;

d. à un quart de rente s'il est invalide à raison de 40% au moins au sens de l'AI.

Art. 29 Incapacité de fonction

1. Est réputée incapacité de fonction toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir sa fonction, ou le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui dans son domaine d'activité, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique.

2. En cas d'incapacité de fonction de longue durée, l'activité qui peut être exigée de l'assuré peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité, compte tenu notamment de ses connaissances et de ses capacités ».

L'art. 30 du règlement prescrit la procédure de mise à l'invalidité décidée par le Comité de gestion selon l'art. 36 des statuts-2008.

7.             La défenderesse étant une institution de prévoyance de droit public, ses dispositions statutaires doivent être interprétées selon les règles d'interprétation des règles légales. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 139 V 234 consid. 5.1 et les références).

8.              

8.1 Le demandeur considère que les art. 34 et 35 des statuts-2008, qui définissent (de manière autonome) l'invalidité par rapport à l'incapacité de fonction, ne dérogent pas à l'art. 23 LPP s'agissant de la définition de l'événement assuré. L'événement assuré est ainsi, selon lui, la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité, et non la survenance de l'invalidité, en ajoutant que l'interprétation systématique, historique et téléologique des statuts-2008 vont dans ce sens. Ces dispositions statutaires, dit-il, ont la même teneur que l'art. 28 des statuts de la caisse concernée dans l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2013 du 18 mars 2014, lequel s'applique au présent cas.

8.2 La défenderesse, pour sa part, estime que le terme « salarié » à l'art. 34 et 35 des statuts-2008 vise à limiter le droit à des prestations statutaires d'invalidité aux seuls assurés encore salariés, et donc parties à un rapport de services et de prévoyance. Cette interprétation, d'après elle, trouve un appui dans le procès-verbal du Groupe de travail chargé de la révision des statuts du 24 mai 2005. Le cas tranché dans l'arrêt 9C_833/2013 précité se distingue, affirme-t-elle, de la présente affaire. Elle indique que selon l'art. 30 de son règlement d'application des statuts, une demande de mise à l'invalidité doit être déposée auprès d'elle avant la fin des rapports de service et de prévoyance pour que l'examen du droit à des éventuelles prestations statutaires soit ouvert, ce qui fait défaut en l'occurrence, l'assurance ayant pris fin le 31 juillet 2012 sans qu'une telle demande ne lui ait été adressée. Elle en conclut que le demandeur n'étant plus salarié, ni assuré au moment de la reconnaissance de son invalidité à partir du 1er novembre 2012, il n'a droit qu'aux prestations découlant de la prévoyance obligatoire.

8.3  

8.3.1 Dans l'arrêt 9C_833/2013 que cite le demandeur, l'art. 28 des statuts de l'institution de prévoyance concernée disposait que l'invalidité est une atteinte durable à la santé physique ou mentale du salarié entraînant une incapacité partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction analogue au service de l'État ou d'une institution externe (al. 1). L'assuré reconnu invalide par l'assurance-invalidité l'est également par la caisse (al. 2). Le degré d'invalidité est celui reconnu par l'assurance-invalidité (al. 3). Le droit à la pension naît en même temps que le droit à la rente de l'assurance-invalidité (al. 4 ; cf. ATAS/1013/2013 du 10 octobre 2013 consid. 8).

Le Tribunal fédéral a considéré que le texte de l'art. 28 al. 1 desdits statuts était clair. À la différence de l'art. 8 LPGA, il assimilait l'invalidité à l'atteinte à la santé et pas à l'incapacité de gain. Si cette atteinte affectait la santé physique ou mentale d'un salarié, si elle pouvait être qualifiée de durable et si elle générait une incapacité partielle ou totale à remplir la fonction exercée précédemment ou toute autre fonction analogue au service de l'État ou d'une institution externe, alors on parlait d'invalidité. Le salarié souffrant d'une atteinte durable à la santé qui cause chez lui une incapacité à remplir son travail habituel devait donc être qualifié d'invalide. Aucun terme de cette définition ne permettait par ailleurs de relier la qualité de salarié à la naissance du droit à la rente, qui correspondait en l'espèce à celle du droit à la rente de l'assurance-invalidité (cf. art. 28 al. 4 des statuts) ni de déterminer de manière autonome par rapport à la LPP ce qu'était l'événement ou le risque assuré (consid. 5.3 et la référence).

8.3.2 À propos de la définition de l'invalidité prévue à l'art. 34 des statuts-2008, il a été relevé lors des travaux préparatoires que cette disposition définissait l'invalidité par rapport à la fonction du secteur public sans être étendue à l'ensemble du marché du travail (procès-verbal de la séance du groupe de travail chargé de la révision des statuts du mardi 24 mai 2005 p. 2 ; pièce 29 défenderesse).

Ainsi, l'art. 34 des statuts-2008 en lien avec l'art. 29 du règlement d'application des statuts de la CAP prévoit une notion de l'invalidité plus large que celle qui résulte de la LAI, en tant qu'elle reconnaît l'existence d'une invalidité lorsque la personne assurée n'est plus en mesure d'exercer sa fonction ou toute autre fonction pouvant raisonnablement être exigée d'elle au sein du secteur public uniquement, en tenant compte de ses connaissances et de ses capacités. Partant, la notion d'invalidité (dite « professionnelle ») définie dans le règlement de prévoyance couvre un risque qui n'exige pas la prise en considération d'une activité raisonnablement exigible sur l'ensemble du marché du travail (voir en matière d'assurance-invalidité : ATF 137 V 334 consid. 5.2). Eu égard à la notion élargie d'invalidité retenue par le règlement de prévoyance, il peut donc arriver qu'un assuré soit mis au bénéfice d'une pension d'invalidité de la prévoyance professionnelle surobligatoire sans remplir les conditions fixées par la LAI. À l'inverse, la notion d'invalidité reconnue par l'assurance-invalidité, plus étroite, se confond nécessairement avec la notion d'invalidité professionnelle, de sorte que l'assuré à qui l'assurance-invalidité a reconnu un droit à une rente (entière ou partielle) remplit par définition les conditions de l'invalidité professionnelle à hauteur de la rente allouée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_866/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.3.1 ; 9C_644/2014 du 13 juillet 2015 consid. 7.5).

8.3.3 La défenderesse conteste devoir allouer des prestations relevant de la prévoyance surobligatoire, en arguant que selon les art. 34 et 35 des statuts-2008, le droit à la rente d'invalidité étendue dépend de l'existence d'un rapport de prévoyance au moment de la reconnaissance de l'invalidité par décision exécutoire de l'OAI.

L'art. 34 des statuts-2008 en lien avec l'art. 29 du règlement d'application des statuts de la CAP correspond à la définition de l'événement assuré prévu à l'art. 23 LPP, puisqu'il assimile l'invalidité à l'atteinte à la santé et pas à l'incapacité de gain (à l'instar de l'arrêt 9C_833/2013 précité). L'incidence économique de l'atteinte à la santé ne doit donc pas être prise en considération ici (cf. procès-verbal de la séance de la Commission technique et juridique du 6 avril 2006 p. 1 ; pièce 34 défenderesse). Ainsi, le droit à la pension dépend d'une incapacité de travail et non d'une incapacité de gain (le risque assuré n'étant pas l'invalidité en tant que telle).

Il ressort cependant du procès-verbal de la séance du Groupe de travail chargé de la révision des statuts du 24 mai 2005, en lien avec l'art. 35 des statuts-2008 que, dans l'esprit des rédacteurs des statuts, « [s]i l'invalidité est reconnue après que l'assuré ait quitté la Caisse, il n'a droit qu'aux prestations minimales LPP » (pièce 29 défenderesse p. 3).

Cela étant, une telle interprétation des statuts contrevient au principe de l'égalité de traitement.

Ce principe, qui consiste à traiter de façon identique les situations semblables et de façon différente les situations dissemblables, s'applique en matière de prévoyance professionnelle obligatoire et en matière de prévoyance professionnelle plus étendue. Il est respecté lorsque les assurés appartenant à un même collectif sont soumis à des conditions réglementaires identiques dans le plan de prévoyance (ATF 147 V 146 consid. 5.4 et les références).

Comme exposé plus haut, dans la prévoyance professionnelle étendue, il est possible de faire dépendre le droit à la rente d'invalidité étendue de l'existence d'un rapport de prévoyance au moment de la survenance de l'atteinte à la santé (incapacité de travail) à l'origine de l'invalidité, ou au moment de la survenance de l'incapacité de gain. En revanche, faire dépendre le droit à la rente d'invalidité étendue de l'existence d'un rapport de prévoyance au moment de la reconnaissance officielle de l'invalidité par l'OAI conduit à ce que deux assurés présentant les mêmes caractéristiques sous l'angle de la prévoyance professionnelle (même âge, même durée de cotisations, même salaire, même prestation de libre-passage) ne seraient pas traités de manière identique du point de vue des prestations de la prévoyance professionnelle étendue, dans la mesure où si l'OAI rend sa décision (et donc reconnaît l'invalidité) pour l'un des assurés avant la fin du rapport de prévoyance, mais pour l'autre après la fin du rapport de prévoyance, le premier toucherait une rente d'invalidité étendue à l'inverse du second. Cela ferait également dépendre le droit à une rente statutaire de la résiliation des rapports de service. Tant que le droit à une rente ne serait pas reconnu par l'assurance-invalidité, l'assuré devrait s'opposer à une résiliation des rapports de service, afin de ne pas être prétérité dans son droit à une rente statutaire. Or, la qualité d'assuré dans le cadre de la prévoyance professionnelle, que présuppose l'obligation de prestations, ne saurait être liée aux aléas de la procédure devant une tierce autorité administrative (cas échéant judiciaire).

Cela étant, les termes "salarié assuré reconnu invalide par décision exécutoire de l'AI" doivent être interprétés dans le sens que la qualité de salarié et d'assuré dans le domaine de la prévoyance professionnelle étendue doit exister au début du délai d'attente d'une année exigée par l'assurance-invalidité pour la reconnaissance de l'invalidité conformément à l'art. 28 al. 1 let. b LAI, selon lequel l'assuré a droit à une rente s'il a présenté une incapacité de travail d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable. L'art. 29ter du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) précise à cet égard qu'il y a interruption notable de l'incapacité de travail lorsque l'assuré a été entièrement apte au travail pendant trente jours consécutifs au moins. Si une nouvelle incapacité de travail survient après cette interruption, un nouveau délai d'attente d'une année commence à courir, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les périodes antérieures d'incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral I.392/05 et I.420/05 du 24 août 2006 consid. 4.2).

Toute autre interprétation divergente comme l'entend la défenderesse serait incompatible avec le principe de l'égalité de traitement auquel elle doit se conformer.

8.3.4 Dans le cas présent, la défenderesse s'est alignée sur la décision de l'OAI du 4 décembre 2014 pour déterminer le degré d'invalidité du demandeur et fixer le début du droit à la pension d'invalidité (cf. art. 35 2e phrase des statuts-2008 en lien avec l'art. 28 du règlement d'application des statuts de la CAP ; art. 37 al. 1 des statuts-2008).

Il ressort du dossier AI que le demandeur souffre d'une atteinte à la santé psychique, totalement incapacitante du 18 novembre 2011, date du début du délai d'attente d'un an, au 30 septembre 2012, puis partiellement incapacitante dès le 1er octobre 2012 (le demandeur étant apte à exercer une activité adaptée à 50%). Les périodes antérieures d'incapacité de travail (pièces 6 et 8 demandeur) entre le 31 mai 2011 et le 17 novembre 2011 ne sont pas déterminantes contrairement à ce que semble croire le demandeur, dès lors qu'il y a eu interruption notable de l'incapacité de travail au sens de l'art. 29ter RAI (la capacité de travail du demandeur était entière du 25 juillet au 25 août 2011, ainsi que du 26 septembre au 17 novembre 2011). En conséquence, c'est à juste titre qu'il a été mis au bénéfice d'une rente d'invalidité à l'échéance du délai d'attente annuel, le 1er novembre 2012.

Du point de vue de la prévoyance professionnelle, cette atteinte à la santé a affecté durablement le demandeur à une date antérieure à la fin des rapports de travail en date du 31 juillet 2012, puisqu'elle a entraîné une totale incapacité de travail dans l'activité habituelle depuis le 18 novembre 2011 et une incapacité partielle dans une autre fonction pouvant raisonnablement être exigée de lui, sans responsabilité ni investissement affectif, depuis le 30 octobre 2012 (avis du SMR du 9 avril 2014), sans qu'il n'ait depuis lors recouvré une capacité de travail entière. Le demandeur doit donc être qualifié d'invalide selon la définition statutaire et reconnu en tant que tel par la défenderesse (art. 35 des statuts-2008), dès lors qu'il était encore salarié et assuré auprès de cette dernière au début du délai d'attente d'une année qui est déterminant pour la reconnaissance de l'invalidité par l'AI.

Partant, le demandeur peut prétendre à une rente d'invalidité étendue, dès le 1er novembre 2012 (art. 37 al. 1 des statuts-2008).

8.3.5 Par ailleurs, comme l'indiquent leurs titres marginaux (art. 35 [invalidité selon l'AI] ; art. 36 [invalidité décidée par le comité de gestion]), ces deux dispositions ont pour objet la question de l'appréciation de l'invalidité. Il ressort du texte clair de l'art. 35 des statuts-2008 que la caisse se fonde, en matière d'évaluation de l'invalidité, en premier lieu sur l'estimation effectuée par l'OAI (cf. procès-verbal de la séance de la commission technique et juridique du 6 avril 2006 p. 1 ; pièce 34 défenderesse), dès lors qu'elle considère que le degré d'invalidité est celui reconnu par l'OAI. De cette manière, la caisse s'évite des investigations approfondies sur le plan médical. Cette disposition répond à une certaine logique, puisque la notion d'invalidité reconnue par l'OAI, plus étroite, se confond nécessairement avec la notion d'invalidité de fonction (dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral B.146/06 du 3 décembre 2007 consid. 7.2.2).

L'art. 36 des statuts-2008 a un caractère subsidiaire par rapport à l'art. 35 desdits statuts, ainsi que cela ressort de l'expression « [l]e Comité de gestion se prononce sur l'invalidité au sens de l'art. 34 et en détermine le degré, selon une procédure fixée par règlement, dans les cas suivants (…) ». Ainsi, ce n'est que dans les cas où l'assuré se voit notifier une décision de refus de rente ou d'octroi d'une rente qui n'est pas entière de la part de l'assurance-invalidité, ou lorsque le degré d'invalidité requis par l'assurance-invalidité est inférieur à 40% (art. 36 al. 1 let. a et b des statuts-2008) ou encore lorsque l'assuré a été déplacé dans une autre fonction moins rémunérée, auprès d'un employeur assuré à la caisse (art. 36 al. 1 let. c des statuts-2008 ; art. 30 al. 5 du règlement d'application des statuts de la CAP) que le comité de gestion se prononce sur l'invalidité.

La décision de l'OAI doit être annexée à la demande de mise à l'invalidité selon l'art. 36 des statuts-2008 (art. 30 al. 2 du règlement d'application des statuts de la CAP). La décision finale [de mise à l'invalidité par le Comité de gestion] est notifiée par écrit à l'assuré, ainsi qu'à l'employeur (art. 30 al. 9 du règlement d'application des statuts de la CAP).

En l'occurrence, le demandeur, qui n'a pas été déplacé dans une autre fonction selon l'art. 36 al. 1 let. c des statuts-2008, a été reconnu invalide par l'OAI (degré d'invalidité de 66%). Le 4 décembre 2014, il a demandé à la défenderesse l'allocation d'une rente de la prévoyance professionnelle conformément à l'art. 37 al. 4 des statuts-2008.

Comme la rente reconnue par l'AI n'est pas entière, le comité de gestion aurait en principe dû se prononcer en vertu de l'art. 36 des statuts-2008, afin d'examiner si le demandeur peut prétendre à une rente de 100%, en dépit d'un degré d'invalidité inférieur reconnu par l'AI. En effet, une invalidité est déjà reconnue par les statuts en cas d'une incapacité de travail de remplir sa fonction. Toutefois, la demande ne porte pas sur le droit à une rente supérieure à un trois-quarts de rente, mais uniquement sur le droit à une rente statutaire en fonction du degré d'invalidité retenu par l'AI.

En dépit de la procédure irrégulière, il n'en demeure pas moins que l'invalidité présentée par le demandeur répond à la définition statutaire, les art. 34 et 35 des statuts-2008 assimilant la survenance de l'événement assuré à la date du début de l'incapacité de travail déterminante pour le calcul du délai d'attente d'une année selon la LAI. Cette incapacité de travail s'est produite avant la fin des rapports de travail et de prévoyance, de sorte que la défenderesse ne peut pas refuser de lui octroyer la rente statutaire d'invalidité. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la défenderesse, le fait que le demandeur n'ait pas demandé une mise à l'invalidité décidée par le Comité de gestion pendant les rapports de service et de prévoyance selon la procédure prévue à l'art. 30 du règlement d'application des statuts de la CAP ne fait pas obstacle à l'obligation de la défenderesse de lui verser la part étendue de la rente d'invalidité.

8.4 Ainsi, la défenderesse est tenue de verser au demandeur un trois-quarts de rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle étendue dès le 1er novembre 2012 (étant relevé que la défenderesse n'a pas expressément soulevé l'exception de prescription, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'examiner [ATF 129 V 237 consid. 4]).

9.             Le demandeur conclut au versement d'intérêts moratoires à 5% sur les rentes d'invalidité de la prévoyance professionnelle étendue dues.

9.1 En matière de prévoyance professionnelle, il est admis que des intérêts moratoires sont dus par le débiteur en demeure. À défaut de disposition réglementaire topique, le taux de l'intérêt moratoire est de 5%, conformément à l’art. 104 al. 1 CO. En matière de rentes, l’intérêt moratoire n’est dû qu’à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice (art. 105 al. 1 CO par analogie, ATF 137 V 373 consid. 6.6 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2018 du 14 septembre 2018 consid. 5.3 et les références).

L'art. 1 al. 3 des statuts-2008 stipule que « [à] défaut de dispositions dans les statuts ou les règlements de la Caisse, la législation fédérale en matière de prévoyance professionnelle est applicable ».

Selon l'art. 39 al. 3 du règlement d'application des statuts de la CAP, « [l]e taux d'intérêt moratoire selon la LPP est fixé par le Conseil fédéral ».

Aux termes de l'art. 7 1re phrase de l'ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 3 octobre 1994 (Ordonnance sur le libre passage, OLP - RS 831.425), en lien avec l'art. 26 al. 2 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (Loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42), le taux de l’intérêt moratoire correspond au taux d’intérêt minimal fixé dans la LPP, augmenté de 1%.

Le taux d'intérêt minimal LPP défini par le Conseil fédéral est de 1% à partir du 1er janvier 2017 (art. 15 al. 2 LPP cum art. 12 let. j de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 [OPP 2 - RS 831.441.1]).

9.2 Cela étant, des intérêts moratoires de 2% sont dus à compter du 23 décembre 2021, date de la demande en justice.

10.         Au vu de ce qui précède, la demande en paiement est partiellement admise, en ce sens que la défenderesse est condamnée à verser au demandeur une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle étendue dès le 1er novembre 2012, avec intérêts moratoires de 2% à partir du 23 décembre 2021.

Il est à cet égard à relever que le jugement par lequel le tribunal cantonal ne fait que constater un droit aux prestations quant au principe conformément aux conclusions de l'action, mais ne chiffre pas le montant de ces prestations, n'est pas contraire au droit fédéral (cf. ATF 129 V 450 consid. 3.4).

11.         Le demandeur, représenté par une avocate, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens que la chambre de céans fixera en l'espèce à CHF 3'000.- (art. 89H al. 3 LPA et art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP ; art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 23 décembre 2021 recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur un trois-quarts de rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle étendue dès le 1er novembre 2012, avec intérêts moratoires de 2% à partir du 23 décembre 2021.

4.        Alloue au demandeur une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens, à la charge de la défenderesse.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le