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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/209/2023

ATAS/366/2023 du 22.05.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/209/2023 ATAS/366/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mai 2023

6ème Chambre

 

En la cause

 

A______

Représentée par Me Raphaël ROUX, avocat

 

 

recourante

contre

 

UNIA CAISSE DE CHÔMAGE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1973, s'est inscrite le 3 mars 2020 auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) pour un taux de 100% et a demandé des indemnités de chômage à la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse).

b. La caisse a ouvert un délai cadre d'indemnisation du 3 mars 2020 au 30 novembre 2022. Le gain assuré a été calculé à CHF 12'350.- et l'indemnité journalière à CHF 455.30, soit 80% du gain assuré journalier.

c. Par contrat de travail du 3 juin 2021, l'assurée a été engagée par la société B______ Sàrl (ci-après : l'employeuse) à plein temps à partir du 5 juillet 2021 pour une durée indéterminée, en qualité de « Project Manager », pour un salaire annuel de CHF 114'400.-.

d. La caisse a indemnisé l'assurée de juillet 2021 à mars 2022 en prenant en compte un gain intermédiaire mensuel de CHF 9'533.35.

e. Sur l'attestation de gain intermédiaire du mois d'avril 2022, l'employeuse a mentionné le paiement d'une gratification de CHF 4'061.20.

f. Interrogée par la caisse à propos de cette gratification, l'employeuse a indiqué par courriel du 17 mai 2022 que l'assurée recevait entre 5 à 10% du salaire annuel à titre de bonus sur chaque année échue et que le bonus reçu en avril 2022 concernait les six mois de 2021.

B. a. Par décision du 19 mai 2022, la caisse a corrigé les décomptes de juillet à décembre 2021 en prenant en compte le bonus de CHF 4'061.20 et constaté que l'assurée n'avait plus de perte de gain à faire valoir, de sorte que sa demande d'indemnité était rejetée à partir du 1er juillet 2021. Les indemnités versées pour les mois de janvier à mars 2022 étaient également demandées en restitution. Le montant total de la restitution s'élevait à CHF 17'025.80

b. Par courrier du 17 juin 2022, par l'intermédiaire du syndicat UNIA, l'assurée a formé opposition contre cette décision. Le bonus versé en avril 2021 ne devait pas être pris en considération comme élément de salaire, puisque le contrat de travail n'indiquait aucun droit à une éventuelle gratification en sus du salaire et aucun élément tangible ne lui permettait raisonnablement de prévoir que son employeuse lui verserait des bonus. Par ailleurs, il était manifestement disproportionné de la soumettre au remboursement rétroactif d'une somme de CHF 17'025.80 en raison de la perception d'un bonus de CHF 4'061.- qu'elle n'était pas en mesure de prévoir.

c. Sur demande de la caisse, l'employeuse a répondu par courriel du 8 juillet 2022 que le bonus n'était pas indiqué dans le contrat suisse mais faisait partie intégrante de la maison mère aux États-Unis. Lors des réunions virtuelles trimestrielles « All Hands meeting », il en avait toujours été fait mention, car régulièrement rappelé par les employés à travers le monde, et le « CFO » avait communiqué déjà début août 2021 le paiement du bonus à tous les employés. Ce bonus était lié à la croissance de l'entreprise avant taxation, toute division confondue. Or, depuis ces cinq dernières années, l'entreprise avait une croissance à deux chiffres, les employés en parlaient régulièrement et attendaient ce paiement. Le bonus n'était jamais contractuel ni identique et le groupe se réservait un droit de retrait en cas de problème financier très grave. Cependant, chaque mois, le groupe financier mettait un douzième de la masse salariale globale pour le paiement au niveau mondial de ce bonus. Dans la mesure où il n'y avait rien d'écrit dans le contrat suisse, le bonus était mentionné lors de la signature du contrat, de même que le fait que cela dépendait uniquement de la holding états-unienne. Cela étant, ce bonus faisait partie des « fringe benefit » du groupe. Depuis 2008, le groupe payait constamment des bonus, le montant pour les « project manager » était toujours fixé à 10% des revenus au maximum. Il pouvait être inférieur si l'employé ne performait pas lors du « annual merit increase » mais cela restait exceptionnel. Dans le système informatique de l'entreprise, à la page concernant le revenu, le chiffre de 10% était visible, mais ce système avait récemment été changé et cette information était désormais visible uniquement à partir du niveau « management », en plus des ressources humaines. Sous réserve d'une faillite ou d'un rachat du groupe, le bonus pour l'année 2022 serait payé.

d. Par pli du 15 août 2022 à la caisse, l'assurée s'est déterminée sur le contenu du courriel du 8 août 2022 de son employeuse. Elle a expliqué qu'elle avait commencé à travailler auprès de celle-ci le 5 juillet 2021 et était en période d'essai jusqu'au 5 octobre 2022. Elle a confirmé que lors de la signature de son contrat, les ressources humaines avaient mentionné par oral l'existence d'un bonus dans l'entreprise, toutefois aucune information écrite ou orale ne lui avait alors été communiquée sur son éligibilité audit bonus, ni sur le montant versé ou la manière d'avoir une visibilité sur un tel versement. Elle avait été engagée depuis peu et était en télétravail du 20 septembre 2021 au 14 mars 2022, de sorte qu'elle n'avait pas eu connaissance de ce que faisaient ou recevaient les autres employés plus anciens vis-à-vis des bonus. Lors de ses rapports de travail, l'information sur la manière de procéder pour savoir si elle recevrait un bonus, ainsi qu'en estimer le montant ne lui avait pas été transmise par son supérieur, ni par les ressources humaines. Lors des réunions, ce bonus avait été mentionné seulement en des termes généraux et selon les renseignements reçus il n'était pas uniquement lié à la croissance de l'entreprise mais également à un facteur de performance et d'éligibilité de l'employé. Son éligibilité au bonus ne lui avait été communiquée par son supérieur que par courriel du 22 avril 2022 et elle avait eu connaissance du montant dudit bonus seulement en lisant sa fiche de salaire du mois d'avril 2022. Dans ces circonstances, elle ne pouvait pas prévoir qu'elle bénéficierait d'un bonus, ni sur le principe ni sur le montant. C'était donc de bonne foi qu'elle avait informé la caisse des revenus qu'elle comptait percevoir durant son activité pour l'employeuse lors de sa demande d'indemnités compensatoires de chômage, en juin 2021. Par ailleurs, elle avait respecté ses devoirs en transmettant toutes les informations et pièces justificatives requises et fournies par son employeuse. Malgré sa bonne foi, elle était injustement et disproportionnellement pénalisée par la demande en restitution. Elle maintenait donc son opposition.

e. Interrogée une nouvelle fois par la caisse, l'employeuse a confirmé ses précédentes déclarations mais précisé qu'il avait été décidé, en raison de la détérioration des relations de travail avec l'assurée, de la licencier pour le 31 janvier 2023, de sorte qu'elle n'aurait pas droit à son bonus pour l'année 2022 car elle ne serait plus dans l'entreprise au moment du paiement de celui-ci.

f. Le 8 décembre 2022, la caisse a partiellement admis l'opposition de l'assurée, annulé sa décision du 19 mai 2022, refusé le droit à l'indemnité de chômage pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2021 et réclamé la restitution des prestations à hauteur de CHF 11'268.80. Elle estimait que le bonus en cause, malgré le fait qu'il n'était pas mentionné dans le contrat de travail, était un bonus versé régulièrement, dont l'existence avait été mentionnée à l'assurée et qui était soumis à cotisation. Cette gratification était répartie sur la période de contrôle de juillet à décembre 2021, de sorte que mensuellement, pour cette période, elle avait perçu un montant supplémentaire de CHF 676.85. Pour cette période, son revenu mensuel, qui était composé de son salaire mensuel (CHF 8'800.-), de la part du treizième (CHF 733.35) et de la part du bonus pour 2021 (CHF 676.85), s'élevait au total à CHF 10'210.20. Ainsi, le revenu journalier s'élevait à CHF 470.50 et était supérieur à l'indemnité journalière calculée sur la base du gain assuré de chômage de l'assurée, de sorte que cette dernière devait être considérée comme étant sortie du chômage dès le 5 juillet 2021 et jusqu'au 31 décembre 2021 et n'avait plus droit aux indemnités compensatoires pour cette période. Quand bien même il fallait considérer que la gratification devait être répartie proportionnellement selon le nombre de jours ouvrables durant cette période, le revenu journalier total de l'assurée demeurait supérieur à l'indemnité journalière calculée sur la base du gain assuré. S'agissant des périodes de contrôle dès le 1er janvier 2022, il s'était avéré que l'employeuse avait finalement indiqué que l'assurée ne percevrait pas de bonus pour l'année 2022. Les décomptes initiaux pour janvier à mars 2022 étaient donc corrects et l'assurée avait bien droit à l'indemnité compensatoire pour ces mois, de sorte qu'elle ne devait pas rembourser les indemnités compensatoires perçues pour cette période. En revanche, l'assurée devait bel et bien restituer la somme de CHF 11'268.80 qui correspondait aux indemnités compensatoires perçues pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2021.

C. a. Par acte du 23 janvier 2023, l'assurée, représentée par un avocat, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à la constatation qu'aucune restitution n'était due.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu, par acte du 3 février 2023, au rejet du recours.

c. Le 24 février 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai de trente jours prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur la restitution des indemnités compensatoires perçues par la recourante pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2021, singulièrement sur la question de savoir si la gratification reçue dans le cadre de son activité intermédiaire doit être prise en compte pour la détermination du gain intermédiaire.

3.             L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI – RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le Secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après: SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

4.              

4.1 D'après l'art. 24 LACI – intitulé « prise en considération du gain intermédiaire » –, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d'une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle. L'assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain. Le taux d'indemnisation est déterminé selon l'art. 22 LACI. Le Conseil fédéral fixe le mode de calcul du gain retiré d'une activité indépendante (al. 1). Est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux. Les gains accessoires ne sont pas pris en considération (cf. art. 23 al. 3 LACI ; al. 3).

4.2 Aux termes de l'art. 41a al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) – intitulé « indemnités compensatoires » –, lorsque l'assuré réalise un revenu inférieur à son indemnité de chômage, il a droit à des indemnités compensatoires pendant le délai-cadre d'indemnisation.

Une prétention aux indemnités compensatoires n'existe que si le revenu global de la personne assurée demeure inférieur à l'indemnité de chômage à laquelle elle pourrait prétendre (ATF 127 V 479).

4.3 Les notions de gain assuré (art. 23 LACI) et de gain intermédiaire (art. 24 LACI) sont distinctes l'une de l'autre, mais étroitement liées. En effet, le gain réalisé par le chômeur durant une période de contrôle (art. 24 al. 1 LACI) réduit le manque à gagner résultant du chômage (art. 11 al. 1 LACI), de sorte que l'assurance-chômage n'indemnise que la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire (art. 24 al. 3 LACI) ; effectuer une telle comparaison nécessite d'en définir les termes selon des critères analogues (dans ce sens, ATF 121 V 360 consid. 6a ; ATAS/24/2021 du 13 janvier 2021 consid. 7b). Il convient par ailleurs d'éviter, autant que possible, qu'un assuré se voie imputer un gain intermédiaire réalisé pendant un délai-cadre d'indemnisation et que ce revenu ne soit pas ensuite pris en considération pour déterminer son gain assuré (et inversement), lors de l'ouverture d'un deuxième délai-cadre d'indemnisation. 

Aussi, en règle ordinaire, le Tribunal fédéral des assurances détermine le gain intermédiaire selon les mêmes règles qu'il applique au calcul du gain assuré. Ainsi en va-t-il, par exemple, du régime applicable aux indemnités de vacances versées avec le salaire, sous forme de pourcentage (cf. DTA 2000 n° 7 p. 35 consid. 2). La jurisprudence n'exclut toutefois pas d'examiner, dans certains cas, le droit d'un assuré à des indemnités compensatoires selon des critères propres, en raison des particularités inhérentes au système régi par l'art. 24 LACI (cf. SVR 2000 ALV n° 22 p. 63 consid. 3) ; la loi le prévoit parfois expressément, notamment à l'art. 24 al. 3 LACI, qui prescrit de prendre en considération un gain intermédiaire conforme aux usages professionnels et locaux.

4.4 S’agissant des gratifications, la jurisprudence considère qu’elles sont incluses dans le gain assuré, même si l'employeur les verse à bien plaire et que l'employé ne peut en déduire aucun droit en justice (art. 23 LACI, en relation avec l’art. 5 al. 2 de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants [LAVS ; RS 831.10] et l’art. 7 let. b du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants [RAVS ; RS 831.101], ATF 122 V 363 consid. 3 et les références ; arrêt du tribunal fédéral des assurances C 195/03 du 19 août 2004, consid. 5.1). Elles doivent être imputées proportionnellement sur les autres mois de l'année pendant lesquels l'assuré a travaillé, de la même manière qu'un treizième salaire (arrêt du tribunal fédéral des assurances C 269/02 du 23 janvier 2003, consid. 2).

Lorsqu’elles statuent, en cours d'année, sur le droit d'un assuré à des indemnités compensatoires, les caisses de chômage ignorent si une gratification sera versée, à bien plaire, par l'employeur. Il leur appartient donc, si elles apprennent le versement d'une telle gratification, de procéder à une révision des décisions d'allocation d'indemnités compensatoires déjà entrées en force, au motif que la prestation de travail de l'assuré s'est finalement avérée plus rémunératrice qu'initialement annoncé (arrêt du tribunal fédéral des assurances C 45/01 du 14 novembre 2001, consid. 5c).

4.5 Selon le ch. C125 du Bulletin LACI IC, publié par le SECO - dont les directives ne lient toutefois pas le juge (cf. ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 ; 142 V 442 consid. 5.2) -, le gain intermédiaire est calculé normalement sur le total du revenu réalisé pendant la période de contrôle ; y entrent le salaire de base, les indemnités pour jours fériés et autres éléments constitutifs du salaire auxquels l'assuré a droit, tels que 13ème salaire, gratifications, commissions, allocations de résidence, allocation de renchérissement, supplément pour travail de nuit, travail du dimanche, travail en équipes, service de piquet, si l'assuré touche normalement ces suppléments en raison de la nature de ses activités ou de son horaire de travail ; l'indemnité de vacances versée en plus du salaire de base n'est prise en compte comme gain intermédiaire qu'au moment où l'assuré prend effectivement ses vacances.

Le 13ème salaire et les gratifications sont répartis proportionnellement sur les périodes de contrôle où l’assuré a réalisé un gain intermédiaire ; si le montant de la gratification n'est pas connu durant le rapport de travail en gain intermédiaire, la caisse répartit cette gratification, dès qu'elle en a connaissance, sur la période de référence au prorata des heures accomplies chaque mois. Cela signifie qu'elle doit recalculer les périodes de décompte et établir une décision de restitution pour autant que le montant de la restitution revête une importance notable (Bulletin LACI IC, C126).

5.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.              

6.1 En l'espèce, après avoir appris que la recourante avait perçu un bonus de CHF 4'061.20 pour la période de travail du 5 juillet au 31 décembre 2021, l'intimée a considéré qu’il devait être inclus dans le gain intermédiaire, avec la conséquence que le gain journalier qui en résultait était supérieur au gain journalier assuré, justifiant la restitution des prestations versées pour la période en cause.

6.2 La recourante reproche à l'intimée d'avoir établi les faits de manière partielle et d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le bonus en cause était une gratification due par l'employeuse, qui entrait dans le calcul du gain intermédiaire. Au contraire, il s'agissait d'un bonus versé une seule fois, soit une gratification à laquelle elle n'avait pas droit, de sorte qu'il ne devait pas être pris en compte dans la détermination de son gain intermédiaire. Par ailleurs, elle fait valoir qu'il est disproportionné de lui réclamer le remboursement de CHF 11'268.80 pour un bonus perçu de CHF 4'061.-.

6.3 En l’espèce, c'est à juste titre que l’intimée a recalculé le gain intermédiaire en tenant compte du montant de la gratification perçue, répartie proportionnellement sur la période du 5 juillet au 31 décembre 2021.

Contrairement à ce que considère la recourante, la distinction opérée en droit du travail au sujet de la gratification à laquelle l'employé a droit et celle à laquelle il n'a pas droit, est en réalité sans pertinence dans le cas d'espèce, puisque, eu égard à la jurisprudence fédérale précitée, en assurance-chômage, le bonus doit être inclus dans le gain assuré, même si l'employeur le verse à bien plaire et que l'employé ne peut en déduire aucun droit en justice (cf. ATF 122 V 363 consid. 3). Aussi, dans la mesure où, en principe, le gain intermédiaire doit être déterminé de la même manière que le gain assuré, le bonus perçu par la recourante dans le cadre de son activité intermédiaire devait bel et bien être pris en compte.

La recourante se réfère à un ATAS/890/2022 du 11 octobre 2022 (consid. 4.6.1) pour faire valoir que son bonus ne doit pas entrer dans la fixation du gain assuré, et donc du gain intermédiaire, car il a été versé une seule fois. Certes, selon cet arrêt certains montants perçus par le salarié, soumis à cotisation, n'entrent pas dans la fixation du gain assuré, ce qui peut notamment être le cas d'un bonus versé une seule fois dans des circonstances particulières. Cela étant, il s'agit de cas très spécifiques, tels que le versement d'une prime qualifiée de « bonus de présence » par les parties au contrat, versée au titre de circonstances tout à fait particulières qui ne se sont produites qu'une seule fois à l'occasion de la cessation d'activité de la société (cf. DTA 2006 n. 27 p. 305) ou encore le versement d'un « bonus d'heures de plus », correspondant en réalité aux heures supplémentaires travaillées par l'assuré (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_479/2014 du 3 juillet 2015). Or, la situation de la recourante ne correspond pas à l'un de ces cas de figure. En effet, l'employeuse a confirmé que, sauf rares exceptions, le bonus était en principe versé tous les ans aux employés et était lié à la croissance de l'entreprise, de sorte qu’il s’agissait d’un gain régulier et non d’une prime versée dans des circonstances particulières. Certes, la recourante n'a pas perçu de bonus pour l'année 2022, cela étant, l'employeuse a expliqué que c'était en raison de son licenciement pour fin janvier 2023, due à la détérioration des relations de travail, et que, dans l'hypothèse où elle n'avait pas été licenciée, elle aurait également reçu un bonus pour 2022. Aussi, le fait que ce bonus lui ait été versé qu'une seule fois n'est pas dû à la nature exceptionnelle dudit bonus mais bien au fait que les relations de travail n'ont pas duré au-delà du mois de janvier 2023.

L'intimée a donc valablement inclus la gratification perçue pour 2021, au gain intermédiaire pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2021.

7.             Les modalités de calcul opéré par l'intimée ne prêtent pas le flanc à la critique et ne sont d'ailleurs pas remises en cause par la recourante. Le gain assuré de CHF 12'350.- retenu par l’intimée n’est pas litigieux. L’indemnité de chômage correspond à 80% de ce montant divisé par 21.7, soit le nombre de jours ouvrables en moyenne par mois (cf. art. 40a de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité [OACI ; RS 837.02]) et s'élève ainsi à CHF 455.30. Quant au revenu journalier correspondant au gain intermédiaire, il est de CHF 470.50, soit CHF 10'210.20 (CHF 8'800.- [salaire mensuel] + CHF 733.35 [part du treizième] + CHF 676.85 [part du bonus]) divisés par 21.7. Dès lors, le gain intermédiaire (CHF 470.50) dépassait effectivement pour la période en cause l'indemnité de chômage (CHF 455.30).

Or, dans la mesure où, en tenant compte du bonus, la rémunération de la recourante est supérieure à l'indemnité de chômage complète, la recourante n'a plus droit à aucune indemnité puisque, durant la période de contrôle en cause, elle perd son statut de chômeuse.

S’agissant du montant à rembourser, il est supérieur au montant du bonus. Ceci s'explique par le fait que c'est en référence au gain assuré qu'est calculée la perte de gain servant de base au calcul de l'indemnité compensatoire, ce qui fait du gain intermédiaire une institution particulièrement avantageuse (Boris RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, procédure, 2ème éd., Zurich 2006, p. 330). En effet, les indemnités compensatoires ont pour but de promouvoir la reprise du travail, même lorsqu'il s'agit d'un emploi qui ne met pas fin au chômage. Ainsi, celui qui obtient un gain intermédiaire réalise un revenu plus élevé que le chômeur, puisque la somme du gain intermédiaire et de l'indemnité compensatoire est toujours plus élevée que l'indemnité normale sans gain intermédiaire, soit celle qui serait versée en cas de chômage total de l'assuré (RUBIN, op. cit., p. 322). En recevant un gain journalier supérieur à l'indemnité de chômage, la recourante n’a plus droit à aucune indemnité compensatoire ; elle subit de cette manière un effet de seuil, qui, s'il peut effectivement lui paraître inéquitable, est néanmoins conforme au droit.

8.             Reste à déterminer si la demande de restitution respecte les conditions de l'art. 25 LPGA.

8.1 Au terme de l'art. 25 al. 1 LPGA, auquel renvoie l'art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2).

L'obligation de restituer des prestations indûment touchées et son étendue dans le temps a pour but simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 19 consid. 3a ; ATF 122 V 134 consid. 2c ; ATF 122 V 169 V consid. 4a ; ATF 121 V 1 consid. 6), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 19 consid. 3a ; ATF 122 V 169 consid. 4a ; ATF 121 V 1 consid. 6).

Ces principes sont aussi applicables lorsque des prestations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une décision formelle et que leur versement, néanmoins, a acquis force de chose décidée (ATF 126 V 23 consid. 4b et la référence).

8.2 En vertu de l'art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4; ATF 128 V 10 consid. 1).

Le délai de péremption relatif de trois ans commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a).

8.3 En l'occurrence, après avoir appris en avril 2022 que la recourante avait perçu un bonus pour 2021, l'intimée lui a réclamé, par décision du 19 mai 2022, le remboursement des prestations versées pour la période de juillet à décembre 2021. Or, le versement dudit bonus est un fait nouveau, susceptible de conduire à une appréciation juridique différente de la décision initiale de prestations, la rectification de celle-ci revêtant une importance notable, puisque, comme vu précédemment, les indemnités compensatoires versées à la recourante pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2021, l'ont été de manière indue et qu'elles s'élèvent, au total, à CHF 11'268.80. Par ailleurs, le délai relatif de trois ans est clairement respecté.

9.              

9.1 Eu égard à ce qui précède, la décision de l'intimée s'avère conforme au droit. Le recours sera donc rejeté.

9.2 Il n’y a pas lieu d’examiner, dans le cadre de la présente procédure, si les conditions d’une remise de l’obligation de restituer sont remplies, à savoir si, cumulativement, l'intéressée était de bonne foi et si l’obligation de restituer l’exposerait à une situation difficile (art. 25 al. 1 phr. 2 LPGA). C’est une fois seulement qu’est entrée en force la décision portant sur la restitution elle-même des prestations perçues indûment que sont examinées ces deux conditions, sur requête de l’intéressée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.2 ; ATAS/587/2016 du 19 juillet 2016 consid. 3 ; ATAS/365/2016 du 10 mai 2016 consid. 7a ; Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 3ème éd., 2015, n. 9 ad art. 25 LPGA, p. 383).

Il est toutefois loisible à la recourante de solliciter une telle remise de la part de l'intimée (cf. art. 2 ss OPGA).

9.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l'art. 1 al. 1 LACI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le