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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/779/2022

ATAS/332/2023 du 16.05.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/779/2022 ATAS/332/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 mai 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______

représentée par Me Sacha CAMPORINI, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1963, divorcée, mère d'un fils né le ______ 2000, travaillait en qualité d'aide-soignante à 80% dans un établissement médico-social depuis le 11 mai 2001.

b. Dans un rapport du 17 août 2020, le département des neurosciences cliniques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a indiqué que l'assurée souffrait d'une sclérose en plaques de type poussée-rémission, qui avait été diagnostiquée en novembre 2019.

c. Les HUG, puis le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin-traitant, ont mis l'assurée en arrêt de travail à 100% du 7 novembre 2019 au 16 février 2020, à 50% du 17 février au 31 mars 2020, à 100% du 1er avril au 1er mai 2020, et à 50% depuis le 1er juillet 2020. Du 2 mai au 30 juin 2020, l'assurée a tenté une reprise de son emploi au taux habituel, sans succès (cf. rapport de « clôture IP en vue de DDP » du 2 septembre 2021).

d. Le 12 janvier 2021, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé).

e. Dans une note du 3 février 2021, l'OAI a retenu un statut mixte pour l'assurée à raison de 80% pour la part active et de 20% pour la part ménagère.

f. Dans un rapport du 7 février 2021, le Dr B______ a mentionné que l'assurée, qui présentait une asthénie persistante, travaillait à 50% (du taux d'activité de 80%) en tant qu'aide-soignante, et qu'il n'existait pas d'activité adaptée qui permettrait un meilleur rendement.

g. Dans un rapport du 15 juillet 2021, les HUG ont relevé que l'assurée était en mesure de poursuivre son activité habituelle au taux de 40%.

h. Le 23 septembre 2021, un rapport d'enquête économique sur le ménage a été établi, lequel a conclu à un empêchement sans exigibilité de 11.55% et avec exigibilité du fils (majeur, étudiant et partageant le logement) de 0%.

B. a. Dans un projet de décision du 27 septembre 2021, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait lui reconnaître le droit à un quart de rente fondé sur un taux d'invalidité de 48% dès le 1er juillet 2021. Il a considéré que, à l'échéance du délai d'attente d'un an, le 7 novembre 2020, une reprise de travail à 50% comme aide-soignante (par rapport au taux habituel de 80%) correspondait à une reprise de 40% d'un 100%, de sorte que l'incapacité de gain était de 60% (en application de la méthode mixte en vigueur depuis le 1er janvier 2018). Il a en conséquence arrêté le degré d'invalidité à 48% dans la sphère professionnelle (80% × 60%) et à 0% dans la sphère ménagère (20% × 0%). Bien que le droit à la rente fût ouvert en novembre 2020, la rente ne pouvait être versée qu'à compter de juillet 2021 en raison de la demande tardive.

b. Le 18 octobre 2021, l'assurée a contesté ce projet de décision.

c. Par décision du 10 février 2022, l'OAI a confirmé son projet de décision

C. a. Par acte du 10 mars 2022 complété le 20 mai suivant, l'assurée, par l'intermédiaire de son avocat, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à son audition, principalement, à l'annulation de cette décision et à l'octroi à tout le moins d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er juillet 2021, et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans sa réponse du 22 juin 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 19 juillet 2022, la recourante a maintenu sa position.

d. Dans sa duplique du 10 août 2022, l'intimé en a fait de même.

e. Le 14 septembre 2022, la recourante s'en est rapportée à ses précédentes écritures.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 10 mars 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le degré d'invalidité de la recourante.

6.              

6.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).

6.2 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

6.2.1 Selon les dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui avaient au moins 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, l’ancien droit reste applicable (let. c).

6.2.2 En l'occurrence, la recourante, née le 19 juin 1963, était âgée de 58 ans au 1er janvier 2022. Son droit matériel à la rente d'invalidité est né en novembre 2020 comme on le verra plus loin, soit avant l'entrée en vigueur de ladite modification. Par conséquent, les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.3 La recourante conteste l'application de l'ancien droit, au motif qu'il lui est défavorable. Elle constate qu'un degré d'invalidité de 48%, reconnu par l'intimé, lui ouvrirait le droit à une quotité de rente de 45% selon le nouveau droit, laquelle n'est que de 25% au regard du droit actuel. Elle considère que cette situation ne semble ni être une conséquence voulue ni même appréhendée par le législateur. Elle se prévaut de la violation du principe d'égalité de traitement, en soutenant qu'un assuré présentant le même taux d'invalidité qu'elle ayant déposé une demande de prestations six mois après elle bénéficierait du système de rentes linéaire. Elle ajoute que les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur seulement six mois après la naissance de son droit à la rente en juillet 2021, si bien que l'écrasante majorité de ses rentes mensuelles prendront naissance après l'avènement du nouveau droit. Par ailleurs, l'application littérale du droit transitoire, dans l'hypothèse d'une péjoration de son état de santé avec pour conséquence une réévaluation de son taux d'invalidité, ne lui permettrait pas, vu son âge, d'être mise au bénéfice d'une rente linéaire. Pour ces motifs, elle invoque une application arbitraire du droit.

6.3.1 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2021 ; antérieurement : art. 28 al. 1 LAI dans sa teneur du 1er janvier 2004 [4e révision AI] au 31 décembre 2007), l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon l’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (cf. al. 4).

6.3.2 L’art. 1 al. 1 du Titre final du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) consacre le principe de non-rétroactivité des lois. Selon ce principe, en l’absence de dispositions transitoires particulières, l’interdiction de la rétroactivité fait obstacle à l'application d'une nouvelle disposition légale à des faits entièrement révolus avant son adoption (rétroactivité proprement dite) ; il est en revanche admissible d'appliquer la nouvelle norme à des faits ayant pris naissance sous l'empire du droit antérieur, mais qui déploient encore des effets sous le nouveau droit (rétroactivité improprement dite), sous réserve des droits acquis (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2).

Le principe de la lex mitior - soit l’application de la loi la plus favorable au justiciable - est une exception au principe de la non-rétroactivité des lois. Il est soumis aux conditions auxquelles la doctrine et la jurisprudence subordonnent l'admissibilité de la rétroactivité des dispositions légales, soit notamment que cette rétroactivité soit expressément prévue par la loi ou qu’elle découle clairement de son sens. Le principe de la lex mitior est admis principalement en droit pénal, dès lors qu’il a été explicitement consacré par le législateur à l'art. 2 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; ATF 102 Ib 335 consid. 2b). Il s’applique également en cas de sanctions disciplinaires (ATF 130 II 270 consid. 1.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 5).

6.3.3 La protection de l'égalité (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]) et celle contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une norme est arbitraire lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1). Elle viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 134 I 23 consid. 9.1).

6.3.4 Les dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 ont la teneur suivante :

« a. Garantie des droits acquis s’agissant des indemnités journalières versées pour des mesures de réadaptation en cours

Les indemnités journalières octroyées à l’entrée en vigueur de la présente modification conformément aux art. 22, al. 1bis, et 23, al. 2 et 2bis, de l’ancien droit continuent d’être versées jusqu’à l’interruption ou l’achèvement de la mesure ayant justifié leur versement.

b. Adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés de moins de 55 ans

1 Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA.

2 La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA si l’application de l’art. 28b de la présente loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction.

3 Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui n’avaient pas encore 30 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, la réglementation relative au droit à la rente conformément à l’art. 28b de la présente loi s’applique au plus tard dix ans après ladite entrée en vigueur. En cas de baisse du montant de la rente par rapport au montant versé jusque-là, l’ancien montant continue d’être versé tant que le taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA.

c. Exemption de l’adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés d’au moins 55 ans

Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui avaient au moins 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, l’ancien droit reste applicable ».

6.3.5 Le régime transitoire distingue trois groupes d'assurés, dont le droit à la rente est né avant le 1er janvier 2022, en fonction de leur âge à l'entrée en vigueur de cette modification.

6.3.5.1.    Dans son message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (Développement continu de l'AI) du 15 février 2017, le Conseil fédéral proposait une adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés de moins de 60 ans (lettre b des dispositions transitoires) et une exemption de l’adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés d’au moins 60 ans (lettre c ; FF 2017 2363 p. 2504).

Selon lui, les bénéficiaires de rente âgés de 60 ans et plus à l’entrée en vigueur de la révision de la loi jouiront de la garantie des droits acquis ; la quotité de la rente à laquelle ils ont droit restera conforme aux dispositions du droit actuel. Tout changement affectant leur situation continuera d’être pris en considération et déclenchera, le cas échéant, une révision des prestations. Cela vaut pour les changements concernant leur situation personnelle (mariage, divorce, veuvage, augmentation ou suppression des rentes pour enfant, adaptation périodique des rentes, etc.) et susceptibles d’entraîner une modification du montant de la rente. Les modifications tenant à la situation objective de la personne (une détérioration de son état de santé, par ex.) entraîneront aussi une révision, mais la quotité de la rente continuera de se calculer en vertu des dispositions du droit actuel (FF 2017 2363 p. 2504-2505).

À titre d'illustrations, le Conseil fédéral citait les deux exemples suivants (FF 2017 2363 p. 2505) :

Exemple 1 : Un assuré touche une demi-rente en raison d’un taux d’invalidité de 53%. Il a plus de 60 ans à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions et continue en conséquence de percevoir sa demi-rente (droit acquis). Par la suite, sa situation se modifie de telle sorte que l’office AI constate un taux d’invalidité de 64%. Comme la rente est encore servie en vertu des dispositions du droit actuel, l’assuré touche alors trois quarts de rente (75% d’une rente entière et non pas 64% comme ce serait le cas conformément aux nouvelles dispositions).

Exemple 2 : Une assurée perçoit une rente entière en raison d’un taux d’invalidité de 72%. Elle a plus de 60 ans à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions et continue en conséquence de percevoir sa rente entière (droit acquis). Par la suite, sa situation se modifie de telle sorte que l’office AI constate, lors d’une révision, un taux d’invalidité de 61%. Comme la rente est encore servie en vertu des dispositions du droit actuel, l’assurée touche alors trois quarts de rente (75% d’une rente entière et non pas 61% comme ce serait le cas conformément aux nouvelles dispositions).

Au terme des délibérations parlementaires, le législateur a approuvé les dispositions transitoires proposées, sous réserve que les rentes en cours soient adaptées selon la lettre b al. 1 et 2 des dispositions transitoires pour les bénéficiaires âgés de moins de 55 ans et l'exemption de l'adaptation des rentes en cours selon la lettre c pour les bénéficiaires âgés d'au moins 55 ans. La baisse de l'âge (de 60 ans à 55 ans) était motivée notamment par le fait qu'il est plus difficile pour les bénéficiaires de rentes AI de trouver un emploi après l'âge de 55 ans (cf. Joachim Eder, BO 2019 CE 798 ; Benjamin Roduit, BO 2019 CN 2193). Ainsi, la lettre c des dispositions transitoires introduit la garantie des droits acquis dès l'âge de 55 ans. En d'autres termes, les rentes des assurés ayant atteint 55 ans lors de l'entrée en vigueur de la modification de la LAI ne passent pas au nouveau système, conformément à la volonté du législateur.

6.3.5.2.    Force est de constater qu'il n'existe aucune réglementation transitoire rendant le nouveau droit applicable à la situation de la recourante, qui est régie par la lettre c des dispositions transitoires pour les motifs exposés au consid. 6.2.1 - 6.2.2 ci-dessus. Par ailleurs, la lettre c de ces dispositions transitoires n'autorise pas un cas de rétroactivité improprement dite. Certes, le nouveau droit se rattache à des faits nés sous l'ancien droit (la naissance du droit à la rente avant le 1er janvier 2022), qui déploient des effets dans la durée (versement des rentes). Toutefois, cette disposition a précisément pour but de garantir les droits acquis des assurés ayant atteint l'âge de 55 ans au 1er janvier 2022 et dont le droit à la rente est né antérieurement à cette date. Autrement dit, la garantie des droits acquis pour ces assurés-ci fait échec à l'application du nouveau système de rentes à une situation durable née avant le 1er janvier 2022.

La recourante confond deux notions : la naissance du droit à la rente et le versement de la rente. La rente d'invalidité ne peut être versée conformément à l'art. 29 al. 3 LAI (soit dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance), qu'à condition que l'assuré ait présenté sa demande dans le délai de six mois avant l'expiration du délai d'attente d'une année (qui commence à courir à la date de l'incapacité de travail durable [cf. art. 28 al. 1 let. b LAI]). Si l'assuré dépose sa demande à l'office AI plus de six mois après le début de son incapacité de travail (ou du délai d'attente), il s'agit d'une demande tardive, ayant pour conséquence la perte du droit à la rente pour chaque mois de retard (ATAS/423/2020 du 27 mai 2020 consid. 19b).

En l'occurrence, la recourante a présenté une incapacité de travail depuis le 7 novembre 2019, d'abord à 100% puis à 50%, étant relevé que l'essai de reprise de travail au taux habituel du 2 mai au 30 juin 2020, qui a échoué, n'a pas interrompu le délai de carence (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI) même s'il a duré plus de 30 jours (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.238/05 du 2 novembre 2005 consid. 2.2). Ainsi, à l'échéance du délai d'attente d'un an en novembre 2020, date à laquelle naît le droit à la rente, la recourante pouvait en principe prétendre à sa rente d'invalidité. Toutefois, comme elle a déposé sa demande de prestations le 12 janvier 2021, soit plus de six mois après le début de son incapacité de travail durable le 7 novembre 2019, la rente ne peut lui être versée au plus tôt que le 1er juillet 2021. Autrement dit, contrairement à ce que paraît croire la recourante, son droit à la rente n'est pas né en juillet 2021, ni sous l'empire du nouveau droit du fait que les rentes lui sont versées également après le 1er janvier 2022.

La recourante ne peut rien tirer en sa faveur, sous l'angle du principe d'égalité de traitement, de la comparaison de sa situation avec celle d'un assuré (du même âge) ayant le même taux d'invalidité, soumis au nouveau système de rentes (dans la mesure où le droit à la rente de celui-ci est né après le 1er janvier 2022), dès lors qu'ils ne sont pas assujettis au même régime. C'est le propre d'un changement de législation (ou d'un régime transitoire comme en l'espèce) d'introduire des différences entre des situations (comparables) qui ont pris naissance avant ou après certaines dates. Ces différences ne sont pas en tant que telles contraires à l'égalité de traitement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2017 du 5 février 2018 consid. 3.2 et les références).

Contrairement à ce que pense la recourante, les assurés qui tombent sous le coup de l'ancien droit, qui présentent, lors d'une révision, une aggravation de leur taux d'invalidité, compris entre 60 et 69%, se verront octroyer un trois quarts de rente (75% d'une rente entière), alors que les assurés dont le droit à la rente est né après le 1er janvier 2022 ayant un taux d'invalidité compris entre 60 et 69% ne percevront dans le nouveau système qu'une rente correspondant au taux d'invalidité (c'est-à-dire inférieure à 75% d'une rente entière). Ainsi, selon les circonstances, l'ancien système de rentes n'est pas absolument désavantageux pour les assurés qui y sont soumis.

Au demeurant, c'est le lieu de rappeler que nombre de dispositions légales contiennent des limites d'âge que ce soit pour la reconnaissance d'un droit, l'accomplissement d'une obligation ou l'obtention d'une prestation. De telles distinctions sont souvent justifiées ou même imposées par les circonstances, des minima ou des maxima étant par la force des choses inévitables. En matière de rentes ou de prestations d'assurances sociales en général, il n'est pas rare que la loi subordonne l'ouverture ou l'extinction d'un droit à une limite d'âge. De telles règles, à l'instar, par exemple, de celles fixant une durée minimale d'activité, de cotisation, de domicile ou encore de séjour, permettent de garantir le respect du principe de la légalité et d'assurer l'égalité de traitement ainsi que l'objectivité des critères d'attribution d'une prestation même si, fatalement, elles ont des conséquences sur les droits des personnes qui ne remplissent pas les conditions requises (arrêt du Tribunal fédéral 8C_495/2011 du 13 décembre 2011 consid. 4.3 et les références).

Pour le surplus, la recourante ne prétend pas que d'autres assurés, ayant 55 ans ou plus au 1er janvier 2022, au bénéfice d'une rente d'invalidité avant cette date, auraient été soumis au nouveau système de rentes depuis lors.

La lettre c des dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020 n'est ainsi pas constitutive d'inégalité de traitement, et échappe au grief d'arbitraire, sinon des changements de législation ne pourront jamais avoir lieu.

Par conséquent, le présent cas doit bel et bien être examiné à l'aune de l'ancien droit.

7.              

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.2 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; ATF 130 V 343 consid. 3.4).

7.3 La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.          

10.1 Lorsqu'il convient d'évaluer l'invalidité d'un assuré d'après la méthode mixte, l'invalidité des assurés qui n'exercent que partiellement une activité lucrative est, pour cette part, évaluée selon la méthode ordinaire de comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA). S'ils se consacrent en outre à leurs travaux habituels, l'invalidité est fixée selon la méthode spécifique pour cette activité. Dans ce cas, il faut déterminer la part respective de l'activité lucrative et celle de l'accomplissement des autres travaux habituels et calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont l'assuré est affecté dans les deux activités en question (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA).

10.2 Ainsi, il convient d'évaluer, d'une part, l'invalidité dans les travaux habituels par comparaison des activités (art. 27 RAI) et, d'autre part, l'invalidité dans une activité lucrative par comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) ; on pourra alors apprécier l'invalidité globale d'après le temps consacré à ces deux champs d'activité. La part de l'activité professionnelle dans l'ensemble des travaux de l'assuré est fixée en comparant l'horaire de travail usuel dans la profession en question et l'horaire accompli par l'assuré valide ; on calcule donc le rapport en pour-cent entre ces deux valeurs (ATF 104 V 136 consid. 2a ; RCC 1992 p. 136 consid. 1b). La part des travaux habituels constitue le reste du pourcentage (ATF 130 V 393 consid. 3.3 et 104 V 136 consid. 2a). Activité lucrative et travaux habituels non rémunérés sont en principe complémentaires dans le cadre de la méthode mixte. En d'autres termes, ces deux domaines d'activités forment ensemble, en règle générale, un taux de 100% et la proportion de la partie ménagère ne doit pas être fixée en fonction de l'ampleur des tâches entrant dans le champ des travaux habituels. Aussi, ne sont pas déterminants le temps que l'assuré prend pour effectuer ses tâches ménagères, par exemple, s'il préfère les exécuter dans un laps de temps plus important ou plus court, ou la grandeur de l'appartement (ATF 141 V 15 consid. 4.5). Le fait qu'une personne assurée réduise son taux d'occupation exigible dans l'exercice d'une activité lucrative sans consacrer le temps devenu libre à l'accomplissement de travaux habituels au sens de l'art. 28a al. 2 LAI n'a aucun effet sur la méthode d'évaluation de l'invalidité (ATF 131 V 51 consid. 5.1 et 5.2).

10.3 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative ; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3 let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

10.4 Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

11.          

11.1 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

11.2 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.733/06 du 16 juillet 2007).

11.3 Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (cf. ATF 138 I 205 consid. 3.2). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation de solliciter l'aide des membres de la famille. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée. Cela ne signifie toutefois pas qu'au titre de l'obligation de diminuer le dommage, l'accomplissement des activités ménagères selon chaque fonction particulière ou dans leur ensemble soit répercuté sur les autres membres de la famille, avec la conséquence qu'il faille se demander pour chaque empêchement constaté s'il y a un proche qui pourrait le cas échéant entrer en ligne de compte pour exécuter en remplacement la fonction partielle correspondante (ATF 133 V 504 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_785/2014).

11.4 Pour satisfaire à l'obligation de réduire le dommage (voir ATF 129 V 463 consid. 4.2 et 123 V 233 consid. 3c ainsi que les références), une personne qui s'occupe du ménage doit faire ce que l'on peut raisonnablement attendre d'elle afin d'améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l'atteinte à la santé; elle doit en particulier se procurer, dans les limites de ses moyens, l'équipement ou les appareils ménagers appropriés. Si l'atteinte à la santé a pour résultat que certains travaux ne peuvent être accomplis qu'avec peine et nécessitent beaucoup plus de temps, on doit néanmoins attendre de la personne assurée qu'elle répartisse mieux son travail (soit en aménageant des pauses, soit en repoussant les travaux peu urgents) et qu'elle recoure, dans une mesure habituelle, à l'aide des membres de sa famille. La surcharge de travail n'est déterminante pour le calcul de l'invalidité que lorsque la personne assurée ne peut, dans le cadre d'un horaire normal, accomplir tous les travaux du ménage et a par conséquent besoin, dans une mesure importante, de l'aide d'une personne extérieure qu'elle doit rémunérer à ce titre (RCC 1984 p. 143 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I. 308/04 du 14 janvier 2005 consid. 6.2.1).

Dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité dans les travaux habituels, l'aide des membres de la famille (en particulier celle des enfants) va au-delà de ce que l'on peut attendre de ceux-ci, si la personne assurée n'était pas atteinte dans sa santé (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I.308/04 déjà cité et I.681/02 du 11 août 2003). Il y a lieu en effet de se demander quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans la même situation et les mêmes circonstances, si elle devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance. Le cas échéant, il peut en résulter une image déformée de l'état de santé réel de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.257/04 du 17 mars 2005 consid. 5.4.4).

12.          

12.1 La recourante ne conteste à juste titre pas le statut mixte retenu (80% dans l'activité lucrative et 20% dans l'activité ménagère) : elle a déclaré à l'enquêtrice que, sans atteinte à la santé, elle travaillerait à 80% par choix personnel (dossier intimé p. 192).

À juste titre, la recourante ne remet pas non plus en cause son degré d'invalidité dans la sphère professionnelle (48%). En effet, elle dispose d'une capacité résiduelle de travail de 40% (50% de son taux d'activité usuel), qui est exploitable dans son activité habituelle, laquelle est adaptée à son état de santé selon ses médecins traitants (dossier intimé p. 118-119 et 162). Dans la mesure où le revenu sans invalidité correspondant au taux d'activité de 80% est extrapolé pour un taux d'activité de 100% (art. 27bis al. 3 let. a RAI), le degré d'invalidité se confond avec l'incapacité de travail (dans ce sens : ATAS/423/2020 du 27 mai 2020 consid. 18b/dd), soit en l'espèce 60%. Compte tenu de la part professionnelle de 80%, le taux d'invalidité dans la sphère professionnelle est donc bien de 48% (60% × 80%).

12.2 En revanche, la recourante critique la valeur probante du rapport d'enquête économique sur le ménage, en particulier la pondération des champs d'activités et l'évaluation des empêchements rencontrés dans la tenue de son ménage.

12.2.1 Or, cette enquête a été effectuée le 23 septembre 2021 par une personne qualifiée au domicile de la recourante, en présence de cette dernière. L'enquêtrice a rappelé l'atteinte à la santé dont celle-ci souffre et a pris en compte ses limitations fonctionnelles (dossier intimé p. 191). Elle a également relaté les indications de la recourante concernant les tâches qu'elle accomplissait avant son atteinte à la santé, celles qu'elle continue à effectuer depuis lors, seule ou avec l'aide de son fils (p. 194-196). Les conclusions du rapport d'enquête économique reposent donc sur un examen concret des circonstances du cas d'espèce.

L'enquêtrice a retenu les empêchements suivants dans les différents champs d'activités : 0% pour l'alimentation (pondération 33%), 15% pour l'entretien du logement ou de la maison (pondération 44%, exigibilité du fils de 15%), 30% pour les achats (pondération 10%, exigibilité de 30%), 15% pour la lessive et l'entretien des vêtements (pondération 13%, exigibilité de 15%), et 0% pour les soins et l'assistance aux enfants et aux proches (pondération 0%).

12.2.2 La recourante estime que le champ d'activité « alimentation » doit être pondéré à 35%, au motif qu'elle mange très rarement à l'extérieur et qu'elle prépare également à manger pour son fils, et l'empêchement porté à 20%, car elle doit prendre beaucoup de temps sur son temps libre pour préparer à l'avance des repas afin de pouvoir assumer cette tâche durant la semaine de travail. Selon elle, le champ d'activité « entretien du logement ou de la maison » ne peut pas excéder 40% conformément aux directives idoines en la matière, et elle évalue son empêchement à 50%, car elle n'arrive pas à effectuer ces tâches de manière aussi assidue qu'avant l'atteinte à la santé et elle doit fragmenter son travail. Elle considère que son empêchement pour le champ d'activité « achats » est de 80%, dans la mesure où elle a radicalement changé son organisation de la semaine, ne pouvant plus effectuer ses courses hebdomadaires comme auparavant et ayant dû cesser de faire des achats quotidiens, cette manière de procéder s'étant avérée plus onéreuse et très fatigante. Enfin, le champ d'activité « lessive et entretien des vêtements » doit être pondéré à 15% et l'empêchement à 50%, car elle s'en occupe seule, prend beaucoup plus de temps qu'avant pour faire la lessive et elle ne repasse plus.

12.2.3 On ne saurait suivre la recourante. Elle se contente de livrer sa propre appréciation quant à la pondération et aux empêchements qui lui paraissent justifiés dans les divers champs d’activités, sans démontrer que le contenu du rapport d'enquête ne serait pas plausible, ni motivé ou ne correspondrait pas aux indications relevées sur place.

12.2.3.1.                        En particulier, le rapport du Dr B______ du 7 février 2021 dans lequel ce médecin mentionne que la recourante affirmait être épuisée après son travail et avoir de la peine à effectuer les tâches domestiques et se reposer une à deux heures après le travail pour retrouver de l'énergie (dossier intimé p. 118) n'est d'aucun secours à la recourante. D'une part, dans un rapport postérieur du 15 juillet 2021, les HUG, qui ont fait état de la fatigue éprouvée par la recourante, ont indiqué que cette dernière peut s'occuper de son ménage avec l'aide de son fils (p. 161-162). D'autre part, l'enquêtrice a établi son rapport le 23 septembre 2021 en fonction des déclarations mêmes de la recourante. En outre, au vu de son obligation de diminuer le dommage, il est exigible de la recourante qu'elle remplisse ses tâches en aménageant des pauses.

La recourante reproche à l'enquêtrice de ne pas avoir fait état de la situation en cas de crises (poussées). Or, dans un rapport du 30 août 2021 (dossier intimé p. 166), peu avant l'enquête à domicile réalisée le 23 septembre 2021, le médecin-traitant avait relevé que la situation était stable ; la recourante ne présentait pas de poussées depuis l'introduction du traitement de Tecfidera.

Ainsi, aucune pièce médicale au dossier n'est propre à établir que la recourante serait incapable d’accomplir ses tâches ménagères dans la mesure retenue.

12.2.3.2.                        En ce qui concerne le champ d'activité « alimentation », l'enquêtrice a indiqué qu'avant l'atteinte à la santé, la recourante cuisinait pour elle et son fils jeune adulte, faisait la vaisselle et s'occupait de l'entretien courant de la cuisine. Après l'atteinte, elle cuisine les jours de congé et en avance, de telle sorte que les jours de travail, les repas sont vite prêts. La recourante a déclaré qu'en fractionnant le travail, elle n'a pas d'empêchement dans ce champ d'activité (dossier intimé p. 194).

On peut raisonnablement attendre de la part de la recourante, au regard de son obligation de réduire le dommage, qu'elle effectue ses tâches moyennant une adaptation de ses méthodes de travail et une planification différente. Par conséquent, il ne se justifie pas de porter l'empêchement à 20%, comme elle le voudrait, au seul motif qu'elle cuisine les jours de congé et en avance.

12.2.3.3.                        S'agissant du poste « entretien du logement ou de la maison », l'enquêtrice a relevé qu'avant l'atteinte à la santé, la recourante, maniaque, s'occupait de tout l'entretien du logement et nettoyait plusieurs fois dans la semaine. Après l'atteinte, elle nettoie moins souvent, mais au moins une fois par semaine. Elle parvient à entretenir son logement, hormis les gros travaux d'entretien (grand nettoyage, nettoyage des vitres), délégués à son fils (p. 195).

Le fait allégué que la recourante n'entretient plus son logement constamment comme auparavant ne saurait entraîner un empêchement de 50%, dès lors qu'elle remplit ses tâches, excepté les gros travaux d'entretien qui ne sont pas nécessaires chaque semaine.

12.2.3.4.                        Au sujet du poste « achats », l'enquêtrice a mentionné qu'avant l'atteinte à la santé, la recourante faisait une fois par semaine les grosses courses avec son fils, allait de temps en temps compléter ses achats entre deux et s'occupait de ses affaires administratives. Après l'atteinte, elle répartit mieux ses courses et va plus souvent, elle a de la peine pour les achats lourds et son fils l'aide pour cela. Elle n'est pas empêchée pour les tâches administratives (p. 195).

Dans la mesure où, aux dires de la recourante le jour de l'entretien, elle pouvait, moyennant une certaine organisation, effectuer l'essentiel des achats légers quotidiens, un empêchement de 80%, comme elle le souhaiterait, n'est guère justifié. Dans son complément de recours, elle allègue avoir cessé de faire des achats quotidiens (p. 7). On ne saurait toutefois tenir compte de cette circonstance, qui est postérieure à la décision litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

12.2.3.5.                        Quant au champ d'activité « lessive et entretien des vêtements », l'enquêtrice a indiqué qu'avant l'atteinte à la santé, la recourante s'occupait de l'entretien du linge pour elle et son fils, suspendait le linge sur un petit étendage dans l'appartement, et repassait environ une heure par semaine. Après l'atteinte, elle avait déclaré ne pas avoir d'empêchement, mis à part qu'elle ne repassait plus que le strict minimum (p. 196).

Il est exigible de la recourante qu'elle planifie de la meilleure façon possible la lessive (en ne faisant par exemple que de petites quantités à la fois). Aussi ne peut-on pas augmenter le taux de l'empêchement de 15% à 50%. Si, comme l'allègue la recourante dans son complément de recours, elle ne repasse plus du tout (p. 7), il s'agit, à nouveau, d'une circonstance postérieure à la décision querellée, de sorte que la chambre de céans ne peut pas en tenir compte.

12.2.4 Concernant le taux d'exigibilité globale arrêté pour l'aide apportée par le fils (11.55%), la recourante ne le conteste pas dans un premier temps (complément de recours p. 6-8), avant de considérer qu'il est excessif eu égard au fait que son fils, en plus de ses études universitaires (géosciences et environnement), travaille à raison de huit heures trente par semaine (réplique p. 2).

L'enquêtrice a tenu compte du fait que le fils est étudiant (dossier intimé p. 193, 197). Le rapport d'enquête n'indique cependant pas que celui-ci travaille.

Ceci dit, en partant du principe que l'activité de la recourante dans le ménage représente huit heures par semaine (soit [20% × 40 heures/ 100%] = huit heures = 480 minutes), un total de 55.44 minutes hebdomadaires (11.55% de 480 minutes) ou huit minutes environ au quotidien (55.44 / sept jours = 7.92 minutes) à charge du fils (onze minutes par jour lorsqu'il est absent les week-ends [55.44 / cinq jours = 11.08 minutes]), bien qu'il étudie à l'Université et travaille en parallèle à raison de 73 minutes par jour (huit heures trente par semaine = 510 minutes / sept jours = 72.85 minutes), ne représente pas une charge excessive (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_784/2013 du 5 mars 2014 consid. 4 et 6).

Ainsi, la prise en compte d'une aide de l'entourage de l'ordre de 11.55% n'apparaît pas excéder ce qui peut être raisonnablement exigé des membres de la famille dans le cadre de l'obligation de diminuer le dommage.

12.2.5 Certes, au regard des pourcentages appliqués par l'assurance-invalidité pour chacune des activités liées à la tenue du ménage (Circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI] dans son état au 1er janvier 2021, ch. 3087), une pondération maximale de 40% pour l'entretien du logement pourrait être fixée.

L'intimé explique avoir pondéré ce poste à 44% compte tenu du fait que la recourante a déclaré être, avant l'atteinte à la santé, « maniaque » dans le nettoyage, y porter une attention toute particulière, en procédant à l'entretien du logement plusieurs fois par semaine (réponse p. 3-4).

La critique de la recourante à ce propos peut demeurer sans réponse. En effet, même en baissant ce taux à 40%, et en augmentant celui de l'alimentation à 35% (au lieu de 33%), et celui de la lessive à 15% (au lieu de 13%), comme le demande la recourante, l'empêchement pondéré avec exigibilité en résultant s'élèverait toujours à 0%, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous:

Champs d'activités

Exigibilité

Pondération champ d'activité en %

Empêchements en %

Empêchement pondéré

 

 

 

 

Sans exigibilité

Avec exigibilité

Alimentation

0%

35%

0%

0%

0%

Entretien du logement/maison

15%

40%

15%

6%

0%

Achats et courses diverses

30%

10%

30%

3%

0%

Lessive et entretien des vêtements

15%

15%

15%

2.25%

0%

Soins et assistance aux enfants et aux proches

0%

0%

0%

0%

0%

Total - empêchement pondéré avec exigibilité

 

 

 

 

0%

Total - empêchement pondéré sans exigibilité

 

 

 

11.25%

 

Ainsi, l'issue du litige n'en serait pas modifiée.

13.         En conséquence, au vu du dossier contenant les éléments nécessaires pour trancher le litige, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), il n'est pas nécessaire d'entendre la recourante oralement.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

15.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument, arrêté en l'espèce à CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le