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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1333/2022

ATAS/883/2022 du 03.10.2022 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1333/2022 ATAS/883/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 octobre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Diego DUGERDIL

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

Monsieur B______, domicilié ______, GENÈVE

intimée

 

 

appelé en

cause

 


EN FAIT

A. a. La société C______ SA (ci-après : la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le ______ 2017, avec comme but social l'exploitation d'un centre de bien-être et d'un salon de coiffure ainsi que le commerce de produits de bien-être et cosmétiques.

À teneur de l’extrait du RC y relatif, Monsieur A______ (ci-après : l'administrateur) en était l’administrateur avec signature individuelle, jusqu’au 15 février 2019 ; Monsieur D______, administrateur du 16 avril au 14 juin 2019 ; Madame E______, administratrice dès le 29 janvier 2020 et Monsieur B______ (ci-après : le directeur), directeur avec signature individuelle.

b. La société a été affiliée auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) du 1er décembre 2017 au 30 septembre 2020.

c. Dès son affiliation le 1er décembre 2017, la société n’a honoré qu’irrégulièrement les cotisations sociales réclamées par la caisse, laquelle a entamé des procédures de poursuites à son encontre, sans toutefois recouvrer ses créances de cotisations et de contributions paritaires.

d. Selon le jugement du 28 septembre 2020 de la Cour de justice, la faillite de la société a été prononcée avec effet au 28 septembre 2020.

B. a. Le 5 octobre 2021, la caisse a notifié une décision en réparation du dommage à l'encontre de l'administrateur, lui réclamant la somme de CHF 30'636.55, correspondant aux cotisations paritaires (AVS-AI-APG ; AC ; AMat ; AF), y compris frais et intérêts moratoires (sous déduction de versements de CHF 29'021.80), pour la période de décembre 2017 (CHF 3'120.75, dont CHF 20.10 de cotisations AMat) et 2018 (CHF 27'515.80, dont CHF 302.50 de cotisations AMat). Il était solidairement responsable de ce montant avec le directeur et Madame E______, dont l'adresse était toutefois introuvable.

b. Par décision du 5 octobre 2021 entrée en force, la caisse a également réclamé au directeur la réparation de ce dommage.

c. Le 18 octobre 2021, l'administrateur a formé opposition contre cette décision, en expliquant que le directeur avait effectué une mauvaise gestion. Il avait fait ce qui était en son pouvoir pour éviter cette faute grave en sollicitant, en vain, des documents et informations à la direction afin de trouver des solutions rapides et efficaces. Le directeur opérait sans tenir compte de ses nombreuses requêtes, notamment la demande d'accès aux comptes bancaires, à la comptabilité ou de paiements rapides à la caisse. De plus, la fiduciaire de la société, F______, n'avait pas connaissance de documents cruciaux pour rendre compte de la gestion de la société. Malgré des efforts considérables de sa part, la gestion de la société était opaque, invérifiable et incontrôlable. Il avait quitté sa fonction d'administrateur en 2019, en constatant que la collaboration était impossible.

À l'appui de son opposition, il a notamment produit un engagement de paiement de la société du 13 juin 2019 et deux attestations du directeur des 20 février et 15 juin 2020 dans lesquelles celui-ci indique que l'administrateur n'avait à aucun moment eu la possibilité de se charger de la gestion de l'entreprise malgré ses demandes de recouvrement rapides des dettes de l'entreprise et qu'il n'était pas responsable des retards encourus, seul lui, le directeur, ayant l'entière responsabilité des retards de paiements.

Étaient en outre versés au dossier divers courriels concernant les procédures en cours de la société envoyés respectivement au directeur et à Monsieur G______, directeur de la fiduciaire en charge de la comptabilité de la société.

d. Par décision du 15 mars 2022, la caisse a rejeté l’opposition du recourant, en considérant qu'il avait commis une faute grave en négligeant de s'occuper du paiement des cotisations sociales. Par ailleurs, aucun document n'attestait de demandes de l'administrateur à la société pour s’enquérir de la situation de celle-ci en 2018 et 2019.

C. a. Par acte du 29 avril 2022, le recourant, représenté par un avocat, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du 15 mars 2022. Au surplus, il a sollicité l'audition des parties, du directeur ainsi que de Monsieur G______. Il a contesté sa responsabilité dans le dommage causé à l'intimée, suite au défaut de paiement par la société des cotisations paritaires. Il n'était pas concevable d'affirmer qu'il avait agi intentionnellement ou par négligence grave. Il ne percevait qu'une rémunération annuelle de CHF 1'750.-. De plus, il n'avait pas accès aux documents concernant l'état financier de la société car ces documents lui étaient remis tardivement, ou ne lui étaient pas remis par le directeur. La comptabilité n'était pas à jour et en tant qu'administrateur, il n'avait pas accès aux comptes bancaires de la société. Il était ainsi impossible pour lui de s'acquitter des montants dus. Il avait par ailleurs proposé diverses solutions au directeur afin de palier à ce grave problème d'endettement et de gestion. Dès lors, malgré la grande diligence dont il avait fait preuve, il était dans l'impossibilité d'honorer les obligations qui lui incombaient en tant qu'administrateur de la société. Au surplus, le Ministère public avait rendu un avis de prochaine clôture de l'instruction, et devait rendre prochainement une ordonnance de classement de la procédure pénale qui avait été ouverte à son encontre, en lien avec le non-paiement des cotisations sociales.

b. Dans sa réponse du 30 mai 2022, la caisse, considérant que l’assuré n’apportait aucun élément nouveau, a persisté dans les termes de sa décision sur opposition et a précisé qu'au vu des éléments apportés, l'administrateur avait un rôle « d'homme de paille, de prête nom » et qu'il n'avait donc pas rempli ses obligations d'administrateur. En ce qui concernait le directeur, n'ayant pas fait opposition à la décision du 5 octobre 2021, la procédure d'encaissement était en cours. La caisse a notamment joint le relevé du 8 septembre 2021 du compte de cotisations paritaires de la société.

c. Par ordonnance du 2 juin 2022, la chambre de céans a appelé en cause le directeur et lui a imparti un délai au 1er juillet 2022 pour se déterminer.

d. Le 24 juin 2022, le recourant a répliqué, en indiquant qu'il avait été employé de la Fiduciaire F______, chargée de la comptabilité de la société, et que malgré son rôle honorifique, il avait parfaitement conscience des obligations et devoirs dont il devait faire preuve comme administrateur, mais que le manque de collaboration du directeur ne lui avait pas permis d'exécuter une administration convenable. Dès le début du mandat, le directeur avait montré une opacité comptable et administrative et l’avait systématiquement écarté de toutes les décisions et actions de la société. Les pièces produites à la procédure ne montraient qu'une infime partie des efforts fournis pour rendre conforme au droit la situation de la société, de nombreuses correspondances entre le directeur et lui-même ayant été perdues lorsqu'il avait quitté son emploi au sein de la fiduciaire. En outre, il a réitéré la demande d'audition de Monsieur G______ et du directeur.

e. Le directeur n'a pas répondu dans le délai imparti.

D. a. Le 23 août 2022, la chambre de céans a requis de l'intimée qu’elle produise des pièces complémentaires, et en particulier le dossier du directeur. Par courrier du 2 septembre 2022, l'intimée a envoyé la décision de réparation de dommage en date du 5 octobre 2021 rendue à l'encontre du directeur ainsi qu'un plan de paiement du 5 novembre 2021 pour le versement du montant du dommage causé.

b. Le 19 septembre 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. Le recourant a déclaré qu'il connaissait le rôle d'un administrateur. Il participait une fois par année à une réunion et regardait que tout paraissait en ordre en contrôlant principalement la comptabilité. C'était autour de fin 2019, lorsqu'il avait reçu à son domicile les courriers de la caisse, qu'il s'était rendu compte de l'ampleur des dettes de cotisations sociales. Il n'avait pas été surpris par la tournure des événements, car à travers la fiduciaire il constatait qu'il y avait une mauvaise gestion de la société. Le directeur transmettait tardivement les courriers à la fiduciaire. Il a précisé également ne pas avoir été obligé, en tant qu'employé de la fiduciaire, d'accepter le poste d'administrateur. Son rôle était honorifique dans le sens que son investissement n'était pas « trop fort », mais il savait néanmoins qu'il avait des responsabilités, il n'était pas simplement un prête nom. Il avait demandé à la société qu'elle paie ses dettes, par oral, par courriel, par téléphone, par courrier recommandé et peut-être même par WhatsApp. Les démarches avaient été faites à son souvenir en 2019.

Le directeur a indiqué qu'il avait informé la fiduciaire des difficultés en lien avec le paiement des cotisations sociales, mais n'avait pas informé directement le recourant. À son souvenir, l'envoi par le recourant de courriels et d'autres contacts relatifs aux dettes sociales avait commencé en 2019.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.         

1.1.       Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2.       Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société étant sise dans le canton de Genève depuis le 24 novembre 2017 jusqu'au moment de la faillite, la Cour de céans est également compétente ratione loci.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), le recours est recevable.

3.         

3.1.       À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.2.       La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS ; RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

3.3.       Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

3.4.       En l’espèce, les montants litigieux concernent la période allant du 1er décembre 2017 au 31 décembre 2018, de sorte que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

4.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l’intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AMat et AF) entre le 1er décembre 2017 et le 31 décembre 2018.

5.              

5.1.       Les personnes tenues à la réparation d’un dommage selon l’art. 52 LAVS sont solidairement responsables. Il appartient à la caisse de compensation de décider si elle attaquera un employeur pour lui demander la réparation du dommage subi. S'il existe une pluralité de responsables, elle jouit d'un concours d'actions et le rapport interne entre les coresponsables ne la concerne pas ; si elle ne peut prétendre qu'une seule fois la réparation, chacun des débiteurs répond solidairement envers elle de l'intégralité du dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix (ATF 119 V 86 consid. 5a). Cependant, cette jurisprudence ne vise que les rapports juridiques qui existent entre la caisse de compensation et l'employeur: elle ne restreint en aucune manière le droit de ce dernier d'intenter, le cas échéant, une action récursoire contre un tiers qui n'a pas été mis en cause (ATF 112 V 261 consid. 2b). La situation juridique et de fait du responsable du dommage est affectée par le fait que ce dernier peut cas échéant se retourner contre d’autres coresponsables (sur les conditions de l’action récursoire, cf. ATF 132 III 523 consid. 4.2) et par la possibilité que la caisse de compensation fera d’abord valoir sa créance à l’encontre des autres responsables. Il a ainsi un intérêt juridique et de fait à ce que d’autres personnes soient reconnues responsables. Cet intérêt peut justifier sa participation à la procédure contre d’autres personnes qui pourraient répondre du dommage (ATF 134 V 306 consid. 3.1).

5.2.       Selon l’art. 71 LPA, l’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2). L’appel en cause a pour but d’attirer un tiers dans une procédure afin d’éviter que ce tiers, qui aurait un rapport de droit avec une des parties à cette procédure, ne déclenche ou ne soit contraint de participer à une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses. L’appel en cause permet ainsi notamment d’éviter des décisions ou des jugements contradictoires en imposant une procédure unique et en rendant le jugement prononcé à l’issue de celle-ci opposable au tiers appelé en cause (François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in Les tiers dans la procédure administrative, TANQUEREL/BELLANGER [éd.], 2004, p. 50). L’appel en cause a en outre pour but de préserver les intérêts juridiques ou de fait de la personne qui pourrait être affectée par l’issue de la procédure. Dans cette mesure, il est un prolongement du droit d’être entendu. En revanche, lorsque l’appel en cause vise à opposer la force de chose jugée du jugement à l’appelé en cause, ses conditions sont plus restrictives et il est nécessaire que la décision ait une incidence sur la relation juridique entre la partie et la personne à appeler en cause (Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd. 2013, p. 324 n. 929).

Les tribunaux cantonaux des assurances sociales doivent appeler en cause les autres débiteurs solidaires recherchés par la caisse de compensation, que la procédure les concernant soit pendante ou que leur responsabilité ait fait l’objet d’une décision déjà entrée en force (SVR 2007 AVS n° 2, consid. 2.2). L’intéressé qui fait l’objet de la décision de réparation ne peut toutefois pas appeler en cause tout tiers qui pourrait cas échéant être solidairement responsable lorsque ce dernier n’a pas été recherché par la caisse de compensation (ATF 112 V 261 consid. 2c). Il appartient ainsi au juge d’inviter à participer à la procédure, à titre de cointéressés, les personnes contre lesquelles la caisse a rendu une décision de réparation du dommage et contre lesquelles elle n'a pas renoncé à ouvrir action ensuite de leur opposition (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 101/06 du 7 mai 2007 consid. 4.5).

6.         

6.1.       L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

6.2.       À teneur de l’art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

6.3.       Selon le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 3 décembre 2010 relatif à l’art. 52 LAVS al. 2 à 4, la réparation du dommage est le corollaire des obligations de droit public que l’employeur assume en matière de perception, de versement et de décompte des cotisations paritaires d’assurances sociales en sa qualité d’organe d’exécution de l’AVS. Ce principe occupe une place prépondérante en droit des cotisations. En effet, d’après la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral des assurances depuis 1970, non seulement les employeurs peuvent être tenus de réparer le dommage, mais également, à titre subsidiaire, les personnes physiques qui agissent en leur nom (ATF 114 V 219 et ATF 129 V 11). Actuellement, il est insatisfaisant que la responsabilité subsidiaire des organes, de même que d’autres caractéristiques importantes de la réparation du dommage, ne soient pas réglées dans la loi et ne puissent qu’être déduites de l’étude d’une abondante jurisprudence. Pour le citoyen, la loi doit être conçue de manière plus transparente. La conception de base ne sera pas modifiée; la responsabilité reste limitée à la faute grave (FF 2011 519, p. 536).

En d’autres termes, la nouvelle teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

7.              

7.1.       À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

7.2.       L’art. 52 al. 3 LAVS prévoit que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites. Cette disposition renvoie à l’art. 60 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Code des obligations [CO] - RS 220), selon lequel l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé.

Ces deux dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020. Jusqu’au 31 décembre 2019, l’ancien art. 52 al. 3 LAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant aux nouvelles dispositions du CO relatives à la prescription, le nouvel art. 52 al. 3 LAVS porte le délai de prescription relatif de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. En outre, le délai absolu de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130ss CO (Message relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221, spéc. pp. 237 et 260).

7.3.       S'agissant de la prescription absolue, selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien droit, le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c). Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Selon le nouveau droit, la prescription absolue commence à courir le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé, ce qui inclut les dommages causés par une omission, les dommages survenant de manière répétée et les dommages résultant d’une action prolongée dans le temps (FF 2014 221, spéc. p. 260).

7.4.       S'agissant de la prescription relative, le nouveau droit n'a pas modifié son point de départ; il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3), la date de la publication de cette mesure dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) étant déterminante (arrêt du Tribunal fédéral H.142/03 du 19 août 2003 consid. 4.3 ; ATF 129 V 193 consid. 2.3).

7.5.       S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit.

La prescription selon l'art. 52 al. 3 LAVS est interrompue par une action ou une exception devant un tribunal (art. 135 ch. 2 CO par analogie) et recommence à courir lorsque le litige devant l'instance saisie est clos (art. 138 al. 1 CO ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_906/2017 du 21 juin 2018 consid. 1.2 ; sur l'application par analogie des dispositions générales selon les art. 135 ss. CO, cf. ATF 141 V 487 consid. 2.3 ; ATF 135 V 74 consid. 4.2.1). Tous les actes par lesquels la créance en dommages-intérêts est invoquée de manière appropriée à l’encontre du débiteur ont un effet interruptif de prescription (arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2020 du 19 octobre 2020 consid. 3.2.1 et référence citée). Tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

7.6.       En l’espèce, la question de savoir si l'ancien ou le nouveau droit s'applique, dès lors que les cotisations litigieuses se rapportent à la période du 1er décembre 2017 au 31 décembre 2018, peut rester ouverte. En effet, dans l'un et l'autre cas, la prescription absolue et relative n'est pas acquise.

S'agissant de la prescription relative, l’intimée est réputée avoir eu connaissance du dommage le 16 juin 2021, lors de la publication dans la FOSC de l'état de collocation, de sorte qu'au jour de la décision en réparation du dommage, le 5 octobre 2021, la prescription, qu'elle soit de deux ou trois ans, n'était pas acquise.

S'agissant de la prescription absolue, selon l'ancien droit, la survenance du dommage s’est produite au moment du prononcé de la faillite, de sorte que le délai absolu de prescription de cinq ans court dès le 28 septembre 2020 et n'était pas acquis au 5 octobre 2021. Il en est de même, selon le nouveau droit, du délai absolu de 10 ans qui court depuis l'échéance du délai de paiement des cotisations sociales.

Enfin, les délais absolu et relatif de prescription ont été interrompus par l'opposition du 18 octobre 2021, par la décision sur opposition du 15 mars 2022, par le recours du 29 avril 2022, et ce jusqu'à clôture du litige devant l'instance saisie, de sorte qu'à ce jour, la prescription n'est pas acquise.

8.             L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

9.             À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

9.1.       Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, n° 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu’il n’existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07).

9.2.       S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

9.3.       La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

D'autres personnes possèdent toutefois la qualité d'organe de fait de la société. Il s'agit de celles qui participent de façon durable, concrète et décisive à la formation de la volonté sociale dans un vaste domaine dépassant les affaires courantes (ATF 128 III 29 consid. 3a et les références ; ATF 122 III 225 consid. 4b et les références). C'est en principe le cas d'un directeur qui a généralement la qualité d'organe de fait en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose. Il ne doit toutefois répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activité, ce qui dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent des rapports internes, sinon il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance faute de disposer des pouvoirs nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_68/2020 du 29 décembre 2020 consid. 5.2.1 et la référence).

Un organe de fait n'est appelé à assumer une responsabilité que pour les domaines dans lesquels il a effectivement déployé une activité. Contrairement à un organe au sens formel, il n'a donc pas un devoir de surveillance (cura in custodiendo) à l'endroit de l'activité des autres organes, de fait ou de droit, de la société (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

9.4.       Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1 et les références, in SVR 2005 AHV n° 7 p. 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.1).

9.5.       La responsabilité de l'employeur ne diffère pas selon la forme juridique que revêt l'employeur. Dans une association, le comité est l'organe exécutif de l'association qui a le devoir, sous réserve de dispositions statutaires contraires, d'exécuter les tâches qui lui incombent en vertu de la loi, des statuts et des décisions de l'association. Il a notamment pour tâches de conduire les affaires, de représenter l'association vis-à-vis des tiers ou, en cas de délégation de la gestion à une tierce personne, de veiller au choix, à l'instruction et à la surveillance du délégué. Le fait d'agir à titre bénévole ne change rien à la nature des obligations liées à la fonction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_859/2007 consid. 2.4 et les références citées).

9.6.       Un administrateur ne peut se libérer de cette responsabilité en se bornant à soutenir qu'il n'a jamais participé à la gestion de l'entreprise, qu'il n'a participé à la fondation de cette dernière qu'à titre fiduciaire et qu'il n'a jamais perçu de rémunération, prétendant ainsi n'avoir joué qu'un rôle subalterne, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 13/03 du 21 mai 2003 consid. 3.1).

10.         En l’espèce, le recourant était inscrit au RC en qualité d'administrateur de la société, avec signature individuelle, dès le 24 novembre 2017 et jusqu'au 15 février 2019 ; il avait ainsi indiscutablement la qualité d'organe de la société. Il peut donc être appelé à titre subsidiaire à réparer le dommage causé à l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses durant son mandat, indépendamment de sa fonction effective et de son influence sur la volonté de la société, ainsi que de la raison pour laquelle il a accepté le mandat (cf. ATAS/394/2018 du 9 mai 2018 consid. 6b).

Le fait que le recourant ne perçoive qu'une rémunération annuelle modeste n'y change rien, puisqu'il n'en était pas moins formellement désigné comme organe de plein droit de la société, donc réputé chargé de l'administration et tenu par un devoir de surveillance (cura in custodiendo) à l'endroit de l'activité des autres organes de fait ou de droit (cf. ATAS/869/2011 du 15 septembre 2011 consid. 8).

11.         Le recourant revêtant la qualité d’organe formel, il convient maintenant de déterminer s’il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

11.1.   L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l'homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

11.2.   Concernant une société anonyme, dont l’administration est confiée à une seule personne, la jurisprudence se montre d’autant plus sévère car on peut en règle générale exiger de celle-ci – dans la mesure où elle assume à elle seule l’administration de la société en sa qualité d’organe – qu’elle contrôle toutes les activités importantes de l’entreprise et cela quand bien même elle a confié l’essentiel de la gestion à un tiers. Par cette délégation de compétence, elle ne peut en même temps se décharger de sa responsabilité d’administrateur unique. Dans les entreprises de petite taille et de grandeur moyenne, le devoir de surveillance concernant l’accomplissement de l’obligation légale de payer des cotisations ne saurait être abandonné à des tiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2).

11.3.   La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

12.         En l’espèce, il incombait au recourant, en sa qualité d'organe formel de la société jusqu'au 15 février 2019, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à l'intimée, nonobstant le mode de répartition interne des tâches (cf. dans ce sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2). Son devoir de surveillance impliquait notamment qu'il devait assister aux séances, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports, les étudier minutieusement, au besoin, demander des renseignements supplémentaires, et prendre les mesures appropriées en cas d'irrégularités commises dans la gestion de la société (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1).

Or, le recourant n’assumait pas véritablement dans les faits son mandat d'administrateur ; cela ressort des écritures et des déclarations du recourant lui-même lors de sa comparution personnelle du 19 septembre 2022 ; en effet, il a précisé que c’était Monsieur G______ qui était en lien avec le directeur, que lui-même ne participait pas aux réunions et ne disposait pas des pièces comptables nécessaires à un contrôle efficace. Le directeur a confirmé ces propos en relevant que c’était Monsieur G______ qui gérait la société, le recourant n’étant pas vraiment « dans l’affaire », qu’il ne participait pas aux réunions et que seul Monsieur G______ avait été informé des difficultés de la société en lien avec le paiement des cotisations sociales. La chambre de céans en conclut que le recourant occupait ainsi une situation comparable à celle d'un homme de paille qui se déclare prêt à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur d'une société anonyme, tout en sachant qu'il ne pourra (ou ne voudra) pas le remplir consciencieusement, et viole, en cela, son obligation de diligence (arrêt du Tribunal 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2 et la référence).

Le recourant ne pouvait se libérer de sa responsabilité du fait qu'il n'exerçait pas, dans les faits, d'activité de gestion, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave. On rappellera que la jurisprudence s'est toujours montrée sévère, lorsqu'il s'est agi d'apprécier la responsabilité d'administrateurs qui alléguaient avoir été exclus de la gestion d'une société et qui s'étaient accommodés de ce fait sans autre forme de procès (arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.2 et les références). Le recourant ne peut donc pas se retrancher derrière les attestations du directeur affirmant avoir opéré seul et assumant toute la responsabilité des retards de paiements. La mauvaise gestion du directeur ne le libérait pas de ses obligations en qualité d'administrateur.

En conséquence, s’il s’estimait tenu à l’écart, dans les faits, de la gestion opérationnelle, le recourant aurait dû s’efforcer d’autant plus d’avoir accès aux livres de comptes (cf. l’arrêt 9C_289/2011 précité, consid. 4.2), ou même démissionner s’il se trouvait, en raison de l’attitude du directeur (ou d’autres personnes), dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance ou de prendre les mesures qui s’imposaient en matière de paiement des cotisations (cf. ci-dessus : consid. 9). S’ajoute à cela le fait que le recourant disposait vraisemblablement de bonnes connaissances de gestion vu son emploi auprès de la fiduciaire avec laquelle la société avait conclu un mandat.

Le recourant invoque que malgré ses efforts considérables, la société était incontrôlable notamment en raison du fait que la comptabilité n'était pas à jour, qu'il n'avait pas accès aux comptes bancaires et que les solutions proposées étaient ignorées. Comme relevé par l'intimée, le recourant, qui a le fardeau de la preuve, ne produit aucune pièce permettant d’établir qu’il a mis tout en œuvre, pendant la période où il était administrateur de la société, pour s’assurer que les cotisations sociales étaient payées régulièrement. Lors de la comparution personnelle des parties du 19 septembre 2022, le recourant a indiqué qu'à ses souvenirs les démarches de sa part auprès de la société auraient été faites fin 2019 seulement, au moment où il avait reçu à son domicile des courriers de l’intimée relatifs au non-paiement des cotisations sociales de la société. S'il était incapable de remplir son mandat, le recourant aurait dû démissionner sans délai, et à cette fin, requérir au besoin l'assistance d'un tiers (cf. arrêt du Tribunal 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2). À cet égard, le recourant ne pouvait pas se contenter d'attendre que le directeur lui fournisse les documents nécessaires et patienter jusqu'à février 2019 pour démissionner.

Le recourant allègue que le Ministère public devrait rendre une ordonnance de classement en lien avec la procédure de non-paiement des cotisations sociales. Cet élément ne saurait cependant être décisif au regard des conditions de la responsabilité instituée à l'art. 52 LAVS, puisqu'il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité d'administrateur de la société, il s'est rendu coupable d'un défaut de surveillance et c'est en cela que réside le fondement de sa responsabilité à l'égard de l'intimée (cf. dans ce sens : arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 259/03 du 22 décembre 2003 consid. 8.4 et H 65/01 du 13 mai 2002 consid. 5).

En définitive, le recourant a commis une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave.

13.          

13.1.   La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

L'administrateur d'une société anonyme répond non seulement des cotisations d'assurances sociales courantes, mais également de la dette de cotisations échues avant son entrée dans le conseil d'administration. En effet, selon la jurisprudence, le nouvel administrateur a le devoir de veiller tant au versement des cotisations courantes qu'à l'acquittement des cotisations arriérées, qui sont dues pour la période où il ne faisait pas encore partie du conseil d'administration car il y a dans les deux cas un lien de cause à effet entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations. Ce lien de cause à effet n'existe pas, toutefois, quand un dommage au sens de l'art. 52 LAVS préexiste, parce que la société était déjà insolvable avant l'entrée du nouveau membre au conseil d'administration (ATF 119 V 407 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 71/05 du 10 août 2006 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 295/00 du 22 janvier 2001 consid. 6a).

13.2.   Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

Le comportement d'un organe responsable peut, le cas échéant, libérer son coresponsable solidaire s'il fait apparaître comme inadéquate la relation de causalité entre le comportement de ce dernier et le dommage. La jurisprudence se montre stricte à cet égard. Elle précise qu'une limitation (et, a fortiori, une libération) de la responsabilité fondée sur la faute concurrente d'un tiers ne doit être admise qu'avec la plus grande retenue si l'on veut éviter que la protection du lésé que vise, d'après sa nature, la responsabilité solidaire de plusieurs débiteurs, ne soit rendue en grande partie illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_779/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.2 et les références).  

14.         En l'espèce, le recourant échoue à démontrer que l’attitude du directeur relèguerait à l’arrière-plan son défaut de surveillance et de gestion.

15.         Le recourant requiert diverses mesures d’instruction.

15.1.   Le droit d’être entendu fondé notamment sur les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et 53 al. 1 CPC prévoit qu’une partie à une procédure dispose d’un droit à proposer une offre de preuve et à voir celle-ci administrée si elle apparait pertinente (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1 ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Le juge peut toutefois procéder à une appréciation anticipée des preuves et renoncer à l’administration d’une preuve pertinente s’il lui apparaît que les éléments de preuve disponibles suffisent à emporter sa conviction (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2 ; ATF 143 III 297 consid. 9.3.2 ; ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; ATF 140 I 285, consid. 6.3.1 ; ATAS/217/2022 du 10 mars 2022 consid. 7).

15.2.   En l’espèce, les offres de preuves du recourant, notamment la comparution personnelle de Monsieur UZUNOV, ne sont pas susceptibles d’influer sur le résultat de la présente procédure. Partant, par appréciation anticipée des preuves, il n’y a pas lieu d'y donner suite.

16.         Quant au montant du dommage, qui comprend les cotisations impayées de 2017 à 2018 fondées sur le décompte du 8 septembre 2021 établi par l'intimée à l'égard de la société, ainsi que les frais administratifs, de sommation, de poursuite et les intérêts moratoires – ce qui est conforme aux prescriptions en vigueur – il n'est pas contesté par le recourant.

Force est ainsi de constater que si la responsabilité du recourant au sens de l’art. 52 LAVS doit être confirmée, comme on l’a vu, il n’existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14).

Partant, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle déduise les cotisations impayées découlant de la LAMat.

Dans cette mesure, le recours est très partiellement admis.

17.         Le recourant, représenté par un conseil, obtenant très partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l'espèce à CHF 300.-.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.             Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.             L'admet très partiellement.

3.             Annule la décision du 15 mars 2022.

4.             Renvoie la cause à l'intimée, dans le sens des considérants, pour nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

5.             Alloue au recourant une indemnité de CHF 300.- à titre de dépens, à charge de l'intimée.

6.             Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le