Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/905/2025

ATA/1229/2025 du 04.11.2025 sur JTAPI/480/2025 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/905/2025-PE ATA/1229/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 novembre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Michel CELI VEGAS, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mai 2025 (JTAPI/480/2025)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1976, est ressortissante de Bolivie.

b. Le 30 mai 2018, elle a été interpellée par la police et prévenue d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et vols. Il lui était reproché d’avoir, à Genève, entre le 1er octobre 2010 et le 23 mars 2018, volé divers bijoux et objets chez ses employeurs auprès desquels elle travaillait en qualité de femme de ménage, et d’avoir, pendant la même période à tout le moins, résidé et travaillé en Suisse, sans les autorisations nécessaires, faits qu’elle a reconnus.

Lors de son audition par la police, elle a déclaré être arrivée en Suisse en 2007. Sa mère et ses trois filles vivaient en Bolivie. L’argent obtenu des ventes des bijoux volés lui avait permis de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, notamment pour payer les frais médicaux de l’une de ses filles qui était malade.

Le même jour, elle a été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour vol, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

c. Le 27 juillet 2018, elle a fait l’objet d’une décision de renvoi, déclarée exécutoire nonobstant recours, prononcée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), avec un délai au 31 août 2018 pour quitter le territoire suisse.

d. Le 6 août 2018, elle a sollicité auprès de l’OCPM la régularisation de ses conditions de séjour en application de l’« opération Papyrus ».

Elle était arrivée en Suisse une première fois en août 2003. Retournée en Bolivie en juin 2006, elle était revenue à Genève en février 2007, où elle vivait depuis lors de manière ininterrompue. Dès son retour, elle avait travaillé en tant que femme de ménage auprès de plusieurs familles. Elle était titulaire d’une carte AVS/AI, parlait bien le français, était financièrement indépendante, ne faisait l’objet d’aucune poursuite, ni, selon le casier judiciaire dans sa teneur au 7 juin 2018, d’aucune condamnation pénale. Elle participait à la vie sociale et culturelle du canton et avait le soutien de diverses personnes qui résidaient à Genève. Un retour en Bolivie n’était pas envisageable étant donné qu’elle avait perdu tout contact avec son pays d’origine.

e. Le 26 novembre 2018, elle a sollicité la délivrance d’un visa de retour afin de se rendre au Bolivie pour des raisons familiales, lequel lui a été délivré.

Le 15 janvier 2020, elle a sollicité la délivrance d’un visa de retour afin de se rendre en Espagne pour rendre visite à sa sœur malade, lequel lui a aussi été délivré.

f. Par décision du 8 octobre 2021, après avoir sollicité et obtenu – partiellement – des documents complémentaires, l’OCPM a refusé d’accéder à sa requête du 6 août 2018 et donc de soumettre son dossier avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il a prononcé son renvoi de Suisse avec un délai au 8 décembre 2021 pour quitter le territoire.

Elle n’avait pas respecté l’ordre juridique suisse en ayant été condamnée pour d’autres infractions que séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Elle avait affirmé avoir commis ces vols, entre 2012 et 2018, afin de subvenir aux besoins de sa famille et notamment pour payer les traitements médicaux de sa fille malade restée en Bolivie. Or, selon le rapport médical transmis, daté du 24 novembre 2017, tout portait à croire que la maladie de sa fille avait été découverte en 2016 et que les vols commis n’avaient pas uniquement servi à couvrir les soins médicaux de son enfant comme déclaré lors de son audition du 30 mai 2018. Il apparaissait ainsi qu’elle avait choisi de commettre ces vols pour améliorer sa qualité de vie, ainsi que celle de sa famille restée en Bolivie. Ce choix, bien que compréhensible, ne pouvait pas être considéré comme normal et ne correspondait pas au comportement adopté par la majorité des personnes dans une situation similaire.

Par ailleurs, elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, n’ayant pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable au vu de son comportement. Elle n’avait pas non plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Sa mère et ses trois enfants résidaient en Bolivie.

En outre, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

B. a. Par courrier du 26 octobre 2021, posté le 27 octobre 2021 et reçu le 2 novembre 2021, A______ a informé l’OCPM être d’accord de quitter la Suisse, mais seulement après avoir récupéré l’argent que son ex-employeuse lui devait. Le cas échéant, il fallait considérer son courrier comme un recours contre la décision du 8 octobre 2021.

b. Par pli du 4 novembre 2021, l’OCPM lui a répondu qu’il transmettait sa correspondance au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) pour raison de compétence.

c. Le 18 novembre 2021, le TAPI a accusé réception du courrier du 26 octobre 2021, perçu comme un acte de recours, et rappelé qu’elle devait expliquer en quoi et pourquoi elle s’en prenait à la décision en cause. Un délai au 29 novembre 2021 lui était imparti pour compléter son recours, à défaut de quoi celui-ci pourrait être déclaré irrecevable. Son attention était par ailleurs attirée sur le fait que les prétentions qu’elle faisait valoir à l’encontre de son employeuse étaient du ressort de la juridiction des Prud’hommes.

d. Le 25 novembre 2021, A______ a complété son recours, concluant à l’annulation de la décision de l’OCPM du 8 octobre 2021 en tant qu’elle prononçait son expulsion. Elle sollicitait l’audition de son employeuse.

Elle était arrivée en Suisse en novembre 2003 et avait commencé à travailler pour son employeuse. Cela faisait ainsi 18 ans qu’elle résidait et travaillait en Suisse.

Elle avait reconnu les faits qui lui avaient été reprochés en 2018 et avait largement indemnisé la famille concernée.

Entre 2003 et 2009, elle avait accumulé d’importantes dettes, car son salaire n’était que de CHF 1’500.- par mois. Son ancienne patronne n’avait payé ni son AVS, ni sa LPP. Elle avait pris contact avec un syndicat qui lui avait indiqué qu’elle pouvait demander réparation auprès des autorités compétentes et porter plainte.

Elle reprochait à l’OCPM de l’expulser pour un motif, certes répréhensible, alors qu’on laissait libre son ancienne patronne qui lui avait volé plus de la moitié de son salaire, soit au minimum CHF 158’383.-, qui ne lui avait pas payé les cotisations sociales et l’avait employée au noir. Cela ne justifiait certes en rien ce qu’elle avait fait, mais elle avait quatre bouches à nourrir dans son pays, sa mère et ses trois filles âgées alors de 3 à 9 ans. L’OCPM n’en tenait pas compte.

Désormais, elle était habituée à la Suisse et avait perdu tout réflexe pour se réinsérer dans son pays d’origine qu’elle ne connaissait plus depuis dix-huit ans. Elle était bien intégrée et avait de quoi subvenir à ses besoins et assurer les études de ses trois enfants, âgés de 15 à 21 ans. Si elle était expulsée, ses filles ne pourraient plus étudier et tous ses efforts et souffrances auraient été vains.

À son âge, elle n’avait aucune chance de s’intégrer ou de trouver un travail en Bolivie, à moins que son ancienne patronne lui paie ce qu’elle lui devait et qu’elle puisse récupérer son AVS et son deuxième pilier pour ouvrir un petit commerce. C’était pour cette raison qu’elle avait demandé sa régularisation. L’OCPM ne pouvait pas prendre comme prétexte de son expulsion l’ordonnance pénale de 2018.

Elle ne voulait pas quitter la Suisse sans un sou en poche et retourner dans son pays plus pauvre qu’elle n’en était partie. Depuis le mois de septembre 2021, elle essayait de négocier avec son ancienne patronne, en vain. Elle ne quitterait pas la Suisse avant d’avoir récupéré les presque CHF 160’000.- que celle-ci lui devait. N’importe quel humain pouvait le comprendre.

e. Le 12 janvier 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

f. Le 7 février 2022, A______ a répliqué, détaillant les montants qu’elle estimait lui être dus par son employeuse. Toutes les démarches entreprises pour récupérer son dû ayant été vaines, elle sollicitait du TAPI qu’il convoque son employeuse pour lui faire entendre raison. De cette façon, elle pourrait accepter l’injustice de son expulsion.

Elle était arrivée en Suisse le 6 août 2003 et y avait résidé jusqu’en juin 2006, date à laquelle elle était retournée en Bolivie, puis depuis février 2007. Elle n’était pas un danger pour la Suisse. À 45 ans, elle n’avait aucune chance, ni aucune possibilité de trouver du travail en Bolivie. Elle était intégrée et avait un travail. En Bolivie, elle serait condamnée à la mendicité et sa fille cadette ne pourrait pas terminer ses études. Elle était mère célibataire avec trois enfants à charge. Par ailleurs, elle était suivie médicalement depuis 2018 et devait être opérée prochainement pour une endométriose. En Bolivie, elle n’aurait pas de caisse maladie pour être soignée et devrait payer les soins de sa poche.

g. Par jugement du 22 juin 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, force était de constater que l’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

L’exécution du renvoi était au surplus possible, licite et raisonnablement exigible. Il n’était ni démontré ni même allégué qu’elle ne pourrait pas subir l’intervention prévue – si ce n’était pas déjà fait – en Bolivie. Elle pourrait éventuellement être mise au bénéfice d’un visa ou d’une autorisation de séjour de courte durée afin de se faire opérer en Suisse, si la condition du financement était remplie. Aucun élément ne laissait non plus à penser que son état de santé serait, en l’état, susceptible de se dégrader très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique à son retour dans son pays. Enfin, il n’était pas non plus allégué que son état de santé l’empêcherait de voyager ou de retrouver du travail en Bolivie.

S’agissant du litige qui l’opposerait à son employeuse au sujet de salaires non versés, non seulement le TAPI n’était pas compétent pour en traiter, mais cette problématique ne pouvait constituer une circonstance empêchant son renvoi.

h. Par arrêt du 25 avril 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : chambre administrative) a rejeté le recours formé contre ce jugement.

C. a. Le 10 juillet 2023, sa décision de renvoi étant désormais exécutoire, l’OCPM a imparti un nouveau délai au 10 octobre 2023 à A______ pour quitter la Suisse et l’espace Schengen.

b. Par décision du 8 novembre 2023, l’OCPM a refusé de faire droit à une demande de reconsidération de A______ du 23 octobre 2023, dans laquelle cette dernière faisait notamment valoir une plainte pénale déposée contre son employeuse.

c. Par jugement du 14 février 2024, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté le 11 décembre 2023 par A______ contre cette décision.

d. Le 24 avril 2024, l’OCPM a fixé un nouveau délai de départ au 8 mai 2024 à A______.

D. a. Le 16 octobre 2024, A______ a adressé à l’OCPM une demande de révision et de reconsidération pour motif humanitaire « en tenant compte de ses 21 années de vie et de travail en Suisse ».

Son ex-employeuse n’avait payé ni l’AVS ni son deuxième pilier. Elle s’était battue pour réclamer ses CHF 158’384.-, mais malheureusement le vol de salaire n’était pas puni en Suisse et les employeurs pouvaient retenir la moitié du salaire sans conséquence pour eux. Elle luttait pour au moins obtenir la moitié de son AVS et de sa LPP. Grâce au traitement médical reçu, elle était en train de guérir sans avoir besoin d’une nouvelle opération.

Elle était au regret de dire qu’une expulsion de la Suisse après 21 années de séjour était une punition difficilement acceptable venant d’un pays respectueux des droits de l’homme. Retourner en Bolivie à l’âge de 48 ans ne lui laissait aucune possibilité de trouver du travail. On l’envoyait directement finir ses jours de la façon la plus indigne qu’un être humain puisse vivre. La situation n’était pas bonne dans son pays. Elle avait encore deux enfants qui étudiaient et n’avait pas d’économies pour pouvoir s’installer ou faire quelque chose en Bolivie. Il fallait tenir compte du fait qu’elle n’avait jamais été à la charge de l’assistance publique, qu’elle avait toujours travaillé et réussi à stabiliser sa situation. Ses médecins lui avaient annoncé qu’elle pourrait travailler à 100%.

b. Par décision du 10 février 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération précitée, faute d’éléments nouveaux et importants.

Les éléments invoqués – résidence en Suisse depuis 21 ans, âge de 48 ans, procédure pour obtenir la moitié de l’AVS et de la LPP, bon état de santé et possibilité de travailler à nouveau, aucune possibilité de trouver un emploi en Bolivie et aucune économie pour s’y installer – ne pouvaient pas être pris en considération dans la mesure où les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus.

Il rappelait à A______ qu’elle était tenue de se conformer sans délai à sa décision de refus et de renvoi de Suisse du 8 octobre 2021, en force.

E. a. Par acte du 13 mars 2025, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant à son annulation et à l’octroi en sa faveur d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis l’octroi de « mesures provisionnelles (effet suspensif) » et à ce qu’elle soit autorisée à rester sur le territoire suisse jusqu’à droit jugé au fond.

Toutes les conditions pour régulariser son séjour en Suisse étaient réunies car elle travaillait et n’était pas une charge pour l’État. Elle habitait à Genève depuis 21 ans, parlait le français, communiquait ainsi sans difficultés et avait établi de bonnes relations avec ses divers employeurs. Elle avait refait sa vie grâce au soutien de ses nombreux amis et de ses clients qui appréciaient son savoir-faire. Enfin, un retour en Bolivie n’était pas envisageable étant donné qu’elle avait perdu tout contact avec son pays d’origine.

Des mesures provisionnelles lui permettant de continuer à travailler à Genève et de récupérer sa santé devaient être prononcées. Elle ne représentait pas une menace pour la sécurité publique et l’OCPM n’avait pas analysé sa remarquable évolution ainsi que sa réinsertion sociale.

b. Le 26 mars 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 16 avril 2025, A______ s’est déterminée sur la restitution de l’effet suspensif.

Contrairement à ce que soutenait l’OCPM, les conditions étaient réalisées. Elle avait vécu 21 ans en Suisse et avait réussi à s’intégrer, elle n’avait pas d’attaches particulières avec la Bolivie et ne représentait pas une menace ou une charge financière pour la Suisse, disposant des ressources financières suffisantes pour subvenir à ses frais de base.

d. Le 30 avril 2025, elle s’est déterminée sur le fond.

L’OCPM se limitait à mentionner des dispositions légales et une jurisprudence d’ordre général, sans aborder sa situation concrète. Il ne se prononçait pas non plus sur son intérêt privé alors même que ce dernier primait l’intérêt public dans la situation d’espèce. Enfin, il se contentait de répéter que sa présence en Suisse ne saurait être prolongée en raison d’une décision judiciaire préalable, sans tenir compte des nouveaux éléments relatifs à sa situation actuelle, alors que tel aurait dû être le cas vu la demande de reconsidération qu’elle avait formée.

e. Par jugement du 8 mai 2025, le TAPI a rejeté le recours.

Les éléments invoqués par A______ étaient identiques à ceux qu’il avait traités dans son jugement du 22 juin 2022, hormis la question de la lutte pour récupérer la moitié de son AVS et LPP et le fait qu’elle avait entièrement recouvré sa santé.

Conformément à la jurisprudence, il ne s’agissait manifestement pas là de modifications notables des circonstances, respectivement importantes de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence que, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, cette dernière doive être remise en question.

F. a. Par acte remis à la poste le 18 juin 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, à l’annulation de la décision de l’OCPM du 10 février 2025 et à ce qu’une autorisation de séjour lui soit octroyée. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, des « mesures provisionnelles (l’effet suspensif) » devaient être octroyées et elle devait être autorisée à rester sur le territoire suisse jusqu’à droit jugé au fond. Sa comparution personnelle devait être ordonnée.

Elle avait vécu une série d’événements après la décision initiale de l’OCPM qui avaient changé sa situation personnelle et professionnelle. Ces éléments justifiaient une reconsidération. Il fallait tenir compte de ce qu’elle était suivie médicalement depuis 2018 et devait être opérée prochainement pour une endométriose. Grâce au traitement médical reçu, elle pourrait être en train de guérir sans avoir besoin d’une nouvelle opération, laquelle ne serait pas envisageable en Bolivie.

Elle avait déposé le 23 octobre 2023 une plainte pénale contre son employeuse, qui n’avait payé ni l’AVS ni son deuxième pilier. Elle s’était battue pour réclamer CHF 158'384.- mais malheureusement le vol de salaire n’était pas puni en Suisse.

Elle remplissait les conditions à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

b. Le 2 juillet 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 11 août 2025, la vice-présidente de la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles.

d. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti.

e. Le 18 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Les conclusions de la recourante en octroi d’une autorisation de séjour sont irrecevables. En effet, la décision querellée de l’OCPM du 10 février 2025, confirmée par le TAPI en première instance, est une décision de non-entrée en matière sur la demande de reconsidération de la recourante. Or, la conclusion précitée concerne le fond du litige et n’a pas été examinée par le TAPI, qui s’est limité à analyser si c’était à bon droit que l’OCPM n’était pas entré en matière sur la demande de reconsidération. Elle est donc exorbitante à l’objet du litige et irrecevable.

2.             La recourante conclut préalablement à sa comparution personnelle.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

2.2 En l’espèce, la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments et de produire toute pièce utile devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans. Elle n’expose pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige qu’elle n’aurait pu alléguer et prouver par écrit son audition serait susceptible d’apporter, étant observé qu’elle n’a pas répliqué.

Cela étant, ainsi qu’il a été dit, le litige porte uniquement sur la réalisation des conditions d’une reconsidération. La chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trouver la solution au litige sur la base des écritures et des pièces disponibles, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des actes d’instruction supplémentaires.

La comparution personnelle de la recourante ne sera pas ordonnée.

3.             Est litigieuse la non-entrée en matière de l’OCPM sur la demande de reconsidération de la recourante.

3.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/512/2024 du 23 avril 2024 consid 3.1 ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient (objectivement) pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/111/2025 du 28 janvier 2025 consid. 3 ; ATA/1276/2024 du 30 octobre 2024 consid. 3.1).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/512/2024 précité consid. 3.1 ; ATA/757/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.1). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/512/2024 précité consid. 3.2 ; ATA/651/2023 précité consid. 4.1 in fine).

3.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 3e éd., 2025, n. 1417).

En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel et traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/512/2024 précité consid. 3.3).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid. 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

3.4 Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications de circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/115/2025 du 28 janvier 2025 consid. 2.4 ; ATA/585/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.1).

3.5 En l'espèce, il sera – comme déjà précisé – uniquement examiné si les conditions d’une reconsidération sont réunies.

L’OCPM a estimé que ces conditions n’étaient pas remplies. Les éléments invoqués par la recourante, soit sa résidence en Suisse depuis 21 ans, son âge (48 ans), la procédure pour obtenir la moitié de l’AVS et de la LPP, son bon état de santé et la possibilité de travailler à nouveau, l’absence de possibilité de trouver un emploi en Bolivie et d’économies pour s’y installer, ne pouvaient pas être pris en considération dans la mesure où les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus.

La recourante fait valoir qu’elle doit subir « prochainement » une opération. Elle ne documente toutefois aucunement sa situation médicale. Cela étant, le 7 février 2022, elle avait indiqué devant le TAPI, dans le cadre du recours contre le refus d’autorisation de séjour, être en traitement depuis 2018. Le 16 octobre 2024, dans le cadre de sa demande de reconsidération, elle indiquait à l’OCPM que grâce au traitement médical reçu, elle était en train de guérir sans avoir besoin d’une nouvelle opération. Quoi qu’il en soit, l’évolution des troubles dans sa santé existant lors de la première procédure, en l’absence de circonstances particulières rendant son renvoi inexigible – qu’elle ne plaide pas sauf à soutenir, sans le rendre vraisemblable, qu’elle ne pourrait être opérée en Bolivie – ne constitue pas une circonstance nouvelle.

La recourante fait également valoir qu’elle a déposé le 23 octobre 2023 une plainte pénale contre son employeuse et qu’elle « lutte […] pour au moins obtenir la moitié de son AVS et de sa LPP ». Elle n’a toutefois ni documenté ni fourni aucune indication sur l’état de la procédure pénale et le sort réservé à sa plainte. L’éventuelle existence d’une procédure pénale portant sur des faits antérieurs à la première demande de permis ne saurait, quoi qu’il en soit, constituer en l’espèce une circonstance nouvelle justifiant une reconsidération.

C’est ainsi de manière conforme à la loi et sans excès ni abus de son pourvoir d’appréciation que l’OCPM a conclu que les conditions d’une reconsidération n’étaient pas réunies et a rejeté la demande de la recourante.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juin 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mai 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel CELI VEGAS, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance ainsi.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.