Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1168/2025 du 28.10.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3283/2025-FPUBL ATA/1168/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 28 octobre 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat
contre
DÉPARTEMENT DES FINANCES intimé
Considérant, en fait, que :
vu le recours interjeté le 19 septembre 2025 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______ contre la décision du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : le département) du 19 août 2025 lui réclamant la restitution de CHF 34'819.20 au titre d’indemnités pour incapacité de travail perçues indûment pour la période du 19 février au 24 juillet 2025, décision déclarée exécutoire nonobstant recours ; qu’elle a conclu à son annulation et à la condamnation de l’État à lui verser CHF 8'140.60 avec intérêts à 5% l’an dès le 31 août 2025 à titre de solde de vacances ainsi que CHF 3'963.60 avec intérêts à 5% l’an dès le 31 août 2025, à titre de remboursement de la différence de salaire du mois d’août 2025 ; que préalablement, il devait être procédé à l’audition du Docteur B______, son médecin traitant ; que l’intégralité du dossier médical en particulier les rapports établis par le médecin-conseil de l’État devaient être produits ; qu’elle avait été convoquée à un entretien de service qui s’était tenu le 28 janvier 2025 ; qu’elle avait alors compris que son employeur entendait prononcer la résiliation des rapports de service en raison de manquements qui lui étaient reprochés ; qu’elle avait été mise en arrêt de travail par son médecin traitant à compter du 19 février 2025 ; que les certificats médicaux avaient été régulièrement renouvelés jusqu’au 19 juillet 2025 ; qu’elle avait pleinement collaboré tant à la procédure de reclassement qu’avec les médecins-conseils de l’État ; que le département l’avait informée par courrier du 24 juillet 2025 que le médecin-conseil, le Docteur C______, avait retenu que sa capacité de travail avait toujours été pleine ; qu’elle était sommée de reprendre son activité professionnelle dès le lendemain ; qu’à défaut, ses indemnités pour incapacité de travail ne seraient plus versées et son traitement serait supprimé ; qu’elle y avait donné suite et s’était présentée le 25 juillet 2025 ; que l’État avait toutefois décidé de lui réclamer la restitution des indemnités qu’il considérait qu’elle avait perçues indûment ; qu’elle le contestait ;
que sur effet suspensif, la décision ne contenait pas la motivation justifiant le prononcé exécutoire nonobstant recours ; qu’elle ne vivait que de son salaire et n’avait aucune épargne ; qu’elle était en incapacité de rembourser le montant réclamé ; qu’une décision exécutoire nonobstant recours la placerait, durant toute la durée de la procédure, dans une situation financièrement si insoutenable qu’une décision finale favorable sur le fond ne pourrait réparer l’atteinte subie dans l’intervalle ; qu’elle consacrait par ailleurs une violation de ses droits procéduraux dans la mesure où cela la contraindrait à choisir entre solliciter un échéancier de paiement pour éviter les intérêts de retard et suspendre le remboursement jusqu’à la décision au fond ce qui la conduirait à prendre le risque de devoir s’acquitter d’intérêts de retard importants si le recours venait à être rejeté ; que pour le surplus les faits avaient été établis de façon inexacte ; que l’art. 62 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) avait été violé à l’instar des art. 53 et 54 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) en lien avec le principe de proportionnalité et de la bonne foi ; qu’enfin, l’autorité intimée avait abusé de son pouvoir d’appréciation et apprécié les preuves de façon arbitraire ;
que les mesures superprovisionnelles ont été rejetées le 30 septembre 2025, le péril en la demeure ne paraissant pas, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, être réalisé ; que si le département semblait avoir excipé de compensation avec le traitement de la recourante d’août 2025, les rapports de service avaient pris fin le 31 août 2025 ;
que le département a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif ;
que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a persisté dans ses conclusions ; qu’elle relevait qu’à défaut, l’État de Genève disposerait d’un titre de mainlevée qui lui permettrait d’entamer des poursuites, séquestre, ou saisie sur salaire avant le contrôle judiciaire alors que rien ne justifiait de tels actes d’exécution ; que l’autorité intimée se limitait à mentionner les questions de compensation avec des salaires versés alors que la question était de savoir si la décision pouvait immédiatement être exécutée par la voie de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) ;
Considérant, en droit, que :
que le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ;
que les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;
qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;
que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1375/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024) ;
qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265) ;
que l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;
que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). ;
que le principe général de la répétition de l'indu - selon lequel les versements qui ont été faits en exécution d'une obligation privée de cause valable, ou fondés sur une cause qui ne s'est pas réalisée ou qui a cessé d'exister, doivent être restitués si la loi ne le prévoit pas autrement ̶ était codifié à l'art. 62 al. 2 CO pour le droit privé et valait aussi dans le cadre du droit public (ATF 141 II 447 consid. 8.5; 135 II 274 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_532/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.2) ;
qu’en l'espèce, la demande de restitution de l'effet suspensif porte sur l'obligation de restituer les indemnités pour incapacité de travail relatives à la période entre le 19 février et le 24 juillet 2025 ; que les rapports de service ayant pris fin, le département ne peut pas procéder par compensation avec le traitement de la recourante ; que le département devra entamer les démarches prévues par la LP, lesquelles pourraient prendre plusieurs mois ;
que par ailleurs, la recourante n'a fait qu’alléguer des faits sur sa situation financière sans produire un seul document ; qu’elle n’a pas prouvé être la seule au sein de son ménage à exercer une activité lucrative ; qu’elle devrait percevoir des indemnités de l’assurance‑chômage ; qu’elle ne soutient pas, ni a fortiori ne démontre, qu'il lui serait désormais impossible de faire face à ses charges incompressibles ;
qu’en outre, selon la jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, laquelle peut en l'espèce trouver application par analogie comme l’a déjà retenu la chambre de céans (ATA/521/2025 du 12 mai 2025), l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son traitement durant la procédure (ATA/514/2025 du 7 mai 2025 ; ATA/439/2025 du 16 avril 2025) ; qu’ainsi, en cas d'admission du recours, la recourante pourrait sans difficulté se voir verser les sommes dues par l'État, tandis qu'en cas de restitution de l'effet suspensif suivie d'un rejet du recours, elle ne pourrait probablement pas s'acquitter de la somme litigieuse ;
qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ; qu’en effet, la question de la réalité de l'incapacité de travail de la recourante pendant la période litigieuse doit faire l'objet d'une instruction ;
qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.
qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, ainsi qu'au département des finances.
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Le président :
C. MASCOTTO |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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