Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/924/2025 du 26.08.2025 ( PATIEN ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/2063/2025-PATIEN ATA/924/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 août 2025 1ère section | 
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dans la cause
A______, enfant mineure, agissant par sa mère,
B______ recourante
contre
 COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL
et
C______
et
D______ intimés
 
A. a. A______, née le ______ 2010, était, jusqu'en juillet 2025, en dernière année du cycle d'orientation de E______. Elle est domiciliée en France.
b. Elle a été hospitalisée en 2024 en raison d'idées suicidaires.
c. Depuis septembre 2024, elle est suivie par D______, psychologue au sein de l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse en raison de comportements à risque et d'absentéisme scolaire.
d. Un signalement portant sur la situation de A______ a été fait auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE). Celui-ci s'est déclaré incompétent, l'intéressée ayant son domicile en France.
B. a. Le 9 avril 2025, D______ et C______, psychologue psychothérapeute cadre au sein de l'OMP, ont conjointement saisi la commission du secret professionnel (ci-après : la commission) d'une demande de levée de leur secret professionnel à l'égard de A______, en vue d'une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la République et canton de Genève (ci‑après : MP).
D______ a notamment indiqué ce qui suit : « le 25 février 2025, des éléments préoccupants ont émergé, à savoir : la mineure affirme avoir participé à plusieurs reprises à des comportements à caractère sexuel à risque avec plusieurs jeunes dont certains peut-être majeurs. L'adolescente rapporte certaines conduites violentes et certains actes réalisés malgré son refus. Elle rapporte les faits sans en mesurer la gravité ni les potentielles conséquences tant psychologiques que juridiques […]. Après évaluation globale des capacités mentales de l'adolescente, il est déterminé qu'elle ne présente pas la capacité de discernement concernant sa participation à ces conduites à caractère sexuel à risque avec ses pairs, potentiellement incluant des personnes majeures ».
b. La commission a entendu séparément D______ et A______ le 15 mai 2025.
D______ a expliqué qu'en février 2025, A______ avait indiqué avoir été abordée dans le bus par un camarade de classe qui lui aurait demandé ses « tarifs », dans un contexte clair pour les deux parties. Elle aurait ensuite rencontré le jeune homme à F______, où elle aurait été conduite dans les caves d'un immeuble. Des interactions à caractère sexuel impliquant plusieurs personnes se seraient déroulées, sans qu'elle reçoive la somme prévue. Elle avait précisé qu'elle aurait été, dès le départ, attirée par la perspective de gagner de l'argent avec un partenaire unique mais que les choses avaient évolué au fil des rencontres, sans qu'elle ait la possibilité de s'y opposer. Un échelon supplémentaire aurait ensuite été franchi. Il y aurait notamment eu une rencontre d'environ quatre heures, impliquant une douzaine de personnes, au cours de laquelle les actes sexuels auraient été filmés. Elle aurait ressenti des douleurs physiques importantes après l'un de ces épisodes. Lorsque D______ avait indiqué qu'un signalement était nécessaire, A______ avait mis un terme au suivi. Une rencontre avait ensuite eu lieu avec la mère de l'intéressée, à qui il avait expliqué qu'il saisirait le TPAE. La mère avait exprimé son refus de porter plainte, souhaitant respecter la volonté de sa fille. D______ a confirmé que A______ ne disposait pas de la capacité de discernement.
A______ a indiqué ne pas vouloir signaler sa situation aux autorités, estimant que cela ne l'aiderait pas, car elle ne se sentait pas directement affectée par les faits. Les faits plus récents remontaient à un peu plus d'un mois. Depuis lors, elle n'avait plus eu de contact avec les jeunes impliqués, qu'elle avait bloqués sur les réseaux sociaux. Elle n'avait peur ni d'eux ni des conséquences d'un dépôt de plainte. Certains de ces jeunes fréquentaient encore le même établissement qu'elle. Elle avait repris récemment l'école dans un cadre aménagé, après un arrêt-maladie, et prévoyait de terminer l'année scolaire avant de rejoindre le centre de formation pré-professionnelle (CFPP). Sa mère était informée des faits, l'écoutait et la soutenait mais ne souhaitait pas qu'elle soit impliquée dans une procédure pénale. L'intéressée a exprimé son scepticisme quant à un effet dissuasif d'une plainte sur le comportement des auteurs, qu'elle soupçonnait de reproduire les mêmes faits avec d'autres jeunes filles. Elle s'opposait à la levée du secret professionnel de D______.
C. a. Par décisions séparées du 2 juin 2025, la commission du secret professionnel a levé D______ et C______ de leur secret professionnel à l'égard de A______.
La transmission de renseignements relatifs à A______ était nécessaire aux autorités judiciaires pénales en vue d'une instruction pour garantir la protection de l'intérêt public. L'éventuel intérêt de tiers l'emportait sur la protection de la confidentialité due à A______.
D. a. Par acte remis à la poste le 12 juin 2025, A______, soit pour elle sa mère, a interjeté recours contre ces décisions auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).
Elle contestait cette décision, considérant que la levée du secret professionnel, dans les circonstances actuelles, était susceptible de porter gravement atteinte à son intégrité psychologique et physique. Cette position était appuyée par l'avis médical de la docteure G______, en charge de son suivi thérapeutique, laquelle estimait que la mesure était incompatible avec son état de santé. La levée du secret risquerait d'aggraver une situation psychologique déjà fragile.
b. Le 25 juin 2025, C______ a adressé à la chambre administrative les documents présentés à la commission portant sur la situation de A______.
c. La commission a conclu au rejet du recours et à ce qu'il soit procédé à l'audition de la recourante.
d. Un délai échéant au 11 juillet 2025 a été accordé à la recourante pour répliquer, celle-ci étant informée que la cause serait gardée à juger passé la date précitée.
e. La recourante ne s'est pas manifestée dans le délai imparti.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de la commission de lever le secret professionnel de D______ et C______ à l'égard de la recourante.
3. La commission sollicite l'audition de la recourante.
Toutefois, compte tenu de l'issue du litige, son audition n'apparaît pas nécessaire. Elle ne sera donc pas ordonnée.
4. La recourante s'oppose à la levée du secret professionnel de D______ et C______, estimant que la levée serait susceptible de porter gravement atteinte à son intégrité psychologique et physique.
4.1 Selon l'art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les psychologues, notamment, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l'exercice de celle-ci seront, sur plainte, punis d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1) ; la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit (ch. 2) ; demeurent réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant une obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (ch. 3).
Le secret médical couvre tout fait non déjà rendu public, communiqué par le patient à des fins de diagnostic ou de traitement, mais aussi des faits ressortissants à la sphère privée de ce dernier révélés au médecin en tant que confident et soutien psychologique (ATA/675/2024 du 4 juin 2024 consid. 4.1 et l'arrêt cité ; ATA/1051/2023 du 26 septembre 2023 consid. 6.1). Le devoir de garder le secret n'est pas limité dans le temps. Il subsiste au-delà du rapport contractuel, que celui‑ci ait pris fin par son exécution, sa résiliation ou sa révocation, la mort du mandant ou toute autre cause (ATF 117 Ia 349 consid. bb ; 114 III 107 consid. 3a ; 112 Ib 607).
4.2 Les personnes exerçant la psychothérapie sous leur propre responsabilité professionnelle doivent observer le secret professionnel conformément aux dispositions applicables (art. 27 let. e de la Loi fédérale sur les professions relevant du domaine de la psychologie - LPsy - RS 935.81).
En droit genevois, l'obligation de respecter le secret professionnel est rappelée à l'art. 86 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) et, spécifiquement pour les psychologues exerçant sous leur propre responsabilité professionnelle et sous surveillance professionnelle, à l'art. 80 al. 1 LS, qui renvoie à l'art. 27 LPsy. Elle est le corollaire du droit de toute personne à la protection de sa sphère privée, garanti par les art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).
Aux termes de l'art. 86 LS, une personne tenue au secret professionnel peut en être déliée par le patient ou, s'il existe de justes motifs, par l'autorité supérieure de levée du secret professionnel (al. 2) ; sont réservées les dispositions légales concernant l'obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (al. 3).
4.3 Le droit de délier le professionnel de son secret est strictement personnel. Le consentement doit ainsi provenir de la personne intéressée au maintien du secret dans la mesure où elle est capable de discernement. Si elle est incapable de discernement, son représentant légal peut consentir à la levée dans la mesure où il est le maître du secret, sauf en ce qui concerne des faits de la sphère intime (Benoît CHAPPUIS in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand du code pénal II, 2017, n. 141 ad art. 321 CP). La levée du secret médical par l'autorité est subsidiaire au consentement du patient et entre en considération uniquement lorsque ce consentement ne peut être obtenu (ATF 148 II 465 consid. 8.7.4 ; 147 I 354 consid. 3.3.2).
4.4 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, le respect du caractère confidentiel des informations de santé est capital non seulement pour protéger la vie privée des patients (art. 13 Cst. ; art. 8 CEDH), mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l'art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le devoir de discrétion est unanimement reconnu et farouchement défendu (ACEDH Z. M.S. c/Suède du 27 août 1997, cité in Dominique MANAÏ, Droits du patient face à la biomédecine, 2013, p. 138 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1049/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.3 ; 2C_37/2018 du 15 août 2018 consid. 6.2.3).
4.5 Comme tout droit découlant d'une liberté, le droit à la protection du secret médical peut, conformément à l'art. 36 Cst., être restreint moyennant l'existence d'une base légale (al. 1), la justification par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et le respect du principe de la proportionnalité, par rapport au but visé (al. 3).
4.6 La base légale pouvant fonder la restriction est, en cette matière, constituée par l'art. 321 ch. 2 CP et par l'art. 86 al. 2 LS. L'autorité supérieure au sens de ces deux dispositions est, conformément à l'art. 12 al. 1 LS, la commission, qui, bien que rattachée administrativement au département chargé de la santé (art. 12 al. 6 LS), exerce en toute indépendance les compétences que la LS lui confère (art. 12 al. 7 LS).
4.7 L'art. 321 al. 2 CP ne mentionne pas les critères selon lesquels l'autorisation doit être accordée ou refusée. Il convient de procéder à une pesée des intérêts et des biens juridiques en présence, la levée du secret ne devant être accordée que si elle est nécessaire pour sauvegarder des intérêts privés ou publics prépondérants. Seul un intérêt public ou privé nettement supérieur peut la justifier. Dans le cadre de la pesée des intérêts, il faut notamment tenir compte du fait que le secret professionnel est un bien juridique majeur. L'intérêt à la recherche de la vérité matérielle n'est pas en soi un intérêt prépondérant. C'est l'autorité compétente qui détermine dans quelle mesure et à qui les renseignements doivent être donnés. La levée du secret ne doit en principe être autorisée que dans la mesure où elle est nécessaire dans le cas concret, compte tenu de la sphère secrète du maître du secret (arrêts du Tribunal fédéral 2C_683/2022 du 4 janvier 2024 consid. 6.2.1 ; 2C_1049/2019 précité consid. 3.4 ; 2C_37/2018 précité consid. 6.4.2).
4.8 Ainsi, parmi les intérêts pris en considération figurent en priorité ceux du maître du secret. Il s'agit là de la cause la plus fréquente en matière médicale où nombre de praticiens demandent régulièrement à l'autorité compétente de pouvoir porter la situation du patient à la connaissance soit de l'autorité de protection de l'adulte soit d'autres professionnels de la santé (Benoît CHAPPUIS in Alain MACALUSO et al. [éd.], op. cit., n. 154 ad art. 321 CP).
Il ressort de l'art. 86 al. 2 LS qu'une décision de levée du secret professionnel doit, en l'absence d'accord du patient, se justifier par l'existence de « justes motifs ». Les intérêts du patient ne peuvent pas constituer un « juste motif » de levée du secret, si ce dernier n'a pas expressément consenti à la levée du secret le concernant. La notion de justes motifs se réfère donc uniquement à l’existence d’un intérêt public prépondérant, tel que le besoin de protéger le public contre un risque hétéro‑agressif, ou à la présence d’un intérêt privé de tiers dont le besoin de protection serait prépondérant à celui en cause, conformément à l’art. 36 Cst. (ATA/675/2024 précité consid. 4.3 et les arrêts cités). Les considérations qui précèdent valent cependant seulement pour le patient capable de discernement (ATA/972/2024 du 20 août 2024 consid. 2.5 ; ATA/231/2016 du 15 mars 2016 consid. 11a).
L’obligation de respecter le secret médical ne protège donc pas uniquement la santé de l’individu mais tient également compte de la santé de la collectivité. Ainsi, ce dernier élément reste un paramètre essentiel et traduit la pesée des intérêts qui intervient entre secret médical et intérêt collectif dans certains domaines où la santé publique peut être mise en danger (ATA/1051/2023 précité consid. 6.3 ; ATA/202/2018 du 6 mars 2018). Dès lors, le respect du secret médical trouve ses limites dans les principes généraux du droit administratif, notamment celui de la proportionnalité (ATA/972/2024 précité consid. 2.5 ; ATA/510/2020 du 26 mai 2020 consid. 3c ; ATA/717/2014 du 9 septembre 2014 consid. 10c).
4.9 Selon son art. 1, la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 (LEJ ‑ J 6 01) poursuit les buts suivants : a) encourager l’intégration et la participation sociale, culturelle, civique et économique des enfants et des jeunes ; b) promouvoir des conditions propres à favoriser la santé des enfants et des jeunes scolarisés au sein des établissements publics, et des enfants au sein des structures d’accueil préscolaire ; c) définir l’offre de soins du département chargé de l’instruction publique pour les enfants et les jeunes ; d) protéger les enfants menacés dans leur intégrité physique et psychique.
Sous réserve de dispositions spécifiques, elle s’applique à tous les jeunes scolarisés dans les établissements publics ou subventionnés du canton (art. 2 let. b LEJ).
Toute personne acquérant, dans l’exercice de ses fonctions au sein d’une institution publique, connaissance d’un crime ou d’un délit poursuivi d’office est tenue d’en informer immédiatement la police ou le MP (art. 43 LEJ). L'art. 46 LEJ prévoit que le secret professionnel est réservé (al. 1). Lorsque l’intérêt de l’enfant ou du jeune l’exige, les personnes soumises au secret professionnel demandent à être déliées de leur secret par l’intéressé ou, à défaut, par l’autorité compétente (al. 2).
4.10 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître ou qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/22/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3).
5. En l'espèce, la commission a levé D______ et C______ de leur secret professionnel à l'égard de la recourante, au vu d'une dénonciation pénale. La commission a été saisie à juste titre, la recourante étant considérée comme incapable de discernement, ce que son psychologue a attesté et ce que la commission a constaté, et ayant également refusé de délier les intéressés de leur secret à son égard.
La recourante, soit pour elle sa mère, s'oppose toutefois à la levée du secret. Selon elle, la levée serait susceptible de porter gravement atteinte à son intégrité psychologique et physique. Cette position serait appuyée par l'avis médical de la Dre G______.
Or, aucun avis médical allant dans ce sens ne figure au dossier, étant précisé qu'il incombait à la recourante, s’agissant d'un fait qui relève de sa sphère d’influence, de produire les moyens de preuve qu'elle jugeait utile. Il apparaît en revanche que la commission a procédé à une pesée des intérêts complète. En effet, dans sa réponse au recours, elle a indiqué avoir pris en considération l'intérêt public à instruire des faits susceptibles de constituer des infractions graves et impliquant un nombre important de personnes (au moins douze). Elle avait estimé que dans une société qui se devait d'assurer la sécurité de chacune et de la justice, il était impératif que des actes d'une telle gravité puissent être examinés par les autorités compétentes, notamment au vu de la pluralité des auteurs potentiels, de leur jeune âge et du risque de récidive. Elle avait également tenu compte de l'intérêt public à protéger d'autres mineures potentiellement concernées et ainsi de l'intérêt collectif. Permettre l'instruction du dossier constituait un moyen de déterminer s'il existait d'autres victimes et éviter que des faits similaires ne se reproduisent. La révélation permettait également de protéger la santé publique, des maladies pouvant être transmises pendant les actes en cause. Elle avait également mis en balance l'intérêt privé de la mineure. Or, il était également dans son intérêt que l'autorité pénale ouvre une instruction, au vu de la gravité des faits rapportés et de la répétition des actes. Le fait que certains actes aient été filmés aggravait les atteintes subies. Aussi, dans la mesure où l'année scolaire était terminée, la recourante n'aurait pas à être en contact avec les auteurs potentiels. La dénonciation permettrait également à la mineure de réaliser la gravité des actes commis à son encontre et éviter qu'elle ne se retrouve dans des situations similaires.
La pesée des intérêts effectuée par la commission est convaincante. En sus de se concentrer sur le but de la levée du secret, soit une dénonciation aux autorités pénales par les psychologues en charge de la recourante, qui y sont tenus en vertu de l'art. 43 LEJ, elle tient compte de l'intérêt public important à instruire les faits rapportés par l'intéressée, qui sont prima facie susceptibles de constituer des infractions graves (actes d'ordre sexuel avec des mineurs notamment) et qui impliquent un nombre important de personnes, afin d'en identifier les auteurs, de mettre fin, le cas échéant, aux comportements décrits et de tenter de prévenir le risque de récidive. Elle tient également compte de l'intérêt majeur à la protection de la santé publique, des maladies pouvant avoir été transmises pendant les actes en cause, comme l'a relevé à juste titre la commission. Ces intérêts publics majeurs, auxquels s'ajoute l'intérêt à la protection de la jeunesse et du développement des enfants et des jeunes, doivent primer l'unique intérêt privé de la recourante, incapable de discernement, au maintien du secret professionnel, intérêt qui n'a toutefois pas été ignoré. Par ailleurs, une dénonciation pénale peut servir ses intérêts, dans la mesure où celle‑ci est de nature à lui permettre de prendre conscience de la gravité des actes commis à son encontre et de prévenir leur renouvellement. Le cas échéant, des mesures de protection appropriées peuvent être prises à l'endroit de la recourante à la suite de la dénonciation pénale envisagée.
La levée du secret, prononcée à la suite d'une pesée des intérêts complète et convaincante, n'est donc pas critiquable.
Pour le surplus, on ne voit pas quelle autre mesure serait apte à atteindre les buts d'intérêts publics poursuivis par la levée du secret.
Le grief sera par conséquent écarté, ce qui conduit au rejet du recours.
6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
 PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 12 juin 2025 par A______, enfant mineure, représentée par sa mère B______, contre les décisions de la commission du secret professionnel du 2 juin 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de B______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique le présent arrêt à B______, mère de A______, enfant mineure, à D______, à C______ ainsi qu'à la commission du secret professionnel.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste : 
 
 S. HÜSLER ENZ 
 | 
 | le président siégeant : 
 
 P. CHENAUX | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
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 | la greffière : 
 
 
 
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