Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/690/2025 du 24.06.2025 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3017/2024-FPUBL ATA/690/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 juin 2025 |
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dans la cause
A______
B______
C______
D______
E______
F______
G______
H______ recourants
représentés par Me Charles PIGUET, avocat
contre
HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Anne MEIER, avocate
A. a. I______, H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______, J______, K______, L______ et E______ sont employés des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en qualité de brancardiers.
b. Un conflit relatif aux conditions de travail a opposé les brancardiers aux HUG.
c. Par courriel du 14 mars 2024, transmis à 8h52, M______, secrétaire syndical d’N______, a informé la direction générale des HUG qu’un débrayage était maintenu pour le jour même dès 13h00.
d. Par courriel du même jour, transmis à 11h34, O______, responsable P______ de la direction des opérations des HUG, a rappelé que le service minimum au sein du service P______ était fixé à 28 personnes. Les personnes souhaitant participer au débrayage devaient s’annoncer auprès du chef d’équipe régulation, afin de garantir la continuité du service aux patients.
e. Le secrétaire syndical a répondu, par courriel, que le service minimum serait garanti, si bien que les collaborateurs n’avaient pas l’obligation de s’annoncer au préalable pour participer au débrayage.
f. O______ a répondu, par courriel, que la responsabilité d’assurer la continuité opérationnelle du service auprès des patients des HUG lui revenait, si bien que toutes les personnes qui souhaitaient participer au débrayage devaient s’annoncer.
g. Un nouveau débrayage s’est tenu le 15 mars 2024.
h. Par courriers du 4 avril 2024, adressés individuellement à I______, H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______, J______, K______, L______ et E______, la direction des ressources humaines et la direction et services communs des HUG ont indiqué avoir pris bonne note de leur participation au débrayage du 15 mars 2024. Il s’avérait toutefois que les intéressés n’avaient pas respecté l’instruction des HUG d’annoncer leur participation au débrayage. Leur attitude avait perturbé le fonctionnement normal des activités et certains services de l’institution, ce qui était contraire à l’art. 20 du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut). Ils étaient tenus de répondre aux consignes formulées par leur hiérarchie, de surcroît dans le cadre de la mise en place d’un service minimum, quand bien même le droit à la grève était acquis. Ce courrier était adressé à titre de rappel et serait versé à leur dossier administratif. Toute récidive en lien avec le non-respect des consignes pourrait entraîner la convocation à un entretien de service.
i. Par courriel du 11 juillet 2024, I______, H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______, J______, K______, L______ et E______, agissant par l’intermédiaire de leur syndicat, ont requis du président du conseil d’administration des HUG la transmission de « la décision prise par le conseil d’administration des HUG au sujet des courriers versés [à leurs] dossiers personnels ». Si cette décision n’allait pas dans le sens d’un retrait des courriers de leurs dossiers personnels, ils seraient dans l’obligation d’agir « juridiquement et publiquement ».
j. Par courriel du 17 juillet 2024, le président du conseil d’administration des HUG a répondu que les courriers de rappel adressés aux « collaborateurs n’ayant pas respecté les consignes de leur hiérarchie » étaient maintenus. Le procès-verbal du conseil d’administration ne pouvait être transmis à des tiers, le règlement d’organisation des HUG prévoyant que celui-ci était confidentiel. Les collaborateurs pouvaient toutefois écrire aux ressources humaines afin d’ajouter un courrier dans leur dossier personnel au sujet des courriers litigieux.
k. Par courrier du 22 juillet 2024, L______, J______, A______, E______, F______, D______, G______ et I______, tous représentés par le même conseil, ont sollicité le retrait des « courriers de rappel » de leur dossier personnel. Ces courriers avaient manifestement valeur d’avertissement ou de sommation portant atteinte à leur situation juridique, si bien qu’ils devaient être considérés comme des décisions. Ils n’avaient toutefois pas fait l’objet d’une notification régulière.
l. Par courrier du 29 juillet 2024, les HUG ont refusé de retirer les courriers des dossiers personnels des employés concernés. Ces derniers étaient toutefois libres de faire parvenir leurs éventuelles observations au sujet des courriers, lesquelles seraient également placées dans leur dossier personnel. Ces courriers ne constituaient pas des décisions : ils se limitaient à rappeler aux collaborateurs concernés les consignes hiérarchiques qui leur avaient été données, ainsi que les règles qui leur étaient applicables. Ils ne prononçaient pas de sanction disciplinaire et n’avaient pas eu d’impact sur la situation juridique des intéressés. Il en allait de même du courriel adressé par le président du conseil d’administration à leur secrétaire syndical le 17 juillet 2024.
B. a. Par actes du 16 septembre 2024, I______, H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______, J______, K______, L______ et E______ ont recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la « décision du 17 juillet 2024 », concluant à son annulation et à ce que les courriers du 4 avril 2024 soient retirés de leur dossier personnel, puis détruits. À titre préalable, ils ont sollicité la production du procès-verbal du conseil d’administration des HUG ayant pris la décision dont était recours.
Les courriers litigieux devaient être qualifiés de décisions sujettes à recours. Les actes querellés formalisaient le constat de l’autorité intimée, selon lequel ils avaient manqué à leurs obligations en ne respectant pas les instructions « prétendument données ». De tels actes visaient à affecter leur situation juridique dans une éventuelle future procédure à leur encontre. Le fait que l’avertissement ne figurait pas dans la liste du catalogue légal des sanctions prévues à l’art. 16 de loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) n’y changeait rien.
Leur droit d’être entendus avait été violé. Ils avaient été sanctionnés par un avertissement sans avoir été entendus, ni oralement, ni par écrit, sur les faits qui leur étaient reprochés. Cette violation ne pouvait être réparée, la chambre administrative ne disposant pas de la compétence d’apprécier l’opportunité des actes attaqués.
La décision violait en outre l’art. 16 LPAC puisqu’elle se fondait sur une prétendue violation des instructions des HUG. Or, ces « prétendues instructions » ne ressortaient d’aucun document. Aucune sanction disciplinaire ne pouvait leur être infligée.
Ces recours ont été ouverts sous les numéros de causes A/3017/2024, A/3018/2024, A/3019/2024, A/3020/2024, A/3021/2024, A/3022/2024, A/3023/2024, A/3024/2024, A/3025/2024, A/3026/2024, A/3027/2024 et A/3028/2024.
b. Par décision du 18 septembre 2024, la chambre administrative a ordonné la jonction des procédures sous le n° A/3017/2024.
c. Par observations du 18 novembre 2024, les HUG ont conclu à l’irrecevabilité des recours, subsidiairement à leur rejet.
Les courriers de rappel ne pouvaient être qualifiés de décisions, dans la mesure où ils constituaient la simple expression du pouvoir de direction de l’employeur résultant du lien de subordination de la relation de travail. Ils s’étaient contentés d’adresser un rappel aux recourants qui, malgré les instructions claires de la hiérarchie, avaient omis de procéder aux annonces nécessaires. Il n’était tiré aucune conséquence directe de ces courriers de rappel puisqu’il était mentionné qu’en cas de récidive en lien avec le non-respect de consignes, un entretien de service pourrait être convoqué. Les courriers ne déployaient aucune conséquence sur leurs droits et obligations. Les recourants avaient du reste agi tardivement pour contester ces courriers, si bien que leurs recours seraient quoi qu’il en soit irrecevables.
A fortiori, le courriel du 17 juillet 2024 ne constituait pas non plus une décision en tant qu’il se contentait de confirmer la teneur des courriers de rappel. Ils peinaient d’ailleurs à comprendre, si ce n’était en raison de la tardiveté du dépôt des recours visant les courriers de rappel, pour quelles raisons les recourants avaient dirigé leur action contre le courriel du 17 juillet 2024.
La requête tendant à l’obtention du procès-verbal de la séance du conseil d’administration était infondée. Ces documents étaient confidentiels, comme cela résultait du règlement d’organisation et de la loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24).
Leur droit d’être entendus n’avait pas été violé. Si les courriers litigieux devaient un jour être utilisés contre les recourants, le respect de leur droit d’être entendus serait garanti par la procédure d’entretien de service. Par ailleurs, les obligations d’annonce découlaient du statut du personnel, si bien qu’il ne s’agissait pas d’une question d’opportunité que la chambre de céans ne pouvait revoir. Une éventuelle violation de leur droit d’être entendus serait dès lors réparée. Les recourants avaient du reste régulièrement été invités à se déterminer au sujet des courriers, sans qu’ils ne fassent usage de cette possibilité.
C’était enfin à tort que les recourants considéraient que les instructions reçues de leur hiérarchie ne ressortaient « d’aucun document ».
d. Par réplique du 10 février 2025, les recourants ont relevé que les avertissements litigieux devaient être qualifiés de décision. Le courriel du 17 juillet 2024 constituait la « seule trace au dossier d’une notification ». Les courriers leur avaient été adressés par courriers simples, sans indication des voies de droit.
Ils pouvaient « parfaitement entendre » que les HUG devaient pouvoir organiser leur service dans l’hypothèse d’un mouvement de débrayage afin d’assurer certains impératifs. Si, dans ce cadre, les HUG entendaient restreindre l’exercice de leurs droits syndicaux, cette restriction devait faire l’objet d’une base légale spécifique qui faisait en l’espèce défaut. L’instruction donnée aux employés devait dès lors être considérée comme illégale. Quand bien même elle serait licite, elle avait été donnée trop tard. Les recourants étaient fondés à penser que, le service minium étant assuré, ils n’avaient pas besoin de s’annoncer, étant précisé que la réponse des HUG ne leur avait pas été directement communiquée.
e. Le 7 mars 2025, les HUG ont dupliqué, relevant que les brancardiers étaient « parfaitement informés » des instructions de leur hiérarchie, étant précisé que certains d’entre eux avaient dûment annoncé leur absence.
f. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
g. Le 12 juin 2025, I______, J______, K______ et L______ ont retiré leur recours. Les causes ont été rayées du rôle.
1. La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/660/2022 du 23 juin 2022 consid. 1 et les références mentionnées). Les HUG soutiennent que les recours seraient irrecevables, faute de décision.
1.1 Selon l’art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05), le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5,
6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.
L’art. 132 al. 6 LOJ dispose que le recours à la chambre administrative est ouvert dans d’autres cas lorsque la loi le prévoit expressément.
Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : a) de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ; b) de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits ; c) de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.
1.2 À teneur de l'art. 4A LPA, sous la note marginale « droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations (al. 1) : s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a) ; élimine les conséquences d'actes illicites (let. b) ; constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).
1.3 L’art. 4 LPA définit la notion de décision de la même manière que l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA - RS 172.021 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n° 63 p. 17). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 in SJ 2013 I 18). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêts du Tribunal fédéral 1C_532/2016 du 21 juin 2017 consid. 2.3.1 ; 2C_271/2012 du 14 août 2012 consid. 1.3, non publié aux ATF 139 II 384).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1).
Selon le Tribunal fédéral, un avertissement ou une sommation porte, dans certaines conditions, atteinte à la situation juridique du destinataire. Il en est ainsi lorsque l’avertissement est une étape obligatoire précédant une éventuelle mesure préjudiciable au destinataire, telle que le retrait d’une autorisation, ou lorsque, sans être impérativement nécessaire, l’avertissement prépare et favorise une mesure ultérieure qui, autrement, pourrait être jugée contraire au principe de la proportionnalité (ATF 125 I 119 consid. 2a ; 103 Ib 350 consid. 2).
Dans deux cas, la chambre administrative a retenu que l'avertissement prononcé à l’égard d’un fonctionnaire devait être qualifié de décision (ATA/115/2023 du 7 février 2023 consid. 2a ; ATA/353/2020 du 16 avril 2020 consid. 2b).
La doctrine est toutefois plus nuancée : l’avertissement au sens de l’art. 12 de la loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 (LPers - RS 172.220.1) doit être conçu comme une mise en garde adressée à l’employé destinée à éviter des conséquences désagréables, soit une mesure destinée à protéger l’employé puisqu’une résiliation ordinaire n’est possible qu’après un avertissement écrit resté infructueux (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd. 2015, p. 342). Selon Thierry TANQUEREL, ne constituent pas des décisions des avertissements « informels », comme l’invitation à améliorer son comportement ou son travail adressée à un fonctionnaire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administrative, 2e éd. 2018, n. 804, p. 287).
1.4 Selon l’art. 62 al. 1 let. a LPA, le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale.
Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les références citées), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées). La preuve de la notification peut toutefois résulter d'autres indices que des indications postales ou de l'ensemble des circonstances, par exemple d'un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2).
1.5 Devant la chambre de céans, les recourants concluent à l’annulation de la « décision du 17 juillet 2024 ». Dans la motivation de leur recours, ils contestent toutefois uniquement le contenu des courriers du 4 avril 2024, estimant qu’il s’agit de décisions. Ils expliquent qu’en l’absence de notification valable de ces décisions, le courriel des HUG du 17 juillet 2024, par lequel les intimés refusent de retirer les courriers litigieux de leur dossier personnel, constitue la « décision dont est formellement recours ».
On comprend de ce raisonnement que les recourants contestent en réalité tant les courriers des intimés du 4 avril 2024, qui constatent une violation des devoirs de fonction et mentionne les conséquences en cas de récidive, que le courriel des intimés du 17 juillet 2024, maintenant le refus de retirer les courriers du 4 avril 2024 des dossiers personnels des collaborateurs. Il convient donc d’examiner successivement ces deux actes afin de déterminer s’ils constituent des décisions susceptibles de recours devant la chambre de céans.
1.5.1 Dans les courriers du 4 avril 2024, l’employeur constate que les collaborateurs n’ont pas respecté une instruction de la hiérarchie, ce qui a eu pour conséquence de perturber le fonctionnement normal de ses activités, ce qui était contraire à l’art. 20 du statut du personnel. Il précise que toute récidive en lien avec le non‑respect des consignes pourrait entraîner la convocation à un entretien de service.
Ces courriers présentent ainsi a priori les caractéristiques d’un avertissement informel par lequel l’employeur se limite à inviter ses collaborateurs à améliorer leur comportement. Il est certes mentionné qu’en cas de récidive, l’employeur pourrait les convoquer à un entretien de service. On comprend ainsi qu’un nouveau manquement pourrait être traité plus sévèrement. La question de savoir si, pour ces motifs, les courriers litigieux, versés au dossier personnel des recourants, affectent leur situation juridique à l’égard de leur employeur peut toutefois rester ouverte. En effet, comme le relèvent les HUG, les recourants n’ont pas contesté ces courriers en temps utile.
En effet, les courriers du 4 avril 2024 ont été adressés aux recourants par plis simples. Les intimés ne sont donc pas en mesure d’apporter la preuve de la date exacte de leur notification. Les recourants ne contestent toutefois pas les avoir reçus. Dans leurs recours devant la chambre des céans, ils indiquent tous avoir sollicité, par l’intermédiaire de leur syndicat, que les courriers du 4 avril 2024 soient retirés de leurs dossiers personnels (allégué 9 de chacun des mémoires de recours). Cette demande a été formalisée par leur syndicat dans un courriel daté du 11 juillet 2024. Ainsi, le 11 juillet 2024 au plus tard, les recourants avaient connaissance des courriers du 4 avril 2024, puisqu’ils en demandaient le retrait de leurs dossiers personnels. Le délai de recours a ainsi commencé à courir le 12 juillet 2024, et ce jusqu’au 14 juillet 2024. Il a ensuite été suspendu pendant la période des féries comprise du 15 juillet au 15 août inclus, puis a recommencé à courir le 16 août 2024. Il est ainsi arrivé à échéance le mercredi 11 septembre 2024. Or, le recours a été expédié le lundi 16 septembre 2024, c’est-à-dire après l’échéance du délai de recours. Les recours contre les courriers du 4 avril 2024 sont donc tardifs, étant précisé que les recourants n’invoquent aucun empêchement non fautif d’agir dans le délai. Les recours doivent partant être déclarés irrecevables en tant qu’ils contestent les courriers du 4 avril 2024.
1.5.2 Les recours sont en revanche recevables en tant qu’ils contestent le courriel des HUG du 17 juillet 2024. Dans cet acte, les intimés refusent de retirer les courriers du 4 avril 2024 des dossiers personnels des collaborateurs concernés. Conformément à la jurisprudence précitée, une telle prise de position doit être qualifiée de décision.
2. Les recourants sollicitent la production du procès-verbal du conseil d’administration des HUG. Ils se plaignent également d’une violation de leur droit d’être entendus, au motif qu’ils n’auraient pas été entendus avant le prononcé des avertissements.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 144 II 427 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_452/2024 du 16 janvier 2025 consid. 2.1).
Le droit d’être entendu comprend également le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment et celui d’avoir accès au dossier. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).
2.2 Toutes les séances des conseils, commissions et sous-commissions font l’objet de procès-verbaux, qui ne sont pas publics (art. 28 LOIDP et art. 3 al. 1 let. d LOIDP).
2.3 En l’occurrence, comme l’ont relevé les intimés, le procès-verbal du conseil d’administration n’est pas un document public. Sa production n’apparaît d’ailleurs pas nécessaire puisque la décision du 17 juillet 2024 contient une motivation suffisante pour comprendre les raisons pour lesquelles les courriers du 4 avril 2024 n’ont pas été retirés des dossiers personnels des recourants. Il ne sera donc pas donné suite à cette demande d’instruction, la chambre de céans s’estimant suffisamment renseignée sur ce point.
La décision contestée – soit le courriel du 17 juillet 2024 – ne consacre au demeurant aucune violation du droit d’être entendu des recourants. Dans ce courriel, le président du conseil d’administration des HUG répond aux demandes des recourants au sujet du retrait des courriers du 4 avril 2024 de leurs dossiers personnels. Les intéressés ont ainsi bien été entendus avant la prise de décision. On précisera, en tant que les recourants se plaignent de n’avoir pas été entendus avant de recevoir les courriers du 4 avril 2024, que ceux-ci ne font pas l’objet du présent litige. C’est le lieu de rappeler, comme l’ont fait les intimés, que les recourants seront, en tout état, invités à exprimer leur point de vue au sujet des courriers litigieux si ceux-ci venaient à être utilisés en leur défaveur (art. 17 al. 2 du statut). Le grief tiré de la violation du droit d’être entendu doit partant être écarté.
3. Le litige porte ainsi sur le bien-fondé du refus de retirer les courriers du 4 avril 2024 des dossiers personnels des recourants.
3.1 Au niveau cantonal, les HUG sont soumis à la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08 ; art. 3 al. 1 let. c LIPAD).
3.2 À teneur de l'art. 36 al. 1 let. b LIPAD, les institutions publiques veillent, lors de tout traitement de données personnelles, à ce que ces dernières soient exactes et si nécessaire mises à jour et complétées, autant que les circonstances permettent de l'exiger.
Aux termes de l'art. 47 al. 2 LIPAD, sauf disposition légale contraire, toute personne physique est en droit d'obtenir des institutions publiques, à propos des données la concernant, qu'elles détruisent celles qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires (let. a), rectifient, complètent ou mettent à jour celles qui sont respectivement inexactes, incomplètes ou dépassées (let. b).
3.3 Selon l’art. 20 du statut, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’établissement et doivent s’abstenir de toute ce qui peut lui porter préjudice. À teneur de l’art. 22 du statut, les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (al. 1). Ils se doivent de respecter leur horaire de travail (al. 2). L’art. 24 al. 1 du statut prévoit qu’un membre du personnel empêché de se présenter à son lieu de travail à l’heure prescrite doit en informer le plus tôt possible son supérieur hiérarchique et justifier son absence.
3.4 En l'espèce, dans leurs écritures, les recourants contestent uniquement le bien‑fondé des avertissements prononcés à leur encontre dans les courriers du 4 avril 2024, au motif qu’aucun manquement à leurs devoirs professionnels ne pouvait leur être reproché. Ils estiment que les avertissements ont été prononcés en violation de l’art. 16 LPAC et qu’ils seraient arbitraires. Or, comme déjà indiqué, ces courriers n’ont pas été contestés dans les délais légaux, si bien qu’il n’appartient pas à la chambre administrative de se prononcer sur leur bien‑fondé dans le cadre de la présente procédure. Seul peut être contesté in casu le refus de retirer du dossier des recourants les courriers du 4 avril 2024. Or, pour cela, il appartenait aux recourants de démontrer que les données contenues dans ces courriers n’étaient pas pertinentes ou nécessaires ou qu’elles étaient inexactes, incomplètes ou dépassées, ce qu’ils n’ont pas fait.
À titre superfétatoire, on constatera qu’aucun élément au dossier ne permet de le retenir. Les recourants ne contestent en particulier pas ne pas avoir informé leur hiérarchie de leur absence le 15 mars 2024. On ne se trouve donc pas dans une situation où les recourants seraient en droit d'obtenir des HUG qu’ils détruisent ou rectifient le contenu des courriers du 4 avril 2024.
On précisera enfin que les intimés n’ont aucunement porté atteinte à la liberté syndicale des recourants, telle que consacrée à l’art. 28 Cst., puisqu’ils ne les ont pas empêchés d’exercer les prérogatives attachées à cette liberté. Ils ont uniquement rappelé l’obligation d’annoncer leur absence, laquelle est consacrée par le statut et répond à l’intérêt public important d’assurer un service minimum pour assurer la continuité des soins.
Pour ces motifs, la chambre de céans ne peut que constater que les courriers du 4 avril 2024 ne contiennent pas d’informations qui contreviendraient aux dispositions de la LIPAD et qui devraient par conséquent être supprimées ou modifiées.
Par conséquent, la décision querellée sera confirmée.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, pas plus qu’aux intimés, ces derniers disposant de leur propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/45/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).
Le litige ne présente pas de valeur litigieuse au sens de l’art. 85 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure où ils sont recevables, les recours interjetés le 16 septembre 2024 par H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______ et E______ contre la décision du 17 juillet 2024 des Hôpitaux universitaires de Genève ;
met à la charge solidaire de H______, G______, A______, B______, C______, D______, F______, et E______ un émolument de CHF 1’000.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 13 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
communique le présent arrêt à Me Charles PIGUET, avocat des recourants ainsi qu'à Me Anne MEIER, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, Justine BALZLI juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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