Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/391/2025 du 08.04.2025 sur JTAPI/986/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2027/2020-PE ATA/391/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 8 avril 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ et B______ recourants
représentés par Me Mattia DEBERTI, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2024 (JTAPI/986/2024)
A. a. B______, né le ______ 1968, et son épouse, A______, née le ______ 1968, sont ressortissants de Macédoine.
Trois enfants sont nés de leur union : C______, né le ______ 1991 au bénéfice d’une autorisation d’établissement, D______ née le ______ 1993, au bénéfice d’une autorisation d’établissement et E______, né le ______ 1998, au bénéfice d’une autorisation de séjour.
b. Le 6 juin 2016, B______ a été entendu par la police en qualité de prévenu d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - 142.20 ; devenue la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration LEI), avec prise d’emploi, et infractions à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Lors de son audition, il a notamment déclaré qu’il était arrivé en Suisse en juin 2015 et qu’il travaillait pour l’entreprise F______ Sàrl en qualité d’ouvrier depuis août 2015. Il a aussi indiqué que sa mère et ses deux enfants majeures vivaient à Genève, mais que sa femme résidait en Macédoine. Il était venu en Suisse pour la première fois en 1986 comme étudiant et exerçait une activité professionnelle saisonnière depuis 1987, rentrant en Macédoine tous les neuf mois.
c. Par ordonnance pénale du 26 octobre 2016, B______ a été condamné par le Ministère public en raison d’infractions à la LCR et à la LEtr.
d. Le 28 février 2017, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée sur le territoire Suisse (ci-après : IES) jusqu’au 27 février 2020 à l’encontre de B______.
e. Par décision du 27 mars 2017, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de B______.
Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.
B. a. Par courrier du 27 avril 2017, les époux A______B______, agissant également pour le compte de leur fils E______, ont formulé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur.
b. Par formulaire du 19 décembre 2018, les intéressés ont transmis à l’OCPM un formulaire de demande d’autorisation de séjour sous l’angle de « l’opération Papyrus », mentionnant pour les époux une date d’arrivée en Suisse en 1987, avec des preuves de séjour à partir de 2008, ainsi qu’une date d’arrivée en 2007 pour leur fils.
À l’appui de la demande, ils ont notamment produit un extrait du registre des poursuites, une attestation de non-prise en charge de l’Hospice général, une attestation de connaissance de la langue française de niveau A2, diverses lettres de soutien vantant les qualités personnelles et professionnelles de B______, des fiches de salaire de janvier à décembre 2018 auprès de la société G______ SA, des fiches de salaire de janvier à août 2018 de la société H______ SA en qualité de peintre-plâtrier à 25%, des fiches de salaire de janvier à août 2018 pour la société F______ Sàrl et des fiches de salaire de janvier à avril 2012, de février à avril 2013 et d’avril à juin 2014 pour la société I______, ainsi qu’un un extrait de son compte individuel établi par l’office cantonal des assurances sociales daté du 11 septembre 2018 mentionnant des périodes de cotisations de 1987 à 1989, de 2008 à 2011 et de 2015 à 2017.
c. Le 25 octobre 2019, l’OCPM a requis la production de documents complémentaires, notamment des justificatifs de séjour pour les années 2009 à 2017 pour A______.
d. Le même jour, l’OCPM a requis de l’office des poursuites des extraits globaux concernant les intéressés, lesquels leur ont été fournis en date du 31 octobre 2019, faisant état de dettes supérieures à CHF 10’000.-.
e. Par courrier du 20 décembre 2019, l’OCPM a informé les intéressés de son intention de refuser leur demande d’autorisation de séjour, leur octroyant un délai de 30 jours pour formuler leurs observations, ce qu’ils ont fait par courrier du 18 février 2020.
f. Par décision du 3 juin 2020, l’OCPM a refusé de régulariser les conditions de séjour de A______ et B______ et de soumettre leur dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé leur renvoi de Suisse en leur impartissant un délai au 3 septembre 2020 pour quitter le pays.
À teneur des pièces produites, ils n’avaient pas été en mesure de valider la durée de leur séjour, soit de dix ans minimum à Genève pour une famille sans enfant scolarisé. Leur situation ne répondait pas au critère de « l’opération Papyrus ». Le séjour de B______ était démontré à satisfaction que pour les années 2009 à 2011 et de 2015 à 2019. Aucun justificatif pour les années 2012 à 2014 n’avait été fourni, hormis des fiches de salaires dont les cotisations sociales n’apparaissaient pas sur l’extrait AVS fourni. De plus, B______ avait annoncé dans un rapport de police du 6 juin 2016 qu’il était arrivé en Suisse en 2015. Ce dernier n’était également pas dans une situation financière satisfaisante, dès lors qu’il cumulait des dettes consolidées pour un montant largement supérieur à CHF 10’000.-. Il ne remplissait pas non plus les critères d’un cas de rigueur, car il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.
C. a. Par acte du 6 juillet 2020, A______ et B______ ont formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).
La demande de régularisation avait été formulée le 27 avril 2017, de sorte que le droit des étrangers dans son ancienne version était applicable.
Si B______ n’avait pas eu d’activité professionnelle auprès d’un employeur acceptant de le déclarer aux assurances sociales pendant la période entre 2012 et 2014, il avait résidé à Genève et avait continué d’y travailler. Il ressortait de ses documents médicaux qu’il avait toujours bénéficié d’une assurance-maladie depuis sa prise de domicile définitive à Genève en 2008. C’était à tort que l’autorité intimée n’avait pas pris en considération les éléments probants de catégorie A produits.
Depuis son arrivée à Genève, il n’avait jamais émargé à l’aide sociale. Il s’était acquitté de ses dettes pour un montant de CHF 18’010.75.- et s’était engagé au paiement mensuel d’un montant de CHF 2’000.- afin de procéder au rachat de l’ensemble de ses actes de défaut de biens le plus rapidement possible. Son engagement était cautionné par son employeur, ce qui démontrait sa volonté de reprendre sa situation financière en main. Il en était de même de son épouse qui s’était elle aussi acquittée de ses actes de défaut de biens d’un montant total de CHF 2’001.90.-.
B______ avait produit plusieurs attestations de personnes qui avaient été amenées à le côtoyer tant sur le plan professionnel que privé. Ces dernières relevaient qu’il était une personne respectueuse avec une volonté sincère de s’intégrer à Genève. De plus, l’ensemble de ses proches, soit sa mère, ses enfants, ses frères et sœurs ainsi que ses neveux et nièces résidaient en Suisse depuis de nombreuses années, et certains étaient même devenus suisses. Les relations des époux A______B______ avec Genève étaient donc très étroites. Ils ne disposaient plus d’aucunes attaches sociales ou professionnelles en Macédoine, pays qu’ils avaient quitté douze ans auparavant.
À l’appui de leur recours, ils ont notamment produit un décompte de prestations d’assurance-maladie 2013, un carnet de vaccination indiquant un seul rappel le 19 juin 2013, un certificat d’assurance-maladie 2014 et une attestation d’ouverture d’un compte individuel AVS auprès de l’OCAS en février 2014.
b. Le 23 juillet 2020, l’OCPM a dénoncé la situation de B______ au Ministère public pour des soupçons sur l’authenticité des décomptes et certificats de salaire établis par l’entreprise I______ car les taux de cotisations AVS appliqués étaient erronés et les prélèvements des charges sociales n’apparaissaient pas sur l’extrait de compte individuel AVS. La procédure pénale P/1______ a été ouverte.
c. Le 14 septembre 2020, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
Si les époux A______B______ avaient réussi à démontrer le séjour de leur fils E______ entre 2008 et 2013, tel n’était pas le cas pour eux-mêmes pour la période de 2012 à 2014. Les fiches de salaire émises au nom de l’entreprise I______ pour les années 2012 à 2014 semblaient avoir été produites pour les besoins de la cause. Il était ainsi pour le moins surprenant de relever que le taux de cotisations AVS correspondait à celui des années 2016 à 2019, et non pas à celui des années 2012 à 2014. Une dénonciation pénale avait été adressée au Ministère public.
Il était difficile d’imaginer qu’au vu de la « culture balkanique », les époux A______B______ se furent trouvés en Suisse, laissant leur fille D______ habiter sans ses parents en Macédoine. Ce n’était qu’en 2015 qu’elle était arrivée en Suisse, suite à son mariage. Tout laissait à croire que l’enfant E______ avait terminé sa scolarité et avait vécu à Genève auprès de sa grand-mère paternelle pendant que ses parents se trouvaient en Macédoine entre 2012 et 2014.
Ils ne remplissaient donc pas les conditions d’une autorisation de séjour tant sous l’angle de « l’opération Papyrus » que du cas de rigueur.
d. Le 2 novembre 2020, les époux A______B______ ont relevé que leur fille D______ était arrivée en Suisse en 2008 avec le reste de sa famille. Elle avait été scolarisée à Genève de 2008 à 2009. Elle n’avait pas quitté la Suisse depuis, étant précisé que l’attestation d’achat d’abonnements des Transports publics genevois (TPG) démontrait sa présence à Genève entre 2012 et 2015. Entre 2009 et 2011, elle avait rencontré l’homme qui allait devenir son mari, de sorte qu’elle n’avait eu aucune raison de quitter la Suisse.
e. Par décisions des 1er décembre 2020, 21 décembre 2021 et 23 janvier 2023, le TAPI a prononcé la suspension de la procédure jusqu’à droit connu dans la procédure pénale P/1______.
f. Par décision du 1er novembre 2021, l’OCPM a séparé la demande de E______ de celle des époux A______B______ et a considéré qu’il remplissait les conditions de l’« opération Papyrus », lui délivrant un permis de séjour.
g. Le 22 avril 2022, B______ a été entendu par les services de police dans le cadre de l’instruction de la procédure pénale P/1______.
Il a notamment déclaré qu’il était revenu en Suisse fin 2007 auprès de sa famille. Il résidait alors en Macédoine avec sa femme et ses enfants, lesquels étaient arrivés en Suisse un mois avant lui. Il n’avait plus jamais quitté Genève depuis. Sa femme avait pu voyager à deux reprises en Macédoine pour des vacances d’une durée d’un mois chacune. Concernant son IES, il en était conscient mais était resté en Suisse et avait continué de travailler.
Sa mère habitait à Genève et vivait avec lui. Ses enfants ne vivaient pas avec lui, mais résidaient à Genève.
Sa femme avait des problèmes de santé.
h. Le 14 février 2024, le Ministère public a transmis au TAPI le jugement rendu par le Tribunal de police le 6 février 2024, lequel a acquitté B______ des chefs de faux dans les titres, de séjour illégal, d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation, de tentative d’induire en erreur les autorités et classé la procédure s’agissant des séjours et activités lucratives reprochés antérieurs au 7 février 2017.
i. Le 20 mars 2024, prenant note du jugement du Tribunal de police du 6 février 2024, l’OCPM a maintenu que les années 2012 à 2014 demeuraient non prouvées à satisfaction de droit.
j. Le 4 avril 2024, les époux A______B______ ont transmis leurs observations finales.
Lors de l’audience du 6 février 2024, le Tribunal de police avait procédé à l’audition de leur fils E______, en qualité de témoin, lequel avait confirmé avoir vécu à Genève de 2012 à 2014 avec ses deux parents au domicile familial et que son père avait un emploi à cette période, tout en précisant qu’il était le seul à en avoir un et ainsi à subvenir aux besoins de sa famille. Il était ainsi démontré qu’il résidait à Genève de 2012 à 2014.
Il continuait de s’efforcer de redresser sa situation financière du mieux qu’il pouvait et selon ses moyens.
Ils vivaient à Genève depuis 2007 avec toute leur famille, notamment leur deux enfants D______ et E______, sa mère, et ses frères et sœurs. Il était ainsi disproportionné d’exiger leur retour en Macédoine, ce d’autant qu’ils étaient aujourd’hui âgés de 55 ans.
k. Les 10 et 30 juillet 2024, les époux A______B______ ont transmis au TAPI des extraits actualisés du registre des poursuites ainsi que les résultats de leur test de connaissance de la langue français, B______ disposant d’un niveau B1 à l’oral, et son épouse d’un niveau A1.
l. Par jugement du 4 octobre 2024, le TAPI a rejeté le recours.
L’objet du litige se limitait à examiner la demande de régularisation des conditions de séjour des époux A______B______, sans prendre en compte la situation de leur fils E______, devenu majeur le 10 janvier 2016 et ayant obtenu une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
Bien que B______ ait été acquitté de toute infraction pénale par jugement du Tribunal de police du 6 février 2024, force était de constater qu’il existait des éléments semant le doute quant à la détermination de la date de son arrivée à Genève. D’une part, il n’avait pas été constant dans ses déclarations. Lors de son audition par les services de police du 6 juin 2016, il avait déclaré résider en Suisse depuis 2015 et que sa femme vivait en Macédoine. En revanche, à l’appui de sa demande de régularisation, il avait déclaré qu’il était en réalité arrivé à Genève fin 2007 pour y séjourner régulièrement. Ses déclarations devaient ainsi être relativisées. D’autre part, la comparaison des fiches de salaire de la société I______, produites avec le décompte individuel AVS du recourant, lequel n’indiquait aucun versement de cotisation pour la période 2012 à 2014, semait le doute quant à sa présence effective en Suisse durant cette période.
Quoi qu’il en soit, même dans l’hypothèse qui leur serait la plus favorable, la plus ancienne preuve de leur séjour remontait à 2008, de sorte qu’au jour de leur demande de régularisation, le 27 avril 2017, ils totalisaient une durée de séjour continu inférieure à la durée minimale de dix années exigée dans le cadre de l’« opération Papyrus ». À cela s’ajoutait qu’au moment du dépôt de la demande de régularisation, B______ faisait l’objet d’une IES prononcée à son encontre le 28 février 2017, valable jusqu’au 27 février 2020. Par ailleurs, nonobstant le critère de la durée de séjour, il avait fait l’objet d’une condamnation pénale notamment pour des infractions à la LCR, infractions qui ne relevaient pas du séjour illégal, de sorte qu’il ne remplissait de toute façon pas la condition d’absence de condamnation pénale. Les critères stricts et cumulatifs de « l’opération Papyrus » n’étaient ainsi pas remplis.
S’agissant des critères du cas de rigueur, le séjour avait été effectué à la faveur d’une tolérance des autorités depuis le dépôt de sa demande le 27 avril 2017. B______ ne pouvait se prévaloir ni d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle, ni d’un comportement irréprochable. Il avait non seulement séjourné et travaillé illégalement en Suisse durant plusieurs années, mais il avait également fait l’objet d’une condamnation pénale. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir que son épouse pouvait se prévaloir d’une intégration socio‑professionnelle remarquable. Sur le plan social, bien que les époux aient produit des documents attestant de leur niveau de français, ils n’avaient pas démontré avoir noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d’un étranger ayant passé un nombre d’années équivalent dans le pays. B______ était criblé de dettes pour un montant dépassant les CHF 140’000.-. Bien qu’il en ait déjà remboursé quelques-unes, son extrait récent du registre des poursuites démontrait notamment qu’en mars 2024, il en avait contracté de nouvelles, toujours en lien avec son assurance-maladie. De plus, les époux avaient passé leur enfance et leur adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle, et le début de leur vie d’adulte dans leur pays d’origine. Si une partie des membres de leur famille vivait certes en Suisse, notamment la mère de B______, ses frères et sœurs ainsi que leurs enfants majeurs, il n’en demeurait pas moins qu’ils avaient conservé des attaches avec leur patrie, ce dont témoignait la très récente demande de visa de retour formulée par A______ début septembre 2024.
D. a. Par acte posté le 7 novembre 2024, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM pour la délivrance d’autorisations de séjour.
Le TAPI avait omis de prendre en compte qu’ils étaient une famille avec deux enfants scolarisés, et cela depuis leur arrivée en Suisse en 2008 jusqu’en 2013. L’exigence quant à la durée était donc de cinq ans. Il n’y avait pas eu d’interruption entre 2012 et 2014, ce que l’autorité pénale avait retenu à juste titre.
Le recourant s’efforçait de s’acquitter de ses dettes. Il avait notamment, grâce à l’aide de sa famille, fait un premier versement de CHF 18’010.75 à l’office des poursuites en 2020 et faisait l’objet d’une saisie mensuelle de CHF 1’508.- à l’office des poursuites. Ses deux fils, qui travaillaient depuis plusieurs années, étaient prêts à mettre toutes les ressources possibles pour aider leur père à sortir de cette situation.
Reprenant les arguments de leur recours devant le TAPI, ils ont relevé qu’ils remplissaient toutes les conditions de l’opération Papyrus, subsidiairement celles du cas de rigueur.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Le 10 janvier 2025, les recourants ont produit une pièce complémentaire, de laquelle il ressortait que le montant de la saisie sur le salaire de B______ augmentait de CHF 1’508.- à CHF 2’417.- par mois.
d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour des recourants et de la décision de renvoi.
2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.
2.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.
L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2018, ch. 5.6.12).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).
La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
2.3 Aux termes de l’art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger ainsi que de son intégration.
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
2.4 L’« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d’une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
L’« opération Papyrus » n’emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu’à celles relatives à la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l’examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/334/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.6). L’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.
Ces conditions – cumulatives – devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/1056/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.4 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).
2.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ont formé leur demande de régularisation avant le 31 décembre 2018, date à laquelle « l’opération Papyrus » a pris fin. Il convient donc d’examiner si les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre cette opération sont remplies. Il ressort toutefois du dossier que le recourant a fait l’objet d’une condamnation pénale pour des infractions à la LCR et à la LEI. Quoi qu’en disent les recourants, il ne saurait être fait abstraction de cette condamnation au motif qu’elle serait liée uniquement à son statut administratif. Il ressort en effet de l’ordonnance pénale du 26 octobre 2016 que le recourant a conduit un véhicule sans être titulaire d’un permis de conduire et qu’il a circulé malgré un signal indiquant une interdiction d’accès. Or, de telles infractions ne relèvent aucunement de son statut administratif. Les conditions de l’opération « Papyrus » étant cumulatives, ce seul élément suffit à retenir que les recourants ne peuvent se prévaloir de l’« opération Papyrus ».
Les recourants ne remplissent pas non plus les critères d’un cas d’extrême gravité, dont l’« opération Papyrus » n’était qu’une illustration.
Ils se prévalent certes d’un séjour de longue durée, faisant valoir s’être installés définitivement à Genève en 2008. Si les pièces au dossier, en particulier l’extrait de compte individuel AVS du recourant et les attestations de scolarité des enfants E______ et D______, permettent de retenir une présence effective du recourant à Genève depuis 2008, aucun élément ne permet de démontrer un séjour de la recourante depuis cette date. S’ajoute à cela, comme l’a retenu la juridiction précédente, que le séjour du recourant semble avoir été interrompu en 2012. En effet, entendu devant la police le 6 juin 2016, le recourant a indiqué être arrivé à Genève en 2015, alors que ses enfants y résidaient et que son épouse était restée en Macédoine. L’interruption du séjour du recourant en 2012 trouve également appui dans l’extrait de son compte individuel AVS du recourant, lequel ne mentionne aucune activité lucrative entre 2012 et 2014. Le dossier contient certes des fiches de salaire pour cette période. Par ailleurs, E______, le fils des recourants, a confirmé en audience avoir vécu à Genève de 2012 à 2014 avec ses deux parents au domicile familial. La question de savoir s’ils peuvent se prévaloir d’un séjour continu depuis 2008 peut toutefois rester indécise. En effet, même à retenir un séjour des recourants en Suisse depuis 2008, cette longue durée doit être fortement relativisée du fait que leur séjour s’est intégralement déroulé dans l’illégalité, ou au bénéfice d’une tolérance des autorités depuis le dépôt de leur demande de régularisation. Il convient également de retenir que, durant cette période, le recourant était sous le coup d’une IES prononcée le 28 février 2017 et jusqu’au 27 février 2020, ainsi que d’une décision de renvoi du 27 mars 2017.
Sur le plan professionnel, le recourant travaille en qualité de peintre-plâtrier dans le domaine du bâtiment. Quand bien même son employeur serait satisfait de son travail et lui aurait confié la gestion d’une petite équipe, l’intéressé ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence précitée. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques à ce pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser en Macédoine. Il a accumulé de nombreuses dettes, faisant l’objet d’actes de défaut de biens pour un montant de plus de CHF 140’000.- en juillet 2024. La situation financière du couple est donc lourdement obérée, le recourant faisant l’objet d’une saisie sur salaire. Il a certes remboursé une partie de ses dettes avec l’aide de sa famille mais ses revenus restent insuffisants pour les rembourser dans leur intégralité. Les recourants ne soutiennent pas s’être investis dans la vie associative ou culturelle du pays. Ils ont certes suivi des cours de français et entretenu des bonnes relations avec leur entourage, ce qui est confirmé par les nombreuses attestations versées au dossier. Cette intégration ne revêt toutefois pas un caractère exceptionnel, étant rappelé que les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3). Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, le recourant ne peut se prévaloir d’un comportement irréprochable, puisqu’il a séjourné et travaillé en Suisse alors qu’il se trouvait sous le coup d’une IES et d’une décision de renvoi, et a été condamné pour infractions à la LEI et la LCR. Ils ne peuvent donc se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle réussie.
Enfin, il n’apparaît pas que la réintégration des recourants dans leur pays d’origine serait gravement compromise. Arrivés en Suisse, selon leurs dires, à l’âge de 40 ans, les recourants ont vécu toute leur enfance, leur adolescence et la majeure partie de leur vie d’adulte en Macédoine. Ils connaissent les us et coutumes de leur pays, la mentalité et en parlent la langue. Ils ont certes des attaches importantes en Suisse, en particulier leurs enfants majeurs, ainsi que la mère et les frère et sœur du recourant. Ils n’ont toutefois pas indiqué qu’ils se trouveraient dans un lien de dépendance avec l’un d’entre eux, si bien que les liens familiaux du couple en Suisse ne sont pas propres à constituer une raison personnelle majeure imposant l’octroi d’une autorisation de séjour. Il apparaît au demeurant, au vu des demandes de visa pour visites familiales déposées par la recourante en décembre 2018, qu’ils conservent également de la famille en Macédoine.
Partant, l’OCPM n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les conditions d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’étaient pas réalisées. Reste à examiner la conformité au droit du renvoi qui a été prononcé.
2.6 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).
Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
2.7 En l’espèce, les recourants ne soutiennent pas que leur renvoi serait impossible, illicite ou inexigible, et les éléments figurant au dossier ne laissent pas apparaître que tel serait le cas, si bien que le prononcé du renvoi ne prête pas le flanc à la critique.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
3. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ et B______ un émolument de CHF 400.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Mattia DEBERTI, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.