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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/358/2024

ATA/46/2025 du 14.01.2025 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RÉSILIATION;JUSTE MOTIF
Normes : Cst; LPAC.21.al3; LPAC.22
Résumé : Recours d’un fonctionnaire, consultant en médiation communautaire, contre la résiliation de ses rapports de service pour motif fondé. L’autorité lui reprochait de ne pas avoir maintenu un rapport de confiance suffisant avec les interlocuteurs du service et ses collègues, de ne pas avoir atteint certains de ses objectifs et d’avoir critiqué le fonctionnement du service ainsi que la qualité du travail des autres consultants. La décision querellée respectait le droit d’être entendu du recourant en renvoyant pour l’essentiel aux motifs exposés dans des actes de procédure antérieurs. La dégradation de ses rapports avec ses collègues dès 2021, malgré un processus de médiation externe mis en place et dont il était à tout le moins en partie responsable, avait rendu le climat de travail délétère. Elle lui avait valu plusieurs rappels à l’ordre et un avertissement. Elle avait causé son isolement et l’impossibilité de collaborer avec ses collègues. Il avait certes été réengagé à un autre poste mais n’appelant plus des qualités de médiateur. La mésentente avec ses collègues, indépendamment de ses compétences théoriques et d’analyse qui n’étaient pas en cause, constituait un motif fondé. La résiliation respectait en particulier le principe de la proportionnalité au vu des mesures vainement prises antérieurement. La question de savoir si l’incapacité du recourant à développer un rapport de confiance suffisant avec tous les interlocuteurs du service depuis son engagement, tout comme les autres reproches qui lui étaient faits, constituaient aussi un juste motif, pouvait restée indécise. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/358/2024-FPUBL ATA/46/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Mathieu GRANGES, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA

FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1969, est diplômé en sociologie.

Il travaille pour la B______(ci-après : B______) au titre d’enseignant vacataire depuis 2010.

b. Le 1er novembre 2012, il a été engagé en qualité de consultant en médiation communautaire auprès du C______(ci-après : C______) de l’actuel département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : DIP), à un taux d’occupation de 75%.

Le C______, rattaché au secrétariat général du DIP, comprend une secrétaire, quatre consultants en médiation et une cheffe de service. Il est chargé d’accompagner les établissements scolaires dans la gestion d’un climat relationnel propice à l’apprentissage. Les consultants doivent principalement prêter leur assistance à la gestion de conflits de personnes ou de groupes, impliquant une direction, le personnel enseignant, les élèves ou les familles. Ils travaillent seuls ou à plusieurs, ceci en tous les cas lors de conflits concernant une équipe. Ils réalisent également des formations, des projets ou des temps de réflexion visant à développer un climat propice et à prévenir la violence.

c. Lors de l’entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) du 16 juillet 2013 de A______, il lui a été fixé comme objectif de développer sa capacité à personnaliser ses rapports professionnels, en suivant une formation de deux jours intitulée « Communication et gestion des relations interpersonnelles ».

Le 7 février 2014, l’objectif a été considéré comme partiellement atteint et lui a de nouveau été fixé. Il devait développer sa capacité d’écoute lors de situations de crise.

d. Selon l’EEDP du 10 décembre 2014, l’objectif relatif à la personnalisation des rapports, consistant à construire et à consolider les rapports de confiance avec les mandants, n’était pas encore totalement atteint. Cette compétence était à travailler et ferait l’objet d’un nouvel objectif. Il était attendu de A______ qu’il renforce sa posture de médiateur, soit sa capacité à apaiser les tensions et à construire un rapport de confiance pour faciliter le changement, et qu’il développe sa capacité d’écoute et de bienveillance en cas de désaccords ou face à un fonctionnement de travail différent. Il devait à cette fin poursuivre deux formations de médiateur, développer ses connaissances en matière de psychologie sociale et analyser des situations en équipe.

Aux termes du bilan de son supérieur hiérarchique, il remplissait sa mission avec investissement et apportait un regard et des compétences précieuses pour l’ensemble du service. Il devait toutefois porter une attention particulière à la communication, à l’écoute et à la posture envers ses interlocuteurs.

Il lui a par ailleurs été fixé comme objectif de développer une expertise en matière de conseils d’école et de classe.

e. Le 1er avril 2015, A______ a été nommé fonctionnaire.

f. Selon l’EEDP du 10 novembre 2017, il remplissait sa mission avec engagement et méthodologie. Il excellait dans l’analyse de situation, utilisant à bon escient ses connaissances théoriques. Il devait renforcer ses compétences de médiateur et de négociation, développer son aptitude à construire un rapport de confiance avec un professionnel pouvant avoir des positions différentes, persévérer dans la recherche de solution en cas de blocage, et prêter attention aux commentaires concernant son manque d’écoute et de bienveillance, qui pouvait crisper les relations entre collègues.

g. En octobre 2018, la cheffe de service a rappelé à A______ qu’il n’avait pas, contrairement à ses obligations, rempli toutes les fiches concernant ses interventions et enregistré ses dossiers sur la plateforme informatique utilisée par le service (ci-après : sharepoint).

A______ était également invité à se montrer plus respectueux envers ses collègues. La cheffe de service avait dû interrompre à trois reprises leurs séances depuis septembre pour lui rappeler cette règle.

h. Selon l’EEDP des 26 novembre et 18 décembre 2020, il n’avait pas atteint l’objectif de développer une « expertise » en matière de conseils d’école et de classe, ni celui de renforcer sa posture de médiateur. Beaucoup d’interlocuteurs exprimaient des difficultés dans leurs rapports de confiance avec lui, pourtant essentiels à son activité. Il devait développer sa capacité d’écoute et de recherche de compromis lors de désaccords.

Dans ses relations avec ses collègues, il lui fallait faire preuve de plus d’écoute et de souplesse, ainsi qu’intégrer ces derniers dans sa pratique.

Son engagement, sa méthodologie et l’utilisation de références théoriques étaient appréciés. Il devait toutefois porter une attention particulière à ses compétences relationnelles, à son aptitude à construire du lien et un rapport de confiance avec et entre ses interlocuteurs pour apaiser les tensions, et à faciliter les collaborations entre professionnels. Il lui a été enjoint de suivre une formation collective durant l’année et de rechercher pour le surplus des mesures à mettre en œuvre de manière autonome.

i. En 2021, les relations de A______ avec ses collègues se sont fortement dégradées. Un processus de médiation externe a été initié durant l’été pour y remédier, sans aboutir à un apaisement.

j. Le 10 janvier 2022, le fonctionnaire a reçu un avertissement de la cheffe de service.

Le 7 décembre 2021, dérangé par le bruit et l’odeur émanant de la salle de réunion, il y avait fait irruption et avait « sauté à la gorge » d’une collègue en lui demandant de manière irrespectueuse de fermer la porte. Cette altercation était survenue malgré le processus de médiation susmentionné. L’intéressé était prié de faire montre d’une extrême attention à ses propos tant sur la forme que sur le fond, de bannir tous sarcasmes, de respecter les compétences de chacun sans jugement ni forme de procès d’intention, afin de permettre des relations de travail sereines.

k. Le 13 septembre 2022, la cheffe de service, au vu des mauvaises relations entre A______ et ses collègues, a décidé de suspendre les prises en charge en commun avec le précité.

Elle a enjoint à A______ de tester une nouvelle démarche de clôture et d’évaluation de ses interventions comme outil pour aborder son rôle et sa posture avec les interlocuteurs. Le but était de diminuer le nombre de ceux ne souhaitant plus son intervention.

La cheffe de service attendait aussi de A______ qu’il termine le développement de l’expertise en matière de conseils d’école et de classe.

l. Selon le certificat de travail intermédiaire du 9 juin 2023, A______ était un collaborateur engagé, autonome, organisé et méthodique avec un sens profond du service public. Toujours attentif à l’utilisation de références théoriques, il portait une attention spécifique à l’évolution de ses connaissances professionnelles. Sa vision globale du rôle de l’état et des institutions lui permettait de considérer ses interventions avec une préoccupation permanente pour les familles et les élèves.

De 2016 à 2020, il s’était grandement impliqué dans le déploiement du programme cantonal de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement entre pairs dans le milieu scolaire.

B. a. Le 10 janvier 2023, le collaborateur a été convoqué par sa supérieure à un entretien de service pour aborder différents problèmes.

Depuis le début de son activité, il n’avait pas amélioré son sens de l’écoute ni la qualité des relations avec les mandants, comme cela lui avait été demandé dans le cadre des différents EEDP et de leur suivi, ceci malgré les formations et mesures mises en place.

La directrice de l’établissement primaire des D______avait fait part des difficultés rencontrées avec lui et entre lui et les membres de la commission avec laquelle il avait travaillé depuis 2019, en particulier lorsqu’il était intervenu seul pendant la dernière année scolaire. Il s’était en outre trouvé en conflit avec la coordinatrice pédagogique début 2020, ce qui avait nécessité une intervention de la cheffe de service pour tenter d’apaiser la situation. Cet événement n’avait pas empêché la survenue d’un autre conflit, cette fois avec l’éducateur.

En février 2022, le directeur du E______ (ci-après : E______) avait explicitement demandé qu’il n’intervienne pas dans la mission prévue dans son établissement. Sa présence y était très négativement perçue par certains membres du personnel.

Ces événements avaient été précédés par de nombreux retours de ce type depuis le début de son activité. À titre d’exemples, en 2016, dans le cadre d’un conflit entre une école primaire et une famille, il avait eu une altercation avec l’avocat de cette dernière, ayant obligé le directeur à reprendre le rôle de médiateur jusqu’à la fin de la réunion. En 2017, il avait mécontenté des enseignants à qui il donnait une formation de deux jours en ne tenant pas compte de leurs horaires particuliers. Le directeur de l’établissement concerné ne souhaitait plus d’intervention de sa part. Dans un autre établissement, également en 2017, il avait eu des difficultés de collaboration avec deux maîtresses adjointes. La directrice de l’établissement avait tenté d’apaiser la situation mais il s’était montré sur la défensive et brusque, de sorte que cette dernière ne voulait plus d’intervention de sa part. En 2021, le directeur d’une école primaire avait transmis le souhait qu’il ne soit pas désigné pour intervenir en soutien de la gestion d’une classe, compte tenu de son conflit ouvert avec l’infirmière de l’établissement.

À chaque fois qu’il avait été interpellé sur ces situations, il s’en était indigné et s’était dit victime d’une cabale. Il était ensuite revenu sur ses propos et s’était engagé à faire en sorte que ce genre de problèmes ne se reproduisent plus.

Il avait rencontré d’importantes difficultés dans ses relations avec ses collègues dès le début de son activité. La cheffe de service avait dû lui rappeler d’éviter les propos dénigrants et les sarcasmes en 2018, et son attention avait été attirée sur les efforts à faire sur ce point dans les EEDP de 2014 à 2020. La communication avec ses trois collègues n’était plus sereine, ce qui rendait impossible une collaboration avec elles, pourtant nécessaire à la bonne marche du service. Une tentative de conciliation par un consultant externe avait débuté à l’été 2021. Une altercation ayant donné lieu à un avertissement avait néanmoins eu lieu en décembre. En juin 2022, la cheffe de service avait entendu les collaborateurs individuellement. Il en était ressorti que A______ s’enfermait dans son bureau et avait cessé de collaborer avec ses collègues, de leur adresser la parole et de s’exprimer lors des séances.

A______ n’avait pas atteint certains de ses objectifs. Il n’avait pas fourni l’expertise au sujet des conseils d’école et de classe qui lui était pourtant demandée depuis 2014. Il avait pris plus de deux ans pour utiliser sharepoint et la base de données du service. Il n’avait pas non plus, comme demandé avant l’été, développé un sujet permettant d’illustrer une des actions du C______ présentée dans le rapport d’activités 2021 et 2022. Il avait par ailleurs clos une intervention menée avec la cheffe de service à l’encontre des instructions de cette dernière.

Il s’était par ailleurs montré insatisfait du fonctionnement du service et des qualités de ses collègues, ce qui pesait sur le climat de travail.

b. Lors de l’entretien de service du 26 janvier 2023, A______ a pris acte que ses compétences interpersonnelles devaient être développées. Il admettait un malaise au sein de l’équipe, mais le point de vue de sa supérieure lui semblait exagéré.

La situation à l’école des D______était complexe et les médiateurs faisaient office de paratonnerre et de bouc émissaire. Il trouvait pour le reste le rapport de sa supérieure très brutal et ne comprenait pas la position des différents directeurs. Il n’avait pas toujours partagé leur point de vue mais ses interventions s’étaient bien déroulées. Il avait en particulier gardé son calme à l’égard de l’avocat de la famille.

Lors de l’entretien d’évaluation avec les deux maîtresses assistantes, il avait eu l’impression de se faire « casser ». Il n’avait fait aucun retour à sa supérieure à ce sujet.

Il restait positif et cordial avec ses collègues, mais cela était difficile si elles ne lui en donnaient pas la possibilité. Il n’était pas le seul responsable de leurs échanges dénigrants et se sentait parfois mal à l’aise face à certains propos déplacés. Il ne pouvait pas s’intégrer dans cette dynamique, dont il ne partageait pas les valeurs. Il se sentait mis à l’écart et la conciliation n’avait pas fonctionné.

Il regrettait qu’une altercation ait eu lieu un mois avant la fin du processus. Il avait été maladroit, sans toutefois commettre de faute professionnelle. Il avait en particulier tenu des propos inadéquats lorsqu’il s’était adressé à l’une de ses collègues au sujet de l’utilisation de la grille d’analyse des interventions. Le conflit venait aussi des précitées, qui n’étaient pas dans la recherche de solutions. Il n’était pas responsable de tout et faisait l’objet de critiques quoi qu’il fasse.

Il souhaitait que son travail soit reconnu même si son point de vue était minoritaire. Il était prêt à aller boire un verre avec ses collègues pour reprendre l’aspect relationnel de leur collaboration.

c. Dans ses observations écrites du 16 février 2023, le fonctionnaire a contesté être un frein à la bonne marche du service et n’avoir pas livré des prestations suffisantes.

Le retour obtenu de ses interlocuteurs à l’école des D______était positif. Il regrettait de ne pas avoir pu participer à la séance de clôture et ainsi donner son point de vue sur les difficultés de communication qui lui étaient reprochées. L’éducateur n’avait pas respecté le cadre de leur intervention ni pris en considération leur diagnostic et leurs lignes d’action. Lui-même n’avait pas provoqué de conflit, mais avait continué à accompagner la commission en évitant toute apparence d’ingérence. Il avait approuvé la proposition d’y intégrer l’éducateur, ce que ce dernier n’avait pas fait, préférant occuper le rôle qu’aurait dû tenir la directrice. La coordinatrice pédagogique n’avait pas adhéré à la finalité du processus mis en place. Les critiques de cette dernière à son encontre cachaient un malaise plus large causé par un manque de reconnaissance du travail qu’elle réalisait.

Le considérer comme une menace pour le service ou certaines écoles était disproportionné et insuffisamment étayé. Les exemples cités avaient été montés en épingle et cachaient des problèmes contextuels majeurs.

Il était intervenu trois fois auprès du E______ en donnant satisfaction. Le directeur, qu’il avait discrètement approché, lui avait indiqué que le problème venait du groupe F______, raison pour laquelle il avait décidé de prendre un coach externe. Il ne voyait aucun inconvénient à ce que le médiateur intervienne de nouveau à l’avenir.

Durant son intervention en 2016, un avocat avait participé à une séance sans s’être annoncé. Il avait gardé une posture professionnelle et digne. Dès que le directeur avait accepté de se remettre en question, différentes mesures avaient été mises en place. Ce dernier l’avait remercié à plusieurs reprises pour le travail accompli.

La formation qu’il avait donnée en 2017 s’était déroulée dans un contexte difficile qui n’avait pas été pris en compte dans l’entretien de service. Il n’avait jamais réellement pu parler au directeur. Durant son intervention dans un autre établissement également en 2017, il n’avait pas le souvenir d’avoir adopté une posture inadéquate ni pu s’exprimer en toute confiance devant la directrice et les maîtresses adjointes.

Dans le cadre d’une intervention dans une école en 2019 et 2020, la collaboration avec l’infirmière avait été difficile. Elle avait voulu imposer son point de vue et chercher le conflit avec d’autres collaborateurs. Il avait néanmoins reçu une demande de nouvelle intervention du directeur en mars 2022.

Il s’excusait d’avoir pu tenir des propos perçus par certaines collègues comme dénigrants et sarcastiques. Il se sentait également mal à l’aise dans ses rapports avec elles. Il avait eu des échanges compliqués avec l’une, mais les propos de cette dernière, homophobes et relatifs à sa vie privée, l’avaient dérangé. Il contestait avoir remis en cause le travail d’une autre consultante et lui avoir parlé sur un ton arrogant et brutal. Il avait expliqué en séance qu’il ne s’agissait pas d’une attaque mais d’un échange de points de vue. Il avait été en mesure de collaborer avec ses collègues à la rentrée 2021 mais s’était peu à peu senti exclu. Il avait été déçu par la procédure de conciliation, durant laquelle il avait eu l’impression d’être traité de manière inégale et sanctionné pour avoir suivi la procédure prévue.

L’objectif de partager des compétences en matière de conseils d’école et de classe ne lui avait été fixé qu’en 2017 et n’avait pas pu être réalisé à cause de l’isolement provoqué par la pandémie de COVID-19, puis de différents arrêts de travail pour cause de maladie et du climat plutôt hostile à son égard. Il rencontrait des difficultés dans l’utilisation de sharepoint mais faisait des progrès et s’était inscrit à la prochaine formation y relative. La consigne d’élaborer un sujet concernant l’activité du C______ en 2021 et 2022 était devenue confuse pour lui après un retour d’absence maladie de longue durée. Il avait cependant pu la clarifier, de sorte à rendre un travail dans les délais.

Il ne s’était pas exprimé pour contester le fonctionnement du service et remettre en cause les compétences de ses collègues, mais aux fins d’approfondir la compréhension de certains points par des outils théoriques. Il avait pu paraître insistant car lassé et agacé à la suite de plusieurs tentatives infructueuses antérieures. Il avait la volonté de contribuer au développement du service, notamment en créant des synergies entre pratique et formation.

d. Par décision du 11 mai 2023, le DIP a ouvert une procédure de reclassement d’une durée fixée à trois mois, constatant préalablement l’existence d’éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service.

Quoi qu’il en dît, A______ avait reçu des retours négatifs de sa hiérarchie concernant ses interventions, notamment en septembre 2022 au sujet de celle à l’école des D______. La directrice avait souhaité clore l’intervention en son absence compte tenu de toutes les difficultés dont elle avait fait état à son sujet. À deux reprises antérieurement, il avait eu un contact direct avec des directions et cela s’était mal passé. La coordinatrice pédagogique s’était plainte de son comportement dès le départ. En tant que médiateur, il était supposé maintenir un rapport de confiance avec les interlocuteurs malgré la réalité du terrain parfois complexe, ce dont ses collègues s’étaient montrées capables. Les reproches qui lui avaient été adressés concernant son incapacité à maintenir une collaboration facilitant la résolution des conflits étaient réels et proportionnés. Sa participation n’avait en conséquence pas pu être envisagée dans le cadre de 17 interventions durant le premier semestre. Malgré les réticences manifestées par différentes directions à son égard, à cause de son manque d’écoute et sa propension à attiser les conflits et les difficultés relationnelles, son comportement n’avait pas évolué.

Il ne contestait pas la détérioration des liens avec ses collègues mais s’en disait victime. Or, un comportement malveillant de ces dernières à son égard ne ressortait pas du dossier. Sa contestation de toute attitude agressive et inadéquate durant le processus de médiation ne laissait pas entrevoir une capacité de remise en question. Il avait régulièrement relevé le manque de capacité d’analyse, de réflexions et d’innovation de ses collègues et de sa hiérarchie.

Il était établi qu’il n’avait pas atteint certains de ses objectifs. Sa contestation à cet égard illustrait son incapacité à comprendre les attentes et exigences du C______. Contrairement à son point de vue, ses propositions et suggestions étaient prises en considération, mais ne pouvaient pas toujours être mises en œuvre. Il résultait de ses remarques un défaut de confiance envers sa hiérarchie.

e. Un entretien avec la direction des ressources humaines du DIP (ci-après : DRH) s’est tenu le 30 mai 2023 pour expliquer à A______ les modalités de la procédure de reclassement.

f. Le 31 août 2023, A______ a obtenu un poste de maître d’enseignement suppléant à G______(ci-après : G______ pour une durée maximale jusqu’au 31 juillet 2023 (recte : 2024), représentant un taux d’activité de 35%.

Son taux d’activité pour le C______ a en conséquence été réduit à 35% dès le 1er septembre 2023.

g. A______ a été convoqué à un nouvel entretien de service le 17 octobre 2023 par la DRH.

Cette dernière a souligné qu’il s’était montré très actif et que ses différentes postulations avaient été soutenues. Aucun emploi pérenne n’avait toutefois pu être trouvé au sein de l’administration cantonale, de sorte que la procédure de reclassement s’était achevée sans aboutir et que la résiliation suivrait son cours.

h. Par décision du 18 décembre 2023 déclarée exécutoire nonobstant recours, le DIP a résilié les rapports de service de A______ pour motif fondé, avec effet au 31 mars 2024 et libération de l’obligation de travailler.

Reprenant, en fait, les éléments de la procédure, le DIP a notamment résumé les reproches discutés avec le fonctionnaire lors de l’entretien de service du 26 janvier 2023.

Il ressortait des éléments retenus dans la décision d’ouverture de la procédure de reclassement l’existence de sérieux problèmes dans les rapports professionnels de A______ avec ses interlocuteurs et ses collègues. Il avait notamment fait l’objet d’un avertissement le 10 janvier 2022 et il résultait de ses EEDP de 2014 à 2022 qu’il n’avait pas atteint ses objectifs professionnels.

L’importance et la récurrence de ces manquements justifiaient la résiliation des rapports de service, la procédure de reclassement ayant échoué.

i. Le 1er juin 2024, A______ a été engagé en qualité de chargé d’évaluation au H______(ci-après : H______) pour une durée indéterminée, à un taux de 50%.

Selon le cahier des charges présenté dans l’offre d’emploi y relative, il est rattaché à la direction du H______ et assure, en coordination avec les collaborateurs en place : l’accréditation et la surveillance d’institutions de pédagogie spécialisées ; l’établissement de rapports et d’études ; des préavis à la direction et à d’autres administrations cantonales ; la participation sur délégation à des groupes de travail avec des partenaires extérieurs.

C. a. Par acte déposé le 1er février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 18 décembre 2023, concluant à son annulation et à une réintégration au poste de consultant au C______, subsidiairement au versement d’une indemnité de CHF 123'447.20.

Le DIP avait violé son obligation de motivation. Sa décision ne comportait aucun grief à son encontre et renvoyait aux éléments retenus dans la décision d’ouverture de la procédure de reclassement. Elle ne mentionnait en particulier pas sur la base de quel motif prévu à l’art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) la résiliation était fondée.

L’échantillon des retours choisis par sa supérieure n’était pas représentatif de son travail. La qualité de ses interventions à l’école des D______, au nombre de quatre, avait été reconnue par l’éducatrice et la maîtresse adjointe de la direction. La directrice n’avait refusé sa présence qu’à l’issue de la quatrième intervention.

Ses EEDP étaient globalement élogieux et ses objectifs considérés comme atteints de 2014 à 2018. En 2021 et en 2022, il n’avait pas pu démontrer ses efforts pour améliorer ses relations avec ses interlocuteurs. Son approche scientifique dans le traitement des missions, bien que bénéfique au C______, avait engendré des tensions avec ses collègues. Il s’était senti isolé au fil du temps et des crispations étaient apparues, au point qu’il n’avait plus osé leur adresser la parole. Ce climat de tension et d’isolement avait culminé avec l’altercation de décembre 2021.

Il ne pouvait être retenu une insuffisance des prestations justifiant une résiliation des rapports de service. Ses EEDP ne remettaient pas en cause ses capacités professionnelles, bien au contraire. Le dernier exposait qu’il remplissait sa mission avec engagement et méthodologie et qu’il utilisait ses références théoriques pour renforcer les actions du service. Les objectifs fixés avaient très majoritairement été atteints.

L’autorité n’avait pas mentionné une inaptitude à remplir les exigences du poste. Il n’était pas démontré que sa seule présence perturbait le fonctionnement du C______, malgré certaines divergences de points de vue ou incompréhensions avec ses collègues. Il cherchait à donner un ancrage toujours plus scientifique à son approche. L’ambiance de travail était devenue difficile face à une coalition réfractaire à certains changements et peu ouverte au dialogue. Ses premiers EEDP relevaient une bonne intégration et un très bon esprit de collaboration. On ne pouvait pas lui imputer, à lui seul, un défaut d’esprit d’équipe perturbant le service.

Faute de motif légal de licenciement, sa réintégration s’imposait. Au vu des difficultés relationnelles rencontrées au sein du C______, il était toutefois prêt à y renoncer. Son indemnité devait être fixée à douze mois du dernier traitement en tenant compte de sa formation, de son expérience, de la durée de son engagement et des brimades subies.

b. Dans sa réponse du 22 mars 2024, le DIP a conclu au rejet du recours.

La décision querellée mentionnait les dispositions légales et réglementaires sur lesquelles elle était fondée. Elle se référait également aux éléments retenus dans la décision d’ouverture de la procédure de reclassement.

Les problèmes relationnels du fonctionnaire vis-à-vis de ses interlocuteurs internes et externes ressortaient des nombreuses pièces au dossier. Les messages produits par le recourant n’étaient pas propres à remettre en cause les difficultés relevées dans les EEDP ni le refus de directeurs de travailler avec lui. Ces EEDP n’étaient par ailleurs pas globalement élogieux et plusieurs des objectifs y figurant n’avaient pas été atteints.

Entre 2020 et 2022, les interventions du C______ avaient été réduites à cause de mesures liées au COVID-19, mais le fonctionnaire n’avait pas été privé de la possibilité de démontrer ses progrès. Il aurait pu le faire durant son intervention à l’école des D______ainsi que dans le cadre de la médiation entreprise.

Ses apports théoriques, qui ne remplaçaient pas le contact humain, n’étaient pas à l’origine des tensions au travail.

La fonction de médiateur en milieu scolaire impliquait des compétences non seulement scientifiques, mais également humaines, soit des capacités d’établir un rapport de confiance avec les interlocuteurs, d’écoute, de communication et de résistance. Or, le fonctionnaire, dont les lacunes sur ce plan avaient pourtant été constatées depuis 2013, devait encore s’améliorer. De très nombreuses directions d’établissement s’étaient plaintes de ses interventions. Il résultait de ces retours négatifs ainsi que des EEDP une posture inadéquate avec les intervenants, une absence d’écoute et de compréhension, une incapacité à apaiser les tensions et une attitude défensive.

La collaboration avec les collègues s’était détériorée au point que les interventions conjointes avaient dû être interrompues. La cheffe de service avait été témoin de propos inadaptés adressés par le recourant à ses collègues, mais jamais de l’inverse. Le problème était bien antérieur à 2021 et le recourant avait régulièrement été informé des attentes de sa supérieure en résultant. Dix-sept établissements avaient refusé son intervention au cours du premier semestre de l’année scolaire 2022/23. Des dossiers moins sensibles lui avaient été attribués et sa cheffe était régulièrement intervenue conjointement, ce qui avait augmenté sa charge de travail.

Durant la procédure de reclassement, le recourant avait rapidement trouvé un poste d’enseignant, mais seulement de 35.20% et d’une durée limitée. L’autorité avait dès lors à juste titre constaté l’échec de ladite procédure. Aucune indemnité n’était due au vu de l’existence de motifs fondés

c. Dans sa réplique du 10 avril 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Aucun tiers n’avait relevé des manquements de sa part et beaucoup avaient apprécié son travail. Le C______ intervenait dans des situations tendues, et il avait ainsi pu arriver que certains aient moins apprécié son attitude, ce qui était humain. Au sein du service, sa supérieure avait toléré une forme de hiérarchie à l’avantage de ses collègues féminines.

d. Dans sa duplique du 17 mai 2024, le DIP a persisté dans ses conclusions.

e. Le 10 juin 2024, le DIP a informé la chambre du nouvel emploi du recourant auprès du H______.

S’agissant d’une fonction très différente de celle occupée au C______, il maintenait la décision de résiliation des rapports de service et s’interrogeait sur la pertinence de la demande de réintégration du recourant.

f. Le 24 juin 2024, le recourant a renoncé à sa réintégration au vu de son nouvel emploi, mais persisté pour le reste dans ses conclusions.

Sa nouvelle fonction n’appelait pas des compétences différentes. Elle exigeait également d’établir un lien de confiance avec les partenaires du service. Cela démontrait qu’il possédait toutes les capacités nécessaires à son ancien poste.

g. Le 26 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 31 al. 1 LPAC).

2.             Le recourant fait grief à l’intimé de ne pas avoir satisfait à son devoir de motivation.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision, afin que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (ATF 142 I 135 consid. 2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à ces exigences, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement. Elle ne doit pas se prononcer sur tous les moyens des parties, mais peut au contraire se limiter aux questions décisives (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ).

Aux termes de l’art. 21 al. 3 1e et 2e phrases LPAC, l’autorité motive sa décision de résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé.

2.2 En matière de fonction publique, la jurisprudence admet de manière générale le renvoi au contenu d'entretiens avec la hiérarchie s'agissant des motifs de licenciement (ATA/582/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.2 ; ATA/1275/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2 ; ATA/418/2022 du 26 avril 2022 consid. 2b).

2.3 En l’espèce, la décision querellée ne reprend sur le fond que dans les grandes lignes les reproches retenus contre le recourant pour justifier la résiliation des rapports de service. Elle renvoie cependant à la décision d’ouverture de la procédure de reclassement et sa partie en fait comporte un résumé de l’entretien de service du 26 janvier 2023, mentionnant de manière plus détaillée les reproches en cause. Surtout, aussi bien la décision d’ouverture de la procédure de reclassement que la convocation à l’entretien de service ainsi que le procès-verbal y relatif développent l’ensemble des griefs faits au recourant, avec références aux pièces pertinentes du dossier.

Le recourant, qui s’était en outre déjà prononcé sur chacun de ces griefs avant la procédure contentieuse, oralement puis par écrit, en avait une parfaite connaissance et a été en mesure de les contester sans difficulté dans son recours.

L’intimé n’a donc pas violé son droit d’être entendu en renvoyant pour l’essentiel aux deux actes de procédure susmentionnés, étant rappelé qu’un tel renvoi est expressément admis par la jurisprudence en matière de fonction publique.

3.             Le recourant considère que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé. Persistant dans ses conclusions en indemnisation, il renonce à solliciter sa réintégration eu égard à son nouvel emploi.

Il ne conteste pour le surplus pas qu’une procédure de reclassement, dont le principe est ancré à l’art. 21 al. 3 3e phrase LPAC, a été préalablement dûment menée.

3.1 L’art. 21 al. 3 1e phrase LPAC énonce que les rapports de service peuvent être résiliés pour motif fondé.

Aux termes de l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant d’une éventuelle faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c et les références citées). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et 4.2). De jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 5.3 et l'arrêt cité). Tel a également été jugé comme étant le cas des difficultés relationnelles répétées avec les collègues et la hiérarchie, émaillées d’incidents et d’emportements, mis en évidence par les évaluations successives et ayant fait l’objet d’entretiens, de rappels et d’accompagnements (ATA/1521/2019 du 15 octobre 2019 consid. 6 et 7).

La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances d’espèce. L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/530/2024 précité consid. 5.3 et l'arrêt cité).

Les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités ; 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l'importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2).

Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/530/2024 précité consid. 5.4 et les arrêts cités). Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1).

3.2 En l’espèce, l’intimé reproche en substance au recourant de ne pas avoir maintenu un rapport de confiance suffisant avec les interlocuteurs du C______ et ses collègues, de ne pas avoir atteint certains de ses objectifs et d’avoir critiqué le fonctionnement du service ainsi que la qualité du travail des autres consultants, qui ne l’avait jamais satisfait.

Il ressort en premier lieu des EEDP de 2013 à 2020 que le recourant, depuis son engagement, a eu des difficultés à adopter une attitude adéquate dans ses rapports avec les personnes extérieures, soit essentiellement avec des membres du personnel des établissements dans lesquels il a été amené à intervenir au titre de médiateur. Alors que ses connaissances, son engagement, sa méthodologie et sa capacité d’analyse ont toujours été reconnus, il lui a continuellement été demandé de progresser sur le plan de ses relations avec les interlocuteurs du service. Il était concrètement attendu de lui qu’il fasse preuve de plus de souplesse, d’écoute, de bienveillance et de moins d’agressivité ou de sarcasme dans ses rapports avec les précités, de sorte à construire un rapport de confiance et à ainsi mieux collaborer avec eux. Il est constant que cette aptitude est essentielle au travail de médiateur, qui plus est en milieu scolaire, comprenant des intervenants très divers (membres de la direction d’établissement, enseignants, éducateurs, personnel administratif et infirmier, etc.).

Malgré la fixation d’objectifs et l’obligation de suivre un certain nombre de formations visant à amener le recourant à changer de posture, ce dernier n’est pas parvenu, après plus de dix ans d’activité, à remédier à ce défaut. Aux dires de l’intimé, que le recourant ne reconnaît pas ou cherche à relativiser, cela a eu à terme pour effet que plusieurs membres de direction, notamment la directrice de l’école des D______, ont manifesté le souhait qu’il n’intervienne plus au sein de leur établissement. Le recourant aurait été exclu de 17 interventions pour ce motif durant le premier semestre 2022/23.

Cette quotité n’a certes pas été alléguée lors de l’entretien de service ni ultérieurement documentée. Il est toutefois établi que des réticences quant à l’intervention du recourant ont été exprimées par des directions en 2022, comme mentionné par la cheffe de service le 13 septembre de l’année précitée. Aussi et surtout, le recourant s’est montré incapable de développer un rapport de confiance suffisant avec tous les interlocuteurs du service depuis son engagement, malgré les injonctions répétées de sa supérieure à améliorer ses compétences sur ce point et les mesures mises en place dans ce but. Cet élément constitue sans nul doute une entrave à son travail et péjore la bonne marche du service. La question de savoir s’il est propre à fonder la résiliation des rapports de service n’a toutefois pas besoin d’être examinée plus avant au vu de ce qui suit.

3.3 Il ressort parallèlement des EEDP que le défaut de souplesse et d’ouverture du recourant dans son rapport aux autres a eu, dès 2017, un impact de plus en plus négatif dans ses relations avec ses collègues. En sus d’être spécifiquement repris sur ce point dans les EEDP de 2017 et de 2020, il a reçu un rappel à l’ordre de sa cheffe de service en octobre 2018. Il a pour le surplus reconnu s’être adressé aux autres consultantes de manière inadéquate à plusieurs reprises et ne pas parvenir à s’intégrer à l’équipe, dont il ne partageait pas les valeurs, était mis à l’écart et se sentait incompris.

Ses relations avec ses collègues se sont fortement dégradées à partir de 2021. Le processus de médiation externe mis en place a échoué et la situation a empiré, au point que le recourant s’est isolé dans son bureau, a cessé de s’exprimer en séances et, ce qu’il a lui-même admis, n’adressait plus la parole à ses collègues. Le climat de travail est devenu délétère au point que la cheffe de service a décidé, en septembre 2022, de suspendre les interventions communes impliquant le recourant.

Il est certes probable que, conformément à ses objections, la situation avec ses collègues ne soit pas imputable à sa seule attitude. Il est en revanche établi qu’il en est à tout le moins en partie responsable au vu de sa posture arrogante et agressive dans ses relations avec les autres consultantes. Outre le rappel à l’ordre de 2018 susmentionné, sa réaction violente et irrespectueuse à l’égard d’une collègue en décembre 2021 lui a valu un avertissement de la cheffe de service.

Surtout, indépendamment de sa faute et contrairement à ses rapports avec les directeurs des établissements scolaires, avec lesquels une collaboration n’apparaissait pas globalement et définitivement exclue à teneur du dossier, le litige avec ses collègues a rendu impossible toute discussion et intervention commune. Or, non seulement les médiateurs du C______ sont appelés à intervenir à deux, voire plus, en particulier lorsque sont concernés des conflits dans une équipe. Mais surtout, leur travail comporte des séances régulières lors desquelles ils discutent de leurs méthodes et outils d’intervention, de l’analyse de situations, de la prévention des conflits et des formations à dispenser. L’isolement du recourant, lequel n’apparaissait ni temporaire ni en voie de se résorber, constituait dès lors un obstacle objectif au bon fonctionnement du service. Tel aurait été le cas même dans un environnement de travail n’impliquant pas une collaboration entre les consultants. Un tel contentieux, s’il ne peut être résolu par des moyens raisonnables, telle une médiation externe comme tenté en l’espèce, aboutit en effet nécessairement à une baisse de motivation et donc de qualité des prestations fournies par les membres du service.

La jurisprudence admet que le défaut d’intégration à une équipe et l’impossibilité ou la difficulté de collaboration peut fonder la résiliation des rapports de service, indépendamment des autres qualités professionnelles de l’employé. Il en va de même plus généralement de difficultés relationnelles répétées avec ses collègues ou sa hiérarchie mis en évidence par des entretiens successifs ou des remises à l’ordre.

Le recourant ne peut rien tirer du fait qu’il a été en définitive réengagé par l’intimé à un poste de chargé d’évaluation au sein du H______. Ses compétences théoriques et d’analyse ont toujours été reconnues et ne sont pas en cause. Quand bien même il sera amené à avoir des contacts avec les membres de ce service ainsi que des interlocuteurs externes, il n’interviendra plus dans des établissements scolaires au titre de médiateur, mais dans des institutions spécialisées en qualité de surveillant, ce qui n’appelle pas les mêmes compétences de communication. Il ne travaillera de surcroît plus avec les mêmes collègues.

3.4 L’autorité n’a ainsi pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en considérant, notamment, que la mésentente du recourant avec ses collègues, dont il était à tout le moins en partie responsable et qui a abouti à son isolement de ces dernières, constituait un motif fondé de résiliation des rapports de service.

La décision querellée ne viole pour le surplus aucun principe constitutionnel. Elle respecte en particulier celui de la proportionnalité, dès lors que l’intimé a vainement et sur une longue période tenté de remédier à la situation par des mesures moins incisives, tout d’abord en enjoignant à plusieurs reprises au recourant de revoir son attitude et de suivre des formations, puis en mettant en place une médiation externe.

Au vu de ce constat, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur les prétentions en indemnisation du recourant. Il n’est pas non plus utile d’examiner dans quelle mesure les autres reproches à son encontre, concernant certains objectifs non atteints ou ses critiques du service, constitueraient un motif fondé au sens de l’art. 21 al. 3 LPAC.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2024 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 18 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mathieu GRANGES, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :