Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/84/2025 du 21.01.2025 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1958/2024-AIDSO ATA/84/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 21 janvier 2025 1ère section |
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dans la cause
Hoirie de feue A______, soit
B______, C______, D______ recourante
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES intimé
A. a. A______, née le ______1935, mariée et mère de deux enfants, est décédée le ______ 2024.
b. Elle vivait dans un établissement médico-social (ci-après : EMS) à Genève depuis le 7 novembre 2019.
c. Le 11 décembre 2023, par le biais de sa curatrice, elle a sollicité du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) des prestations financières en matière d’aide sociale. Elle détaillait sa situation personnelle et les raisons de sa demande.
d. Par décision du 8 novembre 2023, le SPC a rejeté la demande. L’intéressée était copropriétaire, avec son époux, d’un bien immobilier situé en Haute-Savoie, occupé par son mari. La valeur fiscale brute du bien s’élevait à EUR 498’388.-.
e. Par décision du 11 janvier 2024, la direction du SPC a rejeté l’opposition formée par A______ contre la décision du 8 novembre 2023.
B. a. Par acte du 9 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) contre la décision du 11 janvier 2024.
Après l’avoir suspendu à la suite du décès de la recourante, la chambre des assurances sociales a, par arrêt du 28 mars 2024, transmis le dossier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raisons de compétence.
b. La curatrice de A______ a indiqué ne plus être en charge du dossier.
c. À la demande de la chambre de céans, la justice de paix a précisé que les héritiers de A______ étaient son époux et ses deux filles.
d. Par courrier recommandé du 20 novembre 2024, la juge déléguée a interpellé les hoirs et le SPC sur la suite à donner à la procédure. Un délai au 10 décembre 2024 leur était accordé pour d’éventuelles observations. Sans nouvelles de leur part, la cause serait gardée à juger en l’état.
e. Le SPC a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.
f. Par courriel du 6 décembre 2024, l’époux a, sous la plume d’un avocat de E______, en France, indiqué qu’il n’avait pas connaissance de cette procédure. Il sollicitait que lui soit transmis l’ensemble du dossier.
g. Les deux filles n’ont pas donné suite au courrier du 20 novembre 2024.
1. Le recours a été interjeté en temps utile et dûment transmis à la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La qualité pour recourir suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. b LPA), intérêt qui doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu ; si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1).
En l’espèce, à la suite du décès de la recourante, il n’existe de prime abord plus d’intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée. La question de savoir s’il existe encore un intérêt pour la période entre la demande de prestations, le 11 décembre 2023, et le décès de l’intéressée le 27 février 2024 souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.
3. L’époux de la recourante a sollicité par courriel une copie du dossier.
3.1 La communication électronique ne s’applique pas à la procédure de recours (art. 18 al. 6 LPA).
3.2 En conséquence, le courriel, comprenant au demeurant un courrier non signé, par l’avocat de l’époux, est sans effet sur la présente procédure.
La cause peut être jugée.
4. Le 1er janvier 2025 sont entrés en vigueur la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04) et son règlement d’application (RASLP - J 4 04.01), abrogeant la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’application (RIASI - J 4 04.01).
La LASLP s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant des prestations prévues par la LIASI (art. 81 al. 1 LASLP).
Les demandes déposées avant le 1er janvier 2025 sont régies par l’ancien droit (ATA/55/2025 du 14 janvier 2025).
5. Si l'Hospice général est le principal organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI), le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale pour certaines personnes, notamment celles en âge AVS, au bénéfice d'une rente AI ou au bénéfice de prestations complémentaires familiales (art. 3 al. 2 LIASI), ce qu'il fait pour le compte de l'hospice (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1041/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2). Lorsque la décision contestée émane du SPC, ce dernier statue sur opposition, décision qui ouvre la voie au recours par-devant la chambre administrative (art. 52 LIASI ; art. 132 LOJ). Cette pratique, bien que non conforme à la lettre de l'art. 51 al. 1 LIASI, qui ne mentionne que l'hospice comme possible auteur de la décision sur opposition, est éprouvée (ATA/823/2021 du 10 août 2021 consid. 1b ; ATA/582/2021 du 1er juin 2021 consid. 1b ; ATA/1347/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d), et le Tribunal fédéral ne l'a jamais censurée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_816/2015 du 22 mars 2016 consid. 3 ; 8C_1041/2012 précité).
6. L’objet du litige porte sur la décision sur opposition de l’intimé refusant l’octroi de l’aide sociale à la recourante en raison d’une fortune supérieure au maximum légal admis.
6.1 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 phr. 2 LIASI). Avec le RIASI, elle concrétise les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE - A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).
6.2 Les prestations d'assistance sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).
6.3 Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la loi (let. c).
Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI).
L'art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions figurant à l'art. 23 al. 3 et 4 LIASI.
Les limites de fortune permettant de bénéficier de prestations d'aide financière sont fixées par règlement du Conseil d'État (art. 23 al. 5 LIASI). L'art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a), de CHF 8'000.- pour un couple et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).
6.4 En l’espèce, feu la recourante était copropriétaire d’un bien immobilier et détenait ainsi une fortune supérieure à CHF 4'000.-. Les conditions pour l’octroi de prestations financières n’étaient dès lors pas remplies (art. 1 al. 1 et 2 LIASI).
Elle ne pouvait pas non plus être mise au bénéfice d’une aide financière exceptionnelle pour les propriétaires d’immeubles, ce dernier ne lui servant pas de demeure permanente (art. 12 al. 2 LIASI). Enfin, vu son décès, il n’apparait pas pertinent de trancher la question de la disponibilité, à l’époque, de la fortune pour la couverture de ses besoins d'entretien s’agissant uniquement d’éventuelles avances (ATF 146 I 1).
Partant, le recours sera rejeté en tant qu’il est recevable.
7. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 9 février 2024 par A______ contre la décision du service des prestations complémentaires du 11 janvier 2024 ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à l’hoirie de feue A______, soit B______, C______ et D______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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