Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/51/2025 du 14.01.2025 ( MARPU ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1700/2024-MARPU ATA/51/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 14 janvier 2025 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat
contre
B______
et
VILLE DE GENÈVE intimées
A. a. Le 23 janvier 2024, la Ville de Genève (ci-après : la Ville) a publié un appel d’offres, en procédure ouverte, portant sur un mandat de surveillance du chantier sis à l’esplanade Alice-Bailly à Genève, proche de la gare des Eaux-Vives
(ci-après : « lot BC »).
Ce lot indivisible était composé de deux parties dont la maîtrise d’ouvrage revenait pour celle en sous-sol à la Ville et pour celle au rez-de-chaussée à la Fondation de la Ville (ci-après : FVGLS). L’attribution du mandat était prévue pour avril 2024, le début de celui-ci étant lié au démarrage des travaux du gros-œuvre planifié dès juillet 2024. Le délai pour la remise des offres était fixé au 6 mars 2024 et celui pour leur ouverture au 11 mars 2024. Des questions écrites pouvaient être posées jusqu’au 16 février 2024.
b. Le cahier des charges précisait différents éléments, notamment les aptitudes et compétences requises des candidats (art. 1), les conditions de participation (art. 3), les critères d’adjudication et leur pondération (art. 4.7) développés dans l’annexe B1, ainsi que les modalités de l’évaluation des offres et la décision d’adjudication (art. 4.8 à 4.14).
Le soumissionnaire devait, à la date d’inscription, être porteur d’un titre dont les compétences étaient reconnues par l’association des entreprises suisses de sécurité (ci-après : VSSU ; art. 1). L’art. 4.7 prévoyait quatre critères d’adjudication et leur pondération, dans l’ordre d’importance décroissant suivant : 1) la qualité économique globale de l’offre (50%), 2) l’organisation du candidat (20%), 3) la compréhension de la problématique (15%) et 4) les références du candidat (15%).
La décision d’adjudication serait sommairement motivée et accompagnée d’un tableau d’analyse multicritères indiquant les résultats de tous les candidats (art. 4.13). Selon l’art. 4.14, dès réception de la décision le concernant, tout candidat n’étant pas adjudicataire pouvait solliciter un entretien avec l’adjudicateur ou son représentant, en vue d’obtenir des éclaircissements sur la manière dont les notes lui avaient été attribuées et sur les appréciations concernant son dossier. Il ne pourrait pas obtenir des informations sur les autres dossiers de candidature et les éléments d’appréciation de ceux-ci. Cet entretien serait organisé de manière à sauvegarder les droits du candidat souhaitant déposer un recours.
c. L’annexe B1, à remplir en tant qu’offre par les soumissionnaires, précisait les exigences attendues (attestations à remettre, caractéristiques du candidat, cahier des charges, documents spécifiques en lien avec chacun des critères d’adjudication). Dans la rubrique « organisation du candidat » (art. 4.2), ladite annexe posait la question de savoir quel effectif global de l’entreprise et d’éventuelles entreprises associées allait être affecté au mandat, quelle était l’organisation générale du soumissionnaire pour ce marché, le nombre de collaborateurs prévus pour le marché avec des indications spécifiques les concernant (formation, date d’engagement, tâches effectuées pour le marché, taux d’occupation pour celui-ci), le poste ou la personne-clef pour le marché (avec CV et diplôme de celle-ci) ainsi que les moyens et l’organisation opérationnelle mise en place pour le marché. Une page entière était prévue pour exposer « la compréhension de la problématique », à savoir expliquer comment le soumissionnaire percevait les prestations à exécuter en mettant en évidence « les difficultés principales et sensibles liées à l’exécution du marché » et la manière dont il entendait les résoudre (art. 4.3). Étaient requises trois références en rapport avec le marché à exécuter, « en termes de complexité et d’importance » ; elles devaient démontrer la capacité, les compétences et l’expérience nécessaires pour ledit marché (art. 4.4).
B. a. Dans le délai imparti, cinq offres, dont celles de A______ et B______ (ci-après : B______), ont été déposées auprès de la Ville.
b. Le 25 avril 2024, les représentants des autorités adjudicatrices et de l’association d’architecte faisant partie du comité d’évaluation annoncé dans le cahier des charges (art. 4.11) ont organisé une séance de clarification avec les deux sociétés précitées reçues séparément. Chacune a fait l’objet d’un procès-verbal, tous deux versés au dossier et repris en tant que de besoin dans la partie en droit.
A______ a, à cette occasion, remis deux documents, à savoir la liste des personnes destinées au chantier et la présentation de l’entreprise. Ladite liste constituait la réponse à la question concernant l’organisation du candidat, l’organigramme remis avec l’offre (annexe 1) ne comportant pas certaines des informations demandées, notamment la formation de base des personnes prévues pour réaliser le mandat, leur date d’engagement dans l’entreprise et les tâches affectées au collaborateur pour le mandat. À la question de savoir si elle était affiliée à la VSSU, A______ a répondu être « en test (en attente affiliation) », ce qui était une réponse négative. B______, représentée entre autres par C______, directeur régional adjoint à Genève, a en revanche répondu positivement à cette même question et n’a pas remis de documents lors de cette audition.
c. Le même jour, le comité a procédé à l’évaluation des offres. Le résultat concernant les deux sociétés précitées a été retranscrit dans un document séparé, puis intégré dans le tableau comparatif des offres joint à la décision d’adjudication exposée ci-après.
d. Par décision du 7 mai 2024, la Ville a attribué le lot précité à B______ pour le montant de CHF 324'373.08, correspondant à la part de 38% (recte : 62%) de la Ville. Les parties d’ouvrage de la FVGLS (38%) feraient l’objet d’une autre adjudication. L’offre de B______ avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation (correspondant au tableau comparatif précité des offres) qui était annexée et faisait partie intégrante de ladite décision. Selon cette grille, A______ était classée en deuxième position avec 400 points, après B______ ayant obtenu 425.78 points.
B______ avait présenté une offre à CHF 511'831.- et obtenu, pour les critères d’adjudication énoncés, la note et les points suivants : 1) « qualité économique » : 4.67 (233.28 points) ; 2) « références » : 4 (60 points) ; 3) « compréhension » : 3.5 (52.50 points) ; 4) « organisation » : 4 (80 points), soit un total de 425.78 points.
A______ avait présenté une offre à CHF 498'638.- et obtenu la note et les points suivants pour les mêmes critères d’adjudication : 1) « qualité économique » : 5 (250 points) ; 2) « références » : 3 (45 points) ; 3) « compréhension » : 3 (45 points) ; 4) « organisation » : 3 (60 points), soit un total de 400 points.
Les offres des trois autres candidates se situaient entre CHF 549'915.- (offre classée en cinquième position avec 377.52 points) et CHF 554'444.90 (offre de D______, classée en quatrième position avec 381.78 points).
C. a. Ne comprenant pas ladite décision, A______ a sollicité de la Ville le procès-verbal d’ouverture des offres ; celle-ci y a répondu par courriel du 13 mai 2024. Le même jour, la société a accusé réception de ce document, qui selon elle ne faisait état que d’éléments en lien avec l’offre tarifaire, et a requis une copie du « procès-verbal global relatif à l’ensemble des critères d’adjudication utilisés dans le processus d’attribution », ne comprenant pas les raisons pour lesquelles elle avait perdu des points alors que son offre était économiquement la plus avantageuse.
b. Le 14 mai 2024, la Ville a renvoyé A______ au tableau comparatif des offres indiquant les notes de tous les critères, sis au verso du courrier reçu.
c. Le lendemain, A______ a indiqué, par retour de courriel, que sa demande portait sur le procès-verbal d’ouverture des offres qui lui permettrait de comprendre les raisons ayant conduit le comité à lui attribuer une note inférieure pour les critères relatifs aux références, à la compréhension et à l’organisation par rapport à l’adjudicataire. Une erreur s’était « potentiellement glissée » dans l’évaluation. Elle ne comprenait pas comment une société créée dix mois auparavant, qui n’était pas inscrite à la « BASPE », se voyait attribuer des notes supérieures aux siennes, alors qu’elle sécurisait des chantiers majeurs depuis 22 ans à Genève.
D. a. Le 21 mai 2024, A______ a recouru contre la décision du 7 mai 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en prenant plusieurs conclusions, notamment l’octroi de l’effet suspensif. Elle a conclu à l’annulation de la décision d’adjudication et au constat de son illicéité ainsi que, principalement, au renvoi du dossier à la Ville pour nouvelle évaluation des offres et, subsidiairement, à l’attribution du lot BC en sa faveur. Elle a requis, à titre préalable et sur mesures superprovisionnelles, la production par la Ville des grilles détaillées de notation.
Sécurisant depuis plus de 20 ans de nombreux chantiers en Suisse et employant 84 agents de sécurité, son offre avait été classée en deuxième position alors qu’elle était la mieux disante et qu’elle figurait sur la liste publiée par la « BASPE », autorité compétente à Genève pour surveiller les sociétés de sécurité, ce qui lui permettait d’engager des agents de sécurité avec une carte d’agent de sécurité. Elle ne comprenait ainsi pas la note de 3 qui lui avait été attribuée pour les critères des références et de l’organisation, ce d’autant moins que sa concurrente D______, qui existait depuis juillet 2023 seulement et ne figurait pas sur ladite liste de la « BASPE », avait obtenu de meilleures notes pour ces deux mêmes critères. Elle avait en outre obtenu la note la plus basse de tous les concurrents en matière d’organisation, alors que son organisation était certifiée « ISO 9001 » comme l’attestait le certificat émis par la E______, valable du 3 juin 2022 au 2 juin 2025. Ces notations « surprenantes » laissaient ainsi penser que les critères autres que le prix n’avaient pas été notés avec objectivité, et ce pour tous les candidats. Les notations sur les critères relatifs aux références et à l’organisation étaient donc arbitraires.
Ses demandes d’éclaircissements étaient restées vaines. Elle n’avait pas eu accès aux grilles détaillées de notation et la décision litigieuse ne comportait aucune explication détaillée sur la notation des critères. Elle ne pouvait pas comprendre la notation appliquée par la Ville s’agissant des autres critères que le prix. Dès lors, son droit d’être entendu avait été violé et la décision litigieuse devait être annulée pour ce seul motif, cette violation ne pouvant pas être réparée sur recours eu égard à la large liberté d’appréciation accordée au pouvoir adjudicateur. Toute la notation devait ainsi être reprise ab ovo.
b. Le 4 juin 2024, la Ville s’est opposée à l’octroi de l’effet suspensif, considérant qu’il existait un intérêt public prépondérant à la conclusion du contrat sur la sécurité du chantier compte tenu du planning des travaux, qui concernaient de nombreux logements et des équipements publics importants, les travaux de maçonnerie allant débuter à mi-juillet 2024. Sur le fond, elle a conclu au rejet du recours.
Selon le cahier des charges, l’organisation était appréciée au regard de l’effectif global de l’entreprise attribué au mandat concerné, de l’effectif global des éventuelles entreprises associées, de l’organisation générale de l’entreprise pour le marché, de la personne-clef pour l’objet du marché (y compris son CV et ses diplômes), du nombre de collaborateurs prévus avec pour chacun l’indication de sa formation, sa date d’engagement, sa tâche pour le mandat et son taux d’occupation dédié à celui-ci, les moyens consacrés à l’exécution du marché et l’organisation opérationnelle mise en place.
Lors de la séance de clarification, à laquelle seules les deux entreprises les mieux disantes avaient été conviées, A______ avait remis des pièces complémentaires relatives à son organisation, notamment la liste des personnes affectées au chantier et la présentation de l’entreprise. Il lui avait été indiqué que son offre ne pouvait être évaluée que sur la base des pièces remises avec son offre. A______ avait déclaré être en phase de test, dans l’attente de son affiliation à l’association VSSU, tandis que B______ avait confirmé y être affiliée.
Les critères d’adjudication avaient été évalués selon le « barème KBOB [Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics] », à savoir : 0 (non évaluable – aucune indication), 1 (critère très mal rempli – indications insuffisantes, incomplètes), 2 (critère mal rempli – indications insuffisantes ne correspondant pas suffisamment au projet), 3 (critère normalement rempli, dans la moyenne – qualité moyenne, correspondant aux exigences de l’appel d’offres), 4 (critère bien rempli – très bonne qualité) et 5 (critère très bien rempli – excellente qualité, offre correspondant très bien aux objectifs visés).
La Ville a ensuite exposé, en détail, les notes attribuées à la recourante. Celle-ci avait obtenu la note de 3 aux critères de l’organisation, de la compréhension de la problématique et des références, pour les motifs repris en tant que de besoin dans la partie en droit. La Ville a également expliqué les notes attribuées pour ces mêmes critères à l’adjudicataire ayant obtenu les notes de 4 (organisation), de 3,5 (compréhension) et de 4 (références). Elle a contesté les allégués de la recourante, soulignant que l’offre de cette dernière n’était pas complète et qu’elle était particulièrement sommaire sur plusieurs critères, de sorte qu’elle avait obtenu la note moyenne de 3. Il n’était en outre pas nécessaire d’avoir au moins trois ans d’existence, comme cela était le cas dans le secteur de la construction. La certification ISO présentée par la recourante n’était pas exigée.
Elle avait respecté le droit d’être entendu des candidates en joignant à la décision d’adjudication le tableau détaillé des notes attribuées à chacune d’elles. La jurisprudence admettait assez largement la réparation d’une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente. Elle a également écarté le grief tiré d’une application arbitraire des critères d’adjudication pour les motifs repris en tant que de besoin dans la partie en droit.
c. B______ a conclu au rejet de la requête de l’octroi de l’effet suspensif, faisant valoir que les chances de succès du recours étaient faibles. Le dossier de l’appel d’offres mentionnant les critères d’adjudication (art. 4.7) et la grille d’évaluation détaillant les notes de chaque soumissionnaire permettaient de comprendre les notes attribuées, qui n’étaient entachées d’aucun arbitraire.
d. Le 21 juin 2024, la recourante a relevé que la violation du droit d’être entendu ne pouvait être réparée devant la chambre administrative, la grille annexée à la décision litigieuse ne permettant pas de comprendre sur quelles bases les notes avaient été attribuées. L’évaluation de l’offre de D______ ne pouvait être écartée, dès lors qu’elle démontrait le caractère arbitraire de la notation, la Ville évitant d’expliquer comment elle avait pu moins bien noter la recourante par rapport à D______ qui existait depuis quelques mois seulement sans disposer de l’agrément de la « BASPE ».
En outre, C______, qui avait signé l’offre de B______, n’était pas habilité à représenter celle-ci, étant précisé que la Ville ne lui avait pas imparti de délai pour corriger ce vice, de sorte que l’offre de B______ aurait dû être écartée. B______ n’avait pas prévu de responsable sur le site, contrairement à elle, qui avait prévu deux responsables dédiés au site.
e. Dans une écriture spontanée du 27 juin 2024, la Ville a relevé qu’il n’était pas pertinent de comparer les notes de D______ avec celles de la recourante, dès lors que si celles de sa concurrente étaient trop élevées, la recourante ne pouvait rien en déduire en sa faveur. Par ailleurs, il était fréquent que des offres soient signées par des personnes au bénéfice d’une procuration ; le fait que B______ appuie la décision de la Ville confirmait que C______ était autorisé à déposer l’offre de B______.
f. Dans une écriture spontanée du 1er juillet 2024, B______ a expliqué que C______ disposait d’une procuration pour les dossiers qu’il traitait. En sa qualité de « commercial », il entrait dans les attributions de celui-ci de rédiger et signer des offres. Ainsi, B______ confirmait que l’offre signée par son employé l’engageait pleinement.
g. Dans un courrier du 5 juillet 2024, la recourante a constaté que le courrier de B______ du 1er juillet 2024 ne comportait aucune annexe.
h. Par décision du 11 juillet 2024, la chambre administrative a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours, ses chances de succès n’apparaissant pas à ce point manifestes compte tenu des circonstances particulières.
i. La Ville a, le 21 août 2024, informé la chambre de céans qu’elle avait conclu, le 15 août 2024, le contrat portant sur les prestations de surveillance du chantier de construction du lot dit « BC » aux Eaux-Vives (CFC 561) avec B______.
j. La recourante a ensuite conclu à ce qu’il soit constaté que la décision d’adjudication du 7 mai 2024 était contraire au droit et à l’octroi d’une indemnité de CHF 8'500.- à titre de dommage, avec intérêts à 5% dès le 7 mai 2024, en sus des frais et d’une indemnité équitable à titre de dépens. Elle a maintenu sa position.
k. La Ville a conclu à ce que les nouvelles conclusions tendant au versement d’une indemnité soient écartées, la recourante n’ayant pas apporté la preuve du dommage subi.
l. La recourante a produit un document intitulé « time-sheet pour appel d’offres » pour un montant total de CHF 8'500.- hors TVA.
m. La Ville s’est ensuite rapportée à justice au sujet des frais engagés pour le cas où le recours devait être admis.
n. Puis, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 et 4 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
La qualité pour agir de la recourante, classée in casu en deuxième position, n’est, à juste titre, pas contestée (art. 60 al. 1 let. a et b LPA cum art. 3 al. 4 L-AIMP ; ATA/1200/2024 du 15 octobre 2024 consid. 1.2). En effet, dans le cadre d'un recours contre une décision d'adjudication, le soumissionnaire évincé dispose d'un intérêt juridique lorsqu'il avait, avant la conclusion du contrat, des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours (ATF 141 II 14 consid. 4.1 et 4.6). Un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour agir en
dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2).
2. L’autorité intimée a produit, outre des explications détaillées dans son écriture du 4 juin 2024, l’offre de l’adjudicataire, le tableau comparatif des offres annexé à la décision litigieuse, les deux procès-verbaux de la séance de clarification du 25 avril 2024 ainsi que les évaluations de la recourante et de l’adjudicataire.
Ces éléments permettent de répondre à la demande de la recourante tendant à obtenir les grilles détaillées de notation, étant précisé que l’offre de preuve doit porter sur les éléments pertinents à l’issue du litige (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/1200/2024 du 15 octobre 2024 consid. 2.1) et que l’autorité adjudicatrice peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 al. 1 RMP). Les explications recueillies au cours d’une audition font l’objet d’un procès-verbal signé par les personnes présentes (art. 40 al. 2 RMP), ce qui a été en l’espèce respecté par l’autorité intimée.
3. La recourante se plaint d’une violation de son droit d'être entendue, au motif que la décision litigieuse, bien qu’accompagnée du tableau comparatif des offres, serait insuffisamment motivée et l’empêcherait de comprendre les raisons pour lesquelles elle a obtenu des notes inférieures à l’adjudicataire pour les trois critères d’adjudication autres que le prix.
3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif,
2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1).
3.2 En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication doivent être sommairement motivées.
Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble des explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 378 n. 799 s. et les références citées).
Dans la phase finale de l'évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur attribue des notes aux offres qui n'ont pas été exclues, au regard de chacun des critères d'adjudication. Ces différentes notes doivent faire l'objet d'une brève motivation, susceptible d'être fournie au soumissionnaire souhaitant des explications plus détaillées au sujet de son éviction ou à l'autorité de recours. L'entité adjudicatrice opère ensuite la synthèse de ces évaluations en les intégrant dans un tableau comparatif, regroupant l'ensemble des offres et les notes retenues auxquelles sont appliqués les facteurs de pondération pour les différents critères (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2d et la référence citée).
Selon la jurisprudence de la chambre administrative, le prix d'adjudication ainsi que la méthode de pondération des critères d’adjudication font partie des éléments nécessaires à la bonne compréhension d'une décision d'adjudication. L'une de ces deux indications doit au moins figurer dans une décision d'adjudication afin que l'autorité adjudicatrice respecte son devoir légal de motivation sommaire (ATA/1192/2021 précité consid. 3).
3.3 La réparation de la violation du droit d'être entendu n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).
Une telle violation est susceptible d’être réparée devant la chambre administrative dans le cadre de la procédure de recours, dans la mesure où le recours a un effet dévolutif complet et lui permet d’examiner librement l’établissement des faits et l’application du droit (art. 61 al. 2 et 67 LPA ; ATA/1200/2024 du 15 octobre 2024 consid. 2.3).
3.4 En l’espèce, l’autorité adjudicatrice a annexé à sa décision la grille d’évaluation des offres qui lui étaient parvenues d’où ressortent les notes attribuées à chaque critère d’évaluation, leur pondération, le nombre de points y étant associés, le total de points obtenus par chaque soumissionnaire et son classement. La Ville a en outre apporté, devant la chambre de céans, des explications complémentaires au sujet des points d’évaluation critiqués par la recourante. À cela s’ajoute que la recourante ne pouvait ignorer la possibilité qu’elle avait de solliciter un entretien avec l’autorité adjudicatrice prévu à l’art. 4.14 du cahier des charges, afin d’obtenir des éclaircissements sur la manière dont les notes avaient été attribuées et sur les appréciations émises sur son dossier. Or, elle n’a pas sollicité un tel entretien mais s’est limitée à demander des procès-verbaux dans ses échanges intervenus entre les 10 et 15 mai 2024 avec la Ville, qui y a donné suite.
Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que la Ville a violé son devoir de motiver la décision litigieuse, étant au surplus précisé qu’elle a interpellé la recourante, ainsi que l’adjudicataire, avant de rendre la décision querellée pour obtenir des clarifications sur certains points détaillés dans les procès-verbaux y relatifs. En particulier, la recourante a été interrogée sur son organisation, l’organigramme remis avec son offre, sous annexe 1, ne comportant pas certaines informations demandées dans l’art. 4.2 de l’annexe B1 devant être rempli par les soumissionnaires. Elle a également été questionnée sur son affiliation à la VSSU, condition d’aptitude explicitement prévue à l’art. 1 du cahier des charges. Par conséquent, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être écarté.
4. La recourante invoque le fait que l’offre de l’adjudicataire a été signée par C______, qui ne serait pas un signataire autorisé faute de figurer dans l’extrait du registre du commerce de cette société.
4.1 L’art. 721 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) prévoit que le conseil d’administration peut nommer des fondés de procuration et d’autres mandataires commerciaux. Selon l’art. 462 al. 1 CO, le mandataire commercial est la personne qui, sans avoir la qualité de fondé de procuration, est chargée de représenter le chef d’une maison de commerce, d’une fabrique ou de quelque autre établissement exploité en la forme commerciale, soit pour toutes les affaires de l’entreprise, soit pour certaines opérations déterminées ; ses pouvoirs s’étendent à tous les actes que comportent habituellement cette entreprise ou ces opérations. Cette notion doit être comprise dans un sens large. Sont donc exclus uniquement les actes de nature extraordinaire ou inhabituelle, tels la conduite de procès, la reprise de dettes et, comme dans le cas des fondés de procuration, l’aliénation d’immeubles. Les pouvoirs du mandataire commercial peuvent soit (i) s’étendre à « toutes les affaires de l’entreprise », soit (ii) concerner seulement « certaines opérations déterminées » (Peter HENRY/Francesca BIRCHLER in Pierre TERCIER/Rita TRIGO TRINDADE/Damiano CANAPA [éd.], Commentaire romand - Code des obligations II, 3e éd., 2024, n. 6 ad art. 721 CO). L’art. 462 al. 2 CO précise que le mandataire commercial ne peut souscrire des engagements de change, emprunter ni plaider, si ce n’est en vertu de pouvoirs exprès. En outre, le mandataire commercial ne peut être inscrit au registre du commercer (ibid., n. 8 ad art. 721 CO).
4.2 C______ pouvait, en l’espèce, en sa qualité de mandataire commercial, signer l’offre de l’adjudicataire, sans être inscrit au registre du commerce. À cela s’ajoute que B______ a, par courrier du 1er juillet 2024, confirmé que ce collaborateur bénéficiait d’une procuration pour les dossiers qu’il traitait et les offres qu’il établissait, précisant que la rédaction et la signature d’offres faisaient partie de ses attributions. Cette position est corroborée par le fait qu’C______ était l’un des trois représentants de B______ lors de la séance de clarification. Il ne fait dès lors aucun doute qu’il était habilité à signer l’offre de cette société, sans qu’il ne soit nécessaire d’exiger la production de ladite procuration dans le cadre de la présente procédure. Au surplus, les arrêts ATA/356/2024 et ATA/947/2016 cités par la recourante ne retiennent pas qu’une offre signée par un employé qui n’y serait pas habilité constituerait, en toute circonstance, un vice qui ne serait pas réparable, l’ATA/356/2024 mentionnant, au contraire, qu’un tel procédé pourrait se heurter à l’interdiction de formalisme excessif.
Par conséquent, le grief tiré de la non-inscription de cet employé au registre du commerce de B______, en tant que personne habilitée à signer au nom de cette dernière, doit être rejeté. L’offre de cette société n’avait donc pas à être écartée pour ce motif par l’autorité adjudicatrice qui a ainsi, à raison, procédé à son évaluation.
5. La recourante considère arbitraire la notation des critères concernant les références et l’organisation, eu égard à ses 20 ans d’activité et à ses solides références parmi des entreprises « de premier plan » actives en matière de construction, surtout en comparaison avec D______ active depuis le 24 juillet 2023 seulement et n’étant pas reconnue par la BASPE, l’autorité de surveillance des agents de sécurité à Genève. Elle critique également la note attribuée à B______ pour le critère de l’organisation, estimant plus adéquate son offre qui proposait deux responsables sur site spécialement dédiés à cette tâche.
5.1 L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP).
5.2 Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP. Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.2).
5.2.1 Le principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 al. 1 RMP). Néanmoins, elle ne saurait par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité ; ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 3.4 et les références citées).
5.2.2 Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l'offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l'appel d'offres. À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu'elle applique la même rigueur ou la même flexibilité à l'égard des différents soumissionnaires (ATA/149/2018 du 20 février 2018 et les références citées). L'appréciation de la chambre administrative ne peut se substituer à celle de l'autorité adjudicatrice, seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 5.3).
5.3 L'art. 57 RMP a une teneur similaire à l’art. 61 al. 1 LPA, selon lequel le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
5.4 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).
Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).
5.5 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d'aptitude et d'adjudication arrêtés dans l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s'y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l'égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S'il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s'il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4 ; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2 ;
B-891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).
5.6 En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). La juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).
5.7 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/148/2021 du 9 février 2021 consid. 7 et l'arrêt cité).
5.8 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu'il a préalablement annoncées. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s'écarte des « règles du jeu » qu'il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4c et les références citées).
Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 6c).
5.9 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante ne remplit pas l’exigence posée à l’art. 1 du cahier des charges, puisqu’elle a indiqué à la séance de clarification du 25 avril 2024, soit après le délai fixé pour le dépôt des offres, être « en test (en attente) » de l’affiliation à la VSSU qui est l’association des entreprises suisses de sécurité. Cela étant, son offre n’a pas d’emblée été écartée mais a été évaluée par l’autorité intimée, à l’aune des critères d’adjudication précisés dans les documents topiques susmentionnés et du dossier qu’elle a fourni dans ledit délai. Eu égard au principe cardinal de la transparence et à celui de l’égalité de traitement en matière de marchés publics, la chambre administrative doit en premier lieu constater que, contrairement à l’adjudicataire, la recourante ne remplit pas la condition d’aptitude posée à l’art. 1 du cahier des charges.
En outre, lors de cette séance du 25 avril 2024 et conformément au procès-verbal y relatif, la recourante a été informée que, s’agissant de l’organisation (art. 4.2 de l’annexe B1), l’organigramme, qu’elle a remis avec son offre sous annexe 1, ne comportait pas certaines informations demandées. Pour répondre aux questions de l’autorité intimée, la recourante a alors remis deux documents non joints à son offre, à savoir la liste des personnes destinées au chantier et la présentation de l’entreprise, mais la Ville lui a indiqué, à raison compte tenu du principe de l’intangibilité des offres, qu’ils ne pourraient pas être pris en compte dans l’évaluation de son offre.
Ainsi, c’est sans arbitraire que la Ville a considéré, comme cela ressort de son écriture du 4 juin 2024 et sur la base des offres remises dans le délai imparti, que l’organigramme général de l’entreprise, fourni par la recourante avec son offre en lien avec le critère 4.2 précité, ne fournissait pas de renseignements sur plusieurs des points qui y étaient mentionnés, notamment, l’indication de la personne clé pour l’objet du marché (y compris CV et diplôme), le nombre de collaborateurs prévus pour le mandat avec pour chacun d’eux leur formation et dates d’engagement, les moyens consacrés pour exécuter le marché et l’organisation opérationnelle mise en place pour répondre aux prestations du cahier des charges. Le fait d’avoir plusieurs années d’expérience dans le domaine ne permettait pas à la recourante de s’épargner de répondre aux questions expressément posées dans le cahier des charges et documents y relatifs alors qu’elle s’était portée candidate à un marché public, compte tenu de l’importance des principes juridiques susmentionnés régissant ce domaine, notamment l’égalité de traitement et l’intangibilité des offres, préservés par le formalisme imprégnant le droit des marchés publics.
Partant, en attribuant la note de 3 à la recourante pour le critère de l’organisation en dépit des informations manquantes et celle de 4 à l’adjudicataire, qui a fourni tous les éléments utiles de manière précise et complète comme cela ressort de son offre, la Ville n’a commis aucun excès ou abus de son pouvoir d’appréciation.
La recourante se prévaut également dans son recours d’avoir de « solides références » parmi des entreprises « de premier plan » actives dans la construction. Or, contrairement aux exigences posées à l’art. 4.4 de l’annexe B1, elle ne détaille pas les trois références indiquées dans son offre, dont l’une est au surplus d’un montant relativement bas (CHF 76'000.- environ) au vu du montant du marché public en jeu. En effet, selon ledit art. 4.4 relatif au critère des références, celles-ci doivent répondre aux caractéristiques suivantes : être en rapport avec le marché à exécuter en termes de complexité et d’importance ; démontrer la capacité, les compétences et l’expérience nécessaires pour le marché à exécuter. Le soumissionnaire bénéficiait de trois pages A4 pour présenter ses trois références. Contrairement à l’adjudicataire qui a détaillé sur deux pages A4 les prestations fournies pour les trois références indiquées, la recourante s’est contentée de remplir les données administratives mais n’a donné aucune information sur la nature précise des activités citées en références hormis le même bref descriptif général suivant « gestion des accès chantiers via work contrôle/livraison/rondes/O-F ». Ainsi, en attribuant la note de 3 à la recourante malgré le caractère lacunaire et incomplet des informations communiquées, et celle de 4 à l’adjudicataire, la Ville n’a pas non plus versé dans l’arbitraire s’agissant de l’évaluation du critère relatif aux références.
Il en va de même s’agissant du critère concernant la compréhension de la problématique, pour lequel la recourante a obtenu la note de 3, compte tenu du caractère sommaire et très peu développé de son offre, par rapport à celle de l’adjudicataire, plus détaillée, et ce alors qu’une page A4 était mise à disposition par l’annexe B1 pour développer ce point.
Enfin, la critique de la recourante concernant le choix du responsable de chantier, qui estime son offre meilleure sur ce point que celle de l’adjudicataire, soulève une question d’appréciation entrant dans le champ de compétence de la seule autorité intimée, et non de la chambre de céans dont le pouvoir d’examen est limité aux faits pertinents et au droit. En effet, ce faisant, la recourante tente de substituer son appréciation à celle de la Ville, étant au surplus précisé qu’elle n’a pas indiqué, dans son offre, toutes les informations sollicitées par les documents de l’appel d’offre.
Dans ces circonstances et vu le classement de D______ en 4ème position avec 381.78 points, loin derrière B______ qui en a obtenu 425.78 et la recourante qui en a recueilli 400.00, on ne voit pas en quoi une appréciation différente de l’évaluation de l’offre de D______ aurait un impact déterminant sur celle de la recourante par rapport à l’issue du litige. De plus, comme l’indique la Ville, la certification ISO n’était pas exigée par les documents de l’appel d’offre. L’argumentation de la recourante sur l’offre de D______ n’est donc pas pertinente pour l’issue du présent litige.
Mal fondé, le recours doit être rejeté.
6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'300.-, tenant compte de la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, B______ n’ayant pas recouru aux services d’un avocat et la ville disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 mai 2024 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 7 mai 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, à B______ Société suisse de sécurité, à la Ville de Genève ainsi qu’à la commission de la concurrence.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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