Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/41/2025 du 14.01.2025 sur JTAPI/837/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2283/2024-PE ATA/41/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 14 janvier 2025 1ère section |
| ||
dans la cause
A______, agissant et son nom et pour le compte de son enfant mineur B______ recourants
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 (JTAPI/837/2024)
A. a. Par décision du 3 juin 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé la caducité de l'autorisation d'établissement de A______ et de son fils B______ à compter du 3 mars 2023.
b. Par acte du 4 juillet 2024, l’intéressée a interjeté recours à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).
c. Par courrier recommandé du 8 juillet 2024, le TAPI lui a imparti un délai échéant le 7 août 2024 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité.
d. Par jugement du 27 août 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.
La demande de paiement de l’avance de frais avait été correctement acheminée par courrier recommandé. Le pli avait été retourné par la Poste avec la mention « non réclamé ». Conformément à la jurisprudence, la demande de paiement de l'avance de frais avait été notifiée de manière régulière le dernier jour du délai de garde, soit le 17 juillet 2024. L’avance de frais n’avait pas été effectuée dans le délai imparti. Pour le surplus, rien ne permettait de retenir que l’intéressée aurait été victime d’un empêchement non fautif de s'acquitter en temps utile du montant réclamé.
B. a. Par acte du 30 septembre 2024, A______, agissant en son nom et pour le compte de B______, a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à la restitution du délai imparti pour le paiement de l'avance de frais.
Elle n'avait pas pu retirer le courrier recommandé du TAPI du 8 juillet 2024 dans la mesure où elle se trouvait à l'étranger, de sorte qu'il avait été retourné par la poste au TAPI avec la mention « non réclamé ». Le 29 juillet 2024, par l'intermédiaire de son conseiller juridique, C______ Sàrl, elle avait contacté le TAPI pour vérifier le statut de son recours. Lors de cet appel, il lui aurait été affirmé qu'aucun recours n'avait été enregistré à son nom. Sur la base de cette information erronée, elle avait supposé qu'aucun suivi n'était nécessaire et n'avait pas payé l'avance de frais dans le délai imparti. Le 16 septembre 2024, la recourante, de retour à Genève, avait pris connaissance du jugement du TAPI querellé.
Elle a produit à cet égard une copie de la facture de téléphonie mobile de C______ Sàrl faisant état d'un appel au 022/388 12 20 (soit la réception du TAPI) le 29 juillet 2024.
Elle a invoqué le principe de la bonne foi et de la "diligence", l'erreur manifeste de l'administration, le principe de proportionnalité et l'art. 93 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
b. L’OCPM et le TAPI ont renoncé à formuler des observations.
c. Le 5 novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai échéant le 7 août 2024.
2.1 En vertu de l’art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).
Aux termes de l’art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (al. 3).
2.2 À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 ouvre toutefois la porte à une certaine marge d’appréciation de la part de l’autorité judiciaire (ATA/1234/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). Ainsi, selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1234/2022 précité consid. 4d et les références citées).
2.3 La décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA).
2.4 La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).
Cette fiction de notification n'est cependant applicable que lorsque la communication d'un acte officiel doit être attendue avec une certaine vraisemblance, ce qui est le cas lorsque l'intéressé est partie à une procédure pendante (ATF 139 IV 228 consid. 1.1).
Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; ATA/23/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3.2 ; ATA/177/2015 du 6 octobre 2015).
2.5 De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2).
2.6 En l'espèce, il n'est pas contesté que le délai de 30 jours, fixé par le TAPI, constitue un délai suffisant, ni que l'avance de frais n'a pas été acquittée.
Le courrier du TAPI du 8 juillet 2024 lui est revenu avec la mention « non réclamé », la recourante ne l’ayant pas retiré avant l'échéance du délai de garde de sept jours. En application de la fiction jurisprudentielle susmentionnée, ce pli recommandé lui a été valablement notifié à l'issue dudit délai de garde, soit dans le cas d'espèce le 17 juillet 2024 comme l'a retenu le jugement querellé.
Par ailleurs, le droit genevois ne prévoit pas d'office l'octroi d'un délai supplémentaire lorsque le versement de l'avance de frais n'est pas effectué dans le délai fixé en vertu de l'art. 86 al. 1 LPA. L'octroi d'un tel délai ne résulte pas non plus d'une pratique constante des juridictions administratives cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4). Le TAPI n'avait en conséquence aucune obligation de lui adresser un nouveau courrier par pli simple (ATA/1234/2022 du 6 décembre 2022 consid. 5 et les références citées).
Dans la mesure où elle a recouru devant le TAPI le 4 juillet 2024, il appartenait à la recourante de prendre toutes les dispositions nécessaires pour être atteinte, conformément à la jurisprudence précitée, pour le cas où elle s’absentait à l'étranger.
Enfin, s'agissant de « son conseiller légal » qui avait contacté le TAPI, si l'existence d'un appel de C______ Sàrl à cette juridiction ressort de la pièce produite, ni le contenu de cette conversation ni même le lien entre celle-ci et la présente cause n'est établi. Il ressort au contraire du dossier du TAPI que la recourante avait agi en personne et n'était représentée par aucun mandataire, de sorte qu'il semble douteux que le tribunal ait fourni le moindre renseignement à C______ Sàrl sur la procédure.
2.7 Par conséquent, la chambre administrative ne peut que constater que l’avance de frais n’ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable, conformément à l’art. 86 al. 2 LPA.
Manifestement mal fondé, le présent recours doit être rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2024 par A______ agissant en son nom et pour le compte de son enfant mineur B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
|
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|
Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
|
Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.