Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1420/2024 du 03.12.2024 sur JTAPI/636/2024 ( PE ) , SANS OBJET
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/938/2024-PE ATA/1420/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 3 décembre 2024 1ère section |
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dans la cause
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS recourant
contre
A______ intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 juin 2024 (JTAPI/636/2024)
A. a. A______, né le ______ 1990, est ressortissant du Liban.
Arrivé en Suisse le 2 janvier 2014, il a bénéficié d’une autorisation de séjour provisoire pour études (permis B) du 28 janvier 2014 au 29 février 2020, puis une autorisation de séjour avec activité lucrative de courte durée (permis L) en vue d’exercer la fonction de maître-assistant en médecine dentaire auprès de la faculté de médecine de l’université de Genève (ci‑après : UNIGE) valable jusqu’au 28 septembre 2021, puis d’une autorisation de séjour avec activité lucrative imputée sur le contingent (permis B) valable jusqu’au 30 septembre 2024.
b. Le 5 avril 2023, A______ a sollicité la délivrance d’une autorisation d’établissement (permis C).
c. Par décision du 16 février 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui délivrer une autorisation d’établissement au motif que les conditions de délivrance d’une telle autorisation à titre anticipé, au sens de l’art. 34 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), n’étaient pas réalisées.
L’intéressé ne séjournait pas en Suisse de manière ininterrompue depuis cinq ans au bénéfice d’une autorisation de séjour durable, étant relevé qu’il était alors titulaire d’une autorisation de séjour avec activité lucrative, dont le renouvellement était soumis à l’approbation du service de la main-d’œuvre étrangère. Cette autorisation, valable jusqu’au 30 septembre 2024, ne présentait donc pas non plus de caractère durable et était dès lors maintenue en l’état.
B. a. Par acte du 16 mars 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) concluant à ce que l’autorité intimée réévalue sa situation et lui délivre l’autorisation sollicitée.
b. En date du 22 avril 2024, l’UNIGE a déposé auprès de l’OCPM une demande de prolongation de l’autorisation de séjour de A______ avec activité lucrative pour une année supplémentaire, soit du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, en qualité de maître-assistant auprès de la faculté de médecine.
c. Par jugement du 25 juin 2024, le TAPI a admis partiellement le recours, a annulé la décision du 16 février 2024 et a renvoyé la cause à l’OCPM.
Au jour de sa demande, le 5 avril 2023, le recourant n’avait pas séjourné en Suisse au moins dix ans au titre d’une autorisation de courte durée ou de séjour, de sorte qu’il ne remplissait pas les conditions de l’art. 34 al. 2 LEI. Il n’avait par ailleurs ni allégué ni offert de prouver que des raisons majeures au sens de l’art. 34 al. 3 LEI justifieraient une autorisation d’établissement.
Il pouvait toutefois prétendre à l’octroi d’une autorisation d’établissement à titre anticipé en application de l’art. 34 al. 4 et al. 5 LEI. Il n’était pas contesté qu’il avait bénéficié d’une autorisation de séjour temporaire pour formation (art. 27 LEI) puis d’une autorisation lucrative de courte durée (permis L). Ces sept années de séjour provisoire ne pouvaient en principe pas être prises en compte dans le calcul des cinq ans de séjour ininterrompu requis par l’art. 34 al. 4 LEI.
Cependant, le caractère durable de son séjour en Suisse était avéré à partir du 13 août 2021, date de la délivrance de sa première autorisation de séjour (permis B) avec prise d’une unité de contingent (arrêt du Tribunal administratif fédéral,
F-7722/2016 du 23 avril 2019).
Au jour du jugement, et depuis le terme de sa formation, le recourant avait ainsi bénéficié d’une autorisation de séjour durable durant plus de deux ans. En application de l’art. 34 al. 5 LEI, ses années de formation (art. 27 LEI) pouvaient donc être comptabilisées et la condition de cinq ans de séjour ininterrompu effectué au bénéfice d’une autorisation de séjour était réalisée (art. 34 al. 4 LEI).
C. a. Par acte du 19 août 2024, l’OCPM a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à la confirmation de sa décision.
La durée de permis conditionné de A______ auprès de l’UNIGE, délivré selon les art. 18 ss, ne devait pas être comptabilisée comme séjour durable au sens de l’art. 34 al. 5 LEI. À l’instar des permis pour études, temporaire et non durable, il n’existait aucun droit à sa délivrance. Comme les cartes de légitimation, temporaires et non durables, son autorisation de séjour était conditionnée à une mission et un employeur déterminés. Elle revêtait les mêmes deux caractéristiques propres à un permis temporaire.
Par ailleurs, la solution retenue par le TAPI impliquait un empiètement, par l’OCPM, de la compétence du secrétariat d’État aux migrations (ci‑après : SEM) et de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), étant rappelé que depuis le 1er février 2023, la compétence d’octroyer des permis C anticipés avait passé aux cantons (suppression de l’art. 34 al. 4 LEI à l’art. 3d de l’ordonnance du département fédéral de justice et police - ci-après : DFJP - relative aux autorisations et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers soumises à la procédure d’approbation du 13 août 2015 ; ordonnance du DFJP concernant l’approbation, OA-DFJP - RS 142.201.1).
b. Après une réponse de A______ concluant au rejet du recours et une réplique de l’OCPM persistant dans ses conclusions, ce dernier a informé la chambre de céans que, par décision du 4 octobre 2024, le service de la main d’œuvre étrangère avait renouvelé l’autorisation de séjour de l’intéressé et avait sorti son dossier de son contrôle. Cela signifiait que l’examen du prochain renouvellement relèverait de la seule compétence de l’OCPM, sans décision préalable du marché du travail. La situation de A______ était ainsi stabilisée. L’OCPM lui avait dès lors délivré un permis d’établissement le 4 octobre 2024. Étant toutefois confronté à de nombreuses situations portant sur le même état de fait, le recours conservait son intérêt.
c. A______ n’ayant pas formulé d’observations dans le délai qui lui avait été octroyé, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours ayant été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, il est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).
2.1 Le juge est appelé à trancher des cas concrets, nécessitant que l’administré ait un intérêt actuel et pratique, comme le prévoit l’art. 60 let. b LPA en cas de recours. Son rôle n’est pas de faire de la doctrine ou de trancher des questions de principe (ATA/293/2016 du 5 avril 2016 consid. 5 et les références citées).
Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée, exigence qui s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 138 II 42 consid. 1) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).
2.2 La chambre administrative est, de par la loi, uniquement autorité de recours, et ne peut rendre des avis juridiques, ni commenter ou expliciter les décisions de l’administration (ATA/557/2024 du 7 mai 2024 consid. 2.2 ; ATA/965/2020 du 29 septembre 2020 consid. 5).
2.3 En l’espèce, le litige portait sur le refus de l’OCPM de délivrer au justiciable une autorisation d’établissement. Celui-ci l’a obtenue par décision du 4 octobre 2024. En conséquence, si au moment du dépôt du recours, le 19 août 2024, il existait un intérêt pratique, pour l’administration, à l’annulation du jugement, tel n’est plus le cas depuis le 4 octobre 2024. Conformément à la loi et à la jurisprudence précitée, la chambre administrative ne peut rendre des avis juridiques, utiles pour d’autres situations similaires en l’absence d’intérêt actuel dans le présent recours.
Celui-ci est dès lors sans objet.
3. En règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours. Il ne sera dès lors pas réclamé d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure, l’intimé n’indiquant pas avoir encouru de frais (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
dit que le recours est devenu sans objet ;
raye la cause du rôle ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à l’office cantonal de la population et des migrations, à A______, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.