Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1112/2024 du 24.09.2024 ( MARPU ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2153/2024-MARPU ATA/1112/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 septembre 2024 |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Mes Lucile BONAZ et Pierre GABUS, avocats
contre
SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE
et
B______ SA intimés
A. a. A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 9 mars 1977, ayant son siège à Satigny, et qui a pour but statutaire notamment la gestion, le traitement et la valorisation de déchets, la collecte et le transport de déchets, le financement, la construction et l’exploitation d’installations de valorisations de déchets, ainsi que toute autre activité analogue. Elle vise un impact sociétal et environnemental positif important dans le cadre de ses activités commerciales et opérationnelles.
b. B______ SA (ci-après : B______) est une société anonyme de droit suisse inscrite au RC depuis le 11 mars 1991, ayant son siège à Vernier, et qui a pour but statutaire la gestion de toutes activités liées au secteur des déchets, notamment les transports de collecte de déchets et l’exploitation de centres de tri et de valorisation.
c. Les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) sont une entreprise de droit public inscrite au RC depuis le 13 novembre 2009, ayant son siège à Vernier, et qui a pour but statutaire notamment de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique ainsi que traiter des déchets.
B. a. Le 17 mai 2023, les SIG ont publié sur le site internet Simap un appel d’offres en procédure ouverte soumise aux traités internationaux pour un marché public de services intitulé « Exploitation et transports des ESREC’s ». Le marché était divisé en trois lots et les offres étaient possibles pour les trois :
- exploitation et transports des espaces de récupération cantonaux (ci-après : ESREC) à Châtillon vers leur exutoire (lot n°1) ;
- exploitation et transports ESREC à La Praille vers leur exutoire (lot n°2) ;
- exploitation et transports ESREC à Chânats vers leur exutoire (lot n°3).
L’appel d’offres a fait l’objet d’une rectification, le 21 juin 2023, uniquement sur le délai de clôture pour le dépôt des offres et sur la date de leur ouverture.
b. A______, B______, C______ SA (ci-après : C______) ainsi que D______ SA (ci-après : D______) ont soumissionné, étant précisé que A______ a soumis son offre uniquement pour le site de La Praille et que l’offre de D______ a été exclue.
c. Par décision du 14 juin 2024, les SIG ont informé A______ que son offre n’avait pas été retenue. Ils avaient adjugé le marché pour La Praille à B______ pour un montant hors TVA de CHF 499'054.22.
Son offre remplissait pleinement les conditions qui lui permettaient d’être adjudicataire selon le règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et elle avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation annexée et qui faisait partie intégrante de la décision.
Selon l’analyse multicritères annexée, le prix offert (critère n°1 pondéré à 40%) par A______ était de CHF 639'784.70 et celui de B______ de CHF 499'054.22. Pour le critère n°2 pondéré à 45% intitulé « Qualité technique et organisation pour l’exécution du marché », A______ avait obtenu une note de 3.13 et 140.85 points (note x pondération). B______ avait reçu la note de 3.59 et 161.55 points. Le critère n°3 concernait les références (pondéré à 10%) et A______ avait reçu une note de 3 (30 points) tout comme B______. Pour le développement durable (critère n°4) (pondéré à 3%), A______ avait été notée 4.25 (12.75 points) et B______ 4 (12 points). Pour le critère n°5 pondéré à 2% intitulé « Organisation du soumissionnaire », A______ et B______ avaient obtenu la même note de 3.50, soit 7 points chacun.
Au classement final, B______ était première avec 402.98 points devant C______ qui avait obtenu 399.03 et A______ avec 370.81 points.
C. a. Par acte déposé au greffe le 26 juin 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant, préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à ce qu'il soit fait interdiction aux SIG de conclure avec B______ le contrat en question. Les SIG, B______ et C______ devaient produire leur offre avec les annexes et plus particulièrement la partie consacrée aux critères nos2 et 5. Principalement, la décision attaquée devait être annulée et le marché devait lui être adjugé.
Après notification de la décision en question, A______ avait demandé à rencontrer les SIG pour comprendre les notations de la grille d’évaluation. Lors de l’entretien du 24 juin 2024, les SIG avaient été incapables de fournir des explications sur la note obtenue pour le critère relatif à l’organisation. Elle ne comprenait pas pourquoi son offre avait été si mal notée, alors qu’elle était la seule à offrir son propre personnel, compétent, qualifié et spécialisé, pour exécuter la prestation. Son droit d’être entendue avait donc été violé.
À défaut d’explications complémentaires des SIG, la motivation de la notation du critère n°2 intitulé « Qualité technique et organisation pour l’exécution du marché » était incompréhensible. Les principes de la transparence et de l’égalité de traitement étaient donc violés. Il était injustifié de donner une meilleure note à B______ et à C______, lesquelles, dans leurs offres, avaient sous‑traité la surveillance du site à des sociétés tierces sans passer par leur propre personnel. Partant, le personnel mis à disposition ne pouvait être qu’un personnel inexpérimenté, polyvalent en matière de surveillance, mais qui n’apparaissait pas adéquat compte tenu de la tâche confiée au personnel en vue de la surveillance et de l’exploitation d’un site de l’ESREC. Les SIG avaient donc violé les principes de la transparence et de l’égalité de traitement.
Dans la mesure où la différence de notation entre B______, C______ et elle-même pour le second critère n’était pas explicable, les SIG devaient motiver leur pondération différenciée et la fonder sur une justification suffisante. Dans le cas contraire, la chambre administrative devait retenir que la décision d’adjudication était arbitraire. En toute hypothèse, force était de constater qu'elle était la seule soumissionnaire à offrir la prestation requise par son personnel propre, compétent et expérimenté en matière de tri et de gestion des déchets. Elle aurait ainsi dû obtenir la note de 3.85 au minimum, voire 4.
b. Le 27 juin 2024, A______ a complété son recours, persistant dans ses conclusions.
Dans le cadre de leur appel d’offres, les SIG avaient transmis aux soumissionnaires le détail des notations appliquées dans le cadre de la prestation à effectuer sur le site de La Praille, et plus particulièrement concernant le gardiennage, le nombre de gardiens et le type de camions utilisés. Ainsi, le soumissionnaire qui mettait à disposition du marché des « Collaborateurs embauchés (min. CDD) » bénéficiant d’un « Apprentissage sur l’ESREC ou Réinsertion » se voyait attribuer la note de 5.
Quant au soumissionnaire souhaitant sous-traiter le service de gardiennage avec des références, il se voyait attribuer la note de 3. Or, elle proposait de mettre à disposition ses propres collaborateurs, engagés par des contrats à durée indéterminée (ci-après : CDI), sans passer par la sous-traitance. Son personnel spécialisé disposait en outre d'une solide expérience en matière de gestion des déchets. Elle aurait ainsi dû obtenir la note de 5 et ses concurrentes la note de 3.
Compte tenu de ces éléments, la note obtenue de 3.13, inférieure à celles de ses concurrentes, était incompréhensible et arbitraire.
Concernant le nombre de gardiens sur le site de La Praille, elle proposait un minimum de trois collaborateurs en continu. Elle devait donc obtenir la note de 4.
Enfin, tout portait à croire que les camions qu'elle avait proposés pour l’exécution du marché étaient conformes aux normes environnementales les plus poussées, et étaient certainement du même type que ceux proposés par ses concurrentes.
Elle a produit des documents de l’appel d’offres, soit la « Notation Cahier de réponses » et le tableau de notation qui serait appliquée par les SIG par rapport au gardiennage des ESRECS, au nombre de gardiens sur place et aux camions utilisés pour l’exécution du marché.
c. Le 2 juillet 2024, les SIG ont demandé la jonction de la présente procédure avec la procédure A/2176/2024 qui concernait C______, laquelle avait formulé une offre pour les trois lots et qui avait également recouru contre la décision d’adjudication. Ils ne s'opposaient pas à l'octroi de l'effet suspensif au recours.
d. Par décision du 11 juillet 2024, la chambre de céans a octroyé l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.
e. Le 22 juillet 2024, les SIG ont conclu au rejet du recours.
Lors de l’entretien du 24 juin 2024, les SIG avaient abordé le manque de détail dans la planification des ressources et la répartition des tâches en rapport avec le marché. L’offre de A______ ne présentait pas assez clairement quel type de collaborateur et quelles compétences seraient en continu sur le site de La Praille. Une erreur de calcul figurait à l’annexe R6 S où n’apparaissaient pas tous les collaborateurs affectés au transport des déchets vers les exutoires, ainsi que le personnel administratif support (logistique de transport, facturation, reporting). Le plan de formation était peu explicite pour les collaborateurs migrants. Concernant le prix, la formule choisie avait permis de minimiser au maximum l’impact de ce critère sur la notation finale, ce qui était à l’avantage de A______ qui avait fourni l’offre la plus chère pour cet ESREC. En réponse à sa question, ils avaient confirmé à A______ avoir tenu compte dans la notation du fait qu’elle proposait dans leur offre du personnel en statut de CDI.
Selon le rapport d’adjudication, tous les soumissionnaires participants disposaient de toutes les informations permettant de connaître les modalités d’évaluation de leur offre par le comité d’évaluation et, lors de l’évaluation par le comité d’évaluation, aucun constat d’un quelconque abus ou excès du pouvoir d’appréciation n’était avéré car les motifs d’évaluation étaient clairs et complets. L’offre de A______ était bien inférieure sur les deux premiers critères, lesquels étaient importants, par rapport aux deux autres, mais elle se démarquait très légèrement sur le plan du développement durable.
f. Le 24 juillet 2024, B______ a conclu au rejet du recours.
Même si la société mettait deux personnes en sous-traitance sur le site, du personnel interne pour les encadrer était affecté. Le dossier de réponse expliquait très clairement les raisons pour lesquelles elle avait privilégié l’emploi de personnel externe ainsi que l’ensemble des formations qui seraient réalisées par ce personnel.
Son organisation était détaillée de manière exhaustive dans son offre. Les qualités de celle-ci avaient conduit les SIG à l’évaluer favorablement par rapport à leurs concurrents sur certains critères mais défavorablement sur d’autres, ce qui démontrait leur impartialité.
g. Le 27 août 2024, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions tout en sollicitant l’audition de l’ensemble du comité d’adjudication et l’audition des parties.
Elle a repris son argumentation s’agissant de la sous-traitance, mettant en exergue qu’elle était la seule des trois soumissionnaires à mettre à disposition sur site son propre personnel.
Contrairement à ce que retenait le rapport d’adjudication concernant la « Planification des ressources (inclus l’annexe R9 S) », le détail de la formation de chaque agent intervenant sur site, de même que la description de la formation continue dispensée aux collaborateurs intervenants ressortaient de son offre.
Selon les documents produits par B______, le personnel sous-traitant devrait suivre une formation. Les SIG n’avaient pas respecté leur notation du critère relatif à la « Qualité technique et organisation pour l’exécution du marché ». Le commentaire négatif du sous-critère concernant la mesure des objectifs était incompréhensible. Les objectifs étant qualifiés de « très bons », elle aurait dû obtenir la note maximale. De plus, la différence de notes entre elle (3.50) et B______ (4) était incompréhensible et arbitraire. Le fait qu'elle offrait, contrairement à B______, une partie de sa flotte en camions électriques aurait dû être mieux pris en considération. La notation du sous-critère intitulé « Flotte des véhicules » était arbitraire. La note de 2.5 pour le sous-critère du « Développement durable » était choquante dans la mesure où elle détenait la « norme B Corp », contrairement à B______. La notation relative à l’annexe R6 S (« Planification des moyens ») était également problématique. Enfin, il n’était pas compréhensible que les deux sociétés obtiennent la note de 3 par rapport à l’annexe R15 S (« Annonce des sous-traitants »), puisque A______ ne sous-traitait pas.
Une note de 3.85 pour le critère de l’« Organisation pour l’exécution du marché » lui aurait suffi pour obtenir un nombre de points suffisants et arriver en tête du classement. Compte tenu des considérations précédentes, la note minimum de 4.14 au lieu de 3.13 aurait dû lui être attribuée.
h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 28 août 2024.
Le contenu des documents pertinents sera détaillé, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d’adjudication concernant le lot relatif à l’exploitation et transports ESREC à La Praille vers leur exutoire.
3. Les SIG sollicitent la jonction de la procédure avec la cause A/2176/2024 qui concernait C______, laquelle avait formulé une offre pour les trois lots et avait également recouru contre la décision d’adjudication.
3.1 Selon l’art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).
3.2 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, il n’y a pas lieu de procéder à une jonction de causes lorsque des procédures portant sur des décisions rendues par la même autorité et prises en vertu des dispositions de la même loi visent un complexe de faits différent ou ne concernent pas les mêmes parties (ATA/557/2021 du 25 mai 2021 consid. 3a ; ATA/92/2016 du 2 février 2016 consid. 3b et les arrêts cités).
3.3 En l’espèce, la présente cause et celle enregistrée sous le numéro A/2176/2024 sont certes les deux en état d’être jugées. Toutefois, même s’il s’agit du même marché public, elles visent un complexe de faits différent sur certains points et soulèvent certaines questions juridiques distinctes, la présente cause abordant notamment l’évaluation de la qualité technique et l’organisation de la recourante, contrairement à la cause A/2176/2024 qui concerne spécifiquement la formule de notation du prix.
Pour ces raisons, il n’y a pas lieu de procéder à la jonction des procédures.
4. La recourante demande la production des offres complètes des deux autres soumissionnaires, ainsi que la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties et l’audition de l’ensemble des membres du comité d’adjudication.
4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
4.2 En l’espèce, les SIG ont produit sur clé USB les offres complètes des deux autres soumissionnaires. Elles n'ont pas été transmises aux parties, le litige pouvant être résolu indépendamment de leur communication à la recourante. L'autorité adjudicatrice a par ailleurs transmis notamment le rapport d’adjudication et le procès-verbal d’ouverture des offres. Les pièces pertinentes dudit rapport ont été communiquées aux parties dont la recourante qui a donc pu en prendre connaissance et connaître notamment les raisons principales du rejet de son offre et les caractéristiques et avantages de celle retenue. Elle s’en est d’ailleurs expliquée et a fait valoir son point de vue à ce sujet dans sa réplique.
L’organisation de la recourante ressort des pièces fournies et plus particulièrement de son appel d’offres complété par ses explications. La même considération vaut pour l’intimée. L’audition de l’ensemble des membres du comité d’adjudication n'apparaît pas nécessaire, leur position étant connue puisqu’elle ressort du rapport produit. Par rapport aux questions juridiques posées par le litige, le dossier apparaît suffisamment complet pour être tranché au fond sans mesures d’instruction complémentaires. La comparution des parties et l’audition de témoins ne seraient donc pas de nature à apporter d’éléments de faits pertinents utiles.
Il n’y a donc pas lieu de procéder aux mesures d’instruction sollicitées par la recourante.
5. La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue aux motifs que, lors de l’entretien du 24 juin 2024, les SIG ont été incapables de lui fournir des explications sur la note relative au critère de son organisation.
5.1 Le droit d’être entendu tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit d’obtenir une décision motivée. Il suffit que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1).
5.2 En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d’adjudication doivent être sommairement motivées. Pour les procédures ouvertes et sélectives, si la décision est notifiée par courrier, elle doit également être publiée selon les exigences figurant à l’art. 52 al. 2 RMP (art. 45 al. 2 RMP ; ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2b et les références citées).
Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble des explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 378 n. 798 s. et les références citées ; ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 2.2).
Dans la phase finale de l’évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur attribue des notes aux offres qui n’ont pas été exclues, au regard de chacun des critères d’adjudication. L’entité adjudicatrice opère ensuite la synthèse de ces évaluations en les intégrant dans un tableau comparatif, regroupant l’ensemble des offres et les notes retenues auxquelles sont appliqués les facteurs de pondération pour les différents critères (Étienne POLTIER, op. cit., p. 329 n. 680 s.).
Selon la jurisprudence de la chambre administrative, le prix d’adjudication ainsi que la méthode de pondération des critères d’adjudication font partie des éléments nécessaires à la bonne compréhension d’une décision d’adjudication. L’une de ces deux indications doit au moins figurer dans une décision d’adjudication afin que l’autorité adjudicatrice respecte son devoir légal de motivation sommaire (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3).
5.3 En l’espèce, la décision d’adjudication indique qui est l’adjudicataire du marché, le montant du marché adjugé et mentionne que le marché a été attribué au soumissionnaire ayant déposé l’offre remplissant pleinement les conditions selon le RMP et jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation annexée. Celle-ci fait partie intégrante de cette décision. Ce tableau récapitule les notes reçues, indique le classement et les points obtenus par chacun des soumissionnaires pour chaque critère.
Le prix d’adjudication et la méthode de pondération des critères d’adjudication figurant ainsi dans la décision d’adjudication querellée, celle-ci satisfait à l’exigence de motivation sommaire qui prévaut dans le domaine des marchés publics.
De plus, la recourante a été reçue par l’adjudicatrice entre le moment de l’adjudication et le dépôt du recours, soit le 24 juin 2024. Cet entretien n’ayant pas fait l’objet d’un compte rendu, il est possible que tous les points n’aient pas été abordés. Néanmoins, au cours de la procédure de recours, le pouvoir adjudicataire a fourni le rapport d’adjudication. Les pièces pertinentes transmises à la recourante par la chambre de céans ainsi que les explications fournies par les intimés ont permis à l’intéressée de connaître notamment les raisons principales de sa notation et celle de sa concurrente. Elle a dès lors pu contester la décision querellée en toute connaissance de cause. Ainsi, même à admettre une éventuelle violation de son droit d’être entendue, celle-ci serait réparée devant la chambre de céans, qui dispose d’un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 57 RMP).
Le grief sera ainsi écarté.
6. La recourante soutient que l’autorité adjudicatrice aurait violé les principes de la transparence et de l’égalité de traitement compte tenu du manque d’explications par rapport à la notation du critère relatif à l’organisation pour l’exécution du marché.
6.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales. (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a, b et d AIMP).
6.2 Le RMP régit la passation des marchés publics en application de l’AIMP (art. 1).
6.3 Au sens du RMP, un marché public a pour objet un contrat entre une autorité adjudicatrice désignée et une entreprise privée ou une personne indépendante, qui vise l’acquisition d’un ouvrage, d’une prestation ou d’un bien mobilier, moyennant le paiement d’un prix (art. 2 let. a).
6.4 Les principes énoncés à l’art. 1 AIMP sont concrétisés aux art. 16 ss RMP. Ainsi, toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (art. 16 al. 1 RMP). Le principe de l’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP). La libre concurrence doit être garantie pour l’obtention des fournitures et des prestations de construction et de services (art. 17 al. 1 RMP).
6.5 L’autorité adjudicatrice définit, de manière formelle et transparente, les limites du marché qu’elle entend adjuger en utilisant des critères ou indices tels que le périmètre, la durée, la portée transversale de l’adjudication ou les motifs organisationnels qui justifient son choix (art. 7A al. 1 RMP).
6.6 L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).
6.7 Les principes de transparence et de non-discrimination constituent des valeurs centrales des marchés publics. L’existence du marché et des conditions qui s’y appliquent doivent être connues des concurrents, et le pouvoir adjudicateur ne peut pas favoriser des concurrents (Étienne POLTIER, op. cit., p. 234). Parmi les principes généraux des marchés publics figurent notamment ceux de non‑discrimination et d’égalité de traitement de chaque soumissionnaire, de concurrence efficace, de respect des conditions de récusation des personnes concernées et de traitement confidentiel des informations (art. 11 AIMP).
6.8 La transparence des procédures de passation des marchés n’est pas un objectif, mais un moyen contribuant à atteindre le but central du droit des marchés publics qui est le fonctionnement d’une concurrence efficace, garanti par l’ouverture des marchés et en vue d’une utilisation rationnelle des deniers publics (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et les références citées).
Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d’assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l’impartialité de la procédure d’adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu’il a préalablement annoncées. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l’autorité (art. 9 Cst.), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s’écarte des « règles du jeu » qu’il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d’une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/167/2024 du 6 février 2024 consid. 4.2.2).
Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 6c). Dans une espèce dans laquelle l’adjudicateur n’avait pas indiqué dans les documents d’appel d’offres qu’une prestation avait préalablement été effectuée en lien avec le marché à adjuger, la chambre de céans a jugé que l’adjudication violait les principes de transparence et d’égalité de traitement. Le fait que le soumissionnaire qui avait réalisé cette prestation n’en retire aucun avantage concurrentiel n’y changeait rien (ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 4c).
6.9 En l’espèce, les documents d’appel d’offres indiquent les critères d’adjudication dans l’ordre d’importance. Le prix avait une pondération de 40%, la qualité technique et l’organisation pour l’exécution du marché valait 45%. Ce critère était divisé en sous-critères, à savoir le cahier de réponses valant 70% (la planification des ressources [annexe R9 S] [35%], la mesure des objectifs [15%], la répartition des tâches [10%], la flotte de véhicules pour le transport des bennes [30%] et le développement durable du marché [10%] et les annexes R6 S, R7 S, R8 S, R11 S, R14 S, R15 S valant 30%). Le critère des références du soumissionnaires (trois au minimum) était pondéré à 10%, le développement durable du soumissionnaire à 3% et l’organisation du soumissionnaire à 2%.
Le barème des notes était également précisé. Il allait de 0 à 5 (0 constituant la plus mauvaise note et 5 la meilleure). La note pouvait être précise jusqu’au centième (par exemple : 3.46), notamment pour le prix. Les SIG n’avaient pas l’obligation de noter les sous-critères.
Il est également indiqué au point 3.6 de l’appel d’offres publié sur la plateforme électronique sur les marchés publics gérée par l’association simap.ch (www.simap.ch) que la sous-traitance est admise selon l’art. 35 RMP.
La recourante ne soutient pas ne pas avoir eu accès à ces informations. Elle se plaint plutôt de la note obtenue au critère relatif à son organisation pour l’exécution du marché. Or, ce point sera traité ci-dessous dans le cadre de l’examen du grief portant sur l’abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice par rapport à la notation de ce critère.
Les griefs sont mal fondés.
7. La recourante se plaint de la note obtenue pour la qualité technique et son organisation pour l’exécution du marché.
7.1 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 al. 2 RMP).
Selon l’art. 43 RMP, l’évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3).
7.2 Le pouvoir adjudicateur dispose d’une grande liberté d’appréciation dans le choix et l’évaluation des critères d’aptitude et d’adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu’il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d’aptitude et d’adjudication arrêtés dans l’appel d’offres ou les documents d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s’y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l’égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S’il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s’il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4 ; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2 ; B‑891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).
7.3 En matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s’agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). La juge doit veiller à ne pas s’immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l’autorité chargée de l’adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).
7.4 L’art. 35 RMP prévoit que les soumissionnaires doivent indiquer, lors de la remise de leur offre, le type et la part des prestations qui sont appelées à être sous‑traitées, ainsi que le nom et le domicile ou le siège de leurs sous-traitants (al. 1). Tout sous-traitant doit satisfaire à l’ensemble des dispositions du RMP, notamment aux art. 20, 21 et 31 à 33 (al. 2). Les soumissionnaires doivent s’assurer, lors du dépôt de leur offre, lors de la conclusion de leur contrat et pendant son exécution, du respect par tous les sous-traitants des dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et des conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d’activité (al. 3). L’autorité adjudicatrice peut exiger au surplus des soumissionnaires qu’ils fournissent, pièces justificatives à l’appui, toutes indications utiles quant aux conditions auxquelles ils envisagent de faire appel à des sous-traitants (al. 4).
7.5 La notion de sous-traitant doit être distinguée de celle de fournisseur. En droit des marchés publics, la distinction entre ces deux notions s’opère sur la base du critère de la proximité avec le marché en question. La notion de « sous-traitant » est applicable à tout tiers impliqué de façon directe dans la réalisation du marché. Le sous-traitant participe directement à l’exécution de la tâche à réaliser en faveur de l’adjudicateur, quand bien même il reste juridiquement lié au seul adjudicataire. Le sous-traitant peut dès lors être considéré comme un « auxiliaire », voire parfois un « substitut » de l’adjudicataire (Martin BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, p. 835, n. 1584). La notion de « fournisseur », au contraire, s’applique à tout acteur économique qui fournit à l’adjudicataire des prestations en amont ou en arrière-plan de la prestation caractéristique du marché. La prestation du fournisseur n’a dès lors pas de lien direct avec la prestation caractéristique. Bien que sa prestation soit en lien avec le marché public confié à l’adjudicataire, le rapport du fournisseur avec l’adjudicataire est plus éloigné que celui du sous‑traitant (Martin BEYELER, op. cit., p. 716, n. 1354). Le fournisseur peut, par exemple, livrer des matières premières, des biens intermédiaires, du matériel ou des services, que l’adjudicataire utilisera pour exécuter la prestation promise à l’adjudicateur (Martin BEYELER, op. cit., p. 835, n. 1584).
Un pouvoir adjudicateur peut en principe librement choisir d’autoriser ou d’exclure le recours à la sous-traitance pour un marché donné. Ce sont principalement le type de marché et la spécificité des prestations à réaliser qui guideront le pouvoir adjudicateur dans son choix. En effet, une interdiction de toute sous-traitance pourrait s’avérer délicate à imposer suivant les domaines, en particulier celui de la construction où la sous-traitance de compétences est souvent nécessaire. Il n’est, de plus, pas envisageable d’exiger la réalisation d’un bâtiment en entreprise générale ou en entreprise totale, en interdisant dans le même temps aux soumissionnaires d’avoir recours à des sous-traitants. Dans les cas où une telle interdiction demeure concevable, notamment lorsque des compétences spécifiques sont attendues de la part du soumissionnaire, l’admission des communautés de soumissionnaires (consortiums) pourra partiellement compenser cette interdiction de la sous-traitance (Guerric RIEDI, Les aspects sociaux des marchés publics, en particulier la protection des travailleurs, 2016, n. 173).
En règle générale, plutôt que d’interdire le recours à la sous-traitance, les pouvoirs adjudicateurs vont limiter la part de sous-traitance admissible dans un marché donné (par exemple : en indiquant que la part de prestations sous-traitées ne devra pas dépasser le 20% de la valeur de l’ensemble des prestations à réaliser) ou définir précisément quelles prestations pourront être sous-traitées. Ainsi, il n’est pas rare de voir le cahier des charges d’un marché d’ingénierie civile en lien avec la réalisation d’un ouvrage d’art, indiquer le pourcentage des prestations qui pourront être sous-traitées par l’ingénieur civil à l’ingénieur-géomètre, à l’architecte et/ou au géotechnicien (Guerric RIEDI, op. cit., n. 175).
7.6 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d’appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/148/2021 du 9 février 2021 consid. 7 et l’arrêt cité).
7.7 En l’espèce, le rapport d’adjudication produit par l’autorité adjudicatrice indique, concernant la planification des ressources (inclus l’annexe R9 S), que la recourante a obtenu la note de 2.75 alors que l’offre de l’adjudicataire a été notée 3.
Dans les commentaires, les SIG retiennent comme point positif, pour les deux sociétés, que les employés sont en nombre suffisant. Toutefois et au contraire de la recourante, la formation des collaborateurs de B______ est importante. Il ressort en effet de l’offre de la recourante que seule la formation du responsable recycleur d’un autre site de l’entreprise est détaillée. Le personnel sur la « dalle » du site de La Praille serait constitué du personnel migrant issu du programme de réinsertion avec un contrat de durée indéterminée, et formé sur le site à Satigny, sous la supervision dudit responsable de l’autre site. La formation des collaborateurs de la « dalle » se limite en outre à la référence aux qualifications de la personne‑clé. Or, B______ explique qu’en complément du CV et des formations du personnel, le personnel titulaire effectuera trois jours dans une autre déchèterie ainsi qu’au centre de tri de B______ à Vernier. En outre, un plan de formation continue sur deux ans serait mis en place visant à développer les compétences et les connaissances du personnel de déchetterie dans le cadre de l’amélioration continue (formation à l’accueil des utilisateurs, sur le contrôle des accès, sur la circulation des véhicules, sur la prévention des accidents et la sécurité, sur les bonnes pratiques environnementales et à l’amélioration continue). Compte tenu de ces éléments, le plan de formation de la recourante, en comparaison avec celui de l’adjudicataire, est effectivement peu explicite pour les collaborateurs migrants, de sorte que le point négatif retenu par les intimés n’apparaît pas constitutif d’un abus de pouvoir d’appréciation.
Comme vu ci-dessus, l’appel d’offres publié par les intimés n’exclut pas la sous‑traitance. B______ était donc en droit d’y avoir recours. Les SIG en ont d’ailleurs tenu compte dans leur notation, puisqu’ils l’ont considérée comme étant un point négatif, en précisant que « l’entreprise sous‑traitée n’a pas de référence solide ». La recourante oublie d’ailleurs que la question de la sous‑traitance n’était pas le seul élément à prendre en compte dans le cadre de la notation de ce sous-critère. En effet, la question du nombre suffisant sur site ainsi que la formation et la formation continue constituent également des éléments à prendre en considération dans le cadre de la note finale de ce sous‑critère. Ainsi, compte tenu de la précision apportée par B______ sur la formation et la formation continue de collaborateurs à déployer sur le site de La Praille telles que détaillées ci-dessus, la différence de notes entre les deux soumissionnaires est justifiée.
7.8 Les SIG ont considéré que les objectifs de la recourante étaient très bons. Ceux de l’adjudicataire étaient clairs et ambitieux. Elles ont obtenu les notes respectives de 3.50 et 4. Un point négatif a été mis en exergue pour la recourante, en ce sens que sa présentation était basée sur les agendas des responsables des SIG, accompagné d’un point d’interrogation. Dans son offre, à la question « comment allez-vous présenter le suivi des objectifs aux SIG », la recourante a répondu « en étant à disposition des personnes responsables des ESRECs des SIG, selon leur agenda ». Si l’on peut comprendre de cette réponse la volonté de la recourante de demeurer à la disposition de l’autorité adjudicatrice pour faire un retour sur le suivi des objectifs, un certain flou demeure sur la méthode de ce retour. En effet, on ignore comment les trois objectifs mis en place (« assurer le meilleur accueil et encadrement à l’égard des usagers », « garantir le meilleur tri possible » et « optimiser les transports de bennes pleines, tout en minimisant les impacts environnementaux ») seront présentés aux SIG et si le suivi fera l’objet d’un rapport, d’une séance de retour ou encore d’une présentation. C’est dans ce sens qu’il convient d’interpréter le point d’interrogation retranscrit au point négatif concernant ce sous‑critère. Compte tenu de ce manque de clarté, il n’apparaît pas que l’autorité adjudicatrice a fait preuve d’un abus de son pouvoir d’appréciation en retenant, dans ce cadre, ce point négatif et en donnant une note de 3.50, soit une note se situant entre « suffisant » et « bon et avantageux ».
7.9 L’autorité adjudicatrice a retenu comme point négatif, concernant la répartition des tâches, « pas d’explication ». L’absence de sous‑traitance a toutefois été considérée comme un point positif. La recourante a donc obtenu la note de 2.50, alors que B______ a obtenu 3 (« répartition répondant au marché »). Comme vu ci‑dessus, la sous-traitance était autorisée dans le cadre de ce marché public. En outre, il apparaît que la recourante fait une mauvaise lecture du point négatif. En effet, ce dernier ne fait pas référence au fait que la recourante ne fait pas recours à de la sous-traitance mais au fait que la répartition des tâches n’est pas explicitée dans son offre. La recourante s’est en effet limitée à indiquer que le responsable recycleur mettra en place le planning, selon les exigences des SIG et le cahier des charges, sans plus d’explications. C’est sur ce point que l’offre de la recourante a été notée négativement et non pas en raison du fait qu’elle n’avait pas apporté d’explications sur la question de l’absence de sous-traitance. La différence de notes obtenues entre les deux soumissionnaires est donc explicable et se justifie.
7.10 B______ a obtenu la note de 4.50 concernant la flotte des véhicules alors que la recourante a eu 4. Le rapport d’adjudication indique que B______ dispose de camions en énergie alternative couplé d’une optimisation annoncée cohérente des transports. La recourante utilisera des véhicules électriques et fonctionnant au biodiesel. Le transport des bennes a été jugé par les SIG comme étant « poussé ». À défaut d’explications de la part des SIG ou résultant des pièces du dossier, la note obtenue par la recourante n’est pas explicable. En effet, selon son offre, la recourante utilise des véhicules électriques et des véhicules répondant à la norme environnementale Euro 5 et Euro 6. Un biocarburant de deuxième génération provenant d’un fournisseur suisse, fabriqué avec des résidus d’huile et graisses végétales usagés collectés auprès de ses clients est utilisé. Elle répond ainsi à la condition des camions en énergie alternative tout comme l’offre de sa concurrente. Les notes auraient ainsi dû être les mêmes entre les deux soumissionnaires. Ainsi, la recourante aurait dû obtenir une note de 4.50 comme sa concurrente et non pas la note de 4. Cela ne modifiera toutefois pas le classement final comme il sera vu ci-dessous.
7.11 La recourante bénéficie de la norme « BeCorp » qui est une certification indiquant qu’une entreprise respecte des normes élevées de performance vérifiée, de responsabilité et de transparence sur des facteurs allant des avantages sociaux des employés et des dons caritatifs aux pratiques de la chaîne d’approvisionnement et aux matériaux d’entrée (https://www.bcorporation.net/en-us/certification/, consulté le 10 septembre 2024). Le pouvoir adjudicateur a retenu cela comme un point positif pour la recourante. Néanmoins, les réponses qu’elle a données dans son offre aux questions « comment les SIG peuvent suivre vos améliorations dans l’aspect social du développement durable? », « comment les SIG peuvent suivre vos améliorations continues dans l’aspect environnement du développement durable », « avec-vous des suggestions pour améliorer l’aspect social du développement durable dans le cadre de ce marché? », « avez-vous des suggestions pour améliorer l’aspect environnemental du développement durable dans le cadre de ce marché? » apparaissent effectivement insuffisantes. À titre d’exemple, la recourante n’a pas formulé de suggestions pour améliorer l’aspect social et environnemental du développement durable. Elle a uniquement précisé qu’elle s’appuierait sur son expérience et son savoir-faire mis en place au quotidien au sein de l’entreprise. Elle aurait toutefois pu prévoir d’organiser des visites pédagogiques ou des événements spécifiques ou encore un affinage dans le cadre du tri. Elle n’a de plus pas détaillé comment elle allait pouvoir suivre ses améliorations continues dans l’aspect environnement du développement durable, se limitant à répondre qu’elle analyserait régulièrement les volumes de déchets dans chaque benne transportée par ses soins. Un audit aurait par exemple pu être mis en place afin de suivre de manière précise les améliorations continues. La note de 2.50, laquelle se situe entre « partiellement suffisant » et « suffisant » selon le barème des notes, n’apparaît ainsi pas être constitutive d’un abus du pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur.
7.12 L’évaluation des annexes R7 S (« méthode de travail pour atteindre les objectifs fixés en matière d’exécution du marché »), R8 S (« répartition des tâches et des responsabilités », R11 S (« mesures proposées en matière de santé et sécurité au travail pour l’exécution du marché »), R14 S (« degré de compréhension du cahier des charges ») ne sont pas contestées. La sous-traitance étant autorisée dans le cadre du marché et annoncée correctement, il se justifie que la recourante et sa concurrente aient obtenu une même note de 3 pour l’annexe R15 (« annonce des sous-traitants »), étant rappelé que B______ a été pénalisée car l’entreprise sous‑traitée n’avait pas de références solides.
7.13 S’agissant de l’annexe R6 S, intitulée « Planification des moyens », les collaborateurs de B______ avaient été annoncés correctement, de sorte qu’une note de 4 avait été attribuée. Selon le rapport d’adjudication, la recourante a commis une erreur de calcul. Elle n’avait en effet pas intégré les chauffeurs pour l’ESREC, ni les postes pour l’administratif. En l’occurrence, l’annexe R6 S de la recourante indique comme « personnes clés » un responsable ESREC du site de La Praille à 50% et deux agents à 100% provenant du personnel migrant issu de son programme de réinsertion. B______ a, quant à elle, fourni un document annexé portant la mention R6 S détaillant précisément les moyens humains déployés, à savoir deux personnes minimums sur le site, quinze minutes avant et après les horaires d’ouverture, un collaborateur de supervision (minimum neuf heures par semaine sur site), un contrôleur qualité sur site, deux personnes de contact unique joignables en tout temps, deux « disponants » pour l’organisation des collectes des déchets, une collaboratrice facturation également en charge des statistiques et au minimum un chauffeur dédié pour réaliser les prestations de collectes. Au vu de cette énumération complète et détaillée des moyens humains ainsi que leur fonction dans le cadre de l’exécution du marché public, la note obtenue par la recourante n’apparaît ni incompréhensible ni arbitraire, étant rappelé qu’en matière d’évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur dispose d’une grande liberté d’appréciation.
Compte tenu de ces éléments, seule la note relative au sous-critère concernant la flotte des véhicules (pondéré à 30%) mérite d’être corrigée. La recourante obtient une note de 4.50 au lieu de 4. Le nombre de point est donc de 1.35 au lieu de 1.20. Elle obtiendrait une note de 2.34 ([0.96 + 0.53 + 0.25 + 1.35 + 0.25] x 70%). La note finale est donc de 3.24 (2.34 + 0.90) au lieu de 3.13 pour le critère relatif à la qualité technique et son organisation pour l’exécution du marché. Le classement final n’en est toutefois pas modifié, puisque la recourante obtient un total de 375.76 (180.21 + 145.80 [au lieu de 140.85] + 30 + 12.75 + 7) au lieu de 370.81. Elle demeure au troisième rang et B______ au premier rang, avec un total de 402.98.
Le grief sera donc également écarté.
Au vu de ce qui précède, les SIG n’ont ni violé la loi ni abusé de leur pouvoir d’appréciation en n’attribuant pas le marché public « exploitation et transports des ESREC’s » pour le site de La Praille à la recourante.
7.14 Au demeurant, il apparaît que le pouvoir adjudicateur n'a pas utilisé la formule annoncée dans l'appel d'offres pour le calcul du prix. En effet, selon ce document, la formule qui aurait dû être appliquée est :
Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (PMoyen – PMin)
PMin = offre la moins chère
POffre = prix de l’offre à noter
PMoyen = moyenne des offres reçues.
Or, même en suivant son argumentation par rapport au critère relatif à la qualité technique et son organisation – obtenant ainsi une note de 4.14 (186.30 points) au lieu de 3.13 (140.85 points) –, la recourante se classerait toujours derrière les deux autres soumissionnaires.
En effet, avec la formule correcte, la recourante obtiendrait une note de 2.83 et un total de points de 113.20.
5 – (CHF 639'754.70 – CHF 411'837.51) / (CHF 516'892.143 – CHF 411'837.51) = 2.83
5 – (CHF 227'917.19 / CHF 105'054.633) = 5 – 2.17 = 2.83
2.83 x 40 = 113.20 points pour le critère du prix.
Avec les points obtenus pour les autres critères non contestés, elle obtiendrait un total de 349.25 points (113.20 + 186.30 + 30 + 12.75 + 7 = 349.25) et se classerait toujours troisième.
Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.
8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, comprenant les frais liés à la procédure sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure aux intimés qui n’y ont pas conclu et n’ont pas fait appel à des mandataires, étant relevé que les SIG disposent de leur propre service juridique (ATA/605/2021 du 8 juin 2021 consid. 14 et les références citées).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2024 par A______ SA contre la décision des Services industriels de Genève du 14 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Mes Lucile BONAZ et Pierre GABUS, avocats de la recourante, aux Services industriels de Genève, à B______ SA ainsi qu’à la commission de la concurrence.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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