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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1307/2023

ATA/991/2024 du 20.08.2024 sur JTAPI/162/2024 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.09.2024, 9C_534/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1307/2023-ICC ATA/991/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par FIDUCIAIRE DUFAUX & MAURY SA

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 février 2024 (JTAPI/162/2024)


EN FAIT

A. a. Selon le registre de l’office cantonal de population et des migrations (OCPM), A______, venant du canton de Vaud, est arrivé à Genève le 1er janvier 2016. Dans la rubrique « profession » de ce registre, il a été inscrit comme une « personne sans activité économique ». Une attestation de séjour (pour les Confédérés) lui a été délivrée le 25 janvier 2016.

b. Jusqu’à fin juin 2016, il a exercé une activité salariée auprès des HUG, tout en étant domicilié dans le canton de Vaud. Le 1er juillet 2016, il a débuté une activité indépendante de médecin à Genève.

c. Par courrier du 26 avril 2017, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC‑GE) a rappelé à A______ qu’il devait remplir sa déclaration fiscale pour l’année 2016 même s’il estimait ne pas être imposable, l’invitant à le faire sans délai.

d. L'AFC-GE a réitéré son invite par courrier recommandé du 31 mai 2017, précisant que si le contribuable n’y répondait pas, il s’exposerait à une taxation d’office et une amende.

Ce courrier est resté sans réponse.

e. Le 22 juin 2017, l'AFC-GE a indiqué à l’intéressé : « Nous avons procédé à l'examen de votre situation et vous informons que nous renonçons à vous assujettir aux impôts genevois pour l'année 2016. Nous tenons à vous signaler que vous continuerez à recevoir chaque année une formule de déclaration d'impôt qu'il conviendra de nous retourner dans le délai fixé et dans laquelle vous devrez nous faire part de toute modification intervenue par rapport à la situation actuelle sur laquelle se fonde la présente ou, à l'inverse, nous confirmer que cette situation ne s'est pas modifiée. L'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt au sens des articles 59 et suivant de la loi de procédure fiscale est réservée ».

À teneur d’un « décompte final » joint à ce courrier, relatif aux « impôts cantonaux et communaux / 2016 » (ICC), le contribuable devait verser à l'AFC-GE uniquement une « taxe personnelle » de CHF 25.-.

f. A______ s’est acquitté de cette taxe.

g. En février 2018, il a déposé auprès de l'administration fiscale vaudoise (ci-après : l'AFC-VD) sa déclaration fiscale 2016, indiquant son revenu d’indépendant réalisé à Genève.

h. Le 7 juin 2018, l'AFC-VD a communiqué à l'AFC-GE une décision de répartition intercantonale des éléments imposables de l’intéressé en 2016, selon laquelle le revenu de son activité indépendante était attribué au canton de Genève.

i. Le 13 juin 2018, l'AFC-VD a taxé le contribuable pour l’année 2016.

j. Le 11 novembre 2022, l'AFC-GE a informé le contribuable de l'ouverture de procédures en rappel et soustraction d'impôts pour la période fiscale 2016. Il avait commencé une activité indépendante à Genève le 1er juillet 2016 et réalisé un bénéfice net de CHF 172'978,80 qu’il n’avait pas déclaré. Ce revenu avait été indiqué dans sa comptabilité qu’il lui avait transmise dans le cadre de sa taxation pour l’année 2017. Il était invité à lui remettre, d’ici au 25 novembre 2022, une déclaration fiscale 2016 dûment remplie, faute de quoi son revenu imposable serait fixé au montant précité et imposé au taux de CHF 248'956,80 (compte tenu de ses autres revenus).

k. Le 23 novembre 2022, A______ a fait valoir n’avoir eu qu'un rattachement économique à Genève en 2016, de sorte qu'il n'était pas tenu d’y déposer une déclaration fiscale, mais tout au plus une copie de celle déposée auprès de l'AFC-VD, qui l’aurait d’ailleurs transmise à l'AFC-GE. Cette dernière connaissait le montant de son revenu 2016, puisqu’elle l’avait indiqué dans son courrier du 11 novembre 2022. De plus, ce revenu avait été indiqué dans sa comptabilité 2017 qu’il lui avait remise pour la taxation de cette année. Dans ces conditions, le droit de taxer la période fiscale 2016 était prescrit et les conditions d’ouverture des procédures en rappel et soustraction d’impôts n'étaient pas réunies.

l. Le 5 décembre 2022, l'AFC-GE a émis un bordereau de rappel des ICC 2016 totalisant CHF 41'956,70 et un bordereau d'amende pour la soustraction de ces impôts, au motif qu'en ne déposant pas sa déclaration fiscale, malgré deux rappels, le contribuable ne lui avait pas permis de déterminer son assiette fiscale. Sa faute était intentionnelle, à tout le moins sous forme de dol éventuel. Compte tenu de l’unicité de sa faute et du fait que ce fût sa première taxation à Genève et qu’il n’était pas un spécialiste en fiscalité, la quotité des amendes était fixée aux trois quarts du montant des impôts soustraits.

m. Dans sa réclamation, l’intéressé a exposé que durant les périodes fiscales 2016 et 2017, il était domicilié dans le canton de Vaud où il avait déposé ses déclarations, tout en étant assujetti de manière limitée à Genève en raison de son activité indépendante.

L'AFC-GE avait été informée des éléments qu’il avait annoncés à l'AFC-VD pour l’année 2016. Pour l’année 2017, il lui avait remis une copie de sa déclaration vaudoise. De bonne foi, le courrier de l'AFC-GE du 22 juin 2017 pouvait être considéré comme une décision de ne pas l’assujettir de manière illimitée à Genève, et non comme une décision de taxation.

Le droit de taxer pour l’année 2016 était prescrit depuis le 22 juillet 2022. À défaut d’une décision de taxation, une procédure de rappel d’impôt ne pouvait plus être introduite. Depuis juin 2018, l'AFC-GE disposait des éléments lui permettant de l’assujettir de manière limitée à Genève et de procéder à sa taxation ordinaire, ce qu’elle n’avait pas fait. Elle ne pouvait corriger sa propre négligence par le biais de la procédure de rappel d’impôt. Ainsi, à défaut d’un fait nouveau, un rappel d’impôt et, par voie de conséquence, une amende étaient exclus.

Subsidiairement, l’élément objectif de la soustraction fiscale n’était pas réalisé dès lors qu’il avait déposé une déclaration complète et exacte dans le canton de Vaud. Dans un tel contexte, aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

Sa faute de ne pas avoir remis à l'AFC-GE une copie de sa déclaration vaudoise avait largement été réparée par la communication de l'AFC-VD de juin 2018. L’amende totale de CHF 37'467.- était sans rapport avec ce manquement, lequel ne pouvait être sanctionné que par une amende de CHF 1'000.- au plus pour avoir violé des règles de la procédure de taxation. Cette sanction semblait également prescrite, dans la mesure où elle pouvait être infligée en 2017.

n. Par décision du 29 mars 2023, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le 25 janvier 2017, elle avait adressé au contribuable une formule de déclaration fiscale 2016 à remplir, puis, faute de réponse, lui avait envoyé deux rappels en 2017, auxquels il n’avait pas non plus donné suite. En le soumettant à la taxe personnelle de CHF 25.-, elle lui avait notifié une décision de taxation fondée sur un assujettissement limité. Par cette décision, elle avait renoncé uniquement à l’assujettissement illimité. Cette taxation était entrée en force.

À la lecture de la déclaration 2017 vaudoise, qui lui avait été remise par A______ le 9 janvier 2019, elle avait constaté qu’il exerçait son activité à Genève depuis le 1er juillet 2016, activité dont il n’avait pas annoncé les revenus. Il ne lui avait pas transmis sa déclaration 2016 vaudoise, malgré son assujettissement limité à Genève en raison de son activité indépendante. Il s’agissait ainsi d’un fait nouveau découvert après sa décision de taxation du 22 juin 2017. La procédure de rappel d'impôt avait ainsi été ouverte valablement dans le délai de dix ans.

Le contribuable ne pouvait pas ignorer devoir déclarer à Genève ses revenus d’indépendant. En ne retournant pas la formule de déclaration 2016, qu’elle lui avait envoyée le 25 janvier 2017, il s’était accommodé d’une taxation insuffisante.

B. a. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision, dont il a demandé l’annulation.

b. L'AFC-GE a conclu à la réduction de la quotité de l’amende de 0,75 à 0,5 fois les impôts soustraits et au rejet du recours pour le surplus.

c. Par jugement du 26 février 2024, le TAPI a admis partiellement le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour l’établissement d’un nouveau bordereau d’amende ICC 2016 au sens des considérants.

A______, qui avait reçu la formule de déclaration 2016 et les deux rappels de l'AFC-GE l’invitant à la remplir, ne l'avait pas fait, alors qu'il exerçait dans le canton de Genève une activité lucrative indépendante depuis le 1er juillet 2016. Il y était assujetti de manière limitée et avait l'obligation d'y déposer sa déclaration 2016, jusqu’à ce que la décision de l'AFC-GE du 22 juin 2017 l’en libère.

Cette décision avait mis fin à la procédure de taxation ordinaire 2016. Celle-ci ne pouvait plus être effectuée que par le biais d’une procédure de rappel d’impôt. Les questions de la prescription du droit à la taxation ordinaire et de l’obligation de l'AFC-GE de procéder par une taxation d’office ne se posaient pas, cette dernière ayant précisément renoncé à ces taxations, parce qu’elle ignorait que A______ exerçait une activité indépendante à Genève. L’existence de l’activité indépendante à Genève depuis le 1er juillet 2016 n’avait été portée à la connaissance de l'AFC-GE qu’en juin 2018, ce qui constituait un fait nouveau. Les conditions objectives d’un rappel d'impôt étaient réunies, à savoir une perte fiscale pour la collectivité et la découverte d’un fait inconnu par le fisc au moment de la taxation.

La transmission d'informations entre cantons ne dispensait pas l’intéressé de ses propres obligations. Il aurait pu se contenter d'envoyer une copie de sa déclaration vaudoise à l’AFC-GE. Il était tenu de déposer en 2017 déjà sa déclaration fiscale 2016 genevoise, sans attendre le dépôt de celle dans le canton de Vaud, en février 2018. On ne pourrait reprocher à l'AFC-GE de ne pas avoir satisfait à ses propres obligations qu'à partir du moment où la décision de répartition intercantonale lui avait été transmise par l'AFC-VD, en juin 2018. Or, le contribuable était tenu de déposer sa déclaration fiscale genevoise bien avant cette date et l'AFC-GE avait eu connaissance de ce fait nouveau après l’entrée en force de la taxation 2016 et avant l’échéance du délai de prescription du rappel d’impôt. Il était regrettable qu’elle ait attendu le mois de novembre 2022 pour entreprendre les procédures en rappel et soustraction d'impôts pour l’année. Le manque de célérité de l'AFC-GE demeurait toutefois sans conséquence, l’intéressé ne l’ayant pas relancée et celle-ci ayant agi avant la prescription des procédures en rappel et soustraction d’impôt.

Le fait de ne pas avoir déposé de déclaration fiscale, de ne pas s'être renseigné sur la question de son assujettissement à Genève et de ne rien avoir entrepris pour clarifier cette question était à tout le moins constitutif d'une négligence, étant au surplus relevé que le fait de se désintéresser des problématiques fiscales et d'avoir recours au service d'une fiduciaire n'était pas de nature à lui permettre de se soustraire à ses responsabilités ou à modifier ce constat. Il existait un lien de causalité entre son omission et la perte fiscale subie par la collectivité.

Enfin, l’AFC-GE ayant acquiescé à une réduction de l’amende à 0,5 des montants soustraits, il convenait d’admettre le recours dans cette faible mesure.

C. a. Par acte expédié le 22 mars 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation.

Selon le droit fédéral, pour satisfaire à son obligation de déposer une déclaration fiscale, il suffisait d’en déposer une dans le canton de domicile. Le droit cantonal ne pouvait modifier cette obligation en exigeant le dépôt de la déclaration fiscale également dans le canton de l’exercice de l’activité indépendante.

Le courrier du 22 juin 2017 ne constituait pas une décision de taxation. La taxe personnelle perçue était sans rapport avec l’ICC. Au 31 décembre 2021, l’AFC-GE avait reçu tous les éléments utiles à la taxation 2016. Or, ces éléments étaient ceux fournis par le recourant en 2018, utilisés pour le rappel d’impôt. La transmission ultérieure de la décision de taxation vaudoise n’était pas pertinente, l’AFC-GE disposant dès 2018 des éléments de taxation décisifs. Faute de disposer d’éléments nouveaux au 31 décembre 2021, le droit de procéder au rappel d’impôt était prescrit.

Subsidiairement, s’il fallait admettre que les conditions d’un rappel d'impôt étaient réunies, l’amende devait être réduite à 1/5 du montant soustrait. Si, certes, il n’avait pas réagi aux sommations de l’AFC-GE de produire une déclaration d’impôts, celle-ci devait se voir reprocher qu’elle l’avait taxé sans procéder à aucune instruction et en tardant à procéder au rappel d'impôt. Par la suite, l’autorité fiscale avait continué à commettre des erreurs, en retenant un rattachement économique au lieu de personnel.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Compte tenu des allégations fluctuantes du recourant sur son domicile et de l’annonce à l’OCPM d’un « faux » départ de Genève, se posait la question du caractère intentionnel de la soustraction d’impôts. L’AFC-GE s’en rapportait à cet égard à justice.

Il était exact que le recourant aurait pu remplir ses obligations fiscales sans déposer une déclaration fiscale genevoise, mais en produisant sa déclaration fiscale vaudoise. Il ne l’avait toutefois pas fait.

c. Dans sa réplique, le recourant a fourni des explications sur son lieu de domicile pour les années fiscales 2021 et 2022. Il répétait qu’il n’y avait pas eu de décision de taxation formelle pour 2016, de sorte qu’il lui était à tort reproché une infraction de soustraction consommée. La « décision » du 22 juin 2017 n’avait aucun effet en matière d’IFD. Enfin, la quotité de l’amende était trop élevée.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste que les conditions du rappel d’impôt soient réalisées.

2.1 Selon l’art. 3 al. 1 let. a et b loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles sont propriétaires ou usufruitières d’une entreprise dans le canton ou y sont intéressées comme associées (let. a) ou lorsqu’elles exploitent un établissement stable dans le canton (let. b).

L’assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité aux parties du revenu et de la fortune ainsi qu’aux gains immobiliers qui sont imposables dans le canton (art. 5 al. 1 LIPP).

2.2 Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 42 al. 1 LHID ; art. 31 al. 1 LPFisc). Il doit ainsi remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète (art. 26 al. 2 LPFisc). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 et 2C_102/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.1).

2.3 L’art. 35 al. 1 LPFisc prévoit que toute personne qui, ayant reçu une formule de déclaration, estime ne pas être soumise à l’impôt dans le canton, comme ne remplissant pas les conditions prévues par la législation fiscale, doit la retourner au département, en exposant les motifs pour lesquels elle estime ne pas être astreinte à l’impôt. Le département statue sur la demande (art. 35 al. 2 LPFisc).

2.4 L’autorité fiscale doit, en vertu de la maxime inquisitoriale, procéder à des investigations supplémentaires lorsqu’il ressort de manière évidente du dossier que les éléments de faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Ne commet pas de négligence grave, l’autorité de taxation qui n’a pas connaissance d’informations à disposition d’un autre secteur de l’administration, sauf s’il est établi que ces informations ont effectivement été communiquées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1225/2012 du 6 juillet 2013 consid. 3.1 et 3.2).

2.5 Il appartient aux autorités de taxation d'établir et tenir à jour le rôle (aussi appelé registre) des contribuables (art. 24 al. 1 LPFisc; art. 122 LIFD) ainsi que d'établir les éléments de fait et de droit permettant une taxation complète et exacte, en collaboration avec le contribuable (art. 25 al. 1 LPFisc ; art. 123 al. 1 LIFD). Selon l'art. 39 al. 2 LHID, les autorités fiscales se communiquent gratuitement toutes informations utiles et s'autorisent réciproquement à consulter leurs dossiers. Lorsqu'il ressort de la déclaration d'impôt d'un contribuable ayant son domicile ou son siège dans le canton qu'il est aussi assujetti à l'impôt dans un autre canton, l'autorité de taxation porte le contenu de sa déclaration et sa taxation à la connaissance des autorités fiscales de l'autre canton.  

En vertu de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur l'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs dans les rapports intercantonaux du 9 mars 2001 (RS 642.141; dans sa teneur en vigueur pour les périodes fiscales litigieuses, cf. RO 2001 1058; ci-après: OLHID), le contribuable assujetti à l'impôt dans plusieurs cantons peut y remplir son obligation de déposer une déclaration d'impôt par la remise d'une copie de la déclaration d'impôt du canton du domicile ou du siège. 

La transmission du contenu de la déclaration du contribuable et de sa taxation par l'autorité de taxation du domicile ou du siège prévue à l'art. 39 al. 2 LHID ne dispense pas la contribuable de ses propres obligations de déclaration. Ainsi, la contribuable assujettie à raison d'un rattachement économique doit respecter les obligations de procédure de taxation prévues par le droit du canton d'assujettissement, mais, comme cela résulte de l'art. 2 al. 2 OLHID, son obligation de déposer la déclaration d'impôt est allégée, dans le sens qu'elle peut être remplie par la remise d'une copie de la déclaration d'impôt de son canton de domicile ou de siège (Conférence suisse des impôts, ch. 23 de la circulaire no 15 relative à la coordination et simplification des procédures de taxation des impôts directs dans les rapports intercantonaux du 31 août 2001 et ch. 22 de la circulaire no 16 relative à l'OLHID du 31 août 2001). 

2.6 Selon l’art. 53 al. 1 LHID, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts. L’art. 59 al. 1 LPFisc a une teneur similaire. Il s’agit d’une réglementation similaire à celle prévue par l’art. 151 LIFD, inapplicable in casu vu que le litige concerne uniquement les ICC, mais dont la jurisprudence s'y rapportant reste pertinente.

2.7 Le rappel d'impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d'impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel. Un motif de rappel d'impôt peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuves qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.3 et 6.1.4).

2.8 Tant l’ancien droit que le nouveau droit, applicable dès le 1er janvier 2017, prévoient que la poursuite pénale pour soustraction d’impôt consommée se prescrit par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 77 al. 1 let. b LPFisc). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité compétente (art. 75) avant l’échéance du délai de prescription (art. 77 al. 2 LPFisc).

Le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (art. 61 al. 1 LPFisc ; art. 53 al. 2 LHID).

2.9 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc). La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 56 LHID et 69 LPFisc est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1.3 ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

2.9.1 Agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).

2.9.2 Lorsque, comme en l'espèce, le contribuable n'a pas transmis de déclaration d'impôt pour la période concernée, alors qu'il était tenu de le faire, l'examen de l'intention revient à se demander si l'intéressé était conscient de son obligation de déposer une déclaration d'impôt, ou s'il pouvait, de bonne foi, considérer qu'il n'était pas tenu de le faire. Si, au vu de la situation du contribuable et des circonstances concrètes, tel n'est pas le cas, il faut admettre que l'intéressé a volontairement cherché à échapper à toute imposition, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 18 juin 2019 consid. 5.4.3 et 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 10.4.1).

3.             En l’espèce, il convient, en premier lieu, de relever que, contrairement à ce que laisse entendre le recourant, que les courriers de rappel de fournir une déclaration fiscale de l’AFC-GE des 26 avril 2017 et 31 mai 2017, envoyés à son adresse genevoise, lui sont bien parvenus, étant observé que le second a été envoyé par pli recommandé. Le recourant ne conteste d’ailleurs pas avoir reçu les deux plis du 22 juin 2017, toujours envoyés à la même adresse, l’informant de la renonciation de l’autorité fiscale de l’assujettir aux ICC genevois pour l’année fiscale 2016.

Le recourant n’ayant pas fourni de déclaration fiscale à l’AFC-GE – peu importe qu’il s’agisse d’une déclaration genevoise ou de l’envoi à celle-ci de sa déclaration vaudoise –, celle-ci a procédé à une appréciation de sa situation fiscale sur la base des éléments dont elle avait alors connaissance, à savoir que l’intéressé avait un statut d’employé et n’était ainsi pas soumis à une taxation à Genève. En l’absence de tout indice de l’exercice d’une activité lucrative indépendante du recourant dans le canton de Genève, elle n’était nullement tenue de procéder à d’autres investigations avant d’apprécier sa situation fiscale. Dans son courrier du 22 juin 2017 l’informant qu’elle renonçait à le taxer pour l’ICC genevois, elle a expressément attiré son attention sur le fait qu’il continuait à être tenu de lui retourner chaque année une déclaration fiscale et de l’informer de toute modification de sa situation fiscale. Ce courrier, que le recourant ne conteste pas avoir reçu, constitue une décision d’assujettissement au sens de l’art. 35 LPFisc.

Or, l’AFC-GE est restée, en tout cas jusqu’au 7 juin 2018 lorsque l’autorité fiscale vaudoise lui a transmis son avis de taxation du recourant, dans l’ignorance du fait qu’à compter du 1er juillet 2016, celui-ci avait exercé une activité indépendante dans le canton de Genève. Cet élément nouveau, jusque-là inconnu de l’autorité intimée, autorisait celle-ci à ouvrir une procédure en rappel d'impôt. L’AFC‑GE n’a ouvert cette procédure que le 11 novembre 2022, lorsqu’elle a invité le recourant à se déterminer sur celle‑ci.

Certes, l’inaction de l’autorité intimée pendant plus de quatre ans est regrettable. Cependant, elle n’a pas eu pour conséquence d’entrainer la prescription de la créance fiscale. En effet, l’avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt a été notifié au recourant le 11 novembre 2022. Le délai de péremption de dix ans des art. 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc a ainsi été respecté. Il en va de même du délai de prescription concernant la soustraction d’impôts, l’AFC-GE ayant rendu un bordereau d’amende pour l’année 2016 le 5 décembre 2022, soit moins de dix ans avant la fin de cette année fiscale.

La procédure de rappel d'impôt n’est donc ni prescrite ni périmée.

3.1 Le contribuable est assujetti à l'ICC genevois en raison d'un rattachement économique dans ce canton depuis le 1er juillet 2016, puisqu'il y exerce l'activité indépendante (art. 4 al. 1 LHID; art. 3 al. 1 let. b LIPP). Il ne conteste pas qu’il n'a pas déposé de déclaration fiscale dans le canton de Genève pour l’année fiscale 2016, malgré les rappels de l’AFC-GE. Comme vu ci-dessus, l’absence de remise à l’AFC-GE d’une déclaration fiscale relative aux revenus d’indépendants réalisés en 2016 à Genève constitue une violation de l’obligation du recourant de signaler des éléments imposables.

Contrairement à ce qu’il fait valoir, il ne pouvait se contenter d’adresser une déclaration fiscale aux autorités vaudoises sans en réserver une copie aux autorités fiscales genevoises. En effet, il résulte des dispositions applicables que la transmission d'informations entre cantons ne dispensait aucunement le contribuable de ses propres obligations. Celles-ci étaient certes allégées, en ce sens que le recourant aurait pu se contenter d'envoyer une copie de sa déclaration vaudoise aux autorités genevoises, mais elles n'étaient pas inexistantes. Elles ne le dispensaient pas de communiquer à l’AFC-GE ses revenus d’indépendant réalisés en 2016.

3.2 Du fait de l’absence d’informations sur les revenus réalisés en tant qu’indépendant en 2016 par le contribuable, celui-ci a échappé à l'imposition dans le canton de Genève pour l’année fiscale 2016. Un montant d'impôt a ainsi été soustrait.

En tant que le recourant se prévaut d’avoir spontanément remis ses comptes 2016 et 2017 à l’AFC-GE en respectivement décembre 2018 et janvier 2019, il convient de relever que ces transmissions ne sont intervenues qu’après le courrier du 22 juin 2017 l’informant qu’il n’était pas assujetti à Genève et après la transmission par l’AFC-VD de sa décision de taxation pour 2016. Le recourant ne peut donc rien déduire en sa faveur des courriers précités.

3.3 Enfin, le recourant avait expressément été invité, par deux fois, par les autorités fiscales genevoises à lui faire parvenir une déclaration fiscale, communications auxquelles il n’a donné aucune suite. Comme relevé ci-avant, il n’était pas dispensé de fournir à l’AFC-GE une déclaration fiscale, fût-ce la copie de celle remise à l’AFC-VD. Il ne pouvait se contenter de se désintéresser de la question de son assujettissement dans le canton de Genève lorsqu’il a commencé à y exercer une activité indépendante. Il ne pouvait, de bonne foi, éprouver aucun doute sur son changement de statut d’employé à celui d’indépendant et devait savoir, au vu de sa formation universitaire, que ce changement de statut était susceptible d’avoir une répercussion sur sa situation fiscale à Genève. Il lui appartenait, à tout le moins, de se renseigner à ce sujet. Enfin, le recourant doit également se voir opposer son absence de collaboration avec l’AFC-GE, n’ayant donné aucune suite aux communications de celle-ci en 2017.

Dans ces circonstances, il doit se voir reprocher d’avoir agi, à tout le moins, par négligence.

3.4 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu’un montant d'impôt a été soustrait en 2016, en violation d'une obligation légale incombant au recourant, que ce dernier a commis une faute et que le lien de causalité entre son comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité est établi. L’AFC-GE a donc, à juste titre, retenu que le recourant avait commis une soustraction d’impôts pour l’année fiscale 2016.

4.             Le recourant conteste nouvellement la quotité de l’amende mise à sa charge.

4.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

4.2 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

4.3 La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

4.4 Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

4.5 En l’espèce, le montant des revenus nets non déclarés est de CHF 172'978.80, soit une somme relativement importante. La faute du recourant, commise à tout le moins par négligence, peut être qualifiée de moyenne, au vu de son absence de collaboration lors dans la procédure de taxation de 2016 et du fait qu’il ne pouvait ignorer, compte tenu de sa formation universitaire, que l’exercice d’une activité indépendante dans le canton de Genève y entraînait son assujettissement fiscal limité. Il a d’ailleurs fait parvenir à l’AFC-GE, pour l’année fiscale 2017, copie de sa déclaration fiscale vaudoise et de ses comptes, ce qui démontre qu’il n’était pas dans l’ignorance de ses obligations fiscales dans le canton de Genève.

L’autorité intimée a retenu une quotité de ¾ du montant des impôts soustraits, avant de réduire à la moitié la quotité devant le TAPI. Compte tenu de l’importance du montant soustrait et de la négligence commise, l'AFC-GE a respecté le cadre légal et n'a nullement fait preuve d'une sévérité excessive en revoyant à 0.5 fois la quotité de l’amende dans le cadre de la présente procédure.

Au vu de ce qui précède, l’amende infligée est justifiée tant dans son principe que dans sa quotité.

Mal fondé, le recours sera rejeté

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Fiduciaire DUFFEY & MAURY SA, mandataire du recourant, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :