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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1458/2024

ATA/914/2024 du 06.08.2024 ( PROF ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ARME(OBJET);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION;REFUS DE STATUER;MOYEN DE DROIT CANTONAL
Normes : Cst.29.al1; LOJ.116.al1; LPA.4.al1; LPA.4.al4; LPA.62.al6; RaLArm.2
Résumé : recours pour déni de justice d'un titulaire d'une patente de commerce d'armes pour armes à feu, lequel souhaitait savoir si la pratique du dépôt-vente était légale et, dans la négative, priait la BASPE de prononcer à son endroit une interdiction de pratiquer le dépôt-vente. L'autorité lui a fourni des renseignements et a refusé de prononcer à son endroit une interdiction de pratiquer le dépôt-vente. Recours irrecevable, dans la mesure où l'intéressé n'avait aucun droit d'obtenir une décision de la part de la BASPE. En effet, d'une part, la réponse de celle-ci n'est qu'un simple renseignement qui ne crée ni droit ni obligation et ne peut donc pas constituer une décision. D'autre part, le recourant n'allègue pas qu'il pratiquerait (déjà) le dépôt vente d'armes ni a fortiori n'indique dans quelles conditions. L'autorité n'a donc pas ouvert de procédure à son encontre, si bien qu'elle n'avait aucune obligation, ni même le droit, de rendre une décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1458/2024-PROF ATA/914/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 août 2024

1e section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

POLICE - BRIGADE DES ARMES, DE LA SÉCURITÉ PRIVÉE ET DES EXPLOSIFS intimée



EN FAIT

A. a. A______ est titulaire d'une patente de commerce d'armes pour armes à feu délivrée le 7 décembre 2015 par le bureau des armes genevois, devenu depuis lors la brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs (ci-après : BASPE), laquelle est rattachée à la direction du support et de la logistique de la police genevoise.

b. Le 31 octobre 2023, A______ a adressé une « demande d'éclaircissement » au BASPE qu'il a réitérée le 22 novembre 2023.

Il envisageait de développer un « business model » basé sur la pratique du dépôt‑vente et souhaitait savoir si celle-ci était toujours légale à Genève. À défaut, la BASPE devait prononcer à son endroit une interdiction de pratiquer le dépôt‑vente sous la forme d'une décision sujette à recours.

c. Le 27 novembre 2023, la BASPE, après avoir obtenu la prise de position de l'office central des armes (ci-après : OCA), rattaché à l'office fédéral de la police (ci-après : Fedpol), a transmis à A______ ladite prise de position.

Selon l'OCA, rien ne s'opposait à la pratique du dépôt-vente, si celle-ci s'effectuait dans le cadre des prescriptions légales. A______ semblait confondre la pratique du dépôt-vente (autorisé) et le défaut d'annonce de l'acquisition d'une arme aux autorités cantonales (illégal).

d. Les 28 novembre et 12 décembre 2023, A______ a fait savoir à la BASPE qu'il restait dans l'attente d'une réponse précise et, dans le cas où la pratique du dépôt-vente ne serait plus légale, d'une décision formelle lui en interdisant la pratique.

e. Par courrier du 19 décembre 2023 adressé à l'intéressé, la BASPE a répété que la pratique du dépôt-vente ne pouvait s'exercer qu'aux conditions fixées par la loi. Il était juridiquement impossible de rendre une décision sujette à recours, dans la mesure où aucun de ses courriers ne créait de droits ni d'obligations. Ils avaient pour seul but de l'informer sur ses droits et obligations.

f. Par courrier du 4 janvier 2024 adressé à la BASPE, A______ a réitéré sa demande.

g. Le 12 janvier 2024, la BASPE a réaffirmé sa position, précisant que tout armurier qui ne respecterait pas les conditions du dépôt-vente d'armes s'exposerait à une dénonciation pénale, sans possibilité de se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité.

h. Les 19 et 23 janvier 2024, A______ a réitéré sa demande d'obtenir une réponse de la BASPE.

i. Le 9 février 2024, la BASPE a indiqué à A______ que sa pratique au sujet du dépôt-vente d'armes exercé à titre professionnel continuerait à se déployer conformément aux explications déjà transmises. Elle ne répondrait plus à de nouvelles sollicitations de sa part.

j. Les 14 février et 12 mars 2024, A______ a invité la BASPE à statuer « sur la question posée ». Par courrier du 4 avril 2024, il l'a mise en demeure de statuer sur sa demande.

B. a. Le 26 avril 2024, A______ a déposé auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) un recours pour déni de justice, concluant notamment à ce que la BASPE soit condamnée à statuer sur sa demande et à ce que des mesures provisionnelles contraignantes soient prononcées jusqu'à ce qu’elle statue.

La prise de position de l'OCA ne pouvait être considérée comme une décision car elle relevait de simples déclarations. Les courriers de la BASPE ne faisaient que s'appuyer sur cette prise de position et ne pouvaient pas non plus être considérés comme des décisions.

Les actions (dénoncer des confrères armuriers) et la position de la BASPE tendaient à la fois à créer une obligation d'annoncer par voie électronique une possession, alors que seule la propriété, au travers d'une acquisition, était visée par les dispositions légales. La BASPE souhaitait faire en sorte que la déclaration électronique supprime la propriété du client déposant et que, si celui-ci devait entretemps renoncer à vendre l'objet, il ne pourrait le récupérer qu'en effectuant un nouveau transfert de propriété avec toutes les démarches administratives et les coûts associés. Il s'agissait d'une décision individuelle et concrète ayant pour objet de créer, modifier ou annuler des droits ou des obligations.

Les principes de sécurité et de prévisibilité du droit avaient été violés et la BASPE avait abusé de son pouvoir d'appréciation.

b. Le TAPI a transmis le recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

c. La BASPE a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

d. Dans sa réplique, A______ a persisté dans son argumentation et ses conclusions et a indiqué qu'une situation était individuelle et concrète lorsque la décision réclamée à l'autorité représentait le dernier échelon avant qu'un individu ne risque de commettre une infraction pénale. Ceci était d'autant plus vrai que sa demande d'éclaircissements faisait suite à une dénonciation de l'autorité à l'encontre de deux de ses confrères incriminant la pratique du dépôt-vente.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Aux termes de l’art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Le règlement d'application de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 21 décembre 1998 (RaLArm - I 2 18.02), applicable au présent cas, ne prévoyant pas la compétence du TAPI pour les décisions fondées, comme en l'espèce, sur le droit fédéral et cantonal en matière d’armes, d’accessoires d’armes et de munitions, c'est à juste titre que le recours a été transmis à la chambre de céans pour raison de compétence
(art. 116 al. 1 LOJ ; art. 2 RaLArm).

1.1 Le recourant se plaint d’un déni de justice.

1.2 Selon l’art. 62 al. 6 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 135 I 6 consid. 2.1).

La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/876/2024 du 23 juillet 2024 consid. 2.3 et l'arrêt cité).

1.3 Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante (ATA/918/2023 du 29 août 2023 consid. 3.2 et l'arrêt cité).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/817/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.2 et les références citées).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’une obligation ; au sens étroit, c’est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’autorité et l’administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l’intéressé, l’astreignant à faire, à s’abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d’une autre manière obligatoire ses rapports avec l’État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2).

1.4 En l'espèce, le recourant a prié la BASPE de lui indiquer si la pratique du dépôt‑vente était toujours légale à Genève. Dans la négative, il lui a demandé de prononcer à son endroit une interdiction de pratiquer le dépôt-vente, sous la forme d'une décision sujette à recours.

La BASPE a fourni un certain nombre de renseignements et a refusé de prononcer à l'endroit du recourant une interdiction de pratiquer le dépôt-vente.

S'il n'est pas contesté que la procédure de mise en demeure a été observée par le recourant, se pose en revanche la question de savoir si ce dernier avait un droit à obtenir une décision de la part de la BASPE.

Pour ce qui a d'abord trait au premier volet de la demande du recourant, ce dernier a sollicité de la BASPE un renseignement général. Dès lors, la réponse de la BASPE, basée sur la prise de position de l'OCA qui découle exclusivement de la lecture de la loi et s'applique de façon égale à un nombre indéterminé de personnes, ne peut également être qu'un simple renseignement qui ne crée ni droit ni obligation pour le recourant, quoiqu'en dise ce dernier. Par conséquent, ce renseignement ne saurait constituer une décision.

Ensuite, ce dernier demande lui-même à être interdit formellement de pratiquer le dépôt-vente « dans le cas où celui-ci serait interdit » alors que l'autorité lui a pourtant expressément indiqué que la pratique était possible sous conditions. Quoiqu'il en soit, s'il apparaît que le prononcé d'une interdiction de pratiquer le dépôt-vente à l'endroit du recourant constituerait sans doute une décision, encore faut-il que l'autorité ouvre au préalable une procédure administrative et qu'elle constate que l'intéressé pratique le dépôt-vente d'armes d'une façon non-conforme aux prescriptions légales. Or, d'une part, l'autorité n'a pas ouvert de procédure et, d'autre part, le recourant n'allègue pas qu'il pratiquerait (déjà) le dépôt-vente d'armes ni a fortiori n'indique dans quelles conditions. Ainsi, et également en l'absence de connaissance de la situation concrète du recourant, l'autorité n'avait aucune obligation, ni même le droit, de rendre une décision.

Le recourant n'avait donc aucun droit à obtenir une décision de la part de la BASPE.

Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du recours. Une telle issue rend superflue l'analyse des griefs au fond soulevés par le recourant, soit la violation des principes de sécurité et prévisibilité du droit ainsi que l'abus du pouvoir d'appréciation.

1.5 Le prononcé du présent arrêt rend également sans objet la requête en mesures provisionnelles, étant au demeurant précisé que le recourant n'a pas indiqué quelles mesures il aurait souhaité obtenir.

2.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 avril 2024 par A______ pour déni de justice ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la police - brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :