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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4095/2023

ATA/642/2024 du 28.05.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4095/2023-FORMA ATA/642/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1945, a déposé le 8 novembre 2023 une demande en ligne pour un chèque annuel de formation (ci-après : CAF) pour la formation « cafetier, restaurateur et hôtelier ». Il a mentionné comme date de début du cours le 4 septembre 2023.

b. Le même jour, le service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) a rejeté la demande de A______, celle-ci ayant déposée tardivement, soit après le début du cours.

B. a. A______ a formé réclamation contre cette décision.

Il n'avait pas bien compris la démarche à effectuer et pensait devoir déposer la demande d'octroi d'un CAF après le paiement de la formation pour être en mesure de présenter un justificatif de paiement. Cette mauvaise compréhension s'expliquait notamment par des événements récents dans sa vie privée. Des décès dans sa famille proche l'avaient contraint de rester au Maroc plus longtemps que prévu, si bien qu'il avait manqué deux jours de formation.

b. Par décision du 23 novembre 2023, le SBPE a rejeté la réclamation.

A______ avait déposé sa demande le 8 novembre 2023, soit après le début de sa formation le 4 septembre 2023. La demande était donc tardive.

C. a. Par acte remis à la poste le 6 décembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

Il a repris sa précédente argumentation et ajouté qu'il s'était inscrit à la formation concernée, bien qu'il ait dépassé l'âge légal de la retraite, pour compléter sa « petite retraite ». Il se trouvait dans une situation difficile puisqu'à défaut de financement, il n'avait pas pu participer à l'examen pour l'obtention de la patente. Un CAF lui permettrait donc de s'inscrire à la prochaine session d'examen et valider la formation qu'il suivait.

b. Le SBPE a conclu au rejet du recours.

c. Le 6 février 2024, A______ a fait savoir qu'il se trouvait au Maroc, à la suite du tremblement de terre de Marrakech, et qu'il pourrait en principe rentrer à Genève après le mois de mars. Il a transmis un courrier de la chancellerie d'État l'informant qu'il avait été l'une des 3'000 personnes tirées au sort pour participer à la rédaction d'un document d'information sur un objet de la votation du 24 novembre 2024.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 17 al. 2 de la loi sur la formation continue des adultes du 18 mai 2000 - LFCA - C 2 08).

1.1 L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA).

1.2 Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/893/2023 du 22 août 2023 consid. 1.1 et l'arrêt cité).

1.3 En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision querellée. Cela étant, il a indiqué comme objet de son mémoire de recours « recours [contre] la décision sur réclamation », précisant qu'il souhaitait « faire valoir son droit de recours ». De plus, bien que n'ayant pas conclu à l'octroi du CAF sollicité, il a exposé que celui-ci lui permettrait de s'inscrire à la prochaine session d'examen. Ces éléments suffisent pour comprendre qu'il est en désaccord avec ladite décision et qu'il souhaite obtenir son annulation et se voir octroyer le CAF sollicité.

Le recours répond ainsi aux exigences de l’art. 65 LPA et est donc recevable.

2.             Le litige porte sur le refus de l'intimé d'allouer au recourant un CAF.

2.1 L'État encourage la formation continue des adultes, notamment par des CAF (art. 3 al. 1 let. b LFCA) dans tous les domaines d'activité. En règle générale, son action est subsidiaire (art. 1 al. 1 LFCA).

2.2 Le CAF est une prestation tarifaire au sens de l’art. 2 al. 2 et 3, et de l’art. 12 let. c de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06 ; art. 9 al. 1 LFCA).

Le CAF correspond au coût de 40 heures de cours de formation continue dispensées à Genève dans tous les domaines d’activité. Des exceptions à ce principe peuvent être prévues par voie réglementaire. Pour les formations qualifiantes, les formations de base, les formations ciblées sur un métier, les formations transversales avec certification, le montant du CAF ne peut être supérieur à CHF 750.-. Pour les formations transversales sans certification, le montant du chèque annuel ne peut être supérieur à 500.- (art. 9A al. 1 LFCA).

2.3 Le SBPE délivre un chèque annuel de formation notamment aux personnes majeures domiciliées et contribuables dans le canton depuis un an au moins au moment de la demande (art. 10 al. 1 let. a LFCA).

2.4 La personne intéressée doit remettre, avant le début du cours, sauf cas de force majeure, la formule de demande CAF, dûment remplie, à l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, à l’un de ses centres ou au SBPE. À défaut, sa demande ne sera pas prise en compte (art. 11 al. 5 LFCA). La demande de CAF doit être déposée électroniquement par le biais du formulaire en ligne ou adressée par écrit au service (art. 26 al. 1 du règlement d’application de la loi sur la formation continue des adultes du 13 décembre 2000 - RFCA - C 2 08.01). Les conditions ainsi que le délai relatif au dépôt de la demande sont fixés à l'art. 11 al. 5 LFCA.

L'art. 11 al. 5 LFCA a repris à l'identique, dès le 1er février 2019, la teneur de l'art. 11 al. 4 LFCA. Cette dernière disposition, entrée en vigueur le 12 mai 2012, a repris l’ancien art. 26 al. 2 RFCA. La chambre administrative avait constaté que, s’il existait une certaine logique à ce que la demande de CAF fût antérieure au début du cours que l’intéressée désirait suivre, ce délai ne résultait que de l’art. 26 al. 2 aRFCA et constituait une condition nouvelle par rapport à la LFCA, dépourvue de toute base légale (ATA/261/2011 du 19 avril 2011 consid. 4b). Lors de la révision partielle de la LFCA, vu cette situation et la volonté de la commission d’évaluation des politiques publiques d’exclure les demandes rétroactives, il avait été décidé de « faire monter » cette disposition dans la LFCA, en ajoutant la réserve des cas de force majeure, permettant d’introduire de la souplesse pour les cas nécessaires. Deux exemples de cas de force majeure avaient alors été donnés : la maladie et l’accident (MGC 2011-2012 VI A 5018).

Les exemples de « cas de force majeure » fournis par les travaux préparatoires sont exemplatifs et témoignent de la volonté du législateur d’interpréter le cas de force majeure de l’art. 11 al. 4 LFCA, devenu l'art. 11 al. 5 LFCA, avec « souplesse pour les cas nécessaires » (ATA/853/2016 du 11 octobre 2016 consid. 5 ; MGC 2011‑2012 VI a 5018).

Tombent sous la notion de cas de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible. La charge de la preuve du cas de force majeure incombe à la partie qui s’en prévaut (ATA/394/2024 du 19 mars 2024 consid. 2.4 et les arrêts cités).

2.5 Dans un arrêt de 2023 portant sur un cas similaire, la chambre administrative a considéré que le fait pour l'intéressé d’avoir pris connaissance de l’existence du CAF après le commencement de la formation ne constituait pas un cas de force majeure. Cet élément démontrait pour le surplus que la décision de l'intéressé de suivre la formation ne dépendait pas de l’octroi ou non d’une bourse. Enfin, n’était pas non plus un cas de force majeure le fait que l'intéressé se trouvait dans une situation financière difficile. Il s’agissait là de conditions de revenu définies aux al. 1 à 4 de l’art. 11 LFCA (ATA/1362/2023 du 19 décembre 2023 consid. 2.5).

2.6 En l'espèce, le recourant admet avoir déposé sa demande après le début de sa formation. Il ne remplit dès lors pas la condition d’octroi de l’art. 11 al. 5 LFCA.

Il n'allègue aucun motif pouvant constituer un cas de force majeure. Il n'expose pas qu’il aurait été empêché d'effectuer sa demande avant le début de ses cours le 4 septembre 2023, ne précisant en particulier pas la date du début de son séjour au Maroc et de son absence de Genève. De toute façon, il ne soutient pas qu'il n'aurait pas pu déposer la demande depuis ce pays.

Le fait pour le recourant de n'avoir pas bien compris qu'il devait déposer sa demande avant le début de sa formation ne constitue pas un empêchement dû à la force majeure, quand bien même il a été confronté à des événements douloureux dans son cadre familial. Cet élément démontre pour le surplus que la décision du recourant de suivre la formation ne dépendait pas de l’octroi ou non d’une bourse.

Enfin, comme l'a récemment retenu la chambre administrative (ATA/1362/2023 précité consid. 2.5), n’est pas non plus un cas de force majeure le fait que le recourant se trouve dans une situation financière difficile. Il s’agit là de conditions de revenu définies aux al. 1 à 4 de l’art. 11 LFCA.

En tant que de besoin, il sera précisé que le document transmis par le recourant le 6 février 2024, par lequel la chancellerie d'État l'a informé qu'il avait été l'une des 3'000 personnes tirées au sort pour participer à la rédaction d'un document d'information sur un objet de la votation du 24 novembre 2024, est manifestement exorbitant à l'objet du présent litige. L'intéressé n'explique pas d'ailleurs en quoi il serait pertinent. Il n'en sera dès lors pas tenu compte.

La condition de la remise de la demande d'un CAF avant le début du cours au sens de l'art. 11 al. 5 LFCA n'étant pas réalisée, c'est de manière conforme au droit que le SBPE a refusé de donner suite à celle du recourant. Le recours, mal fondé, sera en conséquence rejeté.

3.             Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il n’y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure au SBPE, qui n'a à juste titre pris aucune conclusion en ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2023 par A______ contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 23 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :