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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/18/2024

ATA/420/2024 du 26.03.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/18/2024-FORMA ATA/420/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. A______ a été immatriculée pour l’année académique 2020-2021 au baccalauréat en relations internationales (ci-après : BARI) dispensé par le Global Studies Institut (ci-après : GSI) de l’Université de Genève

b. Après deux semestres, elle a réussi la première partie du BARI en obtenant 60 crédits ECTS et une moyenne de 4.86.

c. Elle a choisi comme deuxième partie du BARI l’orientation « histoire internationale ». À la fin de l’année académique, elle a obtenu 72 crédits.

d. Avec l’accord du GSI, elle a été admise en mobilité auprès de l’Université hébraïque de Jérusalem pour le semestre de printemps 2023. Le plan d’études de mobilité prévoyait 15 crédits HUJI, 1 crédit HUJI équivalent à 1.66 crédits ETCS. En cas de réussite, le module mobilité était validé et comptait 24 crédits ETCS.

e. En parallèle aux enseignements choisis et validés, l’étudiante s’est inscrite au cours « modern standard arabic – advanced », équivalent en cas de réussite à 12 crédits HUJI.

f. À l’issue du séjour de mobilité, l’étudiante n’a obtenu que 6 crédits HUJI sur les 15 requis pour le module mobilité.

g. Lors de la session de mai-juin 2023, A______ n’a réussi qu’un examen (« histoire transnationale des XIX-XXI siècles »). Lors de la session extraordinaire d’examens d’août-septembre 2023, elle a échoué aux examens « comprendre la construction européenne » et « multilatéralisme et organisations internationales », obtenu la note 1 pour chacun de ces examens et ne s’est pas présentée aux autres examens.

Elle n’a ainsi obtenu au terme des deux semestres de l’année académique 2022‑2023 que trois crédits.

h. Par décision du 15 septembre 2023, elle a été éliminée du cursus, au motif que le nombre de crédits exigé n’avait pas été atteint.

i. Dans son opposition à cette décision, elle n’a pas contesté les notes obtenues ni l’insuffisance des crédits. Elle a fait valoir que le travail relatif aux cours de langue arabe l’avait contrainte à délaisser les cours prévus dans le cadre du séjour mobilité. Elle avait obtenu 18 crédits HUJI hors du module mobilité. Elle était partie de l’idée qu’elle pourrait rattraper les crédits BARI nécessaires au cours de l’année académique 2023-2024. Elle s’engageait à obtenir les 45 crédits manquant durant l’année académique à venir.

j. Au cours de la procédure d’opposition, le GSI a requis le relevé final des examens passés à l’Université hébraïque de Jérusalem. L’étudiante a répondu qu’elle n’avait pas soumis les travaux finaux des cours « reporting news in conflict zones, training and practice » (2 crédits HUJI), « comparative territorial politics » (2 crédits HUJI), « terrorism and counter-terrorism in global media age » (3 crédits HUJI) et « dialogue, naratives, identities and conflict resolution » (2 crédits HUJI), mais pourrait obtenir 7 crédits supplémentaires si elle soumettait ces travaux, avant le 14 décembre 2023, dans les trois premières branches précitées.

k. Dans la décision rejetant l’opposition le 14 décembre 2023, le directeur du GSI a considéré qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’Université du 22 juin 2011 (ci-après : statut). En outre, les notes évoquées par l’étudiante dans son opposition n’avaient pas été validées auprès de l’université étrangère avant la fin de l’année académique 2022-2023.

l. Le 17 décembre 2023, le père de A______ a sollicité la reconsidération de la décision précitée. Sa fille avait logé dans une zone sujette à de fortes tensions, notamment des attaques terroristes sur le check-point voisin, des attentats et une présence militaire et policière importante. Ces éléments avaient eu un impact sur l’état psychologique de sa fille.

m. Aucune suite n’a été donnée par le GSI à ce courrier.

B. a. Par acte expédié le 3 janvier 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision sur opposition.

Elle s’était installée à Jérusalem dans un quartier proche de l’université, dans le « secteur jaune », soit un quartier considéré comme apaisé. Elle s’était rapidement rendue compte que tel n’était pas le cas. Le check-point situé à 200 m était régulièrement le théâtre de combats entre soldats israéliens et palestiniens. Il n’y avait pas un état de guerre, mais cela s’en rapprochait pour elle. Elle n’avait pas pu trouver un autre logement. Elle sentait une tension constante. Elle avait développé une très forte anxiété, qui avaient entraîné de difficultés de sommeil et idées noires. Son état psychologique s’était détériorée. Trop fière pour entreprendre une quelconque thérapie, elle était restée à Jérusalem sans pouvoir rendre à temps ses travaux écrits.

Elle contestait la décision, car elle n’avait pas pu s’expliquer oralement devant la commission, ce qui ne lui avait pas permis de révéler son état psychologique. Elle avait toujours eu de bons résultats et était passionnée par ses études. Elle s’était retrouvée en grande difficulté dans le contexte tendu du conflit israélo-palestinien, ce qui avait rendu difficile pour elle la vie à Jérusalem.

b. L’Université a conclu au rejet du recours.

L’insuffisance des crédits obtenus à l’issue de la session d’août-septembre 2023 justifiait la décision d’élimination du BARI. Les arguments de la recourante revenaient à plaider l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’Université. Or, l’étudiante avait passé avec succès trois examens durant sa mobilité, dont celui de langue arabe. Elle n’étayait pas son état psychologique et n’en avait jamais fait état auparavant.

c. Dans sa réplique, la recourante s’est étonnée du ton de la réponse. Elle avait beaucoup insisté pour intégrer une langue étrangère dans son cursus universitaire. L’absence d’une telle exigence dans le cursus proposé par le GSI – contrairement au cursus proposé par d’autres universités – constituait un désavantage sur le marché du travail. Elle avait, en parallèle au BARI, étudié en autodidacte l’allemand, l’espagnol et l’anglais et obtenu un excellent niveau.

Elle est revenue sur les tensions et actes de violence qui avaient eu lieu à Jérusalem durant son séjour et les difficultés de changer de logement. Elle étudiait désormais l’arabe au Caire où il n’y avait pas la tension vécue à Jérusalem.

La médecine, la psychiatrie et les anxiolytiques ne lui auraient pas apporté un réel soulagement, car ils ne pouvaient pas changer la réalité, angoissante, du pays. Ayant été autorisée à continuer ses études durant la procédure d’opposition, elle avait entretemps obtenu 11 crédits HUJI, ce qui équivalait à 18,26 crédits ETCS. Ainsi, elle aurait pu demander à valider les crédits manquants en s’inscrivant encore à des cours à option.

Elle demandait à être réadmise au GSI, que son semestre de mobilité soit validé et qu’elle puisse terminer les 27 crédits ETCS manquant au semestre d’automne 2024.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante se plaint en premier lieu du fait qu’elle n’a pas été entendue oralement durant la procédure d’opposition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante n’a pas sollicité son audition dans le cadre de la procédure d’opposition. Elle ne peut ainsi se plaindre de l’absence d’audition. Par ailleurs et comme exposé ci-avant, le droit constitutionnel d’être entendue n’implique pas une audition orale.

Le grief sera donc écarté.

3.             La recourante ne conteste pas ne pas avoir acquis le nombre de crédits requis. Les arguments qu’elle avance vise à obtenir une dérogation fondée sur des circonstances exceptionnelles, telles que celles qu’elle a rencontrées durant son séjour mobilité.

3.1 L'art. 58 al. 4 du statut prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

L'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/427/2022 du 26 avril 2022 consid. 3b ; ATA/281/2021 du 3 mars 2021 consid. 3b).

3.2 Ont ainsi été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/281/2021 ibidem ; ATA/459/2020 du 7 mai 2020 consid. 5b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b et les références citées).

3.3 Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/128/2023 du 7 février 2023 consid. 2.2.1 ; ATA/345/2020 du 7 avril 2020 consid. 7b).

3.4 En l'espèce, il convient d'examiner si des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut justifient d’autoriser la recourante à pouvoir réintégrer le BARI.

La recourante s’est prévalue de l’angoisse dans laquelle s’est déroulé son séjour à Jérusalem et les difficultés de sommeil et de concentration qui en étaient découlées. Or, d’une part, ces explications sont nouvelles, la recourante ayant dans la procédure d’opposition expliqué avoir favorisé ses études de la langue arabe. D’autre part, dans la mesure où elle a, avec succès, suivi l’enseignement de la langue arabe durant son séjour mobilité, il apparaît que, contrairement à ses explications nouvelles, les tensions notoires existant à Jérusalem ne l’ont pas empêchée de se consacrer avec succès aux branches – qui ne faisaient pas partie du module mobilité – qu’elle avait choisies. En outre, elle n’a nullement documenté ses difficultés psychiques.

Par ailleurs, la recourante, bien que confrontée aux tensions liées à la situation politique à Jérusalem, n’a à aucun moment fait état des difficultés qu’elle allègue avoir éprouvées. Elle s’est en particulier présentée aux examens de mai-juin 2023 et à la session extraordinaire d’août-septembre 2023, alors qu’elle expose dans son recours avoir été affectée pendant tout le semestre d’été par un sentiment d’angoisse. Elle a néanmoins accepté de se présenter aux examens dans cet état, de sorte qu’elle ne peut s’en prévaloir a posteriori, notamment qu’au stade du recours devant la chambre administrative.

Dans ces circonstances, c’est sans violer le droit ni abuser de son pouvoir d’appréciation que l’intimée a refusé d’admettre l’existence de circonstances exceptionnelles et confirmé la décision d’élimination de la recourante du GSI.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui n’indique pas être exonérée des taxes universitaires (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Plaidant en personne et succombant, elle ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 janvier 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 14 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :